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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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1 janvier 2015 4 01 /01 /janvier /2015 21:32


Ah ! On va encore dire : Uranopole râle sur tout et n’importe quoi ! Jamais content !

 

Même le nouvel an ne lui plaît pas, alors que tout le monde se réjouit de l’an neuf dans le monde, de Shangaï où 35 personnes ont été écrasées suite à un mouvement de foule provoqué par un publicitaire imbécile (un pléonasme ?) qui a jeté des faux billets de dollars sur la tête des gens, à Bruxelles où le nouveau maïeur, Yvan Mayeur, accompagné de sa patronne, l’ancienne vice-première ministre socialiste, Laurette Onkelinx, n’a rien trouvé de mieux que de faire éclater un feu d’artifice en plein centre de la ville qui aurait pu faire cramer une partie de la belle cité, capitale de l’Europe, sans compter les Lituaniens qui vont très vite connaître les charmes de la monnaie unique européenne.

 

Le site « surréaliste » « dormirajamais » a redécouvert un texte d’un râleur de talent, Antonio Gramsci, qui a pondu un réquisitoire contre le nouvel an. Il n’aime pas cette échéance régulière qu’on a fixée au 1er janvier du calendrier grégorien qui marque conventionnellement le début d’une nouvelle révolution de la Terre autour du Soleil. Les Juifs, les Musulmans, les Chinois et bien d’autres peuples ont déterminé un autre jour. Et ils ont en plus compliqué le schmilblick, car ils mêlent le mouvement de la Lune à la fixation de la date de la nouvelle année.

 

Gramsci a raison parce que le mouvement naturel de la Terre est continu, mais les impératifs commerciaux, religieux et administratifs exigent une date fixe. Alors, il faut obéir. Vous n’y pensez pas ! Pourriez-vous vivre sans budget annuel, sans office religieux à un moment déterminé, sans papiers à échéances ?

 

En effet, comme l’écrit Gramsci, chaque jour on pourrait faire les comptes avec soi-même. « Chaque date devient un obstacle qui empêche de voir le déroulement continu de l’histoire

 

En définitive, c’est la guerre entre la variable continue et la variable discrète. Et c’est cette dernière qui l’a emporté jusqu’à présent, au détriment du cours naturel des choses.

 

Allons ! Bonne année, malgré tout !

 

Pierre Verhas

Antonio Gramsci préfère le continu au discontinu.

Antonio Gramsci préfère le continu au discontinu.

Chaque matin, à me réveiller encore sous la voûte céleste, je sens que c’est pour moi la nouvelle année. C’est pourquoi je hais ces nouvel an à échéance fixe qui font de la vie et de l’esprit humain une entreprise commerciale avec ses entrées et sorties en bonne et due forme, son bilan et son budget pour l’exercice à venir. Ils font perdre le sens de la continuité de la vie et de l’esprit. On finit par croire sérieusement que d’une année à l’autre existe une solution de continuité et que commence une nouvelle histoire, on fait des résolutions et l’on regrette ses erreurs etc. etc.

 

C’est un travers des dates en général. On dit que la chronologie est l’ossature de l’Histoire ; on peut l’admettre. Mais il faut admettre aussi qu’il y a quatre ou cinq dates fondamentales que toute personne bien élevée conserve fichée dans un coin de son cerveau et qui ont joué de vilains tours à l’Histoire. Elles aussi sont des nouvel an. Le nouvel an de l’Histoire romaine, ou du Moyen Âge, ou de l’Époque moderne.

 

Et elles sont devenues tellement envahissantes et fossilisantes que nous nous surprenons nous-mêmes à penser quelquefois que la vie en Italie a commencé en 752, et que 1490 ou 1492 sont comme des montagnes que l’humanité a franchies d’un seul coup en se retrouvant dans un nouveau monde, en entrant dans une nouvelle vie.

 

Ainsi la date devient un obstacle, un parapet qui empêche de voir que l’histoire continue de se dérouler avec la même ligne fondamentale et inchangée, sans arrêts brusques, comme lorsque au cinéma la pellicule se déchire et laisse place à un intervalle de lumière éblouissante. Voilà pourquoi je déteste le nouvel an. Je veux que chaque matin soit pour moi une année nouvelle.

 

Chaque jour je veux faire les comptes avec moi-même, et me renouveler chaque jour. Aucun jour prévu pour le repos. Les pauses je les choisis moi-même, quand je me sens ivre de vie intense et que je veux faire un plongeon dans l’animalité pour en retirer une vigueur nouvelle. Pas de ronds-de-cuir spirituels. Chaque heure de ma vie je la voudrais neuve, fût-ce en la rattachant à celles déjà parcourues. Pas de jour de jubilation aux rimes obligées collectives, à partager avec des étrangers qui ne m’intéressent pas. Parce qu’ont jubilé les grands-parents de nos grands parents etc., nous devrions nous aussi ressentir le besoin de la jubilation. Tout cela est écœurant.

 

(Antonio Gramsci, 1er janvier 1916 sur l’Avanti !, édition de Turin, rubrique « Sotto la Mole ») Traduit par Olivier Favier.

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