Cette première journée du mois de juillet a été fertile en rebondissements. Le bruit a couru, émanant des institutions européennes, que Tsipras renoncerait au référendum suite à un « nouvel » accord ou, à tout le moins, proposerait de voter « oui ».
« Oui » pour les quidams que nous sommes, c’est bien entendu, « oui » à l’Europe telle qu’elle est. Le « non » signifierait le « Grexit »… On dramatise la situation à l’envi ! C’est l’intox à tout crin.
Même les vieux leaders droitiers, le post-franquiste Aznar et le parfait démocrate Sarkozy estiment que cela a assez duré et qu’il faut « suspendre » les négociations avec la Grèce.
Messieurs les Européens, excluez les premiers !
Passons aux choses « sérieuses ». Ce mardi 30 juin, date fatidique, puisque c’était l’échéance du remboursement d’une tranche de 1,6 milliards d’Euros au FMI, la Commission européenne a présenté à Athènes une offre de la dernière chance afin de tenter de parvenir à un accord « argent frais contre réformes » avant l'expiration au même jour de l'actuel programme de renflouement. Inutile de dire que Berlin n’était pas d’accord.
Le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis informe qu’il ne payera pas l’échéance au FMI. Dans un tweet adressé à Christine Lagarde, il lui a annoncé sur un ton qui ne doit certainement pas lui plaire : « DESOLE POUR LE RETARD DE PAIEMENT, J'ESSAIE ENCORE DE POUVOIR PAYER VOTRE DU, MAIS JE N'ARRIVE PAS A TROUVER UNE BANQUE OUVERTE. SIGNE Y.VAROUFAKIS »
Selon les termes de l'offre présentée à Athènes, le gouvernement d'Alexis Tsipras devrait s'engager par écrit à accepter la dernière version de la proposition des « institutions », celle rendue publique dimanche par la Commission, et à mener campagne pour les faire accepter lors du référendum prévu dimanche prochain.
S'il l'accepte, les ministres des Finances de la zone euro pourraient se réunir en urgence dans la journée de mardi et adopter une déclaration réaffirmant leur engagement pris en 2012 de discuter d'un réexamen de la dette grecque, que le gouvernement issu du parti de la gauche anti-austérité Syriza réclame depuis des mois.
Ce réexamen porterait sur un allongement des maturités des prêts, c’est-à-dire leur échéance, une réduction des taux d'intérêt et une prolongation du moratoire sur le paiement des intérêts des crédits débloqués par la zone euro et serait mis en œuvre au mois d'octobre.
Autant demander d’acheter un chat dans un sac !
La réaction d’Athènes ne se fait pas attendre. Selon le quotidien grec Ekathimerini, les services du Premier ministre ont annoncé dans l'après-midi de mardi avoir proposé un accord sur deux ans avec le Mécanisme européen de stabilité (MES) pour couvrir ses besoins financiers avec, en parallèle, une restructuration de la dette.
L'objectif, ajoutent les services du chef du gouvernement, est de faire en sorte que la Grèce demeure dans la zone euro.
Cela fait taire les rumeurs d’une volonté de Tsipras de sortir de l’Eurozone. Et cela signifie : Messieurs les Européens, excluez les premiers !
Jean-Claude « Drunker »
L'existence d'offre de la Commission a semblé surprendre un certain nombre d'acteurs, à commencer par la chancelière allemande Angela Merkel a dit ne pas être au courant d'une quelconque offre de dernière minute présentée au gouvernement grec. Elle a déclaré : « Tout ce que je sais, c'est que la dernière offre dont je suis informée remonte à vendredi dernier ».
Mais du côté français, Michel Sapin, a au contraire laissé entendre que la porte des négociations n'était pas encore totalement refermée.
Cela cafouille au sein de la Commission, c’est le moins qu’on puisse dire ! Le bruit court en effet dans les couloirs du Berlaymont que Juncker est quelque peu fatigué. Son surnom, pour les initiés, serait Jean-Claude « Drunker »…
Tsipras a réagi, montrant ainsi qu’il ne ferme pas la porte après l’annonce du référendum.
Il y aura un autre « niet » qu’on écrit en grec « oxi »
Dans une nouvelle lettre adressée aux créanciers de la Grèce (Troïka ou « groupe de Bruxelles», comme on voudra), Alexis Tsipras se déclare prêt à céder aux exigences des institutions moyennant quelques amendements, additions ou clarifications, selon le Financial Times (qui, il faut le dire, est assez objectif en cette affaire). Selon cette lettre, le gouvernement grec se dit prêt à accepter la liste d'actions prioritaires dressée par les créanciers, dans le document publié sur le site internet de la Commission européenne dimanche.
Ce texte servirait alors de base à un accord sur une nouvelle aide financière pour le pays, notamment via le Mécanisme européen de stabilité (MES), dont une demande a été introduite par le gouvernement grec mardi après-midi. M. Tsipras conditionne toutefois l'aval à ce document à certains amendements « concrets, respectant la solidité et la crédibilité de l'ensemble du programme ».
Athènes accepterait les réformes de la TVA, à condition qu'une ristourne de 30% soit accordée aux îles helléniques pour compenser leurs désavantages. L'âge de la pension pourrait être reporté à 67 ans en 2022, au lieu d'octobre prochain. Enfin, l'indemnité de solidarité pour les pensionnés les plus défavorisés devrait aussi disparaitre plus tardivement.
Cette nouvelle proposition transmise ce mercredi 1er juillet n'est nullement une capitulation. L'acceptation partielle de la dernière proposition des créanciers prend en compte les « lignes rouges » défendues par le gouvernement et il demande de nouvelles concessions : maintien du rabais de 30 % de la TVA dans les îles, report de la suppression de la retraite complémentaire EKAS pour les plus fragiles à 2019. Les créanciers avaient déjà accepté leur folle proposition d'une TVA de 23 % contre 13 % dans les hôtels. Mais surtout, cet accord, comme auparavant, ne peut s'accompagner que d'un accord sur la dette. Sans accord sur la dette, pas de « solution globale ». Et alors, le référendum sera maintenu puisque le gouvernement ne peut remplir son mandat.
Beau jeu tactique du Premier ministre hellène : il veut bien accepter les propositions de la Troïka qui ne sont d’ailleurs pas nouvelles, à quelques détails près, et surtout faire les réformes pour lesquelles il a été élu, dans la mesure où les conditions qu’il pose, soit acceptées. Pour les « créanciers », c’est évidemment un « niet » ! Eh bien, il y aura un autre « niet » qu’on écrit en grec « oxi »…
Nouvel appel au peuple
Alexis Tsipras s'est s'adressé mercredi 1er juillet après-midi à la Nation après la publication de nouvelles propositions de la Grèce à la Troïka. Il met les points sur les « i » : pas question de quitter la zone Euro, pas question de quitter l’Europe. En voici le texte :
« Le référendum de dimanche ne pose pas la question de l'appartenance de la Grèce à la zone euro. Après l'annonce du référendum, de meilleures propositions ont été formulées à propos de la restructuration de la dette. Lundi prochain, le gouvernement grec sera à la table des négociations, avec un meilleur mandat du peuple grec. Le verdict populaire est bien plus fort que la volonté d'un gouvernement.
Il est inacceptable que dans une Europe solidaire, on soit contraint de fermer les banques du fait d'avoir appelé le peuple à voter. Cela a gêné des milliers de personnes âgées, mais malgré l'asphyxie financière, le gouvernement garantit leurs retraites. Ces derniers mois, nous avons négocié avec acharnement pour défendre vos retraites, protéger votre droit à une retraite décente. Vous avez fait l'objet d'un chantage au vote « Oui » à l'ensemble des mesures des « Institutions » qui ne comportent aucune solution de sortie de crise.
Le « Non » n'est pas juste un slogan. C'est un pas décisif pour un meilleur accord.
Le « Non » ne signifie pas rompre avec l'Europe, mais au contraire revenir aux valeurs européennes.
Le « Non » signifie une forte pression. Pour un accord socialement juste qui met la charge sur ceux qui peuvent l'assumer et non, encore une fois, sur les retraités et les travailleurs.
Il y a ceux qui disent que j'ai un plan caché, qu'avec un vote « Non », je vais faire sortir la Grèce de l'euro. Ils vous mentent. Ceux qui font ces déclarations aujourd'hui faisaient les mêmes hier. Ils ne servent pas le peuple européen. Ils voient l'Europe comme une union superficielle dont le FMI est le garrot. Ils ne sont pas les visionnaires dont l'Europe a besoin.
Je fais part de ma gratitude sincère au peuple grec pour son calme et sa retenue. Les salaires et les retraites sont garantis.
Les dépôts bancaires des citoyens qui ne retirent pas leur argent sont garantis. Tournons la page, maintenons la démocratie et nos convictions pour un meilleur accord. Nous le devons à nos parents, à nos enfants, à nous-mêmes. Dire "Non" ce dimanche est notre devoir historique. »
Tsipras veut la poursuite des négociations » et il n’est pas question d’une sortie de la zone euro ». Il sait que c’est difficile pour le peuple grec, mais il faut en sortir.
Tsipras a en outre tenu à rassurer le peuple grec sur l’avenir des salaires et des pensions.
Et il a rappelé le principe d’une Europe solidaire.
En définitive, n’est-ce pas ainsi qu’on construit une autre Europe ? Celle des peuples dans une « maison commune » de l’Atlantique à l’Oural ?
Pierre Verhas