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  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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5 juillet 2015 7 05 /07 /juillet /2015 14:13

 

Les urnes sont ouvertes sur l’ensemble du territoire grec. Nul ne peut dire avant ce soir si la résistance ou la peur l’emportera.

 

C’est le moment, en ces quelques heures d’attente, de récapituler, de passer en revue les événements depuis la victoire de Syriza le 25 janvier dernier.

 

Ne disposant pas de la majorité absolue, Tsipras forme assez vite une coalition avec un parti souverainiste de droite. Beaucoup lui reprochent de ne pas s’être allié avec le centre-gauche.

 

On n’a pas compris que le centre-gauche était prêt à céder au consortium appelé Troïka, ce qui aurait déforcé Tsipras et Varoufakis dans les négociations. L’objectif numéro un était d’en finir avec cette Troïka et de négocier avec les institutions européennes (Conseil, Commission, Eurogroupe) de la question de la dette et non avec un consortium de créanciers qui interviennent directement dans la décision politique en Grèce.

 

En cela, c’est un échec de Tsipras. La Troïka a été remplacée par le « groupe de Bruxelles », pure fiction grammaticale et le FMI, en la personne de sa directrice générale, Christine Lagarde, était invitée aux négociations.

 

Un changement profond est intervenu au sein des institutions européennes. Le nouveau président de la Commission, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, quasi inamovible Premier ministre du Grand Duché, ayant organisé ce paradis fiscal en « refuge » efficace pour les transnationales, ancien président de l’Eurogroupe, n’est certainement pas la personne idéale à ce poste. Beaucoup d’observateurs à droite comme à gauche l’ont fait remarquer. « Le Premier ministre d’un paradis fiscal, président de l’Europe ! C’est déconcertant ! » Ce sont les paroles que j’ai entendues d’Alain-Gérard Slama, écrivain, chroniqueur au Figaro.

 

Une de ses premières actions a été d’étouffer l’affaire « Lux-leaks » qui aurait pu être gênante pour le frais émoulu Président de la Commission européenne.

 

A la veille des élections grecques, il a osé déclarer : « J’espère que nous retrouverons nos amis, lundi prochain ! ».

 

Tsipras n’était pas encore élu qu’il savait très bien à qui il aura affaire.

 

Les Européens ont trahi leur promesse.

 

Le 4 février, la Banque Centrale Européenne (BCE) décide de priver les banques grecques de l’un de leurs canaux de financement auprès d’elle, en suspendant un régime de « faveur » dont elles bénéficiaient jusqu’alors. Il s’agit donc d’une intervention purement politique de Mario Draghi, ancien de Goldman Sachs.

 

C’est la première phase de l’offensive.

 

La phase suivante se déroulera dans des négociations où la Grèce se trouva seule face à 27 Etats européens, le FMI et la BCE. Et, grâce à l’exceptionnelle personnalité d’Alexis Tsipras et de Yanis Varoufakis, les Grecs tinrent bon. Car, enfin, quel était l’enjeu ?

 

L’économiste Thomas Piketty l’explique dans le « Monde » daté de dimanche 5 et lundi 6 juillet : « En 2012, ils [les Européens] avaient promis une restructuration [de la dette] aux Grecs dès qu’ils dégageraient un excédent primaire, c’est-à-dire un excédent budgétaire hors service de la dette [en langage courant : les recettes publiques sont supérieures aux dépenses compte non tenu du remboursement de la dette]. On y est depuis fin 2014, mais les Européens ont trahi leur promesse. »

 

Le 20 février, l’Eurogroupe prolonge le plan d’aide se montant à 7,2 milliards d’Euros, tout en le conditionnant à une série de réformes ultralibérales (coupes dans les retraites, hausse de la TVA, etc.). La date butoir est le 30 juin, date à laquelle la Grèce doit rembourser 1,6 milliards d’Euros au FMI. Tsipras et Varoufakis cèdent sur certains points, mais fixent ce qu’ils appellent les « lignes rouges ».

 

Les « créanciers » vont chaque fois intervenir lorsqu’une proposition est déposée au Parlement grec, comme par exemple l’aide humanitaire suite à l’appauvrissement majeur consécutif de l’austérité imposée depuis des années.

 

Jusqu’en juin, les réunions se multiplient, mais sans aucun résultat probant. La partie grecque fait plusieurs fois des propositions qui sont systématiquement rejetées.

 

Le 18 juin, il faut bien constater l’échec des négociations.

 

Le 25 juin, un plan est proposé par les Européens et prend un caractère solennel puisqu’il est publié au Journal Officiel de l’Union européenne.

 

Le lendemain 26 juin, suite au refus des Grecs, des amendements plus avantageux sont proposés, mais c’est le FMI qui s’y oppose. Dès lors, c’est le blocage.

 

Dans la nuit du 26 au 27 juin, Alexis Tsipras annonce au peuple grec le référendum qui est approuvé par le Parlement grec dans la nuit du 27 au 28 juin par 178 voix sur 300. Notons que les 17 députés nazis d’Aube dorée ont rejoint la majorité, mais leur apport, tout aussi gênant qu’il fût, n’était pas nécessaire. Néanmoins, leur rôle ambigu est pour le moins gênant et présage des troubles à l’avenir.

 

Le lundi 29 juin, la BCE ne bloque pas l’apport de liquidités aux banques grecques. Cependant, pour éviter la fuite des capitaux, le ministre des Finances Varoufakis décrète la fermeture des banques et n’autorise qu’un retrait quotidien de 60 Euros par personne.

 

Le 30 juin, la Grèce ne rembourse pas la tranche due au FMI. L’Eurogroupe suspend l’aide à la Grèce.

 

Les médias grecs pour la plupart entre les mains des financiers, ainsi que les télévisions privées ont mené une camapgne violente contre le "non" en jouant sur la peur.

Les médias grecs pour la plupart entre les mains des financiers, ainsi que les télévisions privées ont mené une camapgne violente contre le "non" en jouant sur la peur.

 

 

Les apprentis sorciers

 

La campagne a été terrible. Cela a été évoqué sur Uranopole. Tout a été fait pour faire peur aux Grecs. On a menacé du Grexit, voire même de la sortie de l’Union européenne. Piketty le dit lui-même : ceux qui disent cela sont des apprentis sorciers. Nous en reparlerons. Voici la lettre qu’Alexis Tsipras avait écrit janvier, aux lecteurs du journal allemand Hansdelsblatt, particulièrement critique à son égard juste avant les élections du 25 janvier.

 

 

Alexis Tsipras s'adressant à ses partisans du haut de la Vouli au soir du samedi 4 juillet.

Alexis Tsipras s'adressant à ses partisans du haut de la Vouli au soir du samedi 4 juillet.

 

 

Chers lecteurs de Handelsblatt,

 

Je sais d’avance que la plupart d’entre vous ont probablement une opinion déjà formée sur le contenu de cette lettre. Je vous invite, cependant, à la lire sans préjugés. Les préjugés n’ont jamais été un bon conseiller, et encore moins à un moment où la crise économique les renforce, en entretenant l’intolérance, le nationalisme, l’obscurantisme, et même la violence. Avec cette lettre ouverte, je souhaite vous exposer un récit différent de celui qui vous a été fait au sujet de la Grèce depuis 2010. Et je tiens aussi et surtout à exposer avec franchise les projets et les objectifs de SYRIZA, si le 26 Janvier par le choix des électeurs devient le nouveau gouvernement grec.

 

En 2010, l’État grec a cessé d’être en mesure de servir sa dette. Malheureusement, les dirigeants européens ont décidé de faire croire que ce problème pourrait être surmonté par l’octroi du plus grand prêt jamais consenti à un état, sous condition que certaines mesures budgétaires seraient appliquées, alors que celles ci, manifestement, ne pouvaient que diminuer le revenu national destiné au remboursement des nouveaux et anciens prêts. Un problème de faillite a été donc traité comme s’ il s’ agissait d’un problème de liquidité. En d’autres termes, l’attitude adoptée, était celle du mauvais banquier qui, au lieu d’admettre que le prêt accordé à la société en faillite a « sauté », il lui accorde des prêts supplémentaires, prétextant que les anciennes dettes restent servies et prolonge ainsi la faillite à perpétuité.

 

Il s’agissait pourtant d’une question de bon sens de voir que l’application de la doctrine «extend and pretend» [étendre les maturités de la dette et prétendre que payer les intérêts ne pose aucun problème] dans le cas de mon pays aboutirait à une tragédie. Qu’au lieu de stabiliser la Grèce, l’application de ce dogme installerait une crise auto-alimentée qui sape les fondations de l’UE.

 

Notre parti, et moi-même, nous nous sommes opposés à l’accord de prêt de mai 2010, non pas parce que l’Allemagne et nos autres partenaires ne nous ont pas donné assez d’argent, mais parce que vous nous avez donné beaucoup plus d’argent que ce qu’il fallait et que nous pouvions accepter. De l’argent qui par ailleurs ne pouvait ni aider le peuple grec puisqu’il disparaissait aussitôt dans le trou noir du service de la dette ni arrêter l’alourdissement continu de celle-ci, obligeant de la sorte nos partenaires prolonger ce fardeau à perpétuité aux frais des citoyens.

 

Et cette vérité était bien connue par les gouvernants allemands, mais ils n’ont jamais voulu vous la dévoiler.

 

Et en effet, et avant même que la première année ne se soit écoulée et depuis 2011, nos prévisions ont été vérifiées. L’enchaînement des nouveaux prêts aux réductions drastiques des dépenses a non seulement échoué à dompter la dette, mais il a par surcroît puni les citoyens les plus faibles, en transformant les citoyens ordinaires qui avaient un emploi et un toit à des chômeurs sans-abri qui ont tout perdu, de plus, leur dignité.

 

L’effondrement des revenus a conduit à la faillite de milliers d’entreprises, augmentant ainsi le pouvoir oligopolistique des entreprises qui ont survécu. De ce fait, les prix diminuaient moins que les revenus tandis que les dettes, publiques et privées, ne cessaient de s’alourdir. Dans ce contexte, où le déficit d’espoir a dépassé tous les autres déficits «l’œuf du serpent » n’a pas mis longtemps pour éclore – et les néo-nazis ont commencé à patrouiller les quartiers en semant la haine.

 

Malgré son échec manifeste, la logique de «extend and pretend» continue à s’appliquer systématiquement encore aujourd’hui. Le deuxième accord de prêt de 2012, a ajouté une charge supplémentaire sur les épaules affaiblies de l’état grec, en réduisant les fonds de pension, en donnant un nouvel élan à la récession, en finançant aussi une nouvelle kleptocratie avec l’argent de nos partenaires.

 

Des commentateurs sérieux ont parlé récemment de stabilité et même de croissance à propos de mon pays pour « prouver » que les politiques appliquées ont été efficaces. Aucune analyse sérieuse ne soutient cette «réalité» virtuelle. L’augmentation récente de 0,7% du revenu national réel ne marque pas la fin de la récession mais sa poursuite, puisqu’elle a été réalisée dans une période d’inflation de 1,8%, ce qui signifie que (en euros) le revenu national a continué de baisser. Simplement, il diminue moins que la moyenne des prix – tandis que les dettes augmentent.

 

Cet effort de mobilisation des «statistiques grecques», pour démontrer que l’application de la politique de la troïka est efficace en Grèce, est outrageant pour tous les européens qui ont enfin le droit de connaître la vérité.

 

Et la vérité est que la dette publique grecque ne peut pas être honorée tant que l’économie sociale grecque se trouve en situation de simulation de noyade budgétaire (fiscal waterboarding).

 

En outre, persévérer dans ces politiques misanthropes et sans issue, dans le refus de reconnaître une simple question d’arithmétique, coûte au contribuable allemand et condamne en même temps un peuple fier à l’indignité. Et le pire: de cet fait, les Grecs se retournent contre les Allemands, les Allemands contre les Grecs, et l’idée d’une Europe Unie Démocratique est offensée cruellement.

 

L’Allemagne, et plus particulièrement le contribuable allemand qui travaille dur n’a rien à craindre d’un gouvernement SYRIZA. Au contraire. Notre objectif n’est pas d’entrer en conflit avec nos partenaires. Notre objectif n’est pas d’obtenir des prêts supplémentaires ou un blanc-seing pour de nouveaux déficits. Notre objectif est la stabilité économique, des budgets primaires équilibrés et, bien sûr, la cessation des saignées fiscales opérées sur les contribuables depuis quatre ans par un accord de prêt inadéquat aussi bien pour la Grèce que pour l’Allemagne. Nous exigerons la fin de l’application du dogme «extend and pretend» non pas contre le peuple allemand, mais pour le bénéfice de nous tous.

 

Je sais, chers lecteurs, que derrière les demandes d’une «stricte application des accords» se cache la peur que « si nous laissons les Grecs faire ce qu’ils veulent, ils vont refaire le même coup». Je comprends cette inquiétude. Mais ce n’était pas SYRIZA qui a érigé en institutions dans mon pays la collusion des intérêts privés et la kleptocratie qui feignent de se soucier de l’observation «des accords» et des réformes puisque celles ci ne les affectent pas, comme le démontrent les quatre dernières années des réformes engagées par le gouvernement Samaras sous la direction de la troïka. Nous, nous sommes prêts à entrer en conflit avec ce système afin de promouvoir des réformes radicales au niveau du fonctionnement de l’état, en établissant la transparence de l’administration publique, la méritocratie, la justice fiscale, la lutte contre le blanchissement d’argent. Ce sont ces réformes que nous soumettons à l’appréciation des nos citoyens aux prochaines élections.

 

Notre objectif est la mise en place d’un New Deal pour l’ensemble de la zone euro qui permettra aux grecs comme à l’ensemble des peuples européens de respirer, de créer, de vivre avec dignité. Avec une dette publique socialement viable. Avec une croissance qui est stimulée par des investissements publics financés – seul moyen de sortir de la crise – et non pas par la recette échouée de l’austérité qui ne fait que recycler la récession. En renforçant la cohésion sociale, la Solidarité et la Démocratie.

 

Le 25 Janvier en Grèce, une nouvelle opportunité surgit pour l’Europe. Ne ratons pas cette chance ».

 

Alexis Tsipras | 13 janvier 2015

 

Tout était déjà dit à ce moment. Nul n’en a tenu compte.

 

Tout sera dit ce soir.

 

Pierre Verhas

 

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3 juillet 2015 5 03 /07 /juillet /2015 16:11
Extrait du "Contrarien matin" du 3 juillet 2015

Extrait du "Contrarien matin" du 3 juillet 2015

 

La panique

 

L’enjeu est tellement énorme que c’est la panique. La panique provoque immanquablement une perte de contrôle de soi et certaines déclarations révèlent ainsi la vraie nature de quelqu’un. Ainsi, le président du Parlement européen, le social-démocrate allemand Martin Schultz qui, par ailleurs, milite pour que son Assemblée adopte le TTIP, a osé dire dans une interview au Handelsblatt : « De nouvelles élections seraient impératives, si le peuple grec vote pour le programme de réformes et donc en faveur du maintien dans la zone euro et que Tsipras, de façon logique, démissionne ». Il ajoute jubilatoire : « Ce serait la fin de Syriza » Et il souhaite à la place un gouvernement de technocrates « pour que nous puissions continuer à négocier. »

 

Martin Schultz, président du Parlement européen est-il l'homme de la Troïka ?

Martin Schultz, président du Parlement européen est-il l'homme de la Troïka ?

 

Autrement dit, au cas où le « oui » l’emporte, le gouvernement Tsipras est invité à dégager dès la proclamation des résultats. Il ne lui serait même plus permis d’organiser des élections. Evidemment, avec des technocrates, on se retrouve entre amis !

 

Il est vraiment difficile de rester socialiste avec un leader pareil.

 

La seconde déclaration vient du chef du gouvernement italien, Matteo Renzi : « Si chacun fait comme il entend, on ne va nulle part. » Il estime que le référendum pose « un choix surprenant et erroné » et « les amis grecs doivent respecter les règles. » On a vu le Premier italien mieux inspiré. L’objectif est clair : isoler Tsipras.

 

Le chantage à l’Euro

 

En outre, on joue sur la peur. La BCE a ainsi ouvertement fait du référendum un vote pour ou contre l'euro. Outre son action sur l'ELA, les déclarations mardi 30 juin au matin de Benoît Cœuré, membre français du directoire de la BCE, a mis fin par une simple reconnaissance de la possibilité du Grexit à l'irréversibilité officielle de l'euro. Dès lors, les électeurs grecs, favorables, selon les derniers sondages, à 81 % au maintien dans la zone euro sont prévenus. Le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a abondé dans ce sens.

 

Finalement, cette stratégie de la panique avait déjà commencé avec l’expulsion de Varoufakis de l’Eurogroupe le 28 juin. Elle se poursuit par cette intox. Or, on sait qu’un « Grexit » ne peut se faire comme ça ! Le commissaire européen français Moscovici a eu l’honnêteté de déclarer qu’il n’était pas question que la Grèce quitte la zone Euro.

 

Le chantage est donc clair. Vous votez « non », vous perdez l’Euro. Cela peut jouer évidemment, notamment sur les PME et les petits commerces qui vivent du tourisme. Les sondages dont il faut bien évidemment se méfier, montrent une certaine hésitation des électeurs.

 

Sur le terrain, la Troïka a lancé sa formidable machine de propagande avec la droite grecque. Des campagnes d’affiches, des manifestations monstres, etc. Les partisans du « oui » étaient plus nombreux devant la Vouli – le Parlement grec – que ceux du « non ». Ce sont des signes, mais cela peut aussi ne rien signifier. Le vrai sondage se produira dimanche soir.

 

Juncker a été encore plus loin en déclarant que le « non » signifierait que la Grèce se séparerait de l’Europe, autrement dit de l’Union européenne.

 

En tout cas, tout cela prouve au moins une chose : la Troïka n’a pas d’argument, en dehors du chantage dans lequel elle est passée maître.

 

Des amis dans le monde

 

En tout cas, le gouvernement Tsipras bénéficie d’appuis internationaux. Ainsi, l’économiste américain Joseph Stiglitz a écrit dans le « Guardian » ce lundi 29 juin : « « En fait, les leaders européens ont commencé de révéler la vraie nature du litige autour de la dette (...) Celle-ci porte bien davantage sur des enjeux de pouvoir et de démocratie que sur la monnaie et l’économie. (…) Les dates butoirs sont destinées à forcer la Grèce à accepter l’inacceptable – pas seulement des mesures d’austérité mais de nouvelles politiques régressives et punitives. » Dans ces conditions, conclut l’économiste « un vote “oui”, le 5 juillet, signifierait la dépression quasiment sans fin (...) d’un pays qui a vendu l’ensemble de ses actifs et dont les plus brillants de ses jeunes ont dû émigrer. À l’inverse, un vote “non” laisserait au moins ouverte la possibilité que la Grèce puisse, avec ses fortes traditions démocratiques, reprendre sa destinée en main. Et même s’ils restent confrontés à d’immenses difficultés, les Grecs pourraient y gagner l’opportunité de construire un avenir bien plus riche d’espoir. »

 

Joseph Stiglitz, Prix Nobel de l'économie, néo-keynésien, se montre solidaire des Grecs.

Joseph Stiglitz, Prix Nobel de l'économie, néo-keynésien, se montre solidaire des Grecs.

 

D’autre part, le 30 juin, à Genève, deux experts des Nations Unies en matière de droits humains ont salué la tenue de référendum en Grèce pour décider démocratiquement de la voie à suivre pour résoudre la crise économique grecque sans détériorer davantage la situation des droits humains. Les experts indépendants pour la promotion d’un ordre international équitable et démocratique, Alfred de Zayas et pour les droits humains et la solidarité internationale, Virginia Dandan, ont souligné qu’il y a bien plus en jeu que les obligations de remboursement de la dette faisant écho à un précédent avertissement au cours du mois de juin de l’expert indépendant de l’ONU sur la dette externe et les droits humains, Juan Pablo Bohoslavsky.

 

Ces experts font partie de ce qui est connu comme Procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Le nom Procédures Spéciales désigne le Conseil indépendant de recherche et surveillance en charge des situations spécifiques à des pays ou des questions thématiques globales. Il s’agit du plus vaste organe d’experts (et d’expertes) indépendant€s du système des Nations Unies. Ils ne sont pas membres du personnel de l’ONU mais travaillent de manière volontaire et non rémunérée. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et sont reconnus pour leur grande valeur.

 

« Toutes les institutions et mécanismes de protection des droits humains devraient saluer le référendum grec en tant qu’expression éloquente de l’auto-détermination du peuple grec conformément aux articles 1 et 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En effet, un ordre international démocratique et équitable requiert la participation de toutes les parties au processus de décision et le respect dudit processus qui peut être atteint au travers de la solidarité internationale et de l’approche des droits humains comme solution à tous les problèmes y compris les crises financières.

 

Il est décevant que le FMI et l’Union européenne refusent d’accepter une solution qui n’implique pas des mesures régressives supplémentaires. Certains dirigeants ont exprimé leur mécontentement à l’annonce de la tenue d’un référendum en Grèce. Pourquoi ? Les référendums sont pourtant la quintessence d’une gouvernance démocratique.

 

Personne ne peut attendre du Premier ministre grec qu’il renonce aux engagements donné à son peuple qui l’a élu avec un mandat clair de négocier une solution juste qui ne porte pas davantage préjudice à la démocratie grecque et qui entraîne l’accroissement du chômage et de la misère sociale. La capitulation face à un ultimatum qui impose encore davantage d’austérité réduirait à néant la confiance démocratique de l’électorat dans son Premier ministre. Chaque État a le devoir de protéger le bien-être de la population qui se trouve sous sa juridiction. Les acteurs extérieurs, qu’ils soient des États, des organisations internationales ou des créanciers ne peuvent intervenir dans ce qui est du ressort de la souveraineté fiscale et budgétaire et de la régulation territoriale d’un État.

 

L’article 103 de la Charte des Nations Unies stipule que les dispositions de la Charte prévalent sur n’importe quel autre Traité, d’où il découle qu’aucun traité ou accord de prêt ne peut nier la souveraineté de l’État. Tout accord entraînant une telle violation des droits humains et du droit international coutumier est contra bonos mores (allant à l’encontre de la morale) et donc considéré comme nul et non avenu suivant l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des Traités.

 

Un ordre international démocratique et équitable requiert un régime commercial et financier qui permette la réalisation de tous les droits humains. Les organisations intergouvernementales doivent favoriser et en aucun cas faire obstacle à la pleine réalisation des droits humains.

 

La dette externe n’est nullement une excuse pour déroger aux droits humains ou pour provoquer une régression sociale violant les articles 2 et 5 du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels.

 

Le moment est venu pour la communauté internationale de démontrer sa solidarité avec le peuple grec, pour respecter sa volonté démocratique exprimée dans un référendum, pour l’aider activement à surmonter la crise financière qui trouve son origine dans l’effondrement financier de 2007-2008 dans lequel la Grèce n’a aucune responsabilité.

 

La démocratie implique en effet l’auto-détermination des peuple, auto-détermination qui appelle souvent à des référendums comme c’est également le cas en Grèce ».

 

Enfin, nous laisserons la conclusion au caustique économiste français Charles Sannat qui tient sur le toile une chronique quotidienne intitulée « Le Contrarien » :

 

« La crise financière grecque est insignifiante. Économiquement parlant, cela n’est pas un problème.

 

Le véritable sujet est politique car lorsque les choses tournent mal, et elles tournent mal, alors au bout du compte tout n’est plus que politique et c’est la primauté de la politique sur l’économique qui devient une évidence.

 

Nous sommes dans un conflit ou plusieurs « raisons d’États » s’affrontent et dans ce combat, pour le moment, pour notre pays c’est la débâcle et l’esprit de Munich.

 

N’imaginez pas un seul instant que notre destin est différent de celui des Grecs. Si nous laissons gagner la visions ultralibérale des europtahes, si nous laissons l’Europe diriger nos nations et nous asservir par la dette, si nous acceptons de nous coucher face aux diktats allemands pour éviter la guerre économique alors, je vous le dis sans détours, nous serons demain les Grecs des Allemands, et la presse allemande et les europathes expliqueront à quel point ces Français se sont gavés avec tous leurs déficits et toutes leurs dettes et qu’ils méritent de souffrir et de payer jusqu’au dernier centime…

 

Lorsque l’on est en faillite, on est en faillite. On ne peut pas tondre un œuf. Vouloir le faire, c’est donc vouloir asservir.

 

Ne vous y trompez pas mes amis, la lutte pour notre liberté et contre notre asservissement a pris une tournure beaucoup plus concrète depuis quelques jours. »

 

Plus que deux jours avant la vérité.

 

Pierre Verhas

 

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2 juillet 2015 4 02 /07 /juillet /2015 20:35

 

Les négociations ont échoué. Tsipras a tranché. Il maintient le référendum et il appelle à voter « non ». Varoufakis n’a pas payé la tranche de juin 2015 au FMI. Les négociations sont bloquées jusqu’à dimanche.

 

Pour autant, les « créanciers » n’ont pas dit leur dernier mot. Ils ont changé d’orientation. Ils attaquent sur les plans juridique et politique. Et ils sonnent l’hallali ! Ils pensent sans doute faire une bouchée du gibier grec. Il leur faudra attendre !

 

Le référendum : illégal ?

 

Première offensive : la légalité du référendum. Le Conseil de l’Europe.

 

Il s’agit d’une organisation intergouvernementale instituée le 5 mai 1949 par le traité de Londres. Par le biais des normes juridiques dans les domaines de la protection des droits de l'homme, du renforcement de la démocratie et de la prééminence du droit en Europe, c’est une organisation internationale dotée d’une personnalité juridique reconnue en droit international public et qui rassemble 800 millions de ressortissants de 47 États membres.

 

Cette organisation s’est penchée sur ce scrutin et estime qu’il n’est pas régulier. Le délai de huit jours est trop court. Il n’est pas possible d’envoyer des observateurs internationaux. Bref, le référendum risque d’être entaché d’irrégularités. De là à prétendre qu’il est illégal, il n’y aura qu’un pas qui sera aussitôt franchi, si c’est le « non » qui l’emporte. Par contre, il y a fort à parier que s’il y a une majorité de « oui », les « Européens » se réjouiront de la « maturité » du peuple grec…

 

Didier Reynders déguisé en noblion à l'Ommegang ce 30 juin, la grande parade des aristos belges célébrant Charles Quint. Tout un programme !

Didier Reynders déguisé en noblion à l'Ommegang ce 30 juin, la grande parade des aristos belges célébrant Charles Quint. Tout un programme !

 

Cela n’empêche pas le très néolibéral ministre belge des affaires étrangères, Didier Reynders, le beau figurant à la fête bruxelloise des noblions, de déclarer : « Tout cela ne correspond pas du tout aux critères du Conseil de l’Europe (…) il est difficilement compréhensible qu’un gouvernement organise un référendum pour demander à sa population de dire non. »

 

Et voilà tous les médias qui se mobilisent pour dire que les Grecs ne comprennent pas la question posée à ce référendum – à savoir la proposition du 25 juin dont les amendements proposés le 26 n’ont pas été acceptés par le FMI. Cela pour répondre à M. Quatremer…

 

Oublie-t-on que l’enjeu est tel que le gouvernement grec, pour empêcher la fuite des capitaux, a dû fermer les banques jusqu’à la tenue du référendum. Nul ne pose la question de mesurer quelles seraient les conséquences d’une fermeture plus longue pour l’économie grecque qui n’est déjà pas au beau fixe.

Le Grexit ?

 

Deuxième offensive : si le « non » l’emporte, cela signifie le « Grexit », la sortie de la Grèce de la zone Euro. C’est faux ! Les traités sont très clairs à ce sujet : un Etat-membre de l’Eurozone ne peut pas sortir ou être exclu. Il s’agit donc d’un mensonge pour faire peur aux électeurs grecs.

 

L'économiste Thomas Piketty ne mache pas ses mots.

L'économiste Thomas Piketty ne mache pas ses mots.

 

D’ailleurs, comme le dit l’économiste Thomas Piketty dans une interview au « Soir » du 2 juillet : « Ceux qui pensent que l’expulsion d’un pays permettrait de discipliner et de stabiliser la zone Euro sont des apprentis sorciers. En vérité, la sortie d’un pays fragiliserait l’ensemble de la zone. Ce serait sans doute le début de la fin… »

 

On se demande qui sont les « apprentis sorciers ». Les Grecs ou les gens de « Bruxelles » ?

 

La presse aux ordres

 

L’attitude de la presse a déjà été évoquée ici. Que des organes de presse ne soient pas d’accord avec Tsipras, c’est bien entendu leur droit, mais qu’ils fassent preuve de mauvaise foi en chœur, cela est inquiétant. Cela pose la question de la liberté de la presse, une des libertés fondamentales, ne l’oublions pas. La tendance est à la financiarisation des organes de presse, ce qui fait de leur indépendance une fiction.

 

Le « Monde » n’est d’ailleurs pas en reste avec son chroniqueur Arnaud Leparmentier ce jeudi 2 juillet, qui dépasse Jean Quatremer dans la technique d’ahurissement. Se référant à Giscard, il proclame que « Tsipras n’a pas le monopole de la démocratie ». Oui, et alors ? Il accuse Syriza d’imposer ses vues à toute l’Europe. Rien que ça ! Et puis, notre bel Arnaud fustige Varoufakis qui menace de saisir la Cour de Justice européenne si l’Eurogroupe veut expulser la Grèce de la zone Euro. Autrement dit, tu as des dettes et tu fermes ta gueule !

 

Et puis, avec sa courtoisie habituelle, notre gâchis Leparmentier s’en prend à Tsipras qui a déclaré qu’il n’est pas « premier ministre pour l’éternité ». Il réplique : « Plus l’éternité sera courte, mieux ce sera. »

 

Cela s’appelle l’objectivité, prétend-on.

 

L’avis d’une banque

 

Pour conclure, voici l’avis de la banque hollando-belge ING impliquée dans la crise grecque envoyé à ses clients les « zinvestisseurs » :

 

« Le dossier grec crée de la nervosité sur les marchés. Ces derniers vont devoir composer avec un mouvement de fuite vers la qualité si aucune issue positive n’était trouvée dans les prochains jours. Ce sont donc les actifs à risque ainsi que les emprunts d’Etat des pays de la périphérie qui pourraient souffrir de l’anticipation par les marchés d’un éventuel Grexit. Nous ne pouvons, toutefois, comparer les effets d’un défaut de paiement de la Grèce et de son éventuelle sortie de la zone Euro à ceux que l’on a connu lors de la faillite de Lehman Brothers en 2008. La dette grecque étant majoritairement détenue par les gouvernements européens et la Banque Centrale Européenne (BCE), et non plus par les banques privées, il est peu probable que l’on assiste à un écroulement du système bancaire continental.

 

Enfin, nous pouvons compter sur les mesures de la BCE. Ces dernières permettent, en effet, d’atténuer les répercussions néfastes sur les autres pays de la périphérie et de contrecarrer le risque de contagion. »

 

Bref, on rassure. Mais on oublie de dire que la dette grecque a été transférée des banques vers le secteur public. Cela a dû échapper au rédacteur de cette note…

 

Plus que trois jours avant la vérité.

 

 

Pierre Verhas

 

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1 juillet 2015 3 01 /07 /juillet /2015 20:49

 

Cette première journée du mois de juillet a été fertile en rebondissements. Le bruit a couru, émanant des institutions européennes, que Tsipras renoncerait au référendum suite à un « nouvel » accord ou, à tout le moins, proposerait de voter « oui ».

 

« Oui » pour les quidams que nous sommes, c’est bien entendu, « oui » à l’Europe telle qu’elle est. Le « non » signifierait le « Grexit »… On dramatise la situation à l’envi ! C’est l’intox à tout crin.

 

Même les vieux leaders droitiers, le post-franquiste Aznar et le parfait démocrate Sarkozy estiment que cela a assez duré et qu’il faut « suspendre » les négociations avec la Grèce.

 

Aznar et Sarkozy s'entendent très bien pour écraser la Grèce.

Aznar et Sarkozy s'entendent très bien pour écraser la Grèce.

 

Messieurs les Européens, excluez les premiers !

 

Passons aux choses « sérieuses ». Ce mardi 30 juin, date fatidique, puisque c’était l’échéance du remboursement d’une tranche de 1,6 milliards d’Euros au FMI, la Commission européenne a présenté à Athènes une offre de la dernière chance afin de tenter de parvenir à un accord « argent frais contre réformes » avant l'expiration au même jour de l'actuel programme de renflouement. Inutile de dire que Berlin n’était pas d’accord.

 

Le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis informe qu’il ne payera pas l’échéance au FMI. Dans un tweet adressé à Christine Lagarde, il lui a annoncé sur un ton qui ne doit certainement pas lui plaire : « DESOLE POUR LE RETARD DE PAIEMENT, J'ESSAIE ENCORE DE POUVOIR PAYER VOTRE DU, MAIS JE N'ARRIVE PAS A TROUVER UNE BANQUE OUVERTE. SIGNE Y.VAROUFAKIS »

 

Tweet de Yanis Varoufakis à Christine Lagarde

Tweet de Yanis Varoufakis à Christine Lagarde

 

Selon les termes de l'offre présentée à Athènes, le gouvernement d'Alexis Tsipras devrait s'engager par écrit à accepter la dernière version de la proposition des « institutions », celle rendue publique dimanche par la Commission, et à mener campagne pour les faire accepter lors du référendum prévu dimanche prochain.

 

S'il l'accepte, les ministres des Finances de la zone euro pourraient se réunir en urgence dans la journée de mardi et adopter une déclaration réaffirmant leur engagement pris en 2012 de discuter d'un réexamen de la dette grecque, que le gouvernement issu du parti de la gauche anti-austérité Syriza réclame depuis des mois.

 

Ce réexamen porterait sur un allongement des maturités des prêts, c’est-à-dire leur échéance, une réduction des taux d'intérêt et une prolongation du moratoire sur le paiement des intérêts des crédits débloqués par la zone euro et serait mis en œuvre au mois d'octobre.

 

Autant demander d’acheter un chat dans un sac !

 

La réaction d’Athènes ne se fait pas attendre. Selon le quotidien grec Ekathimerini, les services du Premier ministre ont annoncé dans l'après-midi de mardi avoir proposé un accord sur deux ans avec le Mécanisme européen de stabilité (MES) pour couvrir ses besoins financiers avec, en parallèle, une restructuration de la dette.

 

L'objectif, ajoutent les services du chef du gouvernement, est de faire en sorte que la Grèce demeure dans la zone euro.

 

Cela fait taire les rumeurs d’une volonté de Tsipras de sortir de l’Eurozone. Et cela signifie : Messieurs les Européens, excluez les premiers !

 

Jean-Claude « Drunker »

 

L'existence d'offre de la Commission a semblé surprendre un certain nombre d'acteurs, à commencer par la chancelière allemande Angela Merkel a dit ne pas être au courant d'une quelconque offre de dernière minute présentée au gouvernement grec. Elle a déclaré : « Tout ce que je sais, c'est que la dernière offre dont je suis informée remonte à vendredi dernier ».

 

Mais du côté français, Michel Sapin, a au contraire laissé entendre que la porte des négociations n'était pas encore totalement refermée.

 

Cela cafouille au sein de la Commission, c’est le moins qu’on puisse dire ! Le bruit court en effet dans les couloirs du Berlaymont que Juncker est quelque peu fatigué. Son surnom, pour les initiés, serait Jean-Claude « Drunker »…

 

Le Président de la Commission serait-il un peu fatigué ?

Le Président de la Commission serait-il un peu fatigué ?

 

Tsipras a réagi, montrant ainsi qu’il ne ferme pas la porte après l’annonce du référendum.

 

Il y aura un autre « niet » qu’on écrit en grec « oxi »

 

Dans une nouvelle lettre adressée aux créanciers de la Grèce (Troïka ou « groupe de Bruxelles», comme on voudra), Alexis Tsipras se déclare prêt à céder aux exigences des institutions moyennant quelques amendements, additions ou clarifications, selon le Financial Times (qui, il faut le dire, est assez objectif en cette affaire). Selon cette lettre, le gouvernement grec se dit prêt à accepter la liste d'actions prioritaires dressée par les créanciers, dans le document publié sur le site internet de la Commission européenne dimanche.

 

Ce texte servirait alors de base à un accord sur une nouvelle aide financière pour le pays, notamment via le Mécanisme européen de stabilité (MES), dont une demande a été introduite par le gouvernement grec mardi après-midi. M. Tsipras conditionne toutefois l'aval à ce document à certains amendements « concrets, respectant la solidité et la crédibilité de l'ensemble du programme ».

 

Athènes accepterait les réformes de la TVA, à condition qu'une ristourne de 30% soit accordée aux îles helléniques pour compenser leurs désavantages. L'âge de la pension pourrait être reporté à 67 ans en 2022, au lieu d'octobre prochain. Enfin, l'indemnité de solidarité pour les pensionnés les plus défavorisés devrait aussi disparaitre plus tardivement.

 

Cette nouvelle proposition transmise ce mercredi 1er juillet n'est nullement une capitulation. L'acceptation partielle de la dernière proposition des créanciers prend en compte les « lignes rouges » défendues par le gouvernement et il demande de nouvelles concessions : maintien du rabais de 30 % de la TVA dans les îles, report de la suppression de la retraite complémentaire EKAS pour les plus fragiles à 2019. Les créanciers avaient déjà accepté leur folle proposition d'une TVA de 23 % contre 13 % dans les hôtels. Mais surtout, cet accord, comme auparavant, ne peut s'accompagner que d'un accord sur la dette. Sans accord sur la dette, pas de « solution globale ». Et alors, le référendum sera maintenu puisque le gouvernement ne peut remplir son mandat.

 

Beau jeu tactique du Premier ministre hellène : il veut bien accepter les propositions de la Troïka qui ne sont d’ailleurs pas nouvelles, à quelques détails près, et surtout faire les réformes pour lesquelles il a été élu, dans la mesure où les conditions qu’il pose, soit acceptées. Pour les « créanciers », c’est évidemment un « niet » ! Eh bien, il y aura un autre « niet » qu’on écrit en grec « oxi »…

 

Nouvel appel au peuple

 

Alexis Tsipras est un fameux stratège.

Alexis Tsipras est un fameux stratège.

 

Alexis Tsipras s'est s'adressé mercredi 1er juillet après-midi à la Nation après la publication de nouvelles propositions de la Grèce à la Troïka. Il met les points sur les « i » : pas question de quitter la zone Euro, pas question de quitter l’Europe. En voici le texte :

 

« Le référendum de dimanche ne pose pas la question de l'appartenance de la Grèce à la zone euro. Après l'annonce du référendum, de meilleures propositions ont été formulées à propos de la restructuration de la dette. Lundi prochain, le gouvernement grec sera à la table des négociations, avec un meilleur mandat du peuple grec. Le verdict populaire est bien plus fort que la volonté d'un gouvernement.

 

Il est inacceptable que dans une Europe solidaire, on soit contraint de fermer les banques du fait d'avoir appelé le peuple à voter. Cela a gêné des milliers de personnes âgées, mais malgré l'asphyxie financière, le gouvernement garantit leurs retraites. Ces derniers mois, nous avons négocié avec acharnement pour défendre vos retraites, protéger votre droit à une retraite décente. Vous avez fait l'objet d'un chantage au vote « Oui » à l'ensemble des mesures des « Institutions » qui ne comportent aucune solution de sortie de crise.

 

Le « Non » n'est pas juste un slogan. C'est un pas décisif pour un meilleur accord.

 

Le « Non » ne signifie pas rompre avec l'Europe, mais au contraire revenir aux valeurs européennes.

 

Le « Non » signifie une forte pression. Pour un accord socialement juste qui met la charge sur ceux qui peuvent l'assumer et non, encore une fois, sur les retraités et les travailleurs.

 

Il y a ceux qui disent que j'ai un plan caché, qu'avec un vote « Non », je vais faire sortir la Grèce de l'euro. Ils vous mentent. Ceux qui font ces déclarations aujourd'hui faisaient les mêmes hier. Ils ne servent pas le peuple européen. Ils voient l'Europe comme une union superficielle dont le FMI est le garrot. Ils ne sont pas les visionnaires dont l'Europe a besoin.

 

Je fais part de ma gratitude sincère au peuple grec pour son calme et sa retenue. Les salaires et les retraites sont garantis.

 

Les dépôts bancaires des citoyens qui ne retirent pas leur argent sont garantis. Tournons la page, maintenons la démocratie et nos convictions pour un meilleur accord. Nous le devons à nos parents, à nos enfants, à nous-mêmes. Dire "Non" ce dimanche est notre devoir historique. »

 

Tsipras veut la poursuite des négociations » et il n’est pas question d’une sortie de la zone euro ». Il sait que c’est difficile pour le peuple grec, mais il faut en sortir.

 

Tsipras a en outre tenu à rassurer le peuple grec sur l’avenir des salaires et des pensions.

 

Et il a rappelé le principe d’une Europe solidaire.

 

En définitive, n’est-ce pas ainsi qu’on construit une autre Europe ? Celle des peuples dans une « maison commune » de l’Atlantique à l’Oural ?

 

 

Pierre Verhas

 

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30 juin 2015 2 30 /06 /juin /2015 15:43

 

Les organes de presse les plus déchaînés contre le référendum grec et le gouvernement Tsipras sont ceux qui se réclament de la gauche, le « Monde », « Libération », le « Guardian » en tête.

 

La palme revient à « Libé » (pour les intimes) ce 30 juin. Il faut dire que son correspondant, l’ineffable Jean Quatremer, ancien maoïste converti à l’ultralibéralisme pur et dur, mais ayant bien retenu les méthodes d’intox qu’il a apprises dans son jeune temps. Tout d’abord, il prétend que Tsipras a « interrompu les négociations » en décidant du référendum. Et il prétend que le Premier ministre grec a soumis le texte de la Troïka du jeudi 25 juin à l’avis du peuple et non celui du vendredi 26 juin qui, d’après Quatremer, est plus avantageux pour les Grecs.

 

Jean Quatremer : sous ses airs de gentil garçon se cache un redoutable propagandiste de l'ultralibéralisme.

Jean Quatremer : sous ses airs de gentil garçon se cache un redoutable propagandiste de l'ultralibéralisme.

 

Il va même jusqu’à affirmer que Tsipras a refusé « les coupes dans le budget militaire elles aussi demandées par le groupe de Bruxelles [autre nom de la Troïka] ». Or, il n’a jamais été question de cela !

 

Or, c’est dans la nuit du vendredi 26 au samedi 27 juin que Tsipras a annoncé le référendum. Premier mensonge.

 

D’autre part, ici, il s’agit de mauvaise foi, le brillant correspondant n’a manifestement pas lu le discours de Tsipras – ou n’en a pas tenu compte : « Après cinq mois de négociations, nos partenaires en sont venus à nous poser un ultimatum, ce qui contrevient aux principes de l’UE et sape la relance de la société et de l’économie grecque. Ces propositions violent absolument les acquis européens. Leur but est l’humiliation de tout un peuple, et elles manifestent avant tout l’obsession du FMI pour une politique d’extrême austérité. »

 

C’est clair : c’est le FMI qui a fait tout capoter. Plusieurs commentateurs et responsables politiques l’ont dit. L’ancien président de la BEI (Banque Européenne d’Investissement), Philippe Maystadt, l’a affirmé également : c’est le FMI qui, avec ses exigences inacceptables pour le gouvernement d’Athènes, a fait capoter la négociation. Quatremer n’est sans doute pas au courant, parce qu’il ne dit mot là-dessus…

 

Christine Lagarde n'a pas les mains libres étant candidate à sa propre succession.

Christine Lagarde n'a pas les mains libres étant candidate à sa propre succession.

 

Il y a d’ailleurs une raison à cette intransigeance de Chritine Lagarde. Le FMI est une institution mondiale et bien des pays – dont le Brésil – qui ont subi les catastrophiques diktat de cet organisme, voient d’un mauvais œil un « traitement de faveur » à l’égard de la Grèce, par-dessus le marché, pays européen. Et comme la grande Christine est candidate à un second mandat…

 

Et notre honorable correspondant va jusqu’à dire – en jouant ici la « voix de son maître » - qu’en cas de victoire du non, « le seul plan B, c’est le « Grexit » et les partenaires d’Athènes ont tenu à faire passer le message. » En effet, les déclarations guerrières de Junker et de Merkel vont dans ce sens. On dramatise. La chancelière allemande et le président de la Commission pénètrent dans la campagne, ce qui réjouit Jean Quatremer : « Manifestement, la Commission, mais aussi les Etats- membres, ont décidé de faire campagne et de ne pas laisser les mains libres à Alexis Tsipras, qui joue à pile ou face avec l’avenir de la zone euro. »

 

Laurent Joffrin, directeur de "Libération" est un virtuose de la pensée unique en plus d'être un amateur de... Napoléon !

Laurent Joffrin, directeur de "Libération" est un virtuose de la pensée unique en plus d'être un amateur de... Napoléon !

 

Et Laurent Joffrin, le directeur de « Libé », en rajoute une couche dans son éditorial : « … l’Europe avait commencé d’assouplir sa position, sous l’influence de la France notamment. Elle était prête à accepter le maintien des retraites ou à aborder le difficile dossier de la réduction des retraites. C’est le moment qu’a choisi Alexis Tsipras pour rompre la discussion… » Et, bien entendu, il faut salir Tsipras : « … Tsipras a-t-il cédé à la pression des antieuropéens de sa majorité qu’il s’agisse de ses alliés d’extrême-droite ou de la partie la plus radicale de son parti ? On se prend à douter. ». Ses « alliés » sont de droite, certes, mais démocrates et souverainistes. On voit poindre là l’innommable « populisme » qui est le pire fléau de notre temps !

 

Un autre fait – là, Quatremer fait preuve d’un peu de prudence, puisqu’il n’en parle pas – c’est la soi-disant rupture des négociations à l’Eurogroupe de samedi 27 juin par Yanis Varoufakis. C’est exactement l’inverse qui s’est passé.

 

George Katougralos, ministre Syriza de la Réforme, remet les montres à l'heure.

George Katougralos, ministre Syriza de la Réforme, remet les montres à l'heure.

 

Dans le même « Libération » (heureusement qu’il y en a qui font encore du journalisme dans cette rédaction), une interview de George Katrougalos, ministre Syriza de la Réforme répond à la question de savoir si, comme ils l’ont déclaré, Hollande et Merkel, lors des dernières négociations, n’avaient pas abordé la question de la baisse des retraites et avaient commencé à discuter de la dette. Le ministre répond : « … je suis contraint de vous dire que c’est faux. D’ailleurs Nikos Pappàs (bras droit de Tsipras qui participait aux négociations) a mis les documents photographiés des dernières propositions des créanciers sur son compte Twitter. Tout le monde peut aller vérifier. À aucun moment des discussions ils n’ont voulu envisager réaménagement de la dette… » Et un mensonge de plus, un !

 

Quant à l’Eurogroupe, Katrougalos répond : « D’ailleurs au lendemain de l’annonce du référendum, Yanis Varoufakis est venu à l’Eurogroupe de samedi. On lui a demandé de quitter la salle. Mais ça aussi, ils disent que c’est faux et que c’est Varoufakis qui a choisi de partir. Franchement, c’est facile de vérifier. Varoufakis s’en est plaint publiquement alors qu’il était encore à Bruxelles et a même contesté la validité légale de cette décision de Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe. On lui a répondu que l’Eurogroupe était un groupe informel où il n’y avait pas de règles de procédures. » Ben tiens !

 

Ils mentent, on le sait, mais en plus, ils mentent mal ! En d’autres termes, c’est la panique.

 

Ces Messieurs dames détestent le suspense.

 

Plus que cinq jours avant la vérité.

 

 

Pierre Verhas

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28 juin 2015 7 28 /06 /juin /2015 20:22

 

Pour justifier l’exclusion de quelqu’un, souvent on prétend qu’il s’est exclu lui-même. C’est ce qui s’est passé hier soir à l’Eurogroupe après l’expulsion de Yanis Varoufakis.

 

En décrétant un référendum qui a été adopté la nuit dernière par le Parlement d’Athènes, Alexis Tsipras a mis fin à cette sinistre partie de ping-pong entre son pays et la Troïka qui désormais est à la tête de l’Union européenne. Comment dire autrement, quand on voit au « Sommet » européen de vendredi Christine Lagarde, Mario Draghi et Jean-Claude Juncker assis côte à côte. Et leur présence était loin d’être symbolique et ils avaient voix délibérative, en violation manifeste des traités en dehors desquels, selon Juncker, il n’y aurait pas de démocratie. Pire, ils menaient le processus de décision.

 

Angela Merkel, Christine Lagarde, Jean-Claude Juncker, Mario Draghi et un peu plus loin, François Hollande, Alexis Tsipras, Mario Rajoy et Matteo Renzi au sommet européen de vendredi 26 juin. La nouvelle hiérarchie illégitime et illégale de l'Union européenne.

Angela Merkel, Christine Lagarde, Jean-Claude Juncker, Mario Draghi et un peu plus loin, François Hollande, Alexis Tsipras, Mario Rajoy et Matteo Renzi au sommet européen de vendredi 26 juin. La nouvelle hiérarchie illégitime et illégale de l'Union européenne.

 

Et bien sûr, le seul fautif est la Grèce !

 

Pas si simple ! Le gouvernement d’Athènes a fait des propositions à l’Eurogroupe qui ont été rejetées d’un revers de la main par l’Eurogroupe qui représente en fait les créanciers dont le plus dur est le FMI Pour la députée Syriza Sia Anagnostopoulou, professeure à l’Université Panteion d’Athènes :

 

« La liste de mesures que notre gouvernement a envoyée cette semaine à Bruxelles était déjà une proposition très dure pour nous. C'était le résultat de quatre mois de négociations. Or les institutions ont maintenu leurs propositions sans nous demander notre avis, comme s'il n'y avait pas eu de changement de majorité en Grèce, comme si nous n'avions pas déjà énormément reculé sur notre programme électoral ; c'était sous la forme d'un ultimatum, à prendre ou à laisser. Elles nous traitent comme un écolier qui a raté son examen ! Mais le gouvernement ne peut pas mettre en œuvre un programme complètement à l'opposé de ce pour quoi il a été élu… C'est pourquoi il est obligé de soumettre cette proposition à l'opinion du peuple grec. » (Mediapart – 28 juin 2015)

 

Sia Anagnostopoulou, députée d'Athènes, dirigeante de Syriza

Sia Anagnostopoulou, députée d'Athènes, dirigeante de Syriza

 

Et quelles sont ces propositions ? Le « Monde » daté de dimanche 28 et lundi 29 juin les détaille complaisamment :

 

1) Un objectif d’équilibre budgétaire. Le budget grec doit dégager un surplus primaire (c’est-à-dire dépenses hors dettes moins impôts) de 1 % du PIB en 2015, 2 % en 2016, 3 % en 2017 et 3,5 % en 2018.

Ce serait une « concession majeure » de la part des créanciers qui exigeaient 3,5 % dès 2015. Cela signifie que le gouvernement grec n’aurait plus aucune marge de manœuvre, notamment en matière sociale où il y a urgence humanitaire.

 

2) Un volet de réformes Les créanciers exigent une réforme de la TVA avec un objectif de rentrées fiscales à 1 % du PIB. Un taux de 6 % pour les médicaments, les livres et les places de spectacle, un de 13 % pour l’électricité, l’eau et l’alimentation et un troisième à 23 % pour la restauration et l’hôtellerie.

 

Une réforme des retraites (limitation des préretraites, suppression de la prime pour les petites retraites ; Réduction de 1% du PIB en 2016.

 

3) Un volet financier N’entrons pas ici dans le détail, mais en gros – comme cela a plusieurs fois été le cas – l’aide de plusieurs milliards d’Euros servirait à rembourser les créanciers comme le FMI et la BCE. Et c’est ici que les Etats européens interviendraient pour garantir le remboursement par la Grèce de cette nouvelle « aide ». Autrement dit, on « socialise » des dettes privées. En effet, contrairement à ce qui est affirmé, ce ne sont pas (encore) les Etats membres de l’Eurozone qui sont les créanciers, mais des organismes comme la BCE et le FMI. Et comme ce fut le cas pour les banques lors de la crise financière de 2008, les Etats garantissent le remboursement. En clair, on leur met une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

 

Or, pour la majorité grecque actuelle, c’est inacceptable. Même si certains, comme Juncker et Hollande laissent entendre qu’au cas où le plan des créanciers est appliqué, on discutera de la restructuration de la dette grecque. Pour l’Allemand Wolfgang Schaüble, il ne peut en être question. Bref, c’est le rôle du méchant et du gentil dans un polar…

 

FRançois Hollande (le gentil ?) serrant la main de Wolfgang Schäuble (le méchant ?)

FRançois Hollande (le gentil ?) serrant la main de Wolfgang Schäuble (le méchant ?)

 

Un coup d’Etat dans l’Union européenne ?

 

Et on peut se poser la question : certains ont parlé de coup d’Etat suite à la décision d’Alexis Tsipras. N’est-ce pas au sein de l’Union européenne qu’il y a eu un coup d’Etat par la prise de pouvoir de la Troïka ? Et l’expulsion de la Grèce de l’Eurogroupe n’est-elle pas un pronunciamiento politique et financier ?

 

Dans une interview à « Regards.fr », Sia Anagnostopoulou explique que son pays refuse d’entrer dans ce petit jeu.

 

« Pour nous, il y a deux lignes rouges : l’arrêt immédiat du programme des mémorandums et la fin de la Troïka dont nous considérons qu’elle est un organe non institutionnel européen. Ensuite, nous soutiendrons le gouvernement pour la création d’un nouveau contrat avec les pouvoirs européens et d’un "plan-relais" jusqu’à la fin juillet. Il s’agit s’assurer une transition entre la situation définie par les mémorandums et la Troïka, et un autre régime sous lequel nous allons articuler nos clauses de négociations avec le pouvoir européen. Nous ne demandons pas de l’argent aux pouvoirs et aux institutions de l’UE, mais du temps pour que la société grecque respire un peu. De notre côté, en tant que députés de Syriza, représentants du peuple grec, nous sommes obligés de contrôler le pouvoir, le gouvernement, afin de respecter les promesses et surtout la volonté du peuple grec exprimée lors des élections. »

 

Vers la fin de l’Union européenne et vers la fin de la démocratie ?

 

Suite à cela, après cinq mois de négociations chantage où la Troïka a fixé une date butoir, le 30 juin, Alexis Tsipras a décidé de faire appel au peuple grec. Accepte-t-il ou non le plan de l’Eurogroupe ? Conséquence, le Ministre des finances Varoufakis en est expulsé, ce qui est non seulement une première étape vers le « Grexit », mais constitue un très grave précédent dans l’histoire de l’Union européenne : jamais, en dépit de désaccords profonds, un représentant d’un Etat-membre n’a été expulsé. On ne mesure pas la gravité de ce geste inadmissible. Cela pourrait signifier la fin de l’Euro, mais aussi la fin de l’Union européenne. Une exclusion d’un pays dont le Premier ministre suivi du Parlement décide de faire appel au peuple est inacceptable. Cela prouve l’inadéquation entre la démocratie et les décisions des exécutifs européens.

 

L’économiste libéral belge Bruno Colmant le montre bien (l’Echo, 16 juin 2015, bien avant l’annonce du référendum grec) : « Syriza rappelle non seulement la prédominance du choix démocratique mais aussi l’hypothèse implicite de l’Euro d’une orientation politique homogène pour ses Etats-membres. La question est donc de savoir comment concilier l’appartenance à l’Euro et une orientation divergente de celle de la majorité de ses Etats-membres. (…)

Bruno Colmant est un de ces économistes libéraux qui évolue vers une tout autre analyse.

Bruno Colmant est un de ces économistes libéraux qui évolue vers une tout autre analyse.

 

La situation grecque engage donc une question bien plus large qu’un simple échelonnement de dettes publiques. Il s’agit de l’expression de la démocratie et de la représentativité de cette dernière au niveau européen. »

 

Et Colmant pose un problème fondamental : « En février 2015, après les élections grecques, Jean-Claude Juncker, président de la Commission, avait commis une affirmation qui sonnait comme un avertissement : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Le propos avait le mérite d’être clair, à tout le moins au niveau de ce que le président de la Commission représente. Les pays de la zone euro avaient déjà perdu leur souveraineté monétaire, leur souveraineté fiscale (au travers de la signature du Pacte de stabilité et de croissance), mais voici que c’est l’orientation démocratique qui devrait désormais faire l’objet d’un abandon d’expression. »

 

De l’illégalité et de l’illégitimité

 

Il est d’ailleurs symptomatique que le rapport préliminaire de la Commission pour la vérité sur la dette grecque dirigée par le président du CADTM (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-monde), Eric Toussaint, commandité par la Présidente Parlement grec, et présenté les 17 et 18 juin dernier, est quasi passé sous silence dans la presse internationale et qu’il n’y est jamais fait allusion au niveau des institutions européennes.

 

Erci Toussaint présentant le rapport préliminaire de la Commission pour la vérité sur la dette grecque au Parlement d'Athènes, le 17 juin dernier.

Erci Toussaint présentant le rapport préliminaire de la Commission pour la vérité sur la dette grecque au Parlement d'Athènes, le 17 juin dernier.

 

Quand on connaît ses conclusions, on peut deviner pourquoi. Cela commence fort !

 

Selon un des rapporteurs, Pascal Saurin (Mediapart – 28 juin 2015) « De grandes institutions qui violent les règles élémentaires de droit, bafouent leurs propres statuts, tolèrent des malversations et des fraudes, de grands responsables politiques et financiers pris en flagrant délit d’infraction et de malversation, et pour finir un peuple grec floué, humilié et spolié, telle est la triste réalité que révèle en pleine lumière le Rapport préliminaire de la Commission pour la Vérité sur la Dette grecque. »

 

En premier lieu, la cause fondamentale :

 

« La crise de la dette publique grecque est en réalité une crise générée par quelques grandes banques, en particulier françaises et allemandes, qui après avoir privatisé des profits conséquents, ont socialisé une bonne partie de leurs pertes, non moins conséquentes (…). Dans cette escroquerie à grande échelle, le rôle du bonneteur ou manipulateur est tenu par les banques, celui des complices ou « barons » par la Troïka (le Fonds monétaire international, la Banque Centrale Européenne et la Commission européenne), celui des seconds couteaux par les gouvernements des États européens, et enfin celui de la victime par le peuple grec. Le préjudice subi s’élève à 320 milliards d’euros, le montant de la dette grecque. »

 

C’est en 2000 que ces banques commencent à déverser d’énormes masses de liquidités sur le marché grec qu’elles estiment plus rémunérateurs que les marchés nationaux. Ainsi, entre 2000 et 2009, les crédits explosent, les prêts aux ménages et les crédits immobiliers sont multipliés par 6, les financements aux entreprises doublent. Tout va très bien jusqu’à ce qu’éclate la crise financière de 2008-2009.

 

En Grèce, ce fut comme aux Etats-Unis avec les subprimes, les ménages endettés se retrouvent dans l’incapacité de payer leurs échéances et les banques sont aux abois. C’est alors qu’interviennent les gigantesques plans de soutien aux banques mis en place par la Banque Centrale Européenne pour 5 000 milliards d’euros car, les banquiers se sont empressés de faire supporter leurs pertes par l’Etat grec.

 

La deuxième phase : la falsification des chiffres :

 

En 2009 le gouvernement grec trafique les chiffres de la dette grecque pour donner le prétexte au FMI d’intervenir aux côtés de la BCE et de la Commission européenne. La Troïka est constituée.

 

Elle commence à imposer au gouvernement grec deux memoranda : financement important de la dette de l’ordre de 110 à 130 milliards d’Euros dont 80 % vont aux banques grecques et européennes. Le tout est accompagné, bien entendu, de mesures d’austérité drastiques : licenciements massifs dans la fonction publique, coupes dans les services publics, diminutions des salaires et des pensions, bradage du patrimoine du pays. Cela a bien entendu des conséquences catastrophiques. Pascal Saurin écrit : « En quelques années, le pays perd 25 % de son PIB, voit son taux de chômage tripler pour atteindre 27 % (60 % chez les jeunes et 72 % chez les jeunes femmes), et en lieu et place d’une diminution de la dette publique, on voit celle-ci augmenter jusqu’à 320 milliards d’euros pour représenter 177 % du PIB en juin 2015. Dans ces plans d’austérité imposés à la Grèce, le plus inadmissible est la crise humanitaire qu’ils ont suscitée en frappant indifféremment enfants, personnes âgées, migrants, malades, femmes isolées sans emploi, c’est-à-dire les plus fragiles de la société. »

 

Selon des études britanniques, la chute de 42 % du PIB de la Grèce entre 2008 et 2015 est un phénomène qui n’a été observé que dans des pays confrontés à des guerres, à des effondrements du cours des matières premières et en Argentine dans les années 1980 et 1995. C’est donc une véritable razzia qui a écrasé la Grèce.

 

Troisième phase : le transfert des risques des banques privées vers le secteur public.

 

A la fin des années 1990 - 2000 la dette publique grecque était à 80 % entre les mains des investisseurs financiers privés, aujourd’hui, c’est le secteur public qui la détient dans les mêmes proportions.

 

« Cette « migration de crédit » obéissait au souci de sauver les banques, et non la Grèce et sa population. En juin 2013, ATTAC Autriche a publié une étude très détaillée pour identifier les véritables bénéficiaires du soi-disant « sauvetage » de la Grèce intervenu entre mai 2010 et juin 2012. Sur un total de 206,9 milliards d’euros, il est ressorti que 77 % avaient été affectés au secteur financier. L’étude précise que « ces 77 % constituent… un minimum d’un montant qui a pu être sous-estimé. » Même Jean Arthuis, président de la commission des budgets au Parlement européen, le reconnaît dans un entretien donné le 11 mai 2015 au journal Libération : « on a, en fait, transféré le mistigri des banques aux États » »

 

Le caractère illégal des mesures imposées par les memoranda

 

Aucune des règles propres aux institutions qui composent la Troïka n’ont été respectées. D’autre part, il y a de nombreuses violations des dispositions du droit international. On se trouve là aussi devant un coup d’Etat d’une ampleur inégalée.

 

Ainsi, le FMI dont l’article 1 des statuts dispose qu’il a pour but de « contribuer… à l’instauration et au maintien de niveaux élevés d’emploi et de revenu », participe à la mise en place de memoranda qui prévoient de massives suppressions d’emplois et de drastiques diminutions de salaires et pensions.

 

La BCE a outrepassé son mandat en imposant, dans le cadre de sa participation à la Troïka, l’application de programmes d’ajustement macroéconomique comme la réforme du marché du travail. Elle s’est substituée à une autorité politique, alors qu’elle est une autorité uniquement monétaire.

 

De son côté, le FESF (Fonds Européen de Stabilité Financière institué en 2010 au niveau de tous les pays de l’Union européenne qui est destiné à prêter aux Etats et à racheter des titres de la dette primaire des mêmes Etats) a violé l’article 122.2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui autorise le financement d’un État membre « lorsqu’un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant à son contrôle ». Or la Grèce ne rentrait pas dans ce cadre car, à l’instar d’autres pays de l’Union européenne, elle avait vu sa situation se détériorer suite à la mise en œuvre des conditionnalités fixées dans les protocoles d’accord, sachant par ailleurs que la mise en place du prétendu « programme d’aide » (le Memorandum of Undestanding) s’est faite en violation de la procédure de ratification telle que prévue dans la Constitution grecque. On peut également considérer que les prêts bilatéraux consentis par les États présentent de nombreuses irrégularités ou clauses abusives, notamment lorsque l’accord de facilité de prêt prévoit que les dispositions de l’accord doivent être mises en œuvre même si elles sont illégales. Enfin, les dettes des créanciers privés peuvent être également considérées comme illégales car elles révèlent une attitude irresponsable des banques privées avant l’arrivée de la Troïka et une mauvaise foi de certains créanciers privés qui ont spéculé sur la dette grecque en utilisant les Credit default swaps (CDS).

 

Violation manifeste des droits de l’Homme

 

Le plus grave est la violation manifeste des droits de l’Homme (droit à la santé, au logement, à l’éducation, à la Sécurité sociale, droit du travail etc.) sous le prétexte du paiement prioritaire de la dette, alors que les traités internationaux, la Constitution grecque et la réglementation de l’Union européenne et celle de ses États membres prévoient précisément le contraire.

 

Pascal Saurin conclut : « En plus de ces fondements de droit, l’État grec peut décider une suspension unilatérale de sa dette en se fondant sur l’état de nécessité. Toutes les conditions pour la mise en place d’une telle décision sont remplies dans la mesure où les autorités grecques doivent protéger un intérêt essentiel de l’État contre un péril grave et imminent et qu’elles ne disposent pas d’autre moyen à leur disposition pour protéger l’intérêt essentiel en question. Enfin, lorsqu’un État est confronté à une dette insoutenable, il peut unilatéralement décider de faire défaut car l’insolvabilité souveraine a sa place dans le droit international.

 

Face à des institutions aveuglées par une haine de classe et à des créanciers corrompus et dépourvus de tout scrupule, les autorités grecques auraient bien tort de se priver de ces moyens de droit même si leur mise en œuvre ne peut répondre qu’à une partie des problèmes auxquels est confrontée leur pays depuis des mois. La décision prise à l’unanimité par le conseil des ministres grec de consulter la population sur la dernière proposition des institutions européennes [et approuvée par 178 voix sur 300 par le Parlement grec] pourrait bien être la première étape d’un processus qui mène à l’annulation de la dette grecque ou tout au moins à une partie significative de celle-ci. Aujourd‘hui, à quelques jours du référendum, le soutien international au peuple grec doit s’intensifier pour l’appuyer dans son refus du projet de la Troïka qui doit être remplacé par un programme alternatif, démocratique et au service de l’ensemble de la population. »

 

Et on s’aperçoit ce dimanche 28 juin que les choses se calment – on verra la suite, la semaine sera fertile en rebondissements – puisque la BCE a décidé de poursuivre les prêts aux banques grecques et le gouvernement grec a décrété la fermeture de la Bourse et des banques jusqu’à nouvel ordre, afin d’éviter toute panique et toute spéculation.

 

Les peuples, comme les oliviers, durent mille ans.

 

Serait-ce une première victoire de la démocratie suite à l’annonce du référendum ? L’avenir nous le dira très bientôt.

 

Laissons la conclusion à Bruno Colmant : « Nier la pertinence de la représentation démocratique opposée à l’ordre berlinois relève d’une méconnaissance inquiétante de l’histoire des peuples et des monnaies. Car, derrière ces questionnements, c’est probablement la survie de l’Euro qui est en jeu. Croire que les symboles régaliens, comme les dettes publiques et la monnaie, disciplinent une économie réelle est une réfutation des réalités socio-économiques. De Gaulle avait coutume de dire que les peuples, comme les oliviers, durent mille ans. Je ne connais pas de monnaie ou de dette publique qui a démontré cette pérennité.

 

La question est de savoir quel projet l’Europe porte encore, quelques mois après qu’un quart des citoyens européens [aux élections européennes] a exprimé une défiance par rapport à cette instance supranationale. On sent le refoulement grandissant de la légitimité des instances européennes qui semblent relever de l’artifice technique plutôt que du prolongement d’aspirations communes. (…)

 

La monnaie commune, elle-même limitée à quelques pays d’Europe, est aujourd’hui engagée dans des tourbillons qui reflètent le manque de vision et d’intuition. Il faudrait plus d’Europe, mais plus de meilleure Europe, c’est-à-dire une Europe qui exprime des valeurs, parle d’une voix apaisante et visionnaire, dans le respect des peuples, plutôt qu’une Europe dissociée des réalités de la crise. »

 

Et une Europe débarrassée des lobbies des banques et des transnationales qui, par leur cupidité, assassinent les peuples.

 

 

Pierre Verhas

 

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27 juin 2015 6 27 /06 /juin /2015 09:28

 

Discours d’Alexis Tsipras au peuple grec

 

Dans la nuit de vendredi 26 juin à samedi 27, le Premier ministre grec a trouvé la meilleure solution pour sortir de l’impasse de négociations – chantage sur la dette grecque : le référendum.

 

Les « grands » de ce monde se gaussaient de ce jeune Premier ministre, de ce « gamin » qui rechignait à les suivre dans leur folie, qui n’acceptait pas la ruine de son pays et de son peuple au plus grand profit des grandes banques transnationales.

 

« Le gosse » leur a donné une leçon, une leçon de démocratie : Madame Lagarde, Monsieur Juncker, Monsieur Tusk, Madame Merkel, Monsieur Hollande, Monsieur Michel, Monsieur Rajoy, Monsieur Renzi, Monsieur Djijsselbloem, et tous les autres, la « récréation est vraiment finie ! » Le peuple grec décidera !

 

Il y a bien longtemps que l’on n’a plus entendu ce langage. Un référendum ! Un peuple qui choisit son destin ! C’est inconvenant, voyons ! Eh oui ! Mesdames et Messieurs, les bonnes habitudes ont un temps. Il faudra vous y faire.

 

Il est vrai que les référendums ne portent pas chance à l’Union européenne. Rappelez-vous 2005 et les « non » français et néerlandais au projet de traité constitutionnel, remis quatre ans après sur le tapis sous le nom de Traité de Lisbonne, ou technocratiquement parlant : TFUE, mais sans référendums, cette fois-ci. Rappelez-vous aussi que sous le calamiteux gouvernement grec de Papandréou qui avait eu une velléité de référendum vite oubliée après s’être copieusement fait enguirlander par Merkel et Sarkozy.

 

Ici, c’est autre chose : le référendum décidé par Alexis Tsipras fait partie de sa stratégie. Non – et il suffit de lire son discours – il n’est pas eurosceptique. Il parle même de « maison commune » remettant à l’ordre du jour le seul vrai projet de construction européenne : l’Europe de l’Atlantique à l’Oural d’un certain de Gaulle.

 

Et en remettant la démocratie dans le jeu, il offre enfin une boussole à l’Europe. Merci Alexis.

 

 

Pierre Verhas

 

 

Alexis Tsipras s'adresant au peuple grec dans la nuit de vendredi 26 à samedi 27 juin

Alexis Tsipras s'adresant au peuple grec dans la nuit de vendredi 26 à samedi 27 juin

 

Nous avons livré un combat dans des conditions d’asphyxie financière inouïes pour aboutir à un accord viable qui mènerait à terme le mandat que nous avons reçu du peuple. Or on nous a demandé d’appliquer les politiques mémorandaires comme l’avaient fait nos prédécesseurs. Après cinq mois de négociations, nos partenaires en sont venus à nous poser un ultimatum, ce qui contrevient aux principes de l’UE et sape la relance de la société et de l’économie grecque. Ces propositions violent absolument les acquis européens. Leur but est l’humiliation de tout un peuple, et elles manifestent avant tout l’obsession du FMI pour une politique d’extrême austérité. L’objectif aujourd’hui est de mettre fin à la crise grecque de la dette publique. Notre responsabilité dans l’affirmation de la démocratie et de la souveraineté nationale est historique en ce jour, et cette responsabilité nous oblige à répondre à l’ultimatum en nous fondant sur la volonté du peuple grec. J’ai proposé au conseil des ministres l’organisation d’un référendum, et cette proposition a été adoptée à l’unanimité.

 

La question qui sera posée au référendum dimanche prochain sera de savoir si nous acceptons ou rejetons la proposition des institutions européennes. Je demanderai une prolongation du programme de quelques jours afin que le peuple grec prenne sa décision.

 

Je vous invite à prendre cette décision souverainement et avec la fierté que nous enseigne l’histoire de la Grèce. La Grèce, qui a vu naître la démocratie, doit envoyer un message de démocratie retentissant. Je m’engage à en respecter le résultat quel qu’il soit. La Grèce est et restera une partie indissoluble de l’Europe. Mais une Europe sans démocratie est une Europe qui a perdu sa boussole. L’Europe est la maison commune de nos peuples, une maison qui n’a ni propriétaires ni locataires. La Grèce est une partie indissoluble de l’Europe, et je vous invite toutes et tous à prendre, dans un même élan national, les décisions qui concernent notre peuple.

 

(Traduction:Vassiliki Papadaki)

 

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18 juin 2015 4 18 /06 /juin /2015 12:40
Le 21 juin : tous à Bruxelles

Le 21 juin : tous à Bruxelles

 

Peuple grec peuple roi peuple désespéré

Tu n’as plus rien à perdre que la liberté

Ton amour de la liberté de la justice

Et l’infini respect que tu as de toi-même

Peuple roi tu n’es pas menacé de mourir

Tu es semblable à ton amour tu es candide

Et ton corps et ton cœur ont faim d’éternité

Peuple roi tu as cru que le pain t’était dû

Et que l’on te donnait honnêtement des armes

Pour sauver ton honneur et rétablir ta loi

Peuple désespéré ne te fie qu’à tes armes

On t’en a fait la charité fais-en l’espoir

Oppose cet espoir à la lumière noire

A la mort sans pardon qui n’a plus pied chez toi

Peuple désespéré mais peuple de héros

Peuple de meurt-la-faim gourmands de leur patrie

Petite et grand à la mesure de ton temps

Peuple grec à jamais maître de tes désirs

La chair et l’idéal de la chair conjugués

Les désirs naturels la liberté le pain

La liberté pareille à la mer au soleil

Le pain pareil aux dieux le pain qui joint les hommes

Le bien réel et lumineux plus fort que tout

Plus fort que la douleur et que nos ennemis.

 

Paul Eluard, 9 décembre 1944, en hommage à l’héroïque résistance du peuple grec

 

Francine Verstraeten remet un tract contre le TTIP à Christine Lagarde, directrice générale du FMI

Francine Verstraeten remet un tract contre le TTIP à Christine Lagarde, directrice générale du FMI

 

L’esprit de résistance doit nous gagner !

 

Voici le merveilleux geste de Francine Verstraeten, militante socialiste de toujours, qui, voyant par hasard il y a deux jours Christine Lagarde siroter un café à une terrasse de la place Jourdan à Bruxelles, tout près des bâtiments des Institutions européennes, lui remet un tract contre le Traité transatlantique. Le voilà l’esprit de résistance ! Chapeau, Francine !

 

Le 21 juin la CNAPD sera Gare centrale à 13h30 pour manifester sa solidarité avec le peuple grec.

 

La Grèce est la preuve concrète que les politiques d’austérité et de précarisation ne fonctionnent pas. Six années de coupes budgétaires sans précédent, de désinvestissement dans le secteur public et de politique salariale régressive ont conduit le pays au chaos. L’économie a reculé de 25% par rapport à 2010, la pauvreté a explosé, le taux de chômage est désormais de 26%, un jeune sur deux se retrouve sans travail, les services publics et le système de santé ont été démantelés…

 

Il faut absolument changer de cap. Poursuivre dans la même voie ne conduirait qu’à aggraver les inégalités et le chômage en Grèce. Or le même danger menace tous les autres pays de l’Union européenne.

 

Partout, il est donc nécessaire de donner la priorité à l’emploi, au redéploiement économique, via l’investissement public et des politiques de redistribution.

 

C’est pour réaliser ces tâches que les électeurs grecs viennent d’élire un nouveau gouvernement. Face à l’UE qui refuse de respecter ce choix démocratique, nous devons exprimer notre soutien sans faille au peuple de Grèce et exprimer notre opposition à ceux qui cherchent à lui imposer les mêmes recettes néolibérales : toujours plus d’austérité, toujours plus de chômage, toujours plus d’inégalités. La Grèce ne sortira du piège de l’endettement continu qu’en empruntant une voie qui, notamment, combattra la corruption et les injustices inacceptables du système fiscal.

 

La Grèce a le droit de rétablir les conventions collectives et le Code du travail démantelés par la Troïka ; la Grèce a le droit de prendre des mesures sociales d’urgence pour combattre la pauvreté et d’arrêter les privatisations ; la Grèce a le droit, comme tous les autres peuples d’Europe, de faire un audit de sa dette publique et d’exiger l’annulation des dettes illégitimes.

 

Contre le chantage des institutions néolibérales, marquons notre solidarité avec la Grèce, avec les mouvements sociaux, syndicaux et antifascistes – qui nous montrent à quel point des alternatives progressistes sont nécessaires en Europe.

 

OUI, une autre voie est possible – pour le bien de tous et de toutes, dans une vision de progrès économique et de justice sociale.

 

Quand ? 21 juin à 13h30

 

Où ? Gare centrale.

 

Le peuple grac manifeste devant le Parlement grec : Tsipras, tiens bon !

Le peuple grac manifeste devant le Parlement grec : Tsipras, tiens bon !

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16 juin 2015 2 16 /06 /juin /2015 09:11

 

Le site « Le Grand Soir » vient de mettre en ligne un très intéressant article de Florent Lacaille-Albigès, journaliste spécialiste des médias, consacré à l’invasion des messages publicitaires dans notre quotidien. Ces messages, grâce à des techniques sophistiquées, accaparent notre attention. On pourrait dire en plus : la détourne pour tuer tout esprit critique.

Florent Lacaille - Albigès sait démonter le système médiatique qui nous transforme en zombie consommateur.

Florent Lacaille - Albigès sait démonter le système médiatique qui nous transforme en zombie consommateur.

 

En effet, l’attention accaparée et détournée empêche la réflexion, car ces messages prennent notre temps et ce temps est nécessaire à l’examen critique, tout aussi bref soit-il. Le but est de forcer le choix de l’individu – consommateur afin de vendre le produit ou le service vanté.

 

Big Brother est donc aussi capitaliste : il vous regarde et vous invite à acheter ses produits. Il vous envahit « d’informations », alors qu’une société pauvre en information, comme il est écrit plus loin, est une société où l’information pertinente va circuler. Ici, la technique consiste à attirer l’attention sur une information sélectionnée que l’on veut vous imposer – en dehors de toutes les autres – pour forcer votre décision de consommer.

 

Pierre Verhas

 

Ecrans publicitaires dans la rue, à la télévision, sur le smartphone jusqu’à l’intérieur d’un article. Courriels et alertes en tout genre, suggestions des moteurs de recherches, conceptions des rayonnages de supermarchés... Commerciaux et services marketing se livrent une guerre sans merci avec pour territoire à conquérir l’attention que l’on accorde à telle ou telle information : notre temps de cerveau disponible. Face à ces sollicitations de tous les instants, de grands principes pour une écologie de l’attention émergent.

 

Les écrans publicitaires envahissent nos villes et captent notre attention à tout moment afin qu'elle appartienne essentiellement au vendeur.

Les écrans publicitaires envahissent nos villes et captent notre attention à tout moment afin qu'elle appartienne essentiellement au vendeur.

 

Réflexions

 

Si vous n’avez jamais été dans une école de commerce, il y a de fortes chances pour que vous n’ayez jamais eu de cours intitulés « Psychologie du consommateur et stratégies de persuasion ». En revanche, si vous avez été à l’Institut des hautes études économiques et commerciales (Inseec), ce type d’enseignements, dispensés aux marketeurs, commerciaux et publicitaires, vous apprend quelles sont les « variables qui influencent [la] perception [du consommateur].

 

Quelle part d’attention accorde le consommateur à un produit en fonction de sa place sur un rayonnage ? Comment concevoir et utiliser le storytelling afin de « capter l’attention du consommateur et créer une connexion émotionnelle avec la marque » ? Comment mettre en place un e-mail marketing « afin d’être bien perçues et ainsi susciter l’attention des internautes » ? Telles sont les questions existentielles abordées dans les grandes écoles et les universités, de HEC à Paris Dauphine, en passant par l’École supérieure de publicité.

 

Apprentis publicitaires et marketeurs en herbe apprennent ainsi comment capter notre temps de cerveau disponible. Il faut dire qu’ils ont du travail ! Dans notre environnement saturé de publicités, d’informations, d’alertes et de notifications en tous genres, une minute d’attention est très difficile à obtenir et... commence à coûter très cher. Deux ouvrages relativement récents aident à comprendre comment fonctionne cette « économie de l’attention » : L’économie de l’attention, nouvel horizon du capitalisme [1] et Pour une écologie de l’attention, un manifeste pour une alternative à la sur-occupation de notre esprit.

 

Yves Citton, professeur de littérature à l’université de Grenoble, a coordonné le premier et écrit le second. « Un modèle économique comme celui de Google repose essentiellement sur le fait de vendre notre attention à des annonceurs. Et quand Patrick Le Lay disait que le travail de TF1 était de vendre du temps de cerveau disponible, c’était la même chose. Notre attention est une ressource rare. Il y a toute une économie qui s’est constituée pour la vendre. Globalement, comme le dit Georg Franck (économiste et urbaniste), les mass media offrent de l’information pour moissonner de l’attention. Un média comme Google offre une information apparemment gratuite, mais en fait il s’agit pour lui de récolter et packager l’attention afin de la revendre ensuite à des annonceurs », explique-t-il. Basta ! (média de masse s’il en est) pourrait donc intituler son prochain appel aux dons : soit vous payez, soit on vous vend !

 

 

Le système Google, nouvelle police de la pensée, a le monopole du système publicitaire et pourra ainsi contrôler ses uttilisateurs, c'est-à-dire tous les internautes....

Le système Google, nouvelle police de la pensée, a le monopole du système publicitaire et pourra ainsi contrôler ses uttilisateurs, c'est-à-dire tous les internautes....

 

Trop d’informations disponibles

 

Cependant il n’y a pas que TF1 et Google pour s’intéresser à l’économie de l’attention. Des chercheurs travaillent aussi la question. Bien qu’on puisse trouver d’autres précurseurs, on attribue assez souvent la paternité de ce concept au sociologue et économiste Herbert Simon. Dans une conférence de 1969, il affirme : « La richesse d’informations entraîne une pénurie d’autre chose, une rareté de ce que l’information consomme. Or ce que l’information consomme est assez évident : elle consomme l’attention de ceux qui la reçoivent. » Neuf ans plus tard, il reçoit le prix de la banque de Suède – le « prix Nobel » d’économie – pour son travail sur le processus de décision au sein de l’institution économique. Reconnaître les limites de l’attention est aussi une manière de questionner la rationalité des choix économiques.

 

C’est peut-être pour cette raison que les travaux sur les limites de l’attention n’ont pas fait beaucoup de chemin en économie depuis Herbert Simon. Un économiste cependant se détache du lot : Josef Falkinger, professeur à l’université de Zurich, travaille sur les limites de l’attention et la différence entre économie réelle et économie financière. « Josef Falkinger est obligé de faire la distinction entre sociétés pauvres en informations et sociétés riches en informations, explique Yves Citton. Une société pauvre en information, pour lui, est une société où une information pertinente va circuler. Lorsque quelque chose d’important arrive, on va le savoir. Alors que dans les sociétés riches en informations, il doit reconnaître cette évidence : il y a beaucoup plus d’informations disponibles pour nous que ce que nous pouvons ingurgiter. »

 

La publicité a plus d’importance que la qualité réelle du produit

 

Quand nous achetons une voiture ou un ordinateur, nous prenons souvent le temps de comparer les caractéristiques : le prix, les capacités... Mais nous n’avons quasiment jamais l’occasion de regarder le lieu de fabrication, le salaire moyen des ouvriers, les dégradations environnementales liées à la production. Ce n’est pas tant que ces informations sont indisponibles. Nous n’avons tout simplement pas assez de temps à consacrer au choix d’un ordinateur pour compulser l’ensemble des articles qui pourraient influencer notre choix. Il est donc impossible d’avoir le meilleur équilibre entre prix, qualité, respect de l’environnement ... Moi qui tape cet article sur un ordinateur Samsung, je n’ai pas pensé aux conditions de production de mon ordinateur [2] pendant que je comparais les prix et les capacités en magasin.

 

La masse d'informations publicitaires empêche un véritable choix.

La masse d'informations publicitaires empêche un véritable choix.

 

Yves Citton poursuit : « Dans une société riche en informations, les choix ne sont pas du tout optimaux. La publicité notamment a beaucoup plus d’importance que la qualité réelle du produit. C’est pourquoi Falkinger propose une taxe sur la publicité pour redresser la distorsion de concurrence que produit la publicité. » Si la plupart des économistes orthodoxes négligent l’économie de l’attention et préfèrent supposer que les individus disposent de toute l’information pour prendre la meilleure décision, c’est peut-être aussi parce qu’ils ne sont pas prêts à proposer qu’on interdise ou qu’on taxe la publicité.

 

Internet, télé, radio, journal : la guerre de l’attention

 

Cependant une question insidieuse fait son chemin : la publicité et les médias de masse existent depuis longtemps. Alors pourquoi ne s’intéresser qu’aujourd’hui à la question de l’économie de l’attention ? Malgré plusieurs précurseurs, ce n’est qu’à partir de 1995 que les travaux sur l’économie de l’attention se développent véritablement. Probablement parce qu’il a fallu attendre l’avalanche d’Internet pour qu’on se rende compte de la pression qui pesait sur notre attention. En effet, même si le temps disponible pour lire, discuter avec ses amis ou regarder les petits oiseaux a toujours été limité, les sociétés riches en informations ont été profondément restructurées par l’arrivée des nouvelles technologies.

 

Yves Citton identifie ainsi trois évolutions liées aux nouveautés numériques. La première évolution tient à l’augmentation de l’immediacy (l’impact immédiat). Notre attention est d’autant plus captée que les technologies récentes de communication nous font entrer dans un contact plus sensible et réaliste avec le flux d’information. Facile de constater en effet que SMS et notifications vous détournent de la télé, dont l’image en perpétuel mouvement attire davantage notre attention qu’une radio, qui nous fait oublier à quel paragraphe d’un journal ou d’un livre nous étions. Dans le cadre de l’économie de l’attention, la course au réalisme et le développement des outils de réalité augmentée prennent un sens particulier.

 

L’attention dictée par les algorithmes

 

La seconde évolution est certainement celle qui impacte le plus le choix des objets auxquels nous sommes attentifs. Il s’agit de l’utilisation de « condensateurs d’informations », tels que nos moteurs de recherche, qui compulsent à notre place les gigantesques stocks d’informations stockées sur le Web. On pourrait trouver bien des façons de condenser l’information, même dans les médias « classiques », mais il ne fait pas de doute que les moteurs de recherche ont de bien plus grandes capacités que les journaux dans ce domaine.

 

Les techniques de Google, en situation de quasi-monopole, pour faire le tri dans des montagnes de données influencent donc le choix des sujets auxquels nous accordons de l’importance et notre attention. Les algorithmes de recherche, qui attribuent davantage de visibilité à une page consultée fréquemment, focalisent forcément notre attention sur les mêmes résultats que nos voisins. Jusqu’à ce que, dans le domaine des vidéos, quelques vidéos « virales » concentrent l’essentiel des clics, malgré un choix parmi des milliards de possibles.

 

Enfin, Yves Citton pointe également le changement profond de notre « environnement attentionnel ». Dans notre univers de machines et de multiples filtres, la façon dont notre attention se construit est très différente de celle qu’ont pu connaître les chasseurs-cueilleurs de la préhistoire ou les paysans du Moyen-Âge. « Il faut donc s’attendre à ce que notre subjectivité évolue en conséquence », conclut-il.

 

Comment attirer l'attention sur une seule information dans la masse des messages publicitaires ?

Comment attirer l'attention sur une seule information dans la masse des messages publicitaires ?

 

Choisir ses aliénations ou s’émanciper de toute attention ?

 

Alors faut-il se protéger contre les changements qui bouleversent la gestion de notre temps de cerveau disponible ? Chacun peut apprécier les avantages et inconvénients des impacts sur notre attention causés par les nouvelles technologies. Mais il est important de garder un minimum de contrôle. Pour cela, Yves Citton propose, à la fin de son ouvrage Pour une écologie de l’attention, « douze maximes d’écosophie attentionnelle ». Parmi ces quelques principes, il encourage ses lecteurs à saisir les conséquences du filtrage de l’information et à se soustraire au régime médiatique de l’alerte. Puisque l’attention est destinée à être prêtée, il incite également à choisir ses aliénations plutôt que d’essayer de s’émanciper de toute attention à ce qui se fait autour de nous.

 

Pour les consommateurs qui souhaitent être plus attentifs à leurs achats, la solution n’est donc pas forcément de se bourrer le crâne de tous les articles disponibles. Il est sûrement préférable de trouver un bon label auquel faire confiance. Mais comme pour tous les « condensateurs d’informations », il ne faut pas oublier de garder un œil sur les critères de sélection de ces labels, ainsi qu’éventuellement sur les individus, associations ou entreprises qui les contrôlent.

 

« Déclaration des droits attentionnels »

 

Il semble cependant nécessaire de ne pas se contenter de quelques principes individuels et de se diriger vers une véritable politique de l’attention, afin de ne pas laisser à quelques entreprises le soin de décider de la façon dont nos capacités attentionnelles doivent être gérées. L’entrepreneur américain Tom Hayes, connu dans la Silicon Valley et pour ses chroniques dans le Wall Street Journal, s’est ainsi essayé à une sorte de « déclaration des droits attentionnels ». Les sept articles sont :

 

« 1. Je suis le seul propriétaire de mon attention.

    2. J’ai droit à une compensation pour mon attention, valeur pour valeur.

    3. Les exigences portant sur mon attention doivent être transparentes.

    4. J’ai le droit de décider de quelles informations je veux et de quelles informations je ne veux pas.

    5. Je suis propriétaire de mes séquences de clics (click streams) et de toutes les autres représentations de mon attention.

 

    6. Ma boîte de courriel est une extension de ma personne. Personne n’a de droit intrinsèque à m’envoyer des courriels.

 

    7. Le vol d’attention est un crime. »

 

Ces grands principes doivent permettre à chacun de garder le contrôle de son attention. Et d’en éviter la pénurie à l’heure où les flux d’information risquent davantage d’abrutir que de développer le sens critique.

 

Florent Lacaille-Albigès

 

 

[1] Ed. La Découverte, http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-L_economie_de_l_attention-9782707178701.html

 

[2] Lire à ce sujet notre précédent article. http://www.bastamag.net/Shell-GDF-Suez-et-Samsung

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9 juin 2015 2 09 /06 /juin /2015 08:41

 

Les partis dits démocratiques ont échoué dans une opération d’apparence généreuse et progressiste : l’intégration politique des populations d’origine immigrée.

 

Les récentes affaires Emir Kir (PS) et Mahinur Özdemir (CDH – centre démocrate humaniste, tendance démocrate chrétienne) en sont une démonstration éclatante. Ces deux mandataires bruxellois d’origine turque ont été mis en avant par leurs partis respectifs pour des raisons purement électorales. Ensuite, on est surpris qu’ils prennent sur un dossier sensible, comme le génocide arménien, une position politique conforme à celle de leur communauté.

Mahinur Özdemir et Emir Kir les deux députés bruxellois d'origine turque sous le regard bienveillant d'Eric Tomas, à l'époque président du Parlement bruxellois. On a appris depuis qu'Özdemir est liée à l'AKP d'Erdogan. Comme si les "états-major" des partis politiques ne le savaient pas...

Mahinur Özdemir et Emir Kir les deux députés bruxellois d'origine turque sous le regard bienveillant d'Eric Tomas, à l'époque président du Parlement bruxellois. On a appris depuis qu'Özdemir est liée à l'AKP d'Erdogan. Comme si les "états-major" des partis politiques ne le savaient pas...

 

Génocide arménien : on a failli attendre et puis… on verra.

 

De quoi s’agit-il ? On vient de commémorer le centenaire du génocide arménien de 1915. Le président socialiste du Parlement bruxellois, Charles Picqué, n’a pas réussi à faire observer une minute de silence par son assemblée suite à des manœuvres au sein du groupe socialiste et de certains CDH. Au Parlement fédéral, la minute de silence a bien été observée, mais en l’absence très remarquée d’Emir Kir, député PS et bourgmestre (maire) de la commune bruxelloise de St-Josse ten Noode.

 

Ces ambigüités sur une question aussi sensible ont provoqué de fortes réactions dans une large partie de l’opinion publique. Le PS bruxellois a déjà été critiqué suite à des incidents « communautaires » sérieux comme une caricature antisémite pour annoncer une conférence sur la Palestine, la présence sur la liste électorale bruxelloise de candidats soupçonnés d’appartenir au groupe terroriste turc « Les loups gris », le refus de participer officiellement à la manifestation du 11 janvier dernier en hommage aux victimes de « Charlie Hebdo », etc. L’attitude d’Emir Kir est la goutte qui a fait déborder le vase chez les Socialistes bruxellois. On est donc dans la confusion la plus totale !

 

Pour le moment, tout le monde parle de faire voter au Parlement une résolution dénonçant clairement le génocide arménien. On a failli attendre et puis… on verra. Sans doute, les politiques veulent calmer le jeu et on reprendra les affaires comme avant.

 

Cet incident montre combien les problèmes suscités par les relations entre communautés d’origine différente sont difficiles et aussi que la laïcité qui est le régime constitutionnel de la Belgique n’a réussi à mettre tout le monde d’accord.

 

C’est de la hiérarchie entre les groupes humains que naît le racisme.

 

Une autre affaire symptomatique est la récente révocation par la Ville de Bruxelles d’un professeur d’histoire qui aurait tenu des propos islamophobes et « à caractère raciste » sur Facebook. Le professeur en question, il s’appelle Gustavo Amorin, diplômé de la Sorbonne de l’UCL et de l’ULB, a eu une conversation sur ce réseau social par échange de messages avec une de ses élèves d’origine asiatique qui l’informait qu’elle allait se convertir à l’Islam et ne comprenait pas la manière dont il parlait de l’Islam en classe. En effet, M. Amorin ne cachait pas son hostilité au fait religieux en général. Cependant, dans une école fréquentée par de nombreux élèves musulmans, religion est assimilée à Islam.

 

M. Amorin a répondu à son élève : « Le côté sacré qu’elles [les religions] sont censées posséder n’est qu’une fabrication artificielle imposée par la force au cours des siècles. (…) Tu as la chance d’avoir été élevée en partie dans la culture confucéenne (bouddhiste pour faire simple), c’est-à-dire une culture très supérieure en termes de discipline, travail, investissement personnel, éducation, etc. Et quand je dis « supérieure », ce n’est pas seulement par rapport aux Arabes, mais également aux Occidentaux. Si tu veux être une bonne croyante, pourquoi pas une bonne catholique, ou protestante, ou juive, ou même athée ? Tu peux même croire en Dieu de manière plus subtile comme font les Bouddhistes. Pourquoi choisir la religion qui se caractérise par le plus haut taux d’analphabétisme et qui possède le plus grand nombre de pays sous-développés et arriérés… ?» La gamine s’est d’abord sentie insultée, puis elle a rectifié et s’est excusée. Le professeur lui a répondu que lui-même avait manqué de diplomatie.

 

Ce dialogue surréaliste date de février 2012. Il a été dénoncé par la mère de l’élève en décembre 2013. La directrice du lycée a considéré que les propos tenus par M. Amorin étaient « islamophobes et à caractère raciste » et qu’ensuite, il a outrepassé sa fonction en tenant une conversation privée avec une de ses élèves. En effet, il perd son autorité d’enseignant en discutant d’égal à égal avec une jeune fille de sa classe.

 

Les propos de M. Amorin sont-ils « racistes et islamophobes » ? Quand il évoque la supériorité de la culture confucéenne par rapport à celle des Arabes et à celle des Occidentaux, il établit une hiérarchie. On croirait relire le « Choc des civilisations » de Samuel Huntington. Et c’est de la hiérarchie entre les groupes humains que naît le racisme. Et, si on estime que la religion est affaire privée, il n’avait pas à lui conseiller dans son choix. Il aurait dû lui écrire, par exemple : « Ecoute ta conscience. Elle est ton seul juge. »

 

L’Islam serait donc la religion plus intolérante, plus violente, aux principes réducteurs et simplistes, donc destinée à des illettrés, que les autres religions et cultures. Sur quelle base peut-on affirmer cela ?

 

En réalité, l’Islam est loin d’être monolithique. On le voit quotidiennement dans les guerres meurtrières qui déchirent le monde musulman pour lesquelles les Occidentaux portent une lourde responsabilité et dont nous subissons les retombées par le terrorisme. Mais en dehors de cet aspect atroce qui engendre la peur, peur qui explique notre attitude de rejet, il y a plusieurs interprétations de l’Islam qui vont du très libéral et tolérant soufisme aux wahhabites, aujourd’hui les plus forts parce que dotés de la manne des pétrodollars. Les musulmans sont présentés par notre historiographie comme des conquérants. S’il y a eu en effet un Islam conquérant – comme il y a eu aussi les croisades et la colonisation – cette culture ne se réduit pas à son aspect guerrier.

 

Ici aussi, on établit une hiérarchie. On affirme que la religion musulmane est donc pire que les autres religions. C’est cela l’islamophobie.

 

Le droit au blasphème n’est pas un devoir.

 

La laïcité est-elle une réponse ? Malheureusement non, car elle n’est plus adaptée à notre époque. Elle n’est plus ce havre où les anticléricaux et les libres penseurs proclamaient leur adhésion – j’allais écrire leur « foi » – aux principes de liberté, d’égalité et de fraternité, en opposition à l’obscurantisme de l’Eglise essentiellement catholique maintenant ses ouailles dans les chaînes du dogme. Aujourd’hui, avec l’immigration et la mondialisation, le mélange des populations et des cultures, le champ de bataille philosophique n’oppose plus deux camps bien définis. Il n’y a plus LA libre pensée contre LA religion. Il n’y a pas non plus LA libre pensée contre LES religions. Il y a une laïcité qui avec entre autres la montée de l’Islam, n’arrive plus à représenter une réelle alternative.

 

La laïcité, aujourd’hui, répond à l’Islam par le rejet, voire une hostilité ouverte. On l’a vu en France, notamment avec Caroline Fourest qui veut monopoliser « l’esprit du 11 janvier » (le grand rassemblement à Paris après les attentats contre Charlie Hebdo) en proclamant le droit – presqu’obligatoire… au blasphème. De son côté, Emmanuel Todd voit dans le 11 janvier, une résurgence du pétainisme. Tout cela est excessif et ne fait qu’attiser les tensions.

 

Caroline Fourest : éternelle donneuse de leçons

Caroline Fourest : éternelle donneuse de leçons

Emmanuel Todd s'est laissé emporter. Il n'a pas réfléchi, cette fois-ci. Dommage.

Emmanuel Todd s'est laissé emporter. Il n'a pas réfléchi, cette fois-ci. Dommage.

 

Dans une récente interview à l’hebdomadaire « Marianne », Régis Debray expose : « Le droit au blasphème n’en fait pas un devoir, notre prière de chaque jour. Et il faut, dans les rapports entre cultures, comme entre voisins de palier, un minimum de civilité. Toutes les agrégations humaines n’ont pas la même horloge, ne vivent pas au même siècle et si, nous nous pouvons pratiquer le second degré avec les images depuis le quattrocento à peu près, beaucoup de cultures confondent encore présence et représentation. »

 

Régis Debray réagit avec calme, intelligence et fermeté à tout ce tapage médiatico - germanopratin.

Régis Debray réagit avec calme, intelligence et fermeté à tout ce tapage médiatico - germanopratin.

 

C’est ainsi que la laïcité doit répondre et non par des bravades et des insultes. C’est non seulement contraire à sa nature, mais c’est aussi une grave erreur stratégique. La laïcité montre qu’elle a peur et elle ne fait guère en sorte d’éloigner les musulmans du dogme en remontant leur horloge – pour reprendre l’image de Régis Debray – pour qu’ils puissent faire avancer leurs aiguilles. Les isoler – comme, par exemple, avec l’interdiction du voile – revient à les mettre entre les mains des « imams de garage » qui inculquent aux jeunes le radicalisme islamique tant redouté par les autorités.

 

La civilité entre voisins de palier

 

Communautarisme ou laïcité ? Que choisir ? L’un et l’autre mènent à l’impasse dans l’état actuel des choses. Eh bien, Régis Debray a avancé une proposition intéressante : la civilité.

 

Sortons de nos polémiques et choisissons la courtoisie. Cela marchera peut-être. Qui sait ?

 

Pierre Verhas

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