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22 août 2008 5 22 /08 /août /2008 16:55

Dix paras français abattus comme au tir aux pipes dans une embuscade dans un défilé des montagnes afghanes non loin d’une localité du nom de Saroubi à l’Est de Kaboul.

 

Des familles endeuillées, d’autres, de tous les pays de l’OTAN, se morfondant – on les comprend – d’inquiétude pour leurs fils et filles engagés avec une légèreté coupable dans ce conflit.

 

Nous assistons là – et une fois de plus – au terrible échec de « l’occidentalisme » qui a été dénoncé depuis longtemps sur ce blog (d’abord lorsqu’il s’appelait « astropole » jusqu’à aujourd’hui). L’occidentalisme, ce manichéisme théorisé par Samuel Huntington dans « Le choc des civilisations » (Odile Jacob, 1997) appelé aussi « unilatéralisme » à l’opposé du « multilatéralisme », représenté en haut lieu dans l’administration Bush, a encore une fois sévi. La Yougoslavie, l’Irak, le refus d’un vrai dialogue israélo – palestinien par le soutien non caché aux faucons de Jérusalem et l’isolement des Palestiniens derrière un mur que personne n’a encore osé appeler « de la honte ». Et, enfin, dernière frasque : la Géorgie. Après avoir poussé les Géorgiens à la provocation en les incitant (et même les aidant, d’après certaines sources), les Américains veulent une fois de plus imposer leur suprématie par la force, avec l’aide de l’OTAN qui, malgré tout, s’est montré divisée sur la question géorgienne. L’alignement systématique sur les positions étatsuniennes commence à attraper du plomb dans l’aile.

 

C’est l’émotion suscitée par les attentats du 11 septembre 2001 qui ont été surmédiatisés par le clan néoconservateur américain, qui a déclenché l’intervention américaine puis celle de l’OTAN dans la guerre en Afghanistan pour lutter contre Al Qaida, les Talibans et « le terrorisme ». On a assisté à des épisodes grotesques dont l’impossibilité de mettre la main sur Ben Laden et la rocambolesque fuite en moto du mollah Omar.

 

On a la mémoire un peu courte dans le camp « occidentaliste ». « On » oublie que les Talibans ont été installés au pouvoir en Afghanistan par la volonté des Etats-Unis et de Reagan en particulier pour chasser les Soviétiques d’Afghanistan. Il s’agissait d’unifier les différentes tribus afghanes afin de devenir une armée efficace contre les Soviétiques. Les Talibans sont donc une création purement artificielle des Etatsuniens. De plus, les Américains ont fourni aux Talibans les armes les plus sophistiquées comme les fameux « Stringers » qui permettent à un seul homme d’abattre presqu’à coup sûr tout aéronef volant dans les parages. Les Talibans se sont retournés par après contre les Occidentaux et ont entraîné des groupes terroristes qui ont fait du dégât aux USA et en Europe (le 11 septembre, Londres, Madrid, etc.).

 

Cela dit, et c’est la première fois, le drame vécu par les hommes du 8e RPIMa de Castres semble susciter des doutes dans le camp occidentaliste. Dans un article du « Monde » du 21 août 2008, les journalistes Sylvain Cypel (à New York) et Natalie Nougayrède mettent en évidence deux problèmes :

1) « Les problèmes de l'effort international en Afghanistan sont identifiés depuis longtemps : manque de coordination entre le militaire et le travail de reconstruction, manque de troupes étrangères, corruption des autorités afghanes, spectre d'un narco-Etat. Mais face à une crise qui a pris une forte dimension régionale, des questions-clés, notamment celle de savoir s'il faut entamer un dialogue avec des talibans dits "modérés", ou bien quelle stratégie déployer face à la déstabilisation du Pakistan, n'ont toujours pas trouvé de réponse cohérente.

De l'avis de nombreux experts, certaines de ces réponses ne pourront pas être apportées avant l'arrivée d'une nouvelle administration américaine. »

Il est intéressant de noter que Barack Obama soutient l’idée d’un retrait partiel des troupes américaines en Irak pour renforcer le contingent Etatsunien en Afghanistan. Son « challenger » Mac Cain estime qu’il faut envoyer des troupes partout où les « intérêts » occidentaux sont menacés (Géorgie, Irak, Afghanistan). On se demande avec quels moyens il y arrivera, les capacités de l’armée américaine, en dépit des vertigineuses augmentations des budgets militaires à l’époque « bushienne », sont limitées et les événements que nous vivons prouvent qu’il est impossible pour les USA comme pour l’OTAN d’être présents de manière efficace sur tous les fronts.

2) La crainte évidente des milieux « occidentalistes » d’un échec majeur au Moyen Orient est pleinement justifiée. Les deux journalistes du « Monde » ajoutent : « Aux Etats-Unis, une certaine inquiétude gagne les milieux sécuritaires : l'Afghanistan est-il un bourbier ? En juin, pour la première fois, les pertes américaines ont été plus lourdes en Afghanistan qu'en Irak. Et la situation "va empirer dans les six prochains mois ", pronostique Bruce Riedel, un ancien de la CIA spécialiste de la région, qui estime que l'OTAN est sous-équipée "en hommes et en matériel" pour résister efficacement à l'offensive de ses adversaires.

"L'OTAN est en train de perdre cette guerre", dit pour sa part Michael O'Hanlon, expert des questions de défense de la Brookings Institution à Washington. La mesure la plus urgente serait selon lui d'envoyer quatre brigades supplémentaires. "Deux américaines et deux européennes ; 20 000 soldats de plus, ce serait insuffisant, mais assez significatif" pour éviter une débâcle.

L’intellectuel afghan, Ahmed Rachid, qui s’est spécialisé dans l’analyse du mouvement « taliban » fait une analyse assez pessimiste, mais indubitablement réaliste de la situation dans son pays.

« On assiste aujourd'hui à la première double offensive des talibans, en Afghanistan et au Pakistan, depuis le 11-Septembre.

La stratégie talibane est désormais de gagner autant de territoires que possible, de gagner autant d'influence auprès de la population que possible, et de créer une telle crise au sein de l'OTAN qu'un ou deux pays annoncent leur retrait de la coalition militaire présente en Afghanistan.

Les talibans cherchent des opportunités d'intervenir sur la scène internationale également à cause de l'élection américaine et du vacuum qui va exister durant quelques mois aux Etats-Unis. Et même si les Américains voulaient envoyer des renforts en Afghanistan, ils ne le pourraient pas.

Les talibans donnent à leur combat une véritable dimension politique et stratégique. Il va y avoir de plus en plus de combats jusqu'à l'entrée en fonctions du nouveau président américain. Puis, un jour, Washington et l'OTAN seront forcés de négocier avec les talibans.

(…)La double attaque contre la base américaine de Khost et la patrouille française près de Kaboul est-elle le signal d'une intensification des opérations militaires talibanes ?

Des centaines de combattants sont en train d'arriver d'Irak, des Arabes. Arrivent aussi beaucoup de Pakistanais, et d'islamistes du Cachemire et d'Asie centrale. Tous ces gens sont bien entraînés et mieux armés qu'auparavant. L'opération contre les soldats français n'est pas si extraordinaire. Les attaques et les attentats-suicides sont de plus en plus sophistiqués, et vont continuer.

Les combattants sont recrutés de l'autre côté de la frontière, au Pakistan. N'oublions pas qu'il y a autant de pachtounes pakistanais qu'afghans. Les talibans n'ont pas de problème pour trouver des combattants.

En général, une guérilla perd une guerre parce qu'elle manque d'hommes et de moyens. Mais il est difficile de vaincre une insurrection qui n'a ni problème de combattants ni problème de ressources financières, les talibans pouvant compter sur l'argent de la drogue. »

Ajoutons qu’en dehors de l’OTAN, les Talibans n’ont pas d’adversaire sérieux. Ce n’est pas le gouvernement de Karzaï cloîtré dans un bunker à Kaboul et une armée peu fiable bourrée d’espions, qui peuvent gêner les Talibans dans leur incontestable progression en Afghanistan. D’ailleurs, Karzaï est loin d’être sûr : il est soupçonné lui aussi de trafic de drogue. Il est vrai que le pavot est la seule ressource dans ce pays !

D’autre part, Les propagandistes occidentalistes ne cessent de nous assommer avec la « guerre contre le terrorisme » - Sarkozy vient de le répéter lors de son éloge funèbre des dix paras du 8e RPIMa tués au combat – en oubliant un élément essentiel : on ne fait pas la guerre contre une arme – car le terrorisme est une arme et rien d’autre – mais contre ceux qui usent de cette arme. Or, on n’arrive pas à définir clairement de qui il s’agit. On sert Al Qaida à toutes les sauces : qu’il y ait des attentats en Algérie, c’est Al Qaida, en Turquie, c’est Al Qaida. Al Qaida est partout ! Gageons plutôt qu’il n’est nulle part. A la limite, on diffusera l’image d’un Ben Laden en démiurge du terrorisme qui prépare et ordonne les attentats de sa grotte à la frontière de l’Afghanistan et du Pakistan !

Cela dénote une réelle impuissance de la part des occidentalistes. Ils n’ont pas identifié clairement l’ennemi qu’ils combattent depuis une décennie. Comment veut-on gagner une guerre dans ces conditions ? En réalité, l’ennemi est une mosaïque de tribus et de bandes armées ayant une connaissance approfondie du terrain dont le point commun est une interprétation radicale de l’Islam qui sert ici plus de « ciment » que de religion. Cet Islam là est plus un code social de type médiéval que des préceptes religieux. D’ailleurs, la plupart des exégètes musulmans ne reconnaissent pas leur religion dans ce fatras « salafiste ». Cela dit, ce poison s’est répandu dans tout le Moyen Orient et dans les communautés musulmanes en Europe. Est-on vraiment capable de vaincre tout cela ? L’ancien ministre des affaires étrangères français, Hubert Védrine, qui avait averti le gouvernement Sarkozy – Fillon des dangers de « l’occidentalisation » de la guerre en Afghanistan ne se montre guère optimiste dans une interview qu’il a accordée à « France Soir » du 1er avril dernier, suite à son avertissement.

« Est-on en train de perdre en Afghanistan ? Je n’ai pas les rapports d’expertise. Mais tout dépend des objectifs que l’on souhaite atteindre. Reconstruire l’Afghanistan ? C’est inatteignable, car c’est un Etat qui n’existait pas avant la guerre. Eradiquer tout réseau terroriste sur le sol afghan ? Ce sera dur, pour ne pas dire impossible compte tenu du terrain difficile et de la culture tribale du pays. En revanche, s’il s’agit de maintenir une pression pour empêcher de se constituer une base terroriste, avec des camps d’entraînement qui exporteront la violence dans le monde entier, alors nous pouvons y arriver. »

Cependant, ce n’est certes avec ce manque de coordination stratégique et tactique que l’on y arrivera. De plus, comme nous l’avons vu, les buts de guerre sont loin d’être bien définis.

L’ancien ministre conclut : « L’occidentalisme est en revanche une attitude agressive de l’Occident, sur la défensive face à ce qu’il considère comme la menace arabe ou chinoise. C’est une politique extrêmement dangereuse. Ses défenseurs, que l’on retrouve notamment dans l’administration Bush, considèrent en effet que l’Occident doit passer à l’offensive pour défendre ses intérêts. »

Il faudra que la diplomatie reprenne le dessus. Cela implique de renoncer à l’idéologie du « choc des civilisations » qui a déjà fait tant de dégâts. Il est indispensable d’en revenir au «multilatéralisme » après le sanglant échec de « l’unilatéralisme » occidentaliste.

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