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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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5 juillet 2015 7 05 /07 /juillet /2015 14:13

 

Les urnes sont ouvertes sur l’ensemble du territoire grec. Nul ne peut dire avant ce soir si la résistance ou la peur l’emportera.

 

C’est le moment, en ces quelques heures d’attente, de récapituler, de passer en revue les événements depuis la victoire de Syriza le 25 janvier dernier.

 

Ne disposant pas de la majorité absolue, Tsipras forme assez vite une coalition avec un parti souverainiste de droite. Beaucoup lui reprochent de ne pas s’être allié avec le centre-gauche.

 

On n’a pas compris que le centre-gauche était prêt à céder au consortium appelé Troïka, ce qui aurait déforcé Tsipras et Varoufakis dans les négociations. L’objectif numéro un était d’en finir avec cette Troïka et de négocier avec les institutions européennes (Conseil, Commission, Eurogroupe) de la question de la dette et non avec un consortium de créanciers qui interviennent directement dans la décision politique en Grèce.

 

En cela, c’est un échec de Tsipras. La Troïka a été remplacée par le « groupe de Bruxelles », pure fiction grammaticale et le FMI, en la personne de sa directrice générale, Christine Lagarde, était invitée aux négociations.

 

Un changement profond est intervenu au sein des institutions européennes. Le nouveau président de la Commission, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, quasi inamovible Premier ministre du Grand Duché, ayant organisé ce paradis fiscal en « refuge » efficace pour les transnationales, ancien président de l’Eurogroupe, n’est certainement pas la personne idéale à ce poste. Beaucoup d’observateurs à droite comme à gauche l’ont fait remarquer. « Le Premier ministre d’un paradis fiscal, président de l’Europe ! C’est déconcertant ! » Ce sont les paroles que j’ai entendues d’Alain-Gérard Slama, écrivain, chroniqueur au Figaro.

 

Une de ses premières actions a été d’étouffer l’affaire « Lux-leaks » qui aurait pu être gênante pour le frais émoulu Président de la Commission européenne.

 

A la veille des élections grecques, il a osé déclarer : « J’espère que nous retrouverons nos amis, lundi prochain ! ».

 

Tsipras n’était pas encore élu qu’il savait très bien à qui il aura affaire.

 

Les Européens ont trahi leur promesse.

 

Le 4 février, la Banque Centrale Européenne (BCE) décide de priver les banques grecques de l’un de leurs canaux de financement auprès d’elle, en suspendant un régime de « faveur » dont elles bénéficiaient jusqu’alors. Il s’agit donc d’une intervention purement politique de Mario Draghi, ancien de Goldman Sachs.

 

C’est la première phase de l’offensive.

 

La phase suivante se déroulera dans des négociations où la Grèce se trouva seule face à 27 Etats européens, le FMI et la BCE. Et, grâce à l’exceptionnelle personnalité d’Alexis Tsipras et de Yanis Varoufakis, les Grecs tinrent bon. Car, enfin, quel était l’enjeu ?

 

L’économiste Thomas Piketty l’explique dans le « Monde » daté de dimanche 5 et lundi 6 juillet : « En 2012, ils [les Européens] avaient promis une restructuration [de la dette] aux Grecs dès qu’ils dégageraient un excédent primaire, c’est-à-dire un excédent budgétaire hors service de la dette [en langage courant : les recettes publiques sont supérieures aux dépenses compte non tenu du remboursement de la dette]. On y est depuis fin 2014, mais les Européens ont trahi leur promesse. »

 

Le 20 février, l’Eurogroupe prolonge le plan d’aide se montant à 7,2 milliards d’Euros, tout en le conditionnant à une série de réformes ultralibérales (coupes dans les retraites, hausse de la TVA, etc.). La date butoir est le 30 juin, date à laquelle la Grèce doit rembourser 1,6 milliards d’Euros au FMI. Tsipras et Varoufakis cèdent sur certains points, mais fixent ce qu’ils appellent les « lignes rouges ».

 

Les « créanciers » vont chaque fois intervenir lorsqu’une proposition est déposée au Parlement grec, comme par exemple l’aide humanitaire suite à l’appauvrissement majeur consécutif de l’austérité imposée depuis des années.

 

Jusqu’en juin, les réunions se multiplient, mais sans aucun résultat probant. La partie grecque fait plusieurs fois des propositions qui sont systématiquement rejetées.

 

Le 18 juin, il faut bien constater l’échec des négociations.

 

Le 25 juin, un plan est proposé par les Européens et prend un caractère solennel puisqu’il est publié au Journal Officiel de l’Union européenne.

 

Le lendemain 26 juin, suite au refus des Grecs, des amendements plus avantageux sont proposés, mais c’est le FMI qui s’y oppose. Dès lors, c’est le blocage.

 

Dans la nuit du 26 au 27 juin, Alexis Tsipras annonce au peuple grec le référendum qui est approuvé par le Parlement grec dans la nuit du 27 au 28 juin par 178 voix sur 300. Notons que les 17 députés nazis d’Aube dorée ont rejoint la majorité, mais leur apport, tout aussi gênant qu’il fût, n’était pas nécessaire. Néanmoins, leur rôle ambigu est pour le moins gênant et présage des troubles à l’avenir.

 

Le lundi 29 juin, la BCE ne bloque pas l’apport de liquidités aux banques grecques. Cependant, pour éviter la fuite des capitaux, le ministre des Finances Varoufakis décrète la fermeture des banques et n’autorise qu’un retrait quotidien de 60 Euros par personne.

 

Le 30 juin, la Grèce ne rembourse pas la tranche due au FMI. L’Eurogroupe suspend l’aide à la Grèce.

 

Les médias grecs pour la plupart entre les mains des financiers, ainsi que les télévisions privées ont mené une camapgne violente contre le "non" en jouant sur la peur.

Les médias grecs pour la plupart entre les mains des financiers, ainsi que les télévisions privées ont mené une camapgne violente contre le "non" en jouant sur la peur.

 

 

Les apprentis sorciers

 

La campagne a été terrible. Cela a été évoqué sur Uranopole. Tout a été fait pour faire peur aux Grecs. On a menacé du Grexit, voire même de la sortie de l’Union européenne. Piketty le dit lui-même : ceux qui disent cela sont des apprentis sorciers. Nous en reparlerons. Voici la lettre qu’Alexis Tsipras avait écrit janvier, aux lecteurs du journal allemand Hansdelsblatt, particulièrement critique à son égard juste avant les élections du 25 janvier.

 

 

Alexis Tsipras s'adressant à ses partisans du haut de la Vouli au soir du samedi 4 juillet.

Alexis Tsipras s'adressant à ses partisans du haut de la Vouli au soir du samedi 4 juillet.

 

 

Chers lecteurs de Handelsblatt,

 

Je sais d’avance que la plupart d’entre vous ont probablement une opinion déjà formée sur le contenu de cette lettre. Je vous invite, cependant, à la lire sans préjugés. Les préjugés n’ont jamais été un bon conseiller, et encore moins à un moment où la crise économique les renforce, en entretenant l’intolérance, le nationalisme, l’obscurantisme, et même la violence. Avec cette lettre ouverte, je souhaite vous exposer un récit différent de celui qui vous a été fait au sujet de la Grèce depuis 2010. Et je tiens aussi et surtout à exposer avec franchise les projets et les objectifs de SYRIZA, si le 26 Janvier par le choix des électeurs devient le nouveau gouvernement grec.

 

En 2010, l’État grec a cessé d’être en mesure de servir sa dette. Malheureusement, les dirigeants européens ont décidé de faire croire que ce problème pourrait être surmonté par l’octroi du plus grand prêt jamais consenti à un état, sous condition que certaines mesures budgétaires seraient appliquées, alors que celles ci, manifestement, ne pouvaient que diminuer le revenu national destiné au remboursement des nouveaux et anciens prêts. Un problème de faillite a été donc traité comme s’ il s’ agissait d’un problème de liquidité. En d’autres termes, l’attitude adoptée, était celle du mauvais banquier qui, au lieu d’admettre que le prêt accordé à la société en faillite a « sauté », il lui accorde des prêts supplémentaires, prétextant que les anciennes dettes restent servies et prolonge ainsi la faillite à perpétuité.

 

Il s’agissait pourtant d’une question de bon sens de voir que l’application de la doctrine «extend and pretend» [étendre les maturités de la dette et prétendre que payer les intérêts ne pose aucun problème] dans le cas de mon pays aboutirait à une tragédie. Qu’au lieu de stabiliser la Grèce, l’application de ce dogme installerait une crise auto-alimentée qui sape les fondations de l’UE.

 

Notre parti, et moi-même, nous nous sommes opposés à l’accord de prêt de mai 2010, non pas parce que l’Allemagne et nos autres partenaires ne nous ont pas donné assez d’argent, mais parce que vous nous avez donné beaucoup plus d’argent que ce qu’il fallait et que nous pouvions accepter. De l’argent qui par ailleurs ne pouvait ni aider le peuple grec puisqu’il disparaissait aussitôt dans le trou noir du service de la dette ni arrêter l’alourdissement continu de celle-ci, obligeant de la sorte nos partenaires prolonger ce fardeau à perpétuité aux frais des citoyens.

 

Et cette vérité était bien connue par les gouvernants allemands, mais ils n’ont jamais voulu vous la dévoiler.

 

Et en effet, et avant même que la première année ne se soit écoulée et depuis 2011, nos prévisions ont été vérifiées. L’enchaînement des nouveaux prêts aux réductions drastiques des dépenses a non seulement échoué à dompter la dette, mais il a par surcroît puni les citoyens les plus faibles, en transformant les citoyens ordinaires qui avaient un emploi et un toit à des chômeurs sans-abri qui ont tout perdu, de plus, leur dignité.

 

L’effondrement des revenus a conduit à la faillite de milliers d’entreprises, augmentant ainsi le pouvoir oligopolistique des entreprises qui ont survécu. De ce fait, les prix diminuaient moins que les revenus tandis que les dettes, publiques et privées, ne cessaient de s’alourdir. Dans ce contexte, où le déficit d’espoir a dépassé tous les autres déficits «l’œuf du serpent » n’a pas mis longtemps pour éclore – et les néo-nazis ont commencé à patrouiller les quartiers en semant la haine.

 

Malgré son échec manifeste, la logique de «extend and pretend» continue à s’appliquer systématiquement encore aujourd’hui. Le deuxième accord de prêt de 2012, a ajouté une charge supplémentaire sur les épaules affaiblies de l’état grec, en réduisant les fonds de pension, en donnant un nouvel élan à la récession, en finançant aussi une nouvelle kleptocratie avec l’argent de nos partenaires.

 

Des commentateurs sérieux ont parlé récemment de stabilité et même de croissance à propos de mon pays pour « prouver » que les politiques appliquées ont été efficaces. Aucune analyse sérieuse ne soutient cette «réalité» virtuelle. L’augmentation récente de 0,7% du revenu national réel ne marque pas la fin de la récession mais sa poursuite, puisqu’elle a été réalisée dans une période d’inflation de 1,8%, ce qui signifie que (en euros) le revenu national a continué de baisser. Simplement, il diminue moins que la moyenne des prix – tandis que les dettes augmentent.

 

Cet effort de mobilisation des «statistiques grecques», pour démontrer que l’application de la politique de la troïka est efficace en Grèce, est outrageant pour tous les européens qui ont enfin le droit de connaître la vérité.

 

Et la vérité est que la dette publique grecque ne peut pas être honorée tant que l’économie sociale grecque se trouve en situation de simulation de noyade budgétaire (fiscal waterboarding).

 

En outre, persévérer dans ces politiques misanthropes et sans issue, dans le refus de reconnaître une simple question d’arithmétique, coûte au contribuable allemand et condamne en même temps un peuple fier à l’indignité. Et le pire: de cet fait, les Grecs se retournent contre les Allemands, les Allemands contre les Grecs, et l’idée d’une Europe Unie Démocratique est offensée cruellement.

 

L’Allemagne, et plus particulièrement le contribuable allemand qui travaille dur n’a rien à craindre d’un gouvernement SYRIZA. Au contraire. Notre objectif n’est pas d’entrer en conflit avec nos partenaires. Notre objectif n’est pas d’obtenir des prêts supplémentaires ou un blanc-seing pour de nouveaux déficits. Notre objectif est la stabilité économique, des budgets primaires équilibrés et, bien sûr, la cessation des saignées fiscales opérées sur les contribuables depuis quatre ans par un accord de prêt inadéquat aussi bien pour la Grèce que pour l’Allemagne. Nous exigerons la fin de l’application du dogme «extend and pretend» non pas contre le peuple allemand, mais pour le bénéfice de nous tous.

 

Je sais, chers lecteurs, que derrière les demandes d’une «stricte application des accords» se cache la peur que « si nous laissons les Grecs faire ce qu’ils veulent, ils vont refaire le même coup». Je comprends cette inquiétude. Mais ce n’était pas SYRIZA qui a érigé en institutions dans mon pays la collusion des intérêts privés et la kleptocratie qui feignent de se soucier de l’observation «des accords» et des réformes puisque celles ci ne les affectent pas, comme le démontrent les quatre dernières années des réformes engagées par le gouvernement Samaras sous la direction de la troïka. Nous, nous sommes prêts à entrer en conflit avec ce système afin de promouvoir des réformes radicales au niveau du fonctionnement de l’état, en établissant la transparence de l’administration publique, la méritocratie, la justice fiscale, la lutte contre le blanchissement d’argent. Ce sont ces réformes que nous soumettons à l’appréciation des nos citoyens aux prochaines élections.

 

Notre objectif est la mise en place d’un New Deal pour l’ensemble de la zone euro qui permettra aux grecs comme à l’ensemble des peuples européens de respirer, de créer, de vivre avec dignité. Avec une dette publique socialement viable. Avec une croissance qui est stimulée par des investissements publics financés – seul moyen de sortir de la crise – et non pas par la recette échouée de l’austérité qui ne fait que recycler la récession. En renforçant la cohésion sociale, la Solidarité et la Démocratie.

 

Le 25 Janvier en Grèce, une nouvelle opportunité surgit pour l’Europe. Ne ratons pas cette chance ».

 

Alexis Tsipras | 13 janvier 2015

 

Tout était déjà dit à ce moment. Nul n’en a tenu compte.

 

Tout sera dit ce soir.

 

Pierre Verhas

 

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