Encore une fois une tragédie touchant un travailleur ! Le meurtre soi-disant gratuit de l’agent superviseur de la STIB (Société des transports en commun de Bruxelles), Monsieur Lliaz Tahiraj, a suscité un mouvement social d’une ampleur jamais égalée dans ce service public.
Un banal accident tourne en tragédie...
Les faits : un banal accident entre un bus de la STIB et une voiture privée à 6 h du matin. Le conducteur du bus et les deux occupants de la voiture sont blessés. Conformément à la procédure, le chauffeur du bus fait appel à un superviseur de la Société de transport pour effectuer les constats d’usage. Pendant ce temps, le conducteur de la voiture accidentée appelle avec son portable deux personnes qui s’amènent pendant que Monsieur Lliaz Tahiraj, remplit les papiers d’usage. Il prend ensuite quelques photos. C’est à ce moment-là que deux individus s’amènent. Le chauffeur du bus descend et est agressé par un des individus. Le superviseur l’aide à remonter dans le bus, ce qui lui a sans doute sauvé la vie. L’agresseur s’en prend aussitôt à M. Tahiraj sans doute à cause des photos et le tabasse à mort. Laissant sa victime ensanglantée à terre, il s’enfuit. M. Tahiraj décéde à l’hôpital quelques heures après. L’agresseur est interpellé dans la matinée. Il s’agit d’un « client » régulier de la Justice, notamment pour des faits de trafic de stupéfiants. Et, pas de chance pour les racistes impénitents : le bonhomme est un "Belge de pure souche". On peut se poser la question : la réaction d’extrême violence de cet individu n’était-elle pas « motivée » par un « deal » de drogue qui a échoué suite à ce banal accident avec comme éléments de preuve les photographies prises par le superviseur ? Alors, parler comme le Procureur du roi de meurtre gratuit, c’est, semble-t-il, aller un peu vite en besogne.
Le Procureur du roi Bulthé veut faire croire à un acte "gratuit"...
Le monde du travail déjà agressé par la régression sociale, les mesures d’austérité, les menaces de chômage, se voit confronté à une guerre de gangs (petits ou grands) qui n’hésitent pas à tuer toute personne qui entrave leurs actes illicites. Ces gangs se planquent dans les « quartiers » sensibles et se servent de la misère et de la précarité qui y règnent, pour se protéger.
Ainsi, les travailleurs des services publics œuvrant sur le « terrain » se trouvent, sans aucun moyen de défense, en première ligne, face à cette violence sans mesure. La mort de Monsieur LLiaz Tahiraj qui était à quelques mois de la prépension en est un dramatique exemple. Une fois de plus, c’est la base productive de la société qui est agressée, tandis que les élites protégées observent ces événements avec condescendance.
Lliaz Tahiraj : assassiné parce qu'il faisait son boulot !
La preuve : la ministre de l’Intérieur, la chrétienne démocrate Joëlle Milquet, a programmé pour mardi une réunion avec les dirigeants de la STIB, les organisations syndicales, alors que les faits se sont déroulés samedi. Pourquoi attend-elle ? Ne pouvait-elle programmer cette entrevue dimanche ? Sans doute, préfère-t-elle, en bonne catholique, célébrer la fête de Pâques…
Joëlle Milquet, la Ministre de l'Intérieur, préfère sans doute passer Pâques en famille... La réunion aura-t-elle lieu à la Trinité ?
Et, entre la direction de la STIB et le personnel, ce n’est pas la joie non plus. Il y a longtemps que le personnel roulant est victime d’incivilités et d’agressions physiques de plus en plus violentes. Un sentiment d’impunité a commencé à régner sur le réseau des transports urbains bruxellois. Les organisations syndicales ont alerté la direction, ont proposé des mesures. La direction fit engager des stewards dont le rôle n’est pas bien défini. Ils n’ont aucun pouvoir d’intervention et dès lors, n’ont aucun effet dissuasif. Comme toujours, ce sont des demi-mesures que l’on justifie par le manque de moyens financiers. Aussi, face à cette impasse et à cet assassinat, l’ampleur de l’indignation du personnel roulant a contraint la direction à décréter elle-même la fermeture du réseau.
Manifestation spontanée des travailleurs de la STIB devant le Palais de Justice
Ici, une fois de plus, on touche au cœur du problème. Voilà ce que donnent les politiques de démantèlement des services publics commencées voici trente ans. Les sociétés de transport en commun sont particulièrement victimes de cette politique. D’un côté, on les a forcées à faire des dépenses d’investissement considérables pour le métro, en ce qui concerne le transport urbain, et le TGV pour les chemins de fer, sans compter des rénovations pharaoniques de gares. De l’autre, le réseau ordinaire des chemins de fer est laissé pour compte. Certes des efforts ont été faits pour le réseau de surface urbain, mais dans les deux cas, cela s’est fait au détriment du personnel. Le TGV est depuis lors quasi privatisé et on envisage de céder au privé des lignes de métro « rentables ».
En outre, les programmes d’austérité déjà adoptés et ceux qui sont en préparation vont rendre toute solution impossible. La prochaine vague d’austérité, si on n’y prend garde, signifiera sans doute la mort de l’Etat social et celle du service public. Tout cela engendre une société invivable au plus grand profit des gangsters de la finance et des tueurs de la drogue.
On sait ce qu'il faut faire à la mémoire de Lliaz Tahiraj
Ils ont voulu tuer le service public. Ils assassinent ainsi des travailleurs. M. Lliaz Tahiraj est un des travailleurs emporté par ce maelström. Nous savons, si nous sommes lucides et déterminés, ce qu’il faut faire en sa mémoire.
Pierre Verhas
Et voilà, cela devait arriver : nous avons à peine posté cet article que le Parquet nous apprend que l’assassin s’est rendu spontanément à la police. Il n’aurait pas d’antécédents judiciaires comme on l’avait affirmé hier. Il s’agirait d’un jeune homme éméché qui s’est « emporté » et qui a tué le superviseur d’un seul coup… Pour un type bourré, tuer un homme d’un seul coup, il faut être fortiche. Un champion, ce mec !
On voudrait étouffer l’affaire que l’on ne s’y prendrait pas autrement. Le bonhomme a été appelé par le conducteur de la voiture. Pourquoi est-il venu ? Pourquoi a-t-il menacé le chauffeur puis frappé le superviseur qui avait pris des photos de l’accident ? Pourquoi, de source judiciaire, a-t-on dit qu’il était connu pour faits de drogues ? Et tout d’un coup, il est devenu un jeune homme blanc comme neige, certes quelque peu alcoolisé, qui aurait frappé « sans intention de tuer ».
A notre avis, ce n’est pas ainsi que l’on va calmer les choses…