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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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6 novembre 2013 3 06 /11 /novembre /2013 10:48
Une fois n’est pas coutume. L’Académie Goncourt a visé juste en primant le dernier roman de Pierre Lemaitre bien connu comme auteur de polars. Enfin, le Goncourt donne à un auteur ses lettres de noblesse, au-delà des intrigues entre éditeurs qui trop souvent caractérisent les prix littéraires parisiens.
A la veille des commémorations du centenaire de la boucherie de la Première guerre mondiale, voici un roman qui a le mérite de remettre les montres à l’heure. Nous n’aurons que faire des beaux discours sur l’Europe qui se construit « à la mémoire des Poilus » ou « par la réconciliation », ou encore des pleurnicheries du genre « plus jamais ça ! », alors qu’on sait bien que c’est « toujours ça ! » et même « pire que ça ! » - mais bien loin de notre « confortable » Vieux Continent qui a bien assez à faire avec ses millions de chômeurs, ses centaines de milliers de SDF, son indécrottable racisme et surtout avec ses dirigeants et avec ses clercs qui s’obstinent à refuser de voir les choses en face et sont trop pleutres pour prendre de réelles décisions.
Mon ami et camarade Bernard Gensane et sa femme Nathalie connaissent bien Pierre Lemaitre et ont travaillé avec lui sur cet ouvrage en assurant sa relecture. Le 20 août dernier, Bernard a publié  sur « Mediapart » une recension du roman de Pierre Lemaître. Je  la livre ici à l’attention des lecteurs du blog « Uranopole ».
Et surtout, je conseille la lecture du roman de Pierre Lemaitre « Au revoir là haut » (Albin Michel), roman qui s’inscrit dans la tradition orwellienne, comme le montre Bernard Gensane. Cela s’appelle tout simplement de la littérature.
Pierre Verhas

 

 

20 août 2013 | Par Bernard Gensane - Mediapart.fr

 

 

Je ne suis pas sûr que Pierre Lemaitre connaisse cet extrait d’Un Peu d’air frais, publié par George Orwell en 1939 :

 

« À la guerre, il arrive aux gens des choses extraordinaires. Et ce qu’il y a de plus extraordinaire que la façon dont on y trouve la mort, c’est la façon dont celle-ci vous épargne parfois. On aurait dit un flot impétueux vous emportant vers votre dernière heure et vous abandonnant soudain dans un bras mort, occupé à des tâches invraisemblables et futiles, avec une solde améliorée. Il y avait des bataillons de travailleurs traçant dans le désert des routes ne menant nulle part, des types oubliés dans des îles au milieu de l’océan, avec pour mission de repérer des croiseurs allemands coulés déjà depuis des années, des ministères de ci et de ça employant des armées de scribes et de dactylos qui subsistaient longtemps après avoir perdu leur raison d’être, par simple force d’inertie. On fourrait des gens dans des emplois sans objet, et ensuite ils y étaient perdus de vue jusqu’à perpète. »

 

Le narrateur de ce roman publié juste avant la Seconde Guerre mondiale nous dit que la guerre et, mieux encore, l’après guerre, c’est la mort de la démocratie (entre autre parce que la surabondance de bureaucratie laisse libre court à la bêtise et l’arbitraire), la lutte des classes exacerbée au profit des puissants et le bordel – pas vraiment joyeux – organisé.

 

L’histoire de ce roman, où Lemaitre se renouvelle complètement, est à la fois extravagante et fortement réaliste : Édouard, un fils de la grande bourgeoisie, artiste, homosexuel, a sauvé Albert, modeste comptable, d’une mort atroce au prix de sa défiguration par un éclat d’obus. Le lieutenant Pradelle, arriviste méprisant, va tenter de briser les deux hommes avant de se lancer après la victoire dans une arnaque ignoble consistant à vendre aux collectivités des cercueils remplis de terre et de cailloux, de morceaux de cadavres français, voire de soldats allemands. Les deux héros vont, quant à eux, monter une entourloupe plus géniale encore que celle de l’officier en profitant du climat du moment où le culte des Poilus est, en surface en tout cas, la nouvelle religion, pendant que les marchands du temple prospèrent comme jamais. Il s’agira de lancer une souscription nationale auprès des municipalités pour l’achat de monuments aux morts qui n’existeront que sur le papier. La première arnaque m’a remémoré une escroquerie similaire qui fit la fortune d’un industriel français dans les années cinquante, pendant et après la guerre d’Indochine. La seconde est le fruit de l’imagination de l’auteur, alors qu’elle semble au moins aussi authentique que la première.

 

 

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 La tradition Orwellienne est toujours bien vivante. Et c'est tant mieux !

 

Je me demande si un roman a jamais aussi bien filé la métaphore de la chair à canons et celle de la lutte des classes autour de la guerre. Comme Orwell (qui combattit en Espagne), Lemaitre nous rappelle que les champs de bataille sont le lieu de la pestilence, d'une géhenne “ boschienne ” (« à la première accalmie, des rats gros comme des lièvres cavalent avec sauvagerie d’un  cadavre à l’autre pour disputer aux mouches les restes que les vers ont déjà entamés »), de la machine aveugle qui détruit le libre arbitre et qui broie (pour le soldat de base, l’ennemi c’est l’officier et non le bougre d’en face ; entre eux, une ligne de démarcation qui n’est pas que de verre). Dans cette lutte de classe poussée à l’extrême, l’individu cesse de résister car il sait, pour ne citer que cet exemple bien connu, que le refus de porter un pantalon rouge taché de sang peut l’amener devant un peloton d’exécution. S’il en allait autrement, les guerres ne dureraient pas trois semaines. Pendant les combats, les soldats sont durement manipulés : on leur demanderait d’aller se battre sur la lune, ils iraient. La résignation peut déboucher sur la déraison :

 

« [Les soldats] en ont subi tant et tant que voir cette guerre se terminer comme ça [par un armistice], avec autant de copains morts et autant d’ennemis vivants, on a presque envie d’un massacre, d’en finir une fois pour toutes. On saignerait n’importe qui. »

 

Après les combats, la machine guerrière est tellement lourde qu’elle ne peut s’arrêter, comme un Titanic sur son erre. Les Poilus ne servent plus à rien, mais on ne parvient pas à les démobiliser comme il convient, c’est-à-dire en leur donnant un métier autre que celui d'homme-sandwich et en réinsérant dans la société les blessés, les handicapés, les cassés de manière honorable.

 

Toujours près de ses personnages qui ont leur chance parce qu’il ne les juge pas, Pierre Lemaitre tient son lecteur en haleine pendant plus de 500 pages grâce à des intrigues aux rebondissements dont il a le secret et à des trouvailles stylistiques éblouissantes. Je ne déflorerai pas l’utilisation « daliesque » que l’auteur fait d’une tête de cheval mort car elle est consubstantielle au fil rouge du récit. J’ai quand même plaisir à citer la rencontre d’Albert avec la créature :

 

« Il agrippe la tête de cheval, parvient à saisir les grasses babines dont la chair se dérobe sous ses doigts, il attrape les grandes dents jaunes et, dans un effort surhumain, écarte la bouche qui exhale un souffle putride qu’Albert respire à pleins poumons. Il gagne ainsi quelques secondes de survie, son estomac se révulse, il vomit, son corps tout entier est de nouveau secoué de tremblements, mais tente de se retourner sur lui-même à la recherche d’une once d’oxygène, c’est sans espoir. »

 

Et j’invite à lire et relire les descriptions des combats, en d’autres termes la manière dont le Moloch pulvérise les combattants. Sous le feu d’enfer, Albert va, pense-t-il, mourir dans un trou d’obus. Voyez ceci :

 

« Et là, à la place du ciel, à une dizaine de mètres au-dessus de lui, il voit se dérouler presque au ralenti, une immense vague de terre brune dont la crête mouvante et sinueuse ploie lentement dans sa direction et s’apprête à descendre vers lui pour l’enlacer. Une pluie claire, presque paresseuse, de cailloux, de mottes de terre, de débris de toutes sortes annonce son arrivée imminente. » Une pluie claire et paresseuse : il fallait l’oser !

 

Lemaitre a désormais, non pas une, mais des manières de raconter, légèrement différentes, pour chacun de ses textes, et à l’intérieur d’un même texte. Tout coule comme de l’eau de source. Il y a chez lui une volonté d’imaginer très forte, un imaginaire puissant (ce qui n’est pas la même chose), le courage, le dessein de surprendre (avec ce qu’il faut de fantaisie, de dinguerie), et un très grand besoin d’écriture au sens durassien du terme. Au pire moment du récit, Lemaitre nous impose son humour machiavélique. Que donne-t-il après la « pluie claire » ? Un petit conseil technique :

 

« Albert se recroqueville et bloque sa respiration. Ce n’est pas du tout ce qu’il faudrait faire, au contraire, il faut se mettre en extension, tous les morts ensevelis vous le diront. » Se mettre en extension quand on va mourir au fond d’un trou d’obus ! Et puis quoi encore ? La remarque parfaitement idiote selon laquelle le petit comptable, au moment où des tonnes de terre, de cailloux, de ferraille vont l’asphyxier, ressemble, en temps normal – il y a beaucoup de peintres et de tableaux célèbres dans ce récit, à un Tintoret. Magnifique enchevêtrement du tragique et du comique. Sublime mais dérisoire irruption de la culture dans l’horreur séculière. On retrouvera cet embrouillamini au niveau de la nation. L’auteur nous explique par le menu ce qui se passe quand les militaires sont au pouvoir, comme pendant la période de démobilisation. Le chaos est « indescriptible ». Les morts sont enterrés, déterrés, réinhumés dans une puanteur qui n'importune guère les narines des dirigeants. Les gares sont pleines des cercueils qu’on est parvenu à extirper du front. Sous l’apparat, le sacré de l’honneur à rendre à ceux qui sont tombés, il y a la grande bouillie des cadavres anonymes de Poilus entombés n’importe comment : on brisera des nuques, on coupera des pieds, on cassera des chevilles pour faire entrer ces déchets humains dans des cercueils d’un mètre trente de long. Au passage, on raflera quelques montres, quelques tabatières, quelques alliances. Pour les capitalistes effrénés, les cadavres en putréfaction sont une marchandise. Cela n'adviendra que parce que le monde des affaires aura pris le pas sur les élus et l’administration. À la pestilence des champs de bataille succédera la puanteur de la vie politique et économique. Comme les soldats au Chemin des Dames, les citoyens qui sombreront seront ensevelis par les margoulins.

 

Lemaitre excelle dans l’ironie. Qu’un artiste, défiguré par un énorme trou béant en plein milieu du visage, un trou où l’on passe le poing sans peine, dessine des enfants de profil, il fallait le tenter ! Il faut suivre les méandres de l’instance narrative de l’auteur :

 

« Certes, la guerre avait été meurtrière au-delà de l’imaginable, mais si on regardait le bon côté des choses, elle avait permis aussi de grandes avancées en matière de chirurgies maxillofaciales. »

 

Ou mieux encore lorsqu’il y a une rupture de temps qui fait qu’on ne sait plus très bien qui parle :

 

« Ajoutez à cela qu’il était assez beau. Il fallait aimer les beautés sans imagination, bien sûr, mais tout de même, les femmes le désiraient, les hommes le jalousaient, ce sont des signes qui ne trompent pas. »

 

 

 

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Pierre Lemaître a réussi à relier le passé au présent. C'est la marque d'un grand auteur.

 

 

Le narrateur chez Lemaitre n’est jamais totalement objectif. Il joue avec les personnages sans se jouer d’eux, il les investit par différents côtés, mais pas globalement. Lemaitre, qui est pourtant fin psychologue, nous livre juste ce qu’il faut de la psychologie de ses créations. L’important pour lui est ailleurs. D’abord, dans la verticalité de ce monde déshumanisé (Au revoir là-haut), qui est la métaphore centrale, parce que politique, du livre :

 

« De se retrouver comme ça dans une fosse, même aussi peu profonde, de vraies sueurs d’angoisse le saisissent malgré le froid qui est descendu, parce que, avec lui dans le trou et le capitaine au-dessus campé sur ses jambes, toute l’histoire lui remonte à la gorge, il a l’impression qu’on va le recouvrir, l’ensevelir, il se met à trembler, mais il repense à son camarade, à son Édouard, et il se force à se baisser, à reprendre son ouvrage. »

 

C’est cette verticalité qui permet à l’officier, âme damnée du récit, d’être à la fois ferrailleur et membre du jockey-club, de reconstruire la demeure familiale en trois coups de cuiller à pot, en exploitant, selon une hiérarchie subtile, des travailleurs chinois, sénégalais et français.

 

L’important est en outre pour l’auteur de montrer comment les personnages, y compris l’ancien officier, sont les marionnettes figées d’une histoire qui ne se fait plus. Dans cet objectif, Lemaitre use abondamment du présent et invente un système de ponctuation qui nivelle les actants du récit, les ramène sans arrêt au niveau du sol ou plus bas que terre. Trois exemples entre cent :

 

« Maintenant, le voilà seul dans cette pièce, la porte est refermée, on va prévenir que M. Maillard est ici, son fou rire est calmé, ce silence, cette majesté, ce luxe vous en imposent quand même. »

 

« « Elle est derrière lui, en tablier ou en blouse, et porte un enfant dans ses bras, elle pleure, ils sont jeunes tous les deux, il y a le titre au-dessus du dessein : Départ pour le combat. »

 

« Ils avancent groupés, l’un tient haut son fusil prolongé par une baïonnette, le deuxième, près de lui, le bras tendu, s’apprête à lancer une grenade, le troisième, légèrement en retrait, vient d’être atteint d’une balle ou d’un éclat d’obus, il est cambré, ses genoux cèdent sous lui, il va tomber à la renverse… »

 

Dans tous ses romans, Lemaitre aime désarçonner le lecteur par des rebondissements totalement imprévus. Au revoir là-haut en compte une paire, sidérants. Mais ce que j’affectionne particulièrement dans ces pages censées narrer la petite et la grande histoires, c’est l’utilisation par l’auteur de prolepses qui authentifient un récit qui n’est que pure invention :

 

« Évidemment, voir comme ça Édouard Péricourt allongé dans la gadoue le 2 novembre 1918 avec une jambe en bouillie, on peut se demander si la chance ne vient pas de tourner, et dans le mauvais sens. En fait, non, pas tout à fait, parce qu’il va garder sa jambe. Il boitera le restant de ses jours, mais sur deux jambes. »

 

Au fait, quid de ce titre bizarroïde ? Quelques instants avant d’être fusillé pour traîtrise le 4 décembre 1914, le soldat Jean Blanchard écrivit ces quelques mots à sa femme : « Je te donne rendez-vous au ciel où j’espère que Dieu nous réunira. Au revoir là-haut, ma chère épouse… »

 

Blanchard fut réhabilité le 29 janvier 1921.

 

J’encourage tous les élèves de France à lire ce grand roman. Cela compensera un peu l’asthénie de l’enseignement de l’histoire dans nos classes.

 

 Pour mémoire : j'ai rendu compte de Cadres noirs ici ; d'Alex ici ; et de Sacrifices ici.

 

 

Les premières critiques dans les grands médias sont plus qu'élogieuses. Je sais que le rêve de Lemaitre serait d'obtenir le Goncourt des Lycées. Il le mérite !

 

 

 

Bernard Gensane

 

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Paris, Albin Michel 2013.

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http://www.mediapart.fr/print/333287

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4 novembre 2013 1 04 /11 /novembre /2013 21:26

 

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Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule, en leur donnant quelques sols. Et j’ai entendu dire de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre.

 

C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au Solitaire, au Poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton.

 

Gustave Flaubert, lettre à George Sand du 12 juin 1867

(Correspondance, éd. La Pléiade tome 5, pp. 653-654)

 

 

George Sand

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1 novembre 2013 5 01 /11 /novembre /2013 21:53

L’ambiance est sinistre au Parlement européen. Dans certains groupes politiques, elle frôle la panique au regard des prévisions de résultats des élections européennes. En outre, le nouveau président, le social-démocrate allemand Martin Schulz et candidat à la présidence de la Commission européenne, ne décolère pas.

 

En effet, après la molle réaction du Conseil européen suite aux révélations de Snowden sur l’espionnage par la NSA des responsables politiques européens et en particulier de la chancelière allemande, il avait proposé de bloquer les négociations sur l’accord de libre échange transatlantique tant que les Américains n’avaient pas donné de sérieuses garanties quant à la fin de ces pratiques. Bien sûr, ce fut une fin de non recevoir du Conseil européen qui préfère le cirage de bottes !

 

Autre chose. Si en France, il est quasi acquis que le Front national « bleu Marine » dépassera le Parti socialiste aux prochaines élections européennes, il y a fort à craindre que l’extrême-droite européenne dans son ensemble obtienne plus de sièges que le groupe socialiste et démocrate.  Ce serait une sinistre première lors d’élections démocratiques ! Ce serait un séisme à l’échelle d’un continent !

 

Une menace mortelle pour l’Europe

 

Voilà donc deux éléments qui constituent une menace mortelle pour l’Europe : l’alignement sur la mondialisation néo-libérale et la montée sans précédent dans l’histoire du populisme fascisant.

 

L’idée européenne est définitivement flétrie depuis la crise grecque. Un ami m’a dit récemment : « Merkel a réussi ce qu’Hitler n’a pu réaliser : écraser le peuple grec ! ». Exagéré ? Bien sûr, il n’y a pas eu de déportations, de massacres, de destructions. Mais cette brutale mise sous tutelle de tout un peuple est sans précédent dans un système apparemment  démocratique et réellement tyrannique. Ce pouvoir aussi occulte que totalitaire appelé la « troïka » n’a de parrain que la finance internationale.

 

Anecdote symptomatique : le principal syndicat de la police grecque connue pour être particulièrement répressive,  a publié cette lettre adressée à la « troïka » : « Comme vous poursuivez cette politique destructrice, nous vous prévenons que vous ne pouvez nous contraindre à nous battre contre nos frères. Nous refusons de nous élever face à nos parents, nos frères, nos enfants ou tout citoyen manifestant ou exigeant un changement de politique. Nous vous prévenons que, en tant que représentants légaux des policiers grecs, nous allons émettre des mandats d’arrêts pour une série d’infractions légales (…) telles que chantage, tentatives de subrepticement abolir ou ronger la démocratie et la souveraineté nationale. » Ce n’est bien sûr que symbolique – seul un juge peut émettre un mandat d’arrêt – mais c’est un signal fort ! Si les forces de l’ordre se rallient au peuple en lutte, cela deviendra très difficile pour le pouvoir supranational.

 

Cela montre que la construction d’une Europe politique et sociale basée sur un système de démocratie parlementaire n’est plus qu’une chimère. Il n’y aura pas d’autorité politique supranationale. L’Union européenne fonctionne à la fois dans l’intergouvernementalité, c’est-à-dire sous la tutelle du pays le plus fort, l’Allemagne qui est elle-même alignée sur les Etats-Unis et à la fois dans une supranationalité technocratique où la Commission européenne joue le rôle de gendarme, cette Commission dont les trois acteurs principaux sont un ancien Premier ministre portugais sans doute récompensé pour son alignement inconditionnel sur Bush junior, une « manager » batave noyée sous les conflits d’intérêts et un ancien ministre belge des affaires étrangères accusé de fraude fiscale et prêt à ouvrir en grand la porte aux multinationales. Et, bien sûr, n’oublions pas la Grande Bretagne conservatrice tentant d’imposer au continent son modèle culturel et néolibéral.

 

La montée en puissance de l’extrême-droite

 

Le phénomène nouveau est la montée en puissance de ce qu’on peut appeler l’extrême-droite dans l’ensemble de l’Union européenne (), mais aussi de ses idées.

 

D’un côté, il y a un pays comme la Hongrie, dont le pouvoir tenu par le Fidecz de Viktor Orban, parti reconnu par le PPE, a modifié la constitution pour asseoir un pouvoir fort proche du totalitarisme. En outre, un gouvernement de centre-gauche, comme le gouvernement français, dont le ministre de l’Intérieur tient un discours de stigmatisation des Roms et prend des mesures d’expulsions inacceptables. Plusieurs autres gouvernements de l’Union européenne adoptent des mesures de plus en plus dures en matière de Justice et de maintien de l’ordre. Tout cela dénote une tendance très dangereuse.

 

De l’autre, il y a le succès de plus en plus grand des formations « classiques » de l’extrême-droite qui tentent de canaliser les frustrations en proposant des solutions simplistes essentiellement axées sur le rejet et la stigmatisation de l’Autre. Cette expansion commence à prendre des proportions assez importantes pour bouleverser l’échiquier politique européen.

 

Ainsi, en Autriche, aux élections du 29 septembre dernier, alors que les sociaux-démocrates ont atteint leur plus mauvais score depuis la fin de la guerre (27 %), l’extrême-droite obtient 22 %.

 

Aux Pays-Bas, Geert Wilders, le leader du parti de la liberté, tente de regrouper toutes les factions fascisantes en vue des prochaines élections européennes.

 

En France, pour ce même scrutin, le Front national serait, d’après les sondages, le premier parti français en décrochant 24 %, l’UMP en aurait 22 et le PS tomberait à 19 %.

 

En Norvège, malgré le carnage provoqué par Breivik, le parti du progrès serait la première formation avec 23 % aux prochaines élections législatives.

 

En Bulgarie, un parti nommé Ataka s’attaque à la minorité turque, est rentré au Parlement avec 9 % et ne cesse de grimper dans les sondages.

 

En Hongrie, le parti fasciste Jobbik est crédité de 16 % en dépit de la politique droitière et antidémocratique de Viktor Orban.

 

En Belgique, la NV-A pourrait monter à 40 % et donc fortement augmenter son poids politique déjà très important. Le Vlaams Belang néo-nazi stagne autour de 10 %. Par contre, en Wallonie, jusqu’à présent et depuis la déliquescence du Front national belge, l’extrême-droite est insignifiante.

 

En Italie, la « Ligue du Nord » représente un danger politique sérieux. Mais la carte politique de la Péninsule pourrait être profondément bouleversée avec l’élimination de Berlusconi.

 

Arrêtons ici ce « passage en revue » pour constater ceci. D’abord, en dépit des graves excès de langage, voire des crimes commis comme ce fut le cas en Norvège et en Grèce, l’extrême-droite progresse. On verra ce que donnera la répression d’Aube dorée dans le pays des Hellènes. Ensuite, si partout l’extrême-droite désigne l’immigré comme bouc émissaire de la crise, il existe selon les pays, des formations au niveau national et des partis nationalistes régionaux comme en Flandre, en Catalogne, comme la Ligue du Nord italienne, etc qui cherchent à détruire l’Etat-nation et à morceler l’Europe en de multiples sous-nationalités, tout en adhérant au programme néolibéral à la mode aujourd’hui. Bref, l’extrême-droite a plusieurs multiples visages et « s’adapte » au terrain où elle se développe.

 

Ce qu’en disent Robert Falony et Robert Paxton

 

Voici l’analyse qu’en fait Robert Falony dans sa « Lettre socialiste » mensuelle diffusée par le blog « Osons le socialisme » ( http://osons.le.socialisme.over-blog.com/#) « L’extrême droite monte en puissance dans tous les pays européens ou presque. Son eau mère est ce vaste courant populiste de droite qui s’alimente à trois sources. La première est l’incompréhension face à la « crise », attribuée soit à « l’Europe », soit au monde politique en général - et non au libéralisme économique dont les thèses encrassent les cerveaux. Le sentiment que « cela allait mieux avant » joue ainsi en faveur des replis de type nationaliste, avec leur cortège d’illusions. La seconde source, teintée de xénophobie ou d’islamophobie, s’explique par la présence massive des communautés issues de l’émigration, « Nous ne sommes plus chez nous ». Quand la gauche fait preuve d’angélisme sur le sujet, ou verse dans le communautarisme, elle n’aide vraiment pas à contenir ce courant. Enfin, troisième source, la vaine recherche de l’homme providentiel, du sauveur, le culte de la personnalité entretenu par les médias. »

 

Un analyste du phénomène extrémiste de droite, quelque peu méconnu, est l’historien américain Robert Paxton.  Edwy Plenel, le directeur de « Mediapart » (http://blogs.mediapart.fr/blog/edwy-plenel/050112/leurope-la-hongrie-et-le-fascisme-daujourdhui-lalarme-de-paxton)  donne une synthèse de son analyse : « Paxton publia cette étude, titrée The Anatomy of Fascism pour sa version anglaise, dans le contexte particulier de l'après-11 Septembre et de la présidence de George W. Bush, marquée par une crispation essentialiste, missionnaire et guerrière, de la nation américaine. Tout le propos du livre est de répondre à cette question aussi complexe à éclairer qu'elle est simple à formuler: «Qu'est-ce que le fascisme?». Et, après y avoir répondu en revisitant les deux fascismes qui s'imposèrent, l'italien et l'allemand, de se demander quelles formes prendrait un fascisme d'aujourd'hui. Posées en 2004, ces questions ont encore plus de force sept ans après, quand la crise financière ébranle les certitudes et les situations apparemment les plus solides et les mieux établies. » Paxton pense qu'il faut repérer et catégoriser le fascisme sur la base de son action concrète plutôt que de son apparence conjoncturelle, historiquement datée. «Il n'y a pas d'habit particulier pour ce moine-là», écrit-il après avoir démontré que les fascismes ont toujours été «plus hétéroclites que les autres "ismes"». Tout simplement parce que leur socle commun – le refus du droit naturel, du droit d'avoir des droits, de l'égalité des individus, de celle des "races", ethnies ou origines, et donc de celle des peuples et des nations – les mène toujours à une essentialisation d'une identité nationale fantasmée et exacerbée. «La communauté vient avant l'humanité dans le système de valeurs fasciste, explique Paxton, et le respect des droits individuels ou des procédures légales y laisse la place à l'asservissement à la destinée du Volk (version allemande) ou de la razza (variante italienne). Il s'ensuit que les mouvements fascistes nationaux ont pleinement exprimé leurs particularismes culturels.»

 

 

Ces deux analyses – Robert Falony et Robert Paxton – rejoignent mon propos : il ya un « fascisme » de pouvoir qui restreint, sous le prétexte de terrorisme, ou encore de crise, les libertés fondamentales, c’est-à-dire la faculté du peuple  à participer à la décision et il y a un « fascisme » hétéroclite, politique, qui se veut être une menace permanente au processus démocratique et remettre en question les fondements de notre société par le rejet de l’universalisme. Cela n’est pas nouveau, bien sûr. Mais deux éléments sont incontestables : la progression constante de ces formations et la « banalisation » des idées distillées par ce courant politique, banalisation qui se marie avec le projet ultralibéral voulu par les lobbies des multinationales et par la pensée dominante au sein des institutions européennes. Prenons comme exemple la NV-A en Belgique flamande.

 

 

Le programme de la NV-A s’inscrit dans cette logique.

 

 

Le programme présenté récemment par le parti nationaliste flamand, NV-A (Nieuwe Vlaamse Alliantie – nouvelle alliance flamande) qui, ne l’oublions pas, est la plus importante formation politique de Belgique, s’inscrit bien dans la logique d’une société néolibérale. Donc, il y a une alliance objective entre l’extrême-droite et les tenants du néolibéralisme. Extrême-droite ? Oui, lorsqu’on voit le fondateur et patron de la NV-A, Bart De Wever, au côté de Jean-Marie Le Pen, même s’il y a plusieurs années. Oui, lorsqu’on apprend que le n°2 de cette formation, Jan Jambon, fréquente le St-Martens’fonds, l’association des anciens SS flamands qui ont fourni le plus important contingent de combattants SS étrangers.

 

Et cette alliance se concrétise lorsque De Wever déclare : « Ce programme n’est rien d’autre que ce qu’un gouvernement de gauche a fait en Allemagne Qui n’est rien d’autre que ce que font les pays voisins Qui n’est rien d’autre que ce que l’Union européenne nous demande de faire. » Et qu’est-ce que ce programme, sinon la diminution des prestations sociales, la privatisation des services publics et le gel drastique des finances publiques ? En clair, le programme de l’école de Chicago de feu Milton Friedman qui a commencé à être appliqué au Chili de Pinochet, il y a quarante ans, qui fut imposé – le plus souvent par la force – dans de nombreux pays et que prépare depuis des années la Commission européenne.

 

Cette alliance implique nécessairement la fin du contrat social, autrement dit la fin du processus démocratique aussi bien au niveau politique qu’au niveau social. D’ailleurs, le programme de la NV-A suggère d’en finir avec la concertation sociale au niveau national et de ne l’accepter qu’au niveau des entreprises ou des secteurs d’activités économiques. En clair, c’est la fin de l’Etat social. C’est exactement ce que souhaitait Margaret Thatcher il y a trente-cinq ans. Cependant, elle déclarait à l’époque que ce processus serait lent à cause des contraintes du régime démocratique. Aujourd’hui, on ne s’embarrasse plus de ces contingences !

 

Ce programme a rencontré des échos favorables dans une large partie de l’opinion flamande et auprès de politiciens démocrates-chrétiens flamands. Le silence des dirigeants libéraux dans la partie francophone du pays est aussi révélateur.

 

Les pions du marché

 

Que conclure de tout cela ? Cette alliance réelle entre les grands intérêts multinationaux, des pouvoirs autoritaires et des formations politiques extrémistes sape les fondements de nos sociétés démocratiques basées sur des valeurs reconnues comme universelles et inaliénables et sur le contrat social destiné à instaurer l’équité.

 

Cela a été, dès le départ, la volonté de l’école de Chicago qui, depuis un demi-siècle, a tenté d’imposer une société organisée pour le seul intérêt de ce pouvoir bien plus puissant que les Etats.

 

Mais les événements actuels qui s’enchevêtrent permettent de tirer une autre conclusion : « Soyons honnêtes, ce n'est pas une surprise d'apprendre que la NSA espionne la France. Elle n'est d'ailleurs pas la seule agence américaine à agir ainsi. En revanche, la vraie découverte dans cette affaire, c'est l'ampleur et la systématicité de ces écoutes. Ces pratiques sont totalement démesurées et inadmissibles. Elles flétrissent considérablement l'image de cette grande nation démocratique et interrogent sur sa conception du monde et des libertés fondamentales. » déclare Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois à l’Assemblée nationale française ajoute : « Au final, cette nouvelle péripétie révèle que les Etats-Unis n'ont pas d'alliés, ils n'ont que des cibles ou des vassaux. »

 

Ajoutons que les multinationales n’ont pas d’alliés non plus. Leur unique objectif est d’introduire un pouvoir absolu contrôlant, évaluant et réprimant s’il y a lieu les hommes et les femmes, les citoyens qui ne sont plus que les pions du marché.

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

C’est volontairement que le mot « populisme » n’est pas utilisé qui est un terme piège. La raison en sera expliquée dans un prochain article.

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19 octobre 2013 6 19 /10 /octobre /2013 21:18

 Thierry Willemarck

Thierry Willemarck, patron des patrons bruxellois, spécialste du dérapage

 

Il y a quelques semaines, le météorologiste de l’IRM (la météo belge) et présentateur à RTL-TVI, Luc Trullemans, dérape suite à des propos racistes. Après une partie de bras de fer médiatique, il est viré de RTL-TVI et subit une légère sanction à l’IRM. Il se rapproche du parti de son défenseur, Me Modrikamen, le parti « populaire » dont les idées sont proches de celles de l’extrême-droite. Le sémillant avocat ne cache d’ailleurs pas son admiration pour Marine Le Pen.

 

 

 

 Trullemans RTL

Luc Trullemans viré de RTL et faiblement sanctionné à l'IRM, ne regrette rien.

 

 

Il y a une dizaine de jours, l’animateur de cette même RTL-TVI et footballeur, Stéphane Pauwels, tient des propos scabreux à l’égard du chanteur métis "stromae" lors d'un match de l’équipe nationale belge. Il est suspendu.

 

 

Enfin, hier, le « patron des patrons » de la région bruxelloise, Thierry Willemarck, déclare qu’il faut supprimer les allocations familiales pour les parents d’enfants d’origine maghrébine qui font l’école buissonnière et qu’ils ont juste besoin « d’un coup de pied au cul ». Tollé général dans la presse et dans la classe politique bruxelloise. Le sénateur socialiste, grand spécialiste de la fiscalité, Ahmed Laaouej, met les points sur les « i » : « Si je comprends Thierry Willemarck, c’est parce que ces jeunes sont de culture différente, qu’ils sont dans un environnement différent, qu’ils ont besoin d’un coup de cul, et donc que les déficits dans les familles sont le propre des jeunes maghrébins ? C’est raciste ! ». Oui, c’est raciste. Il n’y a pas d’autre mot. Le ministre-président de la Région bruxelloise, Rudi Vervoort, socialiste lui aussi remet les montres à l’heure : « Plutôt que de stigmatiser les parents ou pire l’entièreté d’une communauté, le Président de BECI – l’association patronale de Bruxelles – se doit de proposer des mesures concrètes pour mener les jeunes à l’emploi, les motiver à trouver une voie professionnelle épanouissante, créatrice de richesse, de bien-être et de fierté. »

 

 

 

 

 

 ahmed-laaouej

Ahmed Laaouej a mis les points sur les "i". Espérons qu'il soit écouté.

 

 

Ne parlons pas de la France où une candidate du FN, une certaine Anne-Sophie Leclère, compare la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, une grande dame, à un singe ; où un ministre de l’Intérieur socialiste fait arrêter une jeune Rom dans le car d’un voyage scolaire, violant ainsi le sanctuaire de l’école, sanctuaire à la base des principes républicains ; où le même ministre de l’Intérieur socialiste fustige la communauté Rom au point d’être rappelé à l’ordre par la Commissaire européenne à la Justice.

 

 

 

 Christiane-Taubira

Christiane Taubira, une grande dame.

 

 

Des gens « connus »

 

Tous ces propos sont déplorables, mais font partie du quotidien, direz-vous. Non ! Ils sont inacceptables et il y a un élément nouveau inquiétant : ces propos et ces actes émanent non pas des habituels nervis fascistoïdes, mais de gens « connus ». Un ministre présidentiable, des personnages médiatiques connus, un dirigeant économique important, cela commence à faire beaucoup de monde. Cela prouve aussi que l’idéologie raciste se répand et pénètre dans tous les milieux.

 

Cela prouve qu’il sera très difficile de trouver des solutions sérieuses et démocratiques aux relations entre les « autochtones » et les communautés immigrées. Les dirigeants n’analysent plus, ils fustigent. Ils suivent le plus « gueulard » et n’osent même plus le contrer. Ils font également preuve de versatilité : rappelez-vous les torrents de larmes médiatisées versées après la tragédie de Lampedusa. Et puis, plus rien. Nul ne veut comprendre qu’il s’agit d’une question fondamentale, que l’Europe forteresse ne fonctionne pas, qu’il faudra une politique intelligente et humaniste pour tenter de résoudre ce problème majeur.

 

 

 manuel valls reference

Manuel Valls reste toujours en place en dépit de la lame de fond de la jeunesse lycéenne.

 

 

La lutte contre le racisme implique une nouvelle stratégie. Il ne suffit plus de fustiger. Valls est toujours en place, le FN ne perdra pas une seule voix après les dérapages de nombre de ses militants, les « personnalités » aux propos dits « imprudents » sont bien présentes.

 

Une autre politique, une autre manière de voir

 

 

 

lampedusa--1-.jpg

Après le battage médiatique, aucune leçon n'a été tirée de la tragédie de Lampedusa.

  

  

C’est à une autre politique de relations internationales qu’il faut s’atteler. L’Afrique ne doit plus être le continent à piller et qui sert à régler les comptes entre puissances. Le développement indispensable nécessitera des moyens considérables et une autre manière d’établir les relations avec les Africains. Il faut en finir avec le néocolonialisme, qu’il s’appelle « Franceafrique » (ou France à fric ?) ou qu’il prenne prétexte de « l’ingérence humanitaire ».

 

Cela s’appelle sans doute « révolution ».

 

Les pays européens ne peuvent plus laisser pour compte des milliers de gens d’origine maghrébine, africaine ou d’autres régions du monde. Une réelle politique sociale est indispensable dans le respect de la culture de l’Autre. La soi-disant « intégration » de ces populations n’implique pas le renoncement à leur mode de penser et de croire. La lutte contre l’islamisme intégriste n’implique pas la lutte contre l’Islam.

 

Il faudra apprendre à voir les choses autrement si on ne veut pas que les dérapages se transforment en catastrophe majeure. Tout cela s’appelle sans doute « révolution ». Nous y reviendrons.

 

 

Pierre Verhas

 

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15 octobre 2013 2 15 /10 /octobre /2013 10:37
Il s’appelait Alain Vigneron, il avait quarante-cinq ans, il était sidérurgiste à Arcelor Mittal à Liège dans l’unité de Chertal. Il avait fait ses études primaires – que l’école primaire, diront les pédants – puis, par la force de sa volonté et de son intelligence, il a grimpé les échelons dans cette grande famille de l’acier pour terminer comme brigadier de production – un poste technique à haute responsabilité – et jusqu’à samedi dernier, luttait pour sauver son entreprise, les emplois de ses camarades et sa famille. À l’annonce de la fermeture définitive par les sbires de Lakshmi Mittal, il a décidé d’en finir. Il s’est pendu.
Ce suicide, selon ses camarades, n’est pas un hasard du calendrier : il a eu lieu deux ans après, jour pour jour, la premières annonces de la fermeture des aciéries et des hauts fourneaux. Deux ans de lutte acharnée. Epuisé, il a décidé d’y mettre fin.
Alain Vigneron laisse une lettre à sa famille, dont il a envoyé une copie à son délégué syndical.
« Chère famille, je vous dis mes derniers mots.

Je veux que vous respectiez ma femme et ma fille. Elles n’y sont pour rien. Je les ai fait souffrir énormément à cause de mon boulot pour monsieur Mittal. Il m’a tout pris, mon emploi, ma famille. Combien de familles va-t-il encore détruire ? Moi je n’en peux plus de ce milliardaire. Vous savez, je me bats depuis 31 ans pour avoir un petit quelque chose et voilà, je vais perdre mon emploi et combien de familles vont le perdre, monsieur Mittal ?

Cher gouvernement, allez vous enfin sauver les milliers d’emplois des familles qui en valent la peine ?

Ma petite femme et ma fille, je veux que vous sachiez que je vous aime mais monsieur Mittal m’a tout repris : la fierté, la politesse et le courage de me battre pour ma famille.

Et que la presse soit au courant de mon acte. J’ai fait des panneaux, je voudrais qu’ils soient à l’église, que tout le monde voie pourquoi j’ai mis fin à mes jours.
 »

Quand va-t-on sortir du fatalisme et de la servitude dans lesquels les gouvernements successifs qu’ils soient de droite, de gauche, du centre ou encore du trou du cul, ont placé les travailleurs et le peuple ?

Le désespoir des metallos (ici en Lorraine) peut se transformer en révolution.

Le message d’Alain Vigneron ne doit pas rester sans réponse. Ce serait lâche et indécent. Un nouveau combat de longue haleine doit commencer pour retrouver le chemin de la dignité.
Les assassins de Vigneron s’appellent d’abord Mittal, mais aussi Barroso, Lagarde, Draghi, cette troïka qui a mis l’Europe sous la tutelle des multinationales. Ces gens qui jettent des milliers de familles, de travailleurs dans la misère, ces Attila en col cravate qui détruisent des régions entières, ces ignares arrogants sont coupables de crimes contre l’humanité – car c’est de cela qu’il s’agit.
Exigeons une Cour pénale internationale pour les juger et les punir. Cela calmera sans doute les autres.
Pierre Verhas 

 

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11 octobre 2013 5 11 /10 /octobre /2013 15:01

La révolte n'est pas loin ! Et elle risque d'être pire que la révolution.

 

Regardez :

 

 

http://fr.news.yahoo.com/video/je-suis-d%C3%A9sol%C3%A9e-monsieur-cop%C3%A9-213205249.html

 

Quel formidable exemple nous donne cette dame !

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8 octobre 2013 2 08 /10 /octobre /2013 08:38

Marine Le Pen traîne devant les tribunaux toute personne qui proclame que le Front national est d’extrême-droite.

 

À l’appui de sa plainte, elle produit une pièce à conviction qui ne souffre aucune discussion.

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7 octobre 2013 1 07 /10 /octobre /2013 15:43

Le Front national français rafle 40 % des suffrages lors d’une élection cantonale partielle à Brignolles dans le Var. Et encore, il aurait eu la majorité absolue s’il n’y avait eu un dissident d’extrême-droite qui a raflé 9,5 % des voix. La gauche est laminée (le PCF a 19 %, les Verts, 9 % et le PS ne se présentait pas). Le candidat « bleu marine » sera opposé au deuxième tour à un UMP (21 %) qui ne cache pas son adhésion aux thèses de la droite dure.

 

Le Pen pourrait battre Hitler. 

 

En France, les prochaines élections seront les municipales et les européennes. Des sondages prévoient que la FN conquerra un grand nombre de mairies dont, sans doute, celle d’une grande ville : Marseille.

 

 

 

Marine Le Pen triomphe 

 Marine Le Pen peut étendre les bras : un bras de mer s'ouvre devant elle ! 

 

 

Quant aux « européennes », il est prévu que le FN dépasse le PS, le parti du Président de la République et aussi principale formation de gauche. Ce serait un fait unique dans l’histoire ! Jamais l’extrême-droite n’a réussi à emporter plus de suffrages que la gauche (1) lors d’un scrutin à l’échelle nationale.

 

 

Le PS ce gros pachyderme endormi 

 

 

Et ici, inutile de dire que « ce ne sont que des sondages ». D’élections en élections, le FN progresse dangereusement. Le PS, ce gros pachyderme endormi, a l’air de ne rien voir. Le Front de gauche a manifestement adopté une mauvaise stratégie. Quant à la droite « démocratique » qui a été « extrême-droitisée » par Sarkozy, c’est une véritable catastrophe. Ce n’est pas un boulevard, c’est un bras de mer qui s’ouvre devant Marine Le Pen et ses sbires.

 

 

 

manuel_valls_reference.jpeg 

Manuel Valls se trompe de stratégie en se voulant plus ferme que la droite.

 

Et, comme toujours, ou bien on fait gros dos comme le PS, ou bien on court derrière le FN, comme Manuel Valls et ses propos sur les Roms, comme François Fillon qui est prêt à rompre le « front républicain », ou encore on s’attaque aux effets et non aux causes dans les déclarations et les analyses à l’emporte-pièce des intellectuels et journalistes médiatiques.

 

 

On s'attaque aux effets et non aux causes. 

 

 

Les causes ? Il est trop facile de balayer la question en affirmant que l’extrême-droite est le fruit vénéneux de la crise. Certes, elle joue un rôle fondamental dans son émergence, mais elle est aussi et avant tout l’expression violente de frustrations. L’extrême-droite s’épanouit, par exemple, parmi les frustrés de la décolonisation. Ce sont eux qui ont fourni les troupes de l’OAS dans la métropole française et cela a laissé des traces. Ainsi, le voit-on dans des villes comme Béziers : « Ville de 70 000 habitants qui compte pas mal d’habitants d’origine espagnole (amnésiques ?), mais aussi beaucoup de pieds-noirs (rien compris ?), Béziers a vu le FN frôler les 26 %, des voix aux élections présidentielles de 2012, talonnant le président sortant, devançant François Hollande et laissant Jean-Luc Mélenchon, le candidat du Front de gauche, à 15 points derrière elle. Eva Joly pour les Verts n’atteint pas 2 % et Philippe Poutou, pour le NPA, plafonne à 0,8 %. » (voir le blog de Bernard Gensane  http://bernard-gensane.over-blog.com/b%C3%A9ziers-laboratoire-de-la-d%C3%A9diabolisation-du-fn-par-maxime-vivas).

 

Les gens d’origine espagnole, la plupart enfants et petits enfants des réfugiés de la guerre d’Espagne et du régime franquiste, vivent mal en France et à Béziers en particulier. Ils s’y adaptent difficilement et se sentent rejetés. Les pieds noirs, eux aussi, ont stagné après avoir quitté l’Algérie. Ce mal vivre leur ôte toute confiance en la société française et ils se tournent naturellement vers ceux qui leur font miroiter des changements profonds.

 

 

L'ultralibéralisme génère l'extrême-droite. 

 

 

Une autre cause est la politique ultralibérale qui consiste à transférer les revenus du travail vers le capital provoquant ainsi l’appauvrissement et le chômage. Molle réaction de la gauche de gouvernement qui s’en est faite l’exécutante.

 

 

Les propagandistes néolibéraux ne cessent de taper sur le secteur public responsable selon eux de tous les maux. Le fonctionnaire fainéant, profiteur, incompétent est l’ennemi. Le secteur privé est par contre l’eldorado qui assurera l’avenir de chacun s’il renonce à faire appel à « l’Etat providence » qui crée une société d’assistés et adhère au principe de l’effort individuel. Réaction de la gauche de gouvernement : c’est elle qui a le plus privatisé.

 

 

Le militantisme aujourd'hui se trouve chez les fachos ! 

 

 

Cette pauvreté endémique tue tout espoir et cette propagande matraquée par les médias depuis des lustre ont pour résultat la défiance à l’égard du politique. Cela a un double résultat : l’abstention aux élections qui est surtout préjudiciable à la gauche et le succès d’une extrême-droite militante qui s’offre comme alternative. C’est ce qu’il s’est passé à Brignolles.

 

 

 

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Jean-Luc Mélenchon ne parvient pas à créer un nouveau militantisme à gauche.

 

 

A cela, il faut ajouter la perte de crédibilité des partis traditionnels, ceux de gauche en particulier. La gauche de gouvernement fait exactement le contraire de ce qu’elle a promis et surtout elle trahit sa raison d’être au nom du TINA thatchérien (2). Dès lors, la force de la gauche qui était son implantation dans la population et un militantisme nombreux et bien organisé a disparu. Le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon n’a pas réussi à le réanimer. Le militantisme aujourd’hui se trouve chez les fachos !

 

 

C’est donc un virage à 180° que la gauche doit effectuer. Ce sera une œuvre de longue haleine pour peu qu’elle en ait la volonté. Cela doit se faire également au niveau européen. Faire appel, comme certains, au rejet de l’Union européenne est renforcer l’extrême-droite. Au contraire, il faut agir à cette échelle pour espérer un changement, car c’est à ce niveau que se définit la politique actuelle. Les élections européennes donnent l’occasion d’un début de changement. Mais, qui est candidat ?

 

 

Le scrutin de Brignolles est un dernier avertissement. Qui en tiendra compte ?

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

(1)   Le scrutin qui a permis à Hitler de prendre le pouvoir en 1933 eut lieu en novembre 1932. Le NSDAP obtint 33,1 % (en régression de 4,2 %). Le parti social-démocrate eut 20,4 % (en régression de 1,2%) et le parti communiste 16,9% (avance de 2,6 %). Le solde des voix se partagea entre le centre (8,5%) et des petites formations de droite. Donc, aux dernières élections libres allemandes avant la prise de pouvoir d’Hitler en janvier 1933, l’ensemble de la gauche engrangea plus de suffrages que les nazis.

 (2)  TINA « There Is No Alternative » était le slogan de Margaret Thatcher pour justifier sa politique ultralibérale.

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6 octobre 2013 7 06 /10 /octobre /2013 10:17

démocratique.

 

Le royaume de Belgique qui se veut être exemplaire dans le « concert » des nations et particulièrement dans l’Union  européenne dont il fut un des fondateurs, l’est beaucoup moins en matière de droits de l’homme, par le non respect évident de la Convention européenne des droits de l’homme.

 

La Belgique a ratifié cette Convention et a ses délégués à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg (). Elle y envoie siéger des magistrats comme tous les Etats signataires. Mais, à plusieurs reprises, cette Cour a condamné la Belgique dans le cadre de différentes décisions de Justice qu’elle juge contraire aux dispositions de ladite Convention.

 

Trabelsi est avant tout un homme !

 

En plus, l’on constate depuis peu une évolution inquiétante. En passant outre des arrêts de la Cour européenne et des décisions de tribunaux belges, non seulement les autorités belges violent sans vergogne les principes de base du droit démocratique, mais renoncent à la souveraineté du pays.

 

 

 

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  Nizar Trabelsi est avant tout un homme et ses droits sont inaliénables comme pour tous les hommes !

 

 

Nizar Trabelsi ne représente certes pas notre idéal. Mais il est avant tout un homme qui a des droits inaliénables comme pour tous les hommes. Cet ancien footballeur professionnel tunisien a été arrêté en septembre 2001 dans la région bruxelloise, soupçonné de préparer un attentat pour le compte d’Al Qaeda contre l’ambassade des Etats-Unis en France. En outre, il est soupçonné d’avoir planifié une attaque suicide contre la base militaire belge de Kleine Brogel où se trouvent des armes nucléaires étatsuniennes. En 2004, Trabelsi qui ne nie pas, est condamné à dix ans de prison par un tribunal belge pour ce projet d’attentat. C’est la peine la plus sévère. L’attaque de l’ambassade étatsunienne n’a pas été retenue par les juges.

 

En novembre 2007, un grand jury du district de Columbia aux USA incrimine Nizar Trabelsi de « participation à une association de malfaiteurs visant à l'assassinat de ressortissants américains en dehors des États-Unis », d'« association de malfaiteurs pour l'usage et la tentative d'usage d'armes de destruction massive » et de « soutien matériel et des ressources [financières] à une organisation terroriste étrangère ». Sur la base de ces soupçons, les USA demandent l’extradition de Trabelsi à la Belgique en 2008. Pendant cinq années, l’intéressé fera tous les recours possibles pour éviter cette extradition. Et pour cause ! Il risque la peine de mort.

 

C’est le principal argument des défenseurs de Trabelsi. En effet, conformément aux droits de l’homme et à la loi belge, on ne peut extrader une personne inculpée ou non dans un pays où elle risque la peine de mort. La Belgique interroge la Justice américaine à ce sujet. La réponse du ministre étatsunien de la Justice est sans équivoque : « Trabelsi risque d’être exposé à deux fois la perpétuité sans possibilité de remise de peine » (two times life without parole). Cela équivaut à une mise à mort, même si formellement, ce n’est pas la peine capitale qui s’applique en l’espèce. Et jusqu’à présent, aucune preuve des accusations étatsuniennes n’a été apportée.

 

Une procédure accélérée

 

L’affaire a traîné plusieurs années et tout à coup les choses se sont précipitées. Le gouvernement belge vient d’extrader Trabelsi.

 

La procédure qui a mené à l’accélération inattendue de cette extradition est scandaleuse et constitue un dangereux précédent. Comme les différents tribunaux belges avaient admis la légalité de l’extradition, les avocats de Trabelsi ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Celle-ci a décidé, avant de se prononcer, d’attendre le résultat de l’ultime recours possible de Trabelsi devant le Conseil d’Etat de Belgique. Il rejette le recours le 23 septembre 2013. Donc, en principe, plus rien ne s’oppose à son extradition, sauf la CEDH qui a fait savoir qu’elle rendrait son arrêt fin octobre, début novembre au plus tard.  Malgré cela, la ministre de la Justice Annemie Turtelboom autorise l’extradition en se basant sur le seul arrêt du Conseil d’Etat. Trabelsi est finalement extradé vers les USA le 3 octobre !

 

Personne n'est au courant. Ni les avocats, ni l'intéressé lui-même. Episode sordide : selon la presse flamande, Nizar Trabelsi est sorti de sa cellule. Il était revêtu d'un costume de mariage. Il croyait qu'on le conduisait dans une autre prison pour qu'il puisse y célébrer le mariage qu'il projetait. Ce fut direction aéroport...

 

 

 

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 La ministre belge de la Justice, Annemie Turtelboom aime tirer sur tout ce qui bouge ! 

 

 

Selon son conseil, le gouvernement aurait précipité les choses pour deux raisons. En premier lieu, son avocat avait introduit un recours contre l’extradition devant le tribunal de première instance qui a rendu son jugement le 4 octobre – donc un jour trop tard – interdisant au gouvernement d’extrader Trabelsi étant donné le recours auprès de la CEDH. Personne, ni la famille, ni les avocats, ni le tribunal n’était au courant du départ de l’intéressé ! L’autre raison : « Le 9 juillet, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a, dans un arrêt de principe et dans un dossier très proche de celui de Nizar Trabelsi, constaté une violation de la Convention européenne des droits de l’homme. La Belgique a sans doute anticipé une décision de Strasbourg qui serait allée dans le même sens. » (La Libre Belgique, 4 octobre 2012)

 

 

« La Belgique se prostitue aux Américains ! »

 

 

Donc, le gouvernement belge a « dribblé » le tribunal et la CEDH et viole ainsi sans vergogne les droits de l’homme !

 

Il est certain qu’il s’agit là d’une décision politique. La Belgique a « obéi » aux Etatsuniens. Elle héberge le siège de l’OTAN, dont l’actuel ministre de la défense, le très droitier Pieter De Crem, ambitionne le secrétariat général bientôt vacant. Un contingent belge se trouve toujours en Afghanistan, alors que plusieurs pays se sont retirés. Bref, il y a un alignement systématique de ce royaume sur la politique étatsunienne.

 

 

 

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  Didier Reynders et Pieter De Crem : deux zélés serviteurs de "l'Occident". 

 

 

À ce titre, la Belgique renonce à sa souveraineté. Furieuse, la femme de Trabelsi a crié : « La Belgique se prostitue devant les Américains ! »

 

N’oublions pas Ali Arrass.

 

D’ailleurs, il n’y a pas que Trabelsi. Ali Arrass qui a la double nationalité belge et marocaine est lui aussi soupçonné de terrorisme, alors qu’il n’y a aucun élément réellement probant.

 

 

 

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L'épouse d'Ali Arrass devant son portrait craint pour son mari. 

 

En avril 2008, Ali Arrass est incarcéré dans une prison espagnole soupçonné de terrorisme. Il doit être extradé vers le Maroc. En octobre 2010, la section espagnole d’Amnesty International s’inquiète de son sort. En effet, en 2006, l’Audience nationale d’Espagne a ouvert une information contre Arrass pour faits de terrorisme. Faute de détenir des éléments probants, cette juridiction renonce provisoirement à ses poursuites en mars 2009. Malgré cela, Ali Arrass reste en prison. Amnesty International lance un appel à sa libération et à renoncer à l’extradition, car au Maroc, il risque d’être mis au secret et torturé.

 

Malgré le jugement du tribunal espagnol, malgré la recommandation du Comité des droits de l’homme de l’ONU et les risques qu’il encourt au Maroc, Madrid extrade Arrass. Il est pris en charge par la police spéciale marocaine. On devine ce que cela signifie. Mais il ne cesse de proclamer son innocence. On va même jusqu’à rédiger de faux aveux sur un papier en arabe. Or, Arrass est incapable d’écrire en arabe ! Par contre, il dépose plainte contre la torture. Cela n’aura évidemment pas de suite.

 

Ali Arrass sera condamné le 7 mai 2012 par un tribunal marocain à douze années de prison.

 

Le prétexte fallacieux de Reynders

 

Ses avocats et sa famille restée en Belgique font appel au gouvernement belge pour qu’Arrass, comme tout citoyen belge emprisonné à l’étranger, bénéficie de l’assistance consulaire. Refus du ministre des Affaires étrangères, le libéral ami de Sarkozy, Didier Reynders, sous prétexte qu’Arrass a la double nationalité belge et marocaine. Or, ce sont, d’après lui, les Marocains qui ont la priorité en l’espèce puisqu’il se trouve sur le territoire du Maroc.

 

Donc, voilà un citoyen belge extradé illégalement par l’Espagne, condamné sans preuve au Maroc, ayant subi la torture, qui est abandonné par les autorités de son pays ! Le prétexte de la double nationalité est d’ailleurs fallacieux. En effet, un Marocain naturalisé belge, garde toujours sa nationalité d’origine selon la loi marocaine. Donc, tout Marocain naturalisé belge ne pourra bénéficier de l’aide consulaire en ce pays. Et puis, que valent ces arguties juridiques devant le traitement intolérable infligé à Arrass ?

 

 

 

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  Les dessins qu'Ali Arrass est parvenu à faire sortir de sa prison et qui montrent les tortures qui lui ont été infligées. Manifestement, cela laisse Reynders de marbre.

 

 

Récemment, Ali Arrass a fait parvenir des dessins de sa plume montrant les tortures qu’il a subies. Il avait effectué une grève de la faim qu’il vient d’arrêter. Son sort est toujours entre les mains de Reynders qui refuse de bouger, malgré les pressions de nombreux parlementaires, de comités de soutien, de sa famille.

 

Là encore, la Belgique s’écrase, au nom de la « guerre contre le terrorisme », devant des autorités totalitaires, sans respect des droits les plus élémentaires et jetant en geôle, sans preuve, des hommes et des femmes qui pourraient déranger.

 

Que fait le Premier ministre Socialiste du cas Arrass ?

 

Arrass n’abandonne pas le combat. Il a fait un nouveau recours devant la cour d’appel marocaine, mais lors de la dernière audience en appel, lundi 30 septembre, Ali Aarrass « a tenté d'expliquer la torture à laquelle il a été soumis » mais « la Cour a refusé d'écouter », affirme le communiqué de ses avocats, selon lesquels « il a juste pu dire qu'il avait été attaché à un arbre et roué de coups jusqu'à l'évanouissement ».

 

En l'absence  d'une réponse du Comité contre la torture des Nations unies, qui avait été saisi en extrême urgence d'une demande visant à obliger le Maroc à réaliser une enquête indépendante, sa « condamnation inique était devenue inéluctable », selon le communiqué. « Un recours en cassation sera introduit dans les jours qui viennent », annoncent ses avocats.

 

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 Qu'attend Elio Di Rupo, Premier ministre socialiste, pour réagir ? 

 

 

S’il n’y a pas un changement fondamental dans l’attitude du gouvernement belge, si les Socialistes qui ont le poste de Premier ministre ne font pas pression sur le libéral Reynders, il y a peu d’espoir qu’Ali Arrass qui fait preuve d’un courage et d’un esprit de résistance exceptionnels, soit libéré.

 

La transaction de classe

 

Un troisième aspect méconnu des pratiques politico-judiciaires en Belgique vient d’être dénoncé par l’édition belge de l’hebdomadaire « Marianne ».

 

La Belgique, plaque tournante des trafics de toute sorte, du blanchiment d’argent sale, de la fraude fiscale, de par sa position géographique en Europe et du fait qu’elle accueille l’OTAN et les institutions européennes ainsi que les sièges de nombreuses multinationales, est évidemment au centre d’affaires judiciaires aussi nombreuse que nauséabondes.

 

Une Justice volontairement désarmée

 

La fraude fiscale professionnalisée a pris de telles proportions que la Justice belge ne disposait plus de moyens suffisants pour une lutte efficace. Les dossiers des fraudeurs – fort souvent d’importantes multinationales – s’accumulaient dans les bureaux des magistrats jusqu’au moment où ils étaient prescrits. Leurs avocats grassement rémunérés veillaient d’ailleurs à « atteindre la prescription ».

 

La cause de ces carences n’était pas seulement les faibles moyens de la Justice. Elle se trouvait aussi dans le manque de coordination entre l’Etat, l’administration fiscale, la police, la Justice. En clair, la machine ne tournait plus.

 

 

 

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Le Procureur général de Liège, Christian De Valkeneer, un des meilleurs magistrats de Belgique, souhaite que la loi sur les transactions exclue les politiciens. 

 

 

Aussi – et avec l’accord des magistrats – une loi passée quasi inaperçue a été votée par le Parlement belge il y a deux ans. Cette loi permet la transaction entre la Justice et le fraudeur afin d’arrêter les poursuites pénales. Bref, on se rachète une vertu, moyennant bien sûr espèces sonnantes et trébuchantes dont le montant est négocié avec le Parquet. C’est tout intérêt pour l’Etat qui récupère une partie de la fraude – cela vaut mieux que rien du tout en ces temps d’austérité budgétaire – cela soulage la magistrature de nombreux dossiers qui n’aboutiraient pas de toute façon et cela est tout avantage pour le fraudeur qui voit, certes, le bénéfice de son forfait lui échapper en partie, mais qui est donc lavé de tout soupçon. Comme l’écrit « Marianne » édition belge : « … la transaction élargie ne constitue rien d’autres qu’une petite arme supplémentaire au service d’une justice en retard d’une guerre sur la fraude de grande envergure. » En outre, tout cela se déroule dans le plus grand secret, même si des fuites parviennent de temps à autre à la presse.

 

 

La démocratie en danger

 

 

Il s’agit purement et simplement d’une Justice de classe. Seuls, les riches peuvent se payer une vertu et échapper ainsi aux poursuites pénales. L’égalité des citoyens devant la loi est bafouée. Il s’agit d’une Justice secrète, puisque les transactions se négocient dans les bureaux capitonnés des procureurs et les décisions de Justice échappent ainsi à toute publicité. Enfin, c’est une forme de privatisation de la Justice, puisque l’Etat renonce à ses prérogatives dans ces cas : il n’y a pas de sanction pénale pour un délit par ailleurs considéré comme majeur.

 

Les partisans de ce système estiment qu’il s’agit d’un outil « au service d’une justice trop lente et inefficace et les victimes – c’est-à-dire l’Etat – parviennent à obtenir réparation ». Raisonnement néolibéral typique : pour pallier à la faiblesse provoquée de la puissance publique, l’on procède à la transaction qui est par définition privée, puisqu’il s’agit d’un accord secret entre deux parties sans autre forme de procès, c’est le cas de le dire.

 

De là à ce qu’on étende le système de transactions à d’autres types de délits voire, de crimes, pour résorber l’arriéré judiciaire, il n’y a qu’un pas qui pourrait être rapidement franchi.

 

Justice de classe, abandon de souveraineté, non respect de l’intégrité de ses ressortissants, violation des droits fondamentaux, les signaux sont au rouge en Belgique. La Justice est bafouée. La démocratie est en danger.

 

 

Pierre Verhas

 

Cette Cour ne dépend pas des institutions de l’Union européenne, mais du Conseil de l’Europe.

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30 septembre 2013 1 30 /09 /septembre /2013 16:11

C’est un monde curieux et secret que nous décrit Merry Hermanus dans ce qu’on peut appeler ses mémoires intitulées « L’Ami encombrant » (Luc Pire, 382 pp., Liège, 2013), le monde de l’administration et de la politique en Belgique. Il l’a côtoyé et il en fit aussi partie, jusqu’il y a peu.

 

 

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Merry Hermanus livre sa vision des choses sans complaisance.

 

 

C’est aussi l’histoire du socialisme à Bruxelles qu’il a vécu de près et qu’il décrit sans complaisance ni amertume.

 

Toute sa vie professionnelle fut consacrée à la fonction publique avec, certes, un éphémère mandat de député régional comme il l’écrit lui-même et deux mandats d’échevin à sa commune de Jette. Mais, si on veut le comprendre, sa profession s’inscrivait dans un cadre plus large : il est avant tout un militant. Merry Hermanus décrit ses débuts de fonctionnaire. Après avoir réussi brillamment un concours de recrutement, il fut enterré dans l’administration provinciale et courtelinesque du Brabant dont il s’évada très vite. Jeune agent de l’Etat, il eut un projet en tête : moderniser  et informatiser la fonction publique. Cependant, s’il y eut par la force des choses, modernisation et informatisation, il ne parvint jamais à imposer ses idées dans ce qu’il appela plus tard le « Far west informatique ».

 

Hermanus, même s’il fit une splendide carrière de commis de l’Etat, en dépit des accidents sérieux qui ont bouleversé son parcours, fut toujours, selon ses propos, un « infiltré ». Cependant, il comprit très vite le système : « Tout au long de ma carrière, j’ai d’ailleurs pu constater que ceux qui se mettaient en tête de vouloir moderniser l’Administration en ignoraient les fondements essentiels, à savoir qu’elle est au service des citoyens et des élus. »

 

Et l’auteur ajoute, et c’est sans doute là le secret de cette cohabitation permanente entre l’administratif et le politique chez lui : « Le rêve de beaucoup de fonctionnaires étant d’être une fois pour toutes débarrassés du politique, ne se rendant nullement compte qu’alors nous rentrerions dans un autre système politique. »

 

Exclu du Parti socialiste pour le réintégrer par la grande porte.

 

En 1971, Merry Hermanus décida de réintégrer le Parti socialiste… dont il avait été exclu sept années plus tôt ! En effet, il faisait partie des Jeunes Gardes Socialistes qu’on accusait de « trotskisme » et qui furent dissoutes par le Parti. Commença alors sa longue carrière de « cabinetard » - ce qu’il ne fut jamais en fait – d’abord chez Irène Pétry, éphémère ministre de la Coopération  au développement, femme de gauche, au tempérament aussi bouillant que brouillon, n’ayant d’après lui aucun feeling politique. Cependant, il y apprit beaucoup de choses et put voir l’autre côté du miroir. À son niveau, anticolonialiste convaincu, il fut en quelque sorte le loup dans la bergerie de ces anciens coloniaux qui squattaient ce qu’il appelle « l’OVNI administratif de la coopération au développement ».

 

 

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Irène Pétry, femme de conviction, mais brouillonne...

 

 

Irène Pétry fut virée du gouvernement et Hermanus fut transféré au « 16 », c’est-à-dire le 16 rue de la Loi, adresse du cabinet du Premier ministre où il resta longtemps, même lorsque le PS était dans l’opposition. C’est là qu’Hermanus fut chargé des négociations pour les nominations politiques de fonctionnaires. Il acquit ainsi un pouvoir énorme. Il assura ce travail pendant vingt ans. Comme il l’écrit : « Je fus un homme très invité et redouté, flatté et bien sûr haï par ceux qui n’avaient pas obtenu satisfaction, toujours plus nombreux, cela va de soi, que ceux dont les espoirs étaient comblés. »

 

Les mains dans le cambouis

 

En outre, cela il ne l’écrit pas, il incarna le prototype même de l’intrusion « inadmissible » de la politique dans la nomination des fonctionnaires. La droite avait trouvé en lui le bouc émissaire d’une administration mille fois critiquée pour son inefficacité, ses excès de pouvoir, ses fonctionnaires, viles créatures politiques fainéantes, ignares et incompétentes. En réalité, bien que fidèle à ses « patrons », les présidents successifs du Parti socialiste auxquels il ne cachait rien, Hermanus était l’homme qui mit les mains dans le cambouis. C’est ainsi qu’il prit tous les coups pour eux et qu’il en donna aussi. Et puis, il finissait par en connaître trop « beaucoup trop ». Et cela peut finir par être dangereux. Lucide, il écrit : « …dès cette époque, je suis devenu dans le monde politique un personnage que l’on a adoré détester, et oserais-je dire que je me suis complu dans ce rôle. »

 

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Edmond Leburton n'était pas à sa place comme "Premier".

 

 

Le gouvernement Leburton se termina lamentablement, emberlificoté dans les scandales Baudrin et Ibramco. Cela permit à Hermanus de découvrir les mille et un petits secrets du petit monde des cabinets ministériels. Dans la crise, il eut la chance d’acquérir très vite une expérience qui le servit toute sa carrière. Des élections anticipées se déroulèrent en 1974 et les Socialistes furent jetés dans l’opposition. Tindemans forma un gouvernement de droite.

 

L’opposition est une période productive et dynamique.

 

Il fut avec son patron le seul socialiste à rester au « 16 » où il fut nommé. Il vit de près le fonctionnement du gouvernement conservateur de Tindemans. Cela ne l’empêcha pas de continuer à militer. Il collabora activement avec Guy Spitaels, qu’il avait connu à la CGSP, puis au cabinet Leburton et qui avait réussi à s’imposer à Ath, sa région d’origine, comme sénateur provincial. Hermanus savait choisir les hommes qui compteraient plus tard.

 

« L’opposition loin d’être une période d’abattement, est toujours productive, dynamique, révélatrice de nouveaux talents. C’est ce qui manque au PS d’aujourd’hui, au pouvoir partout, sans discontinuer depuis 1988. C’est une catastrophe pour les idées et la qualité du personnel politique. Cela change les perspectives et les mentalités. Le pouvoir pour le pouvoir est destructeur, débilitant, il éloigne les militants et attirent les carriéristes sans âme. C’est dans l’opposition que se forgent les consciences, que les nouvelles générations se lèvent. »

 

Analyse lucide des choses, qui ne plaira certainement pas à tout le monde et on peut craindre que « militer » soit un verbe qui n’a plus sa place dans l’ère de la mondialisation néolibérale où la compétition et l’individualisme ont tué la solidarité et les idéaux. Philippe Moureaux, Roger Lallemand et Merry Hermanus ont décidé de fonder le Club de Recherche Socialiste sur le modèle du CERES français de Jean-Pierre Chevènement.

 

 

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Guy Cudell : le bourgmestre symbole de St-Josse ten Noode et d'un certain socialisme

 

 

Il travailla aussi avec Guy Cudell, personnage haut en couleur, bourgmestre de Saint-Josse ten Noode jusqu’à sa mort, qu’Hermanus avait connu comme secrétaire d’Etat à la coopération au développement et aux… affaires bruxelloises. Il admirait son dynamisme, sa fougue, sa capacité à trouver de nouvelles idées et à les mettre en application et aussi, sa sincérité. Cudell organisait dans sa mairie de Saint-Josse des petits déjeuners de travail qui furent ce qu’on appelle aujourd’hui un think tank pour la future action socialiste à Bruxelles.

 

 

 

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Léo Tindemans, Premier ministre; annonçant sa démission devant un Leburton, alors Président de la Chambre, ébahi...

 

 

Le gouvernement Tindemans s’effondra en mars 1977 et des élections eurent lieu en avril 1977 où le Parti socialiste gagna deux sièges. Ce furent les négociations du pacte d’Egmont, premier grand accord sur la régionalisation, qui était mort-né. Merry Hermanus fut désigné chef de cabinet du Ministre de la Fonction publique, le Louviérois Léon Hurez qui était aussi Vice-premier ministre, dont le chef de cabinet fut Philippe Moureaux, devenu l’homme de confiance d’André Cools. Merry Hermanus appréciait Léon Hurez pour sa loyauté. Cependant, il découvrit le phénomène de cour qu’il détestait par-dessus tout, mais qu’il ne manqua pas d’exploiter. Il fit aussi la connaissance de tout ce qui « comptait » au Parti socialiste.

 

Un système

 

L’homme à tout faire fut à ce moment-là confronté à un autre aspect, moins reluisant et plus secret. Il raconte qu’un homme d’affaires flamand vint le voir et lui proposa une mallette bourrée de billets de banque. Hermanus refusa timidement et invita son interlocuteur à s’adresser au trésorier du Parti. Il eut ainsi contact avec de nombreuses entreprises. Il y eut des tentatives de corruption, une multinationale lui proposa une planque dorée. Il refusa systématiquement, mais il atterrissait, bon gré mal gré, au cœur d’un système qui finira par l’ébranler durement.

 

Hermanus dénonce aussi un phénomène qui joua un rôle funeste chez les dirigeants socialistes : l’alcool. Si Cools était une force de la nature et supportait la boisson comme personne, mais ce n’était pas le cas des autres, loin de là. Cependant, à propos de ces hommes, Hermanus avoue : « … peut-être que ces amateurs intempérants avaient plus de cœur et de tripes que les professionnels amidonnés, condamnés à l’éternel et hypocrite sourire télévisuel, formatés par des gourous en comm’, virtuoses de la langue de bois qui domine maintenant le monde politique. » Les temps changent !

 

Il y a toujours eu collusion entre le monde des affaires et les partis politiques et, évidemment, le Parti socialiste. Cette contradiction  peut gêner, mais elle est réalité. A cette époque, la fin de la décennie 1970, l’un d’entre eux, très connu, était très proche du PS : Pierre Salik. Mais son énorme influence n’était connue que d’un tout petit cercle. Un signe de l’histoire…

 

Rupture et crise

 

L’instabilité politique du moment due à l’interminable crise communautaire amena une succession de crises politiques. En 1978, le Parti socialiste éclata en une aile flamande – le SP –  et une aile francophone – le PS. Des élections s’en suivirent et le résultat des socialistes fut médiocre. Une très longue négociation s’en suivit. Philippe Moureaux, épuisé, se retira pendant deux mois. Cools et Spitaels demandèrent à Hermanus d’assurer deux cabinets, celui des PTT et celui du Vice-Premier ministre en remplacement de Moureaux qui réoccupa son poste en avril 1979, lorsque Spitaels fut nommé Vice-Premier ministre. Au passage, Merry Hermanus ne cache pas l’admiration qu’il a eue pour les ministres Robert Urbain et André Baudson qui passèrent aux PTT.

 

 

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André Cools et Guy Spitaels : deux destins liés, mais deux hommes terriblement éloignés

 

   

En mais 1980, nouveau gouvernement où sont associés les libéraux. Hermanus devint chef de cabinet du Vice-premier Spitaels et Moureaux monta comme ministre de l’Intérieur et des réformes institutionnelles. Il mit en œuvre la réforme d’août 1980 créant les régions et les communautés à l’exception de Bruxelles.

 

 

 

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Philippe Moureaux : homme de contradictions

 

 

André Cools devenait trop encombrant pour certains et était dès lors entraîné vers la porte de sortie. Il décida de quitter la présidence du PS et proposa Spitaels pour lui succéder. Un Congrès eut lieu à Namur pour élire le nouveau Président. Trois candidats étaient en lice : Spitaels, Glinne et Van der Biest. Malgré l’appui de tout l’appareil du Parti, Glinne était un rival sérieux. Il y eut deux tours et, personnellement, je sais qu’il y a eu de la tricherie pour l’éliminer, car logiquement Glinne avait plus de voix que Spitaels. Hermanus ne le dit pas, mais il explique qu’il a fallu rattraper dare dare entre deux tours les délégués de… Molenbeek, nouvelle commune de Moureaux, qui préféraient l’ambiance des bistrots namurois à celle de la salle du centre culturel de la future capitale wallonne. Heureusement, sinon c’était fichu pour Spitaels, tricherie ou non.

 

D’un cabinet à l’autre

 

Hermanus fut ensuite nommé chef de cabinet de Mathot qui remplaça Spitaels au poste de Vice-premier. Autant, il décrit le caractère brouillon du Liégeois, autant il admire son intelligence hors du commun et sa rapidité à appréhender les choses. Mais cette période fut émaillée de bizarreries, de comportements étranges. Il raconte qu’un jour, il vit sortir une femme nue du bureau du ministre !

 

 

 

  

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Guy Mathot garda ses secrets.

 

 

Après les élections de 1981, catastrophiques pour le PS, qui ne fut pas repris dans la nouvelle coalition chrétienne libérale, mais qui assura les présidences des nouveaux gouvernements de la communauté française et de la région wallonne, Hermanus devint chef de cabinet de Moureaux, premier ministre président de la communauté française. Toujours le cambouis !

 

Après l’aventure du cabinet, Hermanus parvint à se faire nommer secrétaire général du ministère de la Communauté française d’abord place Stevens, dans l’immeuble tour qui fut construit sur le site de l’ancienne Maison du Peuple et ensuite à Molenbeek, dans un bâtiment construit boulevard Léopold II, au coin de la rue Ribaucourt.

 

Le maelström

 

Des contrats avec INUSOP, l’Institut de sondage fondé par l’ULB et dirigé par Nicole Delruelle, par ailleurs grande amie d’André Cools, firent l’objet d’une enquête judiciaire. C’est là qu’il vécut toutes les lâchetés de ses pairs. De démiurge de la fonction publique, il devint le pestiféré rejeté pour tous. Après l’assassinat d’André Cools, l’affaire Agusta Dassault de pots de vin pour l’achat d’hélicoptères militaires mena devant la Cour de cassation les plus grands leaders socialistes dont Willy Claes, à l’époque secrétaire général de l’OTAN, Guy Matot, Guy Spitaels et Merry Hermanus.

 

Moureaux et Spitaels étaient deux fortes personnalités dissemblables sur bien des points mais ayant en commun une arrogance, un autoritarisme et un ego démesurés. Et pourtant, Hermanus qui les a fréquentés, qui fut leur homme à tout faire, a détecté chez eux d’immenses faiblesses, derrière leur masque hiératique. Dès qu’on pénètre dans leur intimité, ses personnages publics se transforment parfois en enfants pathétiques.

 

Un soir, juste avant le déclenchement de l’affaire INUSOP, la compagne de Philippe Moureaux le supplia de venir de toute urgence. Il trouva un Moureaux hagard, couché sur un lit, un revolver sur la table de chevet. Il lui fit une série de confidences et afficha ainsi une terrible faiblesse face à la tempête qui s’annonçait. Hermanus en fut abasourdi. Il avait devant lui un homme abattu, désespéré, pleurant sur son sort.  Lui qui avait connu la prison, qui y avait, comme il l’écrit, trouvé de la sérénité, car il a vécu ce que ses chefs ignoraient, eut difficile à accepter cette faiblesse soudaine devant l’adversité. Il se rendit compte, sans doute, car il ne l’affirme pas, que cet homme si sûr de lui et dominateur n’était qu’apparence torturé par une origine sociale qui n’était pas en phase avec les idées qu’il exprimait et surtout qui ne parvenait pas à les assumer.

 

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Guy Spitaels : sphinx au visage hiératique

 

 

Spitaels était différent. Nul ne peut le remettre qu’à un sphinx jetant sur le monde le regard d’une mystérieuse supériorité, même dans les circonstances les plus tragiques.  Hermanus raconte la cérémonie de funérailles de sa fille. En effet, Spitaels a supporté le pire drame qu’un père puisse rencontrer : la perte tragique d’un enfant. La cérémonie eut lieu à l’hôtel de ville d’Ath. Une foule immense s’y trouvait. Merry Hermanus après avoir fait la file se trouva devant ce père écrasé par la douleur, mais debout, silencieux, au regard lointain, à qui il serra la main sans dire un mot. Un moment impressionnant. Et pourquoi avait-il choisi de montrer son chagrin devant cette multitude ? Une autre fois, Spitaels caricaturé en Louis XIV par le dessinateur du « Soir », Royer, organisa une réception dantesque au Cinquantenaire où il invita tout ce qui comptait en Belgique il se conduisit en « roi soleil » et afficha sa velléité dominatrice.

 

Pourtant, comme l’écrit Hermanus : « Le miroir du réel était manifestement brisé. »  

 

Où est le socialisme ?

 

Des milliers de militants, dont j’ai fait partie, ont cru et oeuvré à l’avènement d’un socialisme démocratique. Nous pensions après 1968  que la révolution était en définitive illusion et ne mènerait qu’au désastre. Nous pensions que des hommes comme André Cools et Philippe Moureaux pourraient, comme d’autres l’ont tenté ailleurs, réussir ce compromis historique entre la démocratie libérale et le socialisme de justice. Cela fut impossible.

 

Cools, après avoir été balayé par ses pairs, fut dix ans après assassiné dans des circonstances non encore élucidées. Les scandales Agusta et INUSOP flétrirent à tort ou à raison le PS. Hermanus, en bon soldat, assuma ce qu’il n’estima pas être une faute, mais Spitaels se réfugia dans la dénégation et le déshonneur. Moureaux, éclaboussé mais non atteint,  prôna de son côté, fort de sa principale œuvre politique, la loi réprimant les actes de racisme, un illusoire multiculturalisme qu’il confondit avec l’universalisme. 

 

Le Parti socialiste s’est dès lors retrouvé sans chef, sans direction. Désormais, seul le pouvoir compte, pouvoir que ce Parti exerce depuis 1988 sans discontinuer. Elio Di Rupo, son actuel chef de file, en dépit de ses efforts sans doute sincères, n’arrive pas à s’imposer. Les idées ne sont plus là et surtout, le cœur n’y est plus.

 

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Merry Hermanus est un "voltairien" au fond de lui-même.

 

 

Merry Hermanus ne règle pas ses comptes, comme certains l’ont tout de suite proclamé dès la parution de son livre. Il livre sa vision des choses. Certes, tout n’est pas dit et ce qui est dit peut gêner. Mais il attire l’attention sur un point essentiel : le Socialisme n’a plus de militants. Cependant, qui dit que bientôt, d’autres, face à la terrible crise actuelle, ne s’engageront pour construire une société socialiste sur des bases nouvelles, tirant les leçons des terribles erreurs du passé. C’est ainsi que se construit dramatiquement l’avenir.

 

 

Pierre Verhas

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