Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
  • Contact

Recherche

18 novembre 2015 3 18 /11 /novembre /2015 15:44

 

Je ne peux partager – une fois n’est pas coutume – les conclusions d’Henri Goldman dans son commentaire paru sur son blog (http://blogs.politique.eu.org/Les-Brigades-rouges-de-l-islam ) et dans la Libre Belgique du 18 novembre sur la tragédie de Paris. Il y établit un parallèle entre le terrorisme « rouge » des années de plomb (1970 -80) en Allemagne, en Italie, en France, en Espagne et en Belgique et celui des « djihadistes » de Daesh.

Une des nombreuses victimes évacuée par les services de secours. Quand se posera-t-on la vraie question : pourquoi ?

Une des nombreuses victimes évacuée par les services de secours. Quand se posera-t-on la vraie question : pourquoi ?

 

Certes, il estime à juste titre que les attentats du 11 septembre 2001, de Casablanca, de Madrid, de Londres, de Paris, de Bali n’ont rien de comparables avec le terrorisme « rouge » d’antan. Cependant, il écrit :

 

« À l’heure où les musulmans d’Europe se préparent une nouvelle fois à devoir se justifier pour ce qu’ils n’ont pas fait il est grand temps d’acter que tous ceux qui lisent le Coran n’y lisent pas la même chose. Ceux qu’on nomme « djihadistes » sont à l’islam ce que les Brigades rouges, les assassins « marxistes-léninistes » du Sentier lumineux péruvien ou les Khmers rouges génocidaires – et pourtant formés à Paris – étaient à la gauche démocratique. Ceux-là avaient rompu le cordon ombilical qui les rattachait à la grande tradition du socialisme de masse. Leur dérive sectaire les avait rendus insensible aux aspirations de celles et ceux dont ils s’étaient autoproclamés les porte-paroles. Au moment où il ne fait décidément pas bon de s’appeler Mohamed ou Fatima, de porter une barbe ou un foulard, est-il si difficile d’admettre que les musulmans d’aujourd’hui ne sont pas plus responsables des assassins qui parlent la langue de l’islam que les syndicalistes de naguère ne l’étaient d’autres assassins qui parlaient la langue du socialisme ? »

 

C’est vrai. On ne peut rendre les communautés musulmanes responsables des massacres et il faudra être très vigilant face aux réactions racistes et islamophobes exploitées politiquement par l’extrême-droite qui ne manqueront pas de se manifester dans les jours qui viennent.

 

Cependant, on ne peut comparer les deux formes de terrorisme. Umberto Eco évoquait ainsi l’action des groupes armés d’extrême-gauche : « Le terrorisme frappe la périphérie de nos sociétés ». Il avait raison. Ces actes, certes autant spectaculaires que meurtriers, restaient malgré tout marginaux.

 

Tout autre est le Djihad. Nous sommes ici devant des actes de guerre. Et cette guerre a débuté le 11 septembre 2001. Elle oppose « l’Occident » - c’est-à-dire les Etats-Unis et les puissances de l’OTAN ainsi que leurs « alliés » au Proche Orient – à ce que le président George Walker Bush a appelé « l’axe du mal », à savoir l’Irak et l’Iran. Le but proclamé de cette guerre étant la « lutte contre le terrorisme ».

 

Le cortège de 4 x 4 Toyota symbolise Daech. Comment a-t-il pu les acquérir sans une puissante complicité extérieure ?

Le cortège de 4 x 4 Toyota symbolise Daech. Comment a-t-il pu les acquérir sans une puissante complicité extérieure ?

 

Cette guerre se justifie est au niveau de la propagande par le concept historiquement faux de « choc des civilisations ». Son objectif réel est le contrôle des ressources en hydrocarbure du Moyen Orient et d’assurer une présence politique et militaire occidentale au Sud de la Russie pour achever son encerclement. Il est cependant intéressant de lire le « background » théorique qui mena à cette guerre :

 

« Cette thèse d’un « choc des civilisations » est développée par la suite par Samuel P. Huntington en 1993 dans la revue Foreign Affairs. Huntington y suggère que la source fondamentale de conflit n’est désormais ni idéologique ni économique mais culturelle, et qu’un choc des civilisations entre l’Islam et l’Occident dominera l’ère post-guerre froide. Sur la base de cette vision binaire des relations internationales, les défenseurs de la théorie de l’« affrontement » considèrent que l’islam politique a remplacé le communisme en tant que menace stratégique principale des intérêts américains. » (Mediapart : Pierre Pucot ,Syrie Irak, erreurs américaine, faillite internationale, 19 juin 2014)

 

George Walker Bush est l'instigateur du cataclysme au Moyen Orient avec la complicité de son vice-président Dick Cheney (à l'arrière-plan à gauche).

George Walker Bush est l'instigateur du cataclysme au Moyen Orient avec la complicité de son vice-président Dick Cheney (à l'arrière-plan à gauche).

 

Le premier coupable désigné du « 11 septembre » fut l’Afghanistan où Ben Laden était supposé se cacher, puis ce fut l’Irak. Le motif invoqué pour ce dernier fut la détention et la menace d’usage d’armes dites de destructions massives. Rarement, on connut mensonge d’Etat plus éhonté.

 

A l’exception de la France, de la Belgique et de quelques autres pays européens, en mars 2003, les Etats-Unis et la Grande Bretagne lancèrent, avec une coalition hétéroclite, une offensive contre l’Irak visant à éliminer le régime de Saddam Hussein. Cette attaque a mené au renversement du parti Baas et à l’exécution de Saddam, mais a surtout provoqué la destruction de l’Irak, de son patrimoine et une immense pagaille dans ce pays multireligieux et multiethnique. Cela en outre mené à la déstabilisation de l’ensemble de la région.

 

D’autre part, les Etats-Unis et l’OTAN ont envahi l’Afghanistan sous prétexte de vaincre les islamistes Taliban qu’ils n’ont jamais réussi à neutraliser. Jusqu’à ce qu’on a appelé les « printemps arabes », la guerre « contre le terrorisme » restait confinée au Pakistan et à l’Afghanistan jusqu’en 2010.

 

La révolte dite des printemps arabes de 2011 fut une surprise. Au départ, il ne s’agissait pas d’un mouvement à caractère religieux. En Tunisie où il a débuté, le soulèvement populaire s’est déclenché pour des raisons économiques et sociales, tout en luttant pour l’instauration d’un régime démocratique à l’occidentale. Le « printemps » s’est répandu dans quasi tout le monde arabe et a pratiquement échoué partout. De mouvement social, il s’est transformé en révolte religieuse, notamment en Egypte où les insurgés ont été noyautés par les Frères musulmans.

 

Le sacrifice du jeune Tunisien Mohammed Bouazizi apporta un immense espoir de libération des peuples arabes. Les religieux n'ont cependant pas manqué de récupérer les printemps arabes et les transformer en cauchemar.

Le sacrifice du jeune Tunisien Mohammed Bouazizi apporta un immense espoir de libération des peuples arabes. Les religieux n'ont cependant pas manqué de récupérer les printemps arabes et les transformer en cauchemar.

 

En Libye, il s’est agi essentiellement d’un soulèvement d’une partie de l’élite s’appuyant sur les différences ethniques entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque. Cette élite qui collaborait avec le régime de feu Kadhafi fut soutenue par la France qui obtint de l’ONU l’autorisation d’une intervention internationale qui a renversé l’ancien dictateur. Les conséquences ne se firent pas attendre : la pagaille s’est installée et est toujours là et Daech en a profité pour durablement s’installer dans ce qu’il subsiste de la Libye.

 

Une révolte s’est déclenchée en Syrie. L’Occident a commencé par soutenir les rebelles syriens, puis les a lâchés au profit de Daech.

 

L’histoire s’est figée.

 

D’où vient Daesh ? Beaucoup d’encre a coulé pour en expliquer la genèse. Le meilleur ouvrage, à notre connaissance, est celui de Pierre-Jean Luizard aux éditions La Découverte, Le piège Daech L’Etat islamique ou le retour de l’histoire.

 

On avait parlé en ce début de XXIe siècle de fin de l’histoire, il eût mieux valu dire que l’histoire s’est figée. En effet, tout était bloqué au Moyen Orient. Les Etats issus des accords Sykes Picot de 1916 commençaient leur inéluctable déclin. L’Irak n’était plus qu’une fiction. La Syrie échappait au contrôle du pouvoir baasiste du clan El Assad. Le conflit israélo-palestinien était gelé suite à l’assassinat de Rabin et à l’échec des accords d’Oslo. Les monarchies pétrolières, par crainte de l’Iran, effectuaient de folles dépenses en armements dans le plus grand intérêt des complexes militaro-industriels américain, anglais et franco-allemand.

 

En Irak, les Américains qui y sont arrivés dans l’ignorance totale de l’histoire et des structures de ce pays et y ont créé le chaos. Ils se sont appuyés sur la majorité chiite et sur les Kurdes délaissant la minorité sunnite dont était issus Saddam Hussein et ses partisans. De nombreux attentats eurent lieu contre les chiites. Le gouvernement chiite de Bagdad, fantoche des Américains, exerça en représailles une répression féroce contre les sunnites en 2013-14.

 

D’autre part, le secrétaire d’Etat à la Défense de Bush, le sinistre Donald Rumsfeld, ne trouva rien de mieux que de dissoudre l’armée et l’administration irakiennes après l’invasion américaine. Cela déclencha l’anarchie et les cadres de l’armée de Saddam étaient dès lors disponibles pour fonder une nouvelle armée contre l’envahisseur étatsunien.

 

Un enfer sur terre

 

Voici ce qu’écrit le journaliste américain Chris Floyd le 14 novembre sur le site Information clearing house : « Nous, l’Occident, avons renversé Saddam par la violence. Nous avons renversé Kadhafi par la violence. Nous essayons de renverser Assad par la violence. Tous des régimes durs – mais de loin moins draconien que nos alliés saoudiens, et d’autres tyrannies dans le monde. Quel a été le résultat de ces interventions ? Un enfer sur terre, qui s’étend et est plus virulent d’année en années.

 

Bachar el Assad l'homme à abattre, mais qui convient à pas mal de monde.

Bachar el Assad l'homme à abattre, mais qui convient à pas mal de monde.

 

Sans le crime américain de guerre agressive contre l’Irak – qui, selon les mesures utilisées par les gouvernements occidentaux eux-mêmes, a laissé plus d’un million de morts innocents –il n’y aurait pas d’ISIS, pas « d’al-Qaeda en Irak. » Sans le financement et l’armement saoudiens et occidentaux d’un amalgame de groupes sunnites extrémistes dans tout le Moyen-Orient, utilisés par procuration pour attaquer l’Iran et ses alliés, il n’y aurait pas d’ISIS. Remontons un peu plus haut dans le temps. Sans la création directe, extensive et délibérée par les Etats-Unis et son allié saoudien d’un mouvement mondial d’extrémistes sunnites armés pendant les administrations de Carter et de Reagan (afin d’attirer les Soviets dans un bourbier en Afghanistan), il n’y aurait pas eu de « Guerre contre le terreur » - et pas d’attaques terroristes à Paris cette nuit.

 

Une fois de plus tâchons d’être aussi clair que possible : le monde infernal dans lequel on vit aujourd’hui est le résultat de politiques délibérées et d’actions entreprises par les Etats-Unis et ses alliés pendant les décennies écoulées. C’est Washington qui a dirigé/ou soutenu l’étouffement de la résistance politique laïque dans tout le Moyen-Orient, afin de mettre au pas des dirigeants récalcitrants comme Nasser et soutenir des dictateurs corrompus et brutaux, qui favoriseraient le programme US de domination politique et d’exploitation de ressources.

 

L’histoire publique du dernier demi siècle est très claire à cet égard. En retournant encore davantage en arrière, au renversement du gouvernement démocratique d’Iran en 1953, les Etats-Unis ont poussé délibérément et consciemment, les groupes sectaires les plus extrêmes afin de miner une résistance laïque plus large à leur programme de domination. »

 

La confessionalisation

 

C’est ainsi que le conflit se confessionnalisa, notamment avec l’aide de l’Arabie Saoudite et du Qatar qui voulaient à tout prix neutraliser l’Iran chiite qu’ils considèrent comme un danger mortel. Ils aidèrent massivement la résistance au pouvoir chiite d’Irak. C’est ainsi qu’est né l’Etat islamique en Irak sans que les Américains qui commençaient leur retrait puissent réagir.

 

Mais, l’Etat islamique en Irak et au Levant (c’était son nom) s’est surtout « épanoui » en Syrie, parce que la structure de la Syrie est différente. Pierre-Jean Louizard explique la complexité de la question : « Dans un contexte multiethnique et multiconfessionnel au Levant et à la Mésopotamie, la différence structurelle de l’espace syrien (…) est qu’au lieu de trois grandes communautés, comme en Irak, coexistent un nombre beaucoup plus élevés de minorités face à une grande majorité arabe sunnite (69 % et 6 % de Kurdes également sunnites). En comparaison avec l’Irak, les communautés non sunnites et non musulmanes sont donc plus diversifiées, plus dispersées, de plus petite taille et peuplent souvent les régions frontalières d’anciens vilayets (entités administratives ottomanes) ou le littoral méditerranéen. »

 

C’est bien entendu sur ces minorités que s’appuie le régime bassiste de Bachar El Assad. Cela explique – en dehors de l’aspect religieux – les persécutions de ces minorités, particulièrement les chrétiennes, par Daech aussi bien au Nord de l’Irak qu’en Syrie. Les Occidentaux n’ont absolument rien compris à la complexité du Moyen Orient – « l’Orient compliqué » selon la fameuse parole de Charles de Gaulle – et n’envisagent les choses que dans un esprit colonial alimenté par le fantasme du « choc des civilisations ». En outre, l’aveuglement occidental a permis l’expansion du wahhabisme issu d’Arabie Saoudite dans tout le Moyen Orient et même dans les communautés musulmanes d’Europe.

 

Les conséquences actuelles en sont le délitement des Etats irakiens et syriens, le Liban menacé, l’installation de Daech en Libye et dans le Sinaï égyptien. Et les attentats de plus en plus meurtriers en Europe sont aussi le fruit de la lâche stupidité de nos dirigeants dans cette guerre contre le terrorisme.

 

Enfin, il ne faut pas oublier le rôle de la Turquie qui, tout en faisant partie avec l’Arabie Saoudite et le Qatar, de la coalition occidentale contre Daech, aide financièrement et militairement l’Etat islamique, notamment dans sa lutte contre les Kurdes. Depuis sa triomphale réélection, Erdogan se montre encore plus arrogant. Des signes de plus en plus nombreux d’un soutien turc à Daech se font jour, dont le plus spectaculaire fut l’hostilité manifestée le 17 novembre par le public turc lors du match amical de football Turquie – Grèce à Istanbul.

 

Recep Tayyip Erdogan se veut être le calife des califes.

Recep Tayyip Erdogan se veut être le calife des califes.

 

La riposte française amenant aux bombardements intensifs de Raqa, capitale de Daech en Syrie montre son inefficacité. Aucune réponse actuelle n’est adéquate. Et on le sait pertinemment.

 

Comme le répète Dominique de Villepin à chacune de ses interventions, la guerre contre le terrorisme est une guerre sans fin. Elle ne peut pas s’arrêter. Et elle est menée par les Américains, non pas pour protéger le territoire et le peuple américain, mais parce que c’est tout profit pour le complexe militaro-industriel.

 

A l’aveuglement, nous avons ajouté le déshonneur.

 

Voici l’analyse impitoyable du professeur Jean-François Bayart dans « Libération » du 15 novembre, qui complète et renforce les arguments avancés par de Villepin.

 

« Les origines de ce 13 novembre sont aussi à chercher du côté de la politique étrangère de l’Europe et de la France ces quarante dernières années. La démission de l’Europe sur la question palestinienne, l’occasion manquée avec la Turquie que l’on aurait pu si facilement arrimer à l’UE, l’alliance de la France avec les pétromonarchies… sont autant d’erreurs qui n’ont fait qu’aggraver le désastre et nourrir rancœur et radicalisation au Proche-Orient.

 

Au-delà de la polémique électoralement intéressée, et assez indigne, sur les mesures de sécurité prises, ou mal prises, par le gouvernement, la classe politique, les médias, l’opinion elle-même devraient s’interroger sur leurs responsabilités de longue durée dans le désastre que nous vivons. Celui-ci est le fruit vénéneux d’un enchaînement d’erreurs que nous avons commises depuis au moins les années 1970, et que nous avons démocratiquement validées dans les urnes à intervalles réguliers.

 

La démission de l’Europe sur la question palestinienne, dès lors que sa diplomatie commençait là où s’arrêtaient les intérêts israéliens, a installé le sentiment d’un « deux poids deux mesures », propice à l’instrumentalisation et à la radicalisation de la rancœur antioccidentale, voire antichrétienne et antisémite. L’alliance stratégique que la France a nouée avec les pétromonarchies conservatrices du Golfe, notamment pour des raisons mercantiles, a compromis la crédibilité de son attachement à la démocratie – et ce d’autant plus que dans le même temps elle classait comme organisation terroriste le Hamas palestinien, au lendemain de sa victoire électorale incontestée.

 

Pis, par ce partenariat, la France a cautionné, depuis les années 1980, une propagande salafiste forte de ses pétrodollars, à un moment où le démantèlement de l’aide publique au développement, dans un contexte néolibéral d’ajustement structurel, paupérisait les populations, affaiblissait l’Etat séculariste et ouvrait une voie royale à l’islamo-Welfare dans les domaines de la santé et de l’éducation en Afrique et au Moyen-Orient.

 

Son alliance avec les pétromonarchies arabes a aussi conduit la France à appuyer diplomatiquement et militairement la guerre d’agression de l’Irak contre l’Iran (1980-1988) et à ostraciser ce dernier, alors qu’il représente, avec la Turquie, le seul môle de stabilité étatique de la région, qui détient l’une des clefs de la résolution de la plupart de ses conflits, comme nous le découvrons aujourd’hui au Liban et en Syrie.

 

La même désinvolture a présidé à la politique de la France à l’égard d’Ankara. Au lieu d’arrimer la Turquie à la construction européenne, Paris l’a snobée, au risque de perdre toute influence auprès d’elle, de favoriser sa « poutinisation » et de l’abandonner à ses liaisons dangereuses avec des mouvements djihadistes.

 

Non sans cynisme, la France a joué pendant des décennies la carte de l’autoritarisme en Algérie, en Tunisie, en Egypte, en Syrie, en Irak en y voyant un gage de stabilité, en s’accommodant de la polarisation ethno-confessionnelle sur laquelle reposaient souvent ces régimes, en espérant que les peuples se résigneraient éternellement au despotisme que l’on estimait congénital en terre d’islam, et en laissant à celui-ci le monopole de la dissidence, rendant ainsi les successions autoritaires inévitablement chaotiques. Une cocotte-minute qui explose, ce n’est jamais beau à voir.

 

Après avoir conforté les dictatures, la France s’est lancée avec puérilité dans l’aventure démocratique sans voir à quel point les sociétés avaient été meurtries par des décennies d’assujettissement, et en sous-estimant la froide détermination des détenteurs du pouvoir.

 

Puis, pour résoudre d’un bombardement magique les problèmes qu’elle avait contribué à envenimer au fil des ans, elle est à son tour entrée en guerre en suscitant de nouvelles inimitiés sans avoir les moyens de s’en préserver.

 

Les situations inextricables de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Syrie, de la Libye ne sont que la résultante de ces erreurs de calcul, ou de ces calculs à courte vue. Sans doute annoncent-elles ce que nous réserve la restauration autoritaire en Algérie (dès 1991) et en Egypte (en 2014). A l’aveuglement et aux inconséquences, nous avons ajouté le déshonneur par le traitement que nous avons réservé aux réfugiés qui fuyaient les guerres que nous (ou nos alliés) avions déclenchées, en Libye et en Irak, et les autoritarismes que nous avions soutenus. »

 

Daech est un monstre que nous avons engendré.

 

Daesh est un monstre que nous avons engendré. Il est né des frustrations des peuples arabo-musulmans du Proche Orient. Ce n’est pas l’Islam le problème, c’est le drapeau de l’Islam qui est brandi par ces gens comme l’étendard d’une illusoire et sanglante conquête.

 

Dans cette guerre, comme dans les précédentes, depuis la Yougoslavie, les Occidentaux ont pris parti pour celui qui, en définitive, n’était pas leur ennemi et ils persistent dans cette erreur en appuyant les monarchies pétrolières et en se pliant aux quatre volontés d’Erdogan qui rêve lui aussi d’un califat dominé par la Turquie.

 

Et puis, vient presqu’immédiatement la dérive sécuritaire. Les attentats ont eu lieu le 13 novembre, le président Hollande convoque le Congrès à Versailles le 16 novembre et propose une révision de la Constitution pour donner à l’Etat des pouvoirs d’exception et donc restreindre les libertés.

 

Il est impossible, en si peu de temps, de préparer une révision constitutionnelle. Aussi, on peut raisonnablement supposer qu’on attendait l’occasion pour la présenter. Merci Daech ! Et que vise cette révision vers plus de pouvoir sécuritaire à l’exécutif sinon des moyens accrus de répression des mouvements sociaux qui ne manqueront pas de se déclencher ?

 

La chemise arrachée à Air France aura fait très peur à ces messieurs !

 

Combien faudra-t-il de victimes pour enfin comprendre ?

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

PS. L’hédonisme est-il une bonne réponse ?

 

Le « New York Times » écrivait au lendemain des attentats de Paris :

 

« La France incarne tout ce que les fanatiques religieux du monde détestent : profiter de la vie sur terre par une multitude de petites voies : une tasse parfumée de café avec un croissant au beurre le matin, de belles femmes en robe courte souriant librement dans la rue, l’odeur du pain chaud, une bouteille de vin partagée avec des amis, des enfants qui jouent dans le jardin du Luxembourg, le droit de ne pas croire en un quelconque Dieu, ne pas s’inquiéter des calories, flirter, fumer et avoir une sexualité sans être forcément marié, prendre des vacances, pouvoir lire n’importe quel livre, aller à l’école gratuitement, jouer, rire, revendiquer, se moquer des prêtres comme des politiciens, laisser l’inquiétude sur l’après-vie aux morts. Aucun pays ne vit mieux sur terre que les Français. »

 

A chacun et à chacune d’en juger !

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

L
Merveilleux article.
Répondre