(II) La pieuvre
L’affaire dite du « Kazakhgate » ne se limite pas au seul sauvetage par la Belgique sous la pression de l’ex-président Sarkozy, du « soldat Chodiev » et de ses deux acolytes, autrement dit le « trio kazakh ». Elle est en fait bien plus vaste et montre que la mafia russe a une influence considérable en Europe comme en Afrique.
Pour bien comprendre. Tout a commencé en 1996.
Tractebel, la société belge de construction de centrales électriques appartenant à GDF-Suez dans le sillage de l’affaire de la Société Générale de Belgique, s’intéresse au Kazakhstan, ex-république soviétique caucasienne, car la production d’électricité y a été privatisée. Ainsi, un juteux marché pour la construction de centrales et d’oléoducs - gazoducs est ouvert. Cependant, il fallait un associé sur place. C’est le trio kazakh (Chodiev, Machkevitch et Ibrahimov) qui fut choisi. Cependant, ces « hommes d’affaires » étaient loin d’être des anges ! La Justice les soupçonne d’être liés au crime organisé, mais ils bénéficient du soutien du dictateur local.
Là aussi, il est intéressant de faire la chronologie.
Tractebel : le cheval de Troie de Chodiev ?
Août 1996. Tractebel acquiert quatre centrales électriques dans la région d'Almaty.
Eté 1997. L'entreprise emporte une concession exclusive de vingt ans, portant sur le transport (exploitation de 8.000 km de pipelines) et le stockage du gaz naturel au Kazakhstan.
1999. Les appareils judiciaires belges et suisses commencent à s'intéresser à ce trio kazakh ainsi qu'à l'ex-Premier ministre de l'ancienne république soviétique, Akhezan Kajegueldine qui a démissionné en 1997 : l'Etat kazakh aurait dénoncé des faits de corruption et de détournement de biens publics.
Novembre 1999. Tractebel dépose plainte pour détournement de fonds contre Nicolas Atherinos, le vice-président chargé des affaires internationales de l'entreprise et qui a dirigé les opérations kazakhes.
Avril 2000. Tractebel cède la concession gazière pour 100 millions de dollars. Quelques mois plus tard, la société dépose, par ailleurs, plainte contre Pierre Bocquet, le « manager de crise » mandaté par l'entreprise pour sortir du bourbier kazakh et qui aurait tenté de l'escroquer.
Août 2000. Nicolas Atherinos dépose également une plainte contre Tractebel, dénonçant, notamment, une « association de malfaiteurs ».
28 février 2003. Pierre Bocquet porte plainte, lui aussi, contre les dirigeants de Tractebel, les accusant de falsifications comptables.
Mai 2003 : Mise en examen d'Atherinos et de Bocquet.
L'instruction se poursuit lentement durant les années suivantes. Les trois kazakhs, de leur côté, mènent leurs affaires ensemble sans être inquiétés jusqu'à bâtir un empire salué par la fameuse revue Forbes en 2006.
Observons au passage que pour Forbes, c’est l’enrichissement qui compte et non les méthodes utilisées pour y arriver.
En mars 2007, après près de 10 ans d'enquête, 7 personnes sont mises en examen par la Justice belge (dont le trio) pour faux, blanchiment et association de malfaiteurs. Chodiev est à l'époque, la seconde fortune de Belgique.
Le site de la Dernière Heure, Dh.net, décrit l'affaire : « Chodiev et les autres malfaiteurs présumés de l'association - puisque telle est l'une des préventions retenues par le juge, M. Frédéric Lugentz - sont informés des inculpations. Leurs avocats ont accès au dossier qui vise aussi l'Ouzbek du Kirghizistan Alidjan Ibrahimov et l'Israëlo-Kazakh Alexandre Machkevitch. Les trois sont décrits comme contrôlant le tiers de l'économie kazakhe, soit de 1 à 1,5 million de barils de pétrole par jour. Fortuné et homme d'influence sur l'échiquier mondial : Machkevitch, président du Congrès juif eurasiatique, est présenté - du moins sur certains sites - comme ayant financé pour plusieurs dizaines de millions de dollars la campagne victorieuse en 2005 du président d'Ukraine, Viktor Iouchtchenko. Procédure excessivement audacieuse et courageuse du parquet de Bruxelles. Sans entrer dans des considérations complexes, ce dossier ouvert en 1996 couvre les aventures de Tractebel au Kazakhstan et le versement de 55 millions de dollars de commissions occultes. »
Remarquons la considérable influence politique du trio puisqu’un de ses membres a permis l’élection de l’actuel président ukrainien après l’insurrection de Maidan.
C’est cette inculpation qui fera l’objet de la fameuse transaction pénale (voir volet I de l’article Le Kazakhgate : nouvel épisode de la lutte de classe). Ajoutons que les 23 millions de cette transaction ont été effectivement mis à la disposition de la Justice sous forme de saisies conservatoires de biens immobiliers correspondant à cette valeur.
Un réseau tentaculaire
Mais, il n’y a pas que çà. C’est en cela que ce scandale dépasse la « classique » affaire d’escroquerie, de détournement, de blanchiment. Il s’agit ici d’un réseau tentaculaire où on s’aperçoit que le « trio kazakh » dispose d’une puissance colossale à l’échelle mondiale. C’est vraiment un empire, comme écrivait Forbes à leur sujet.
Ainsi, le site Mediapart a révélé le 15 juin 2015 que le sulfureux milliardaire belge Georges Forrest « a versé 95 000 euros à Jean-François Étienne des Rosaies, ex-chargé de mission auprès de Nicolas Sarkozy à l’Élysée. Forrest a été introduit auprès des proches de Patokh Chodiev, l’oligarque au cœur du Kazakhgate, par Patrick Balkany, lors d’un déjeuner à la mairie de Levallois. »
Georges Forrest, le milliardaire belge qui règne en maître au Congo, particulièrement au Kivu et au Katanga en cheville avec Belkany et entraîné dans l'engrenage Chodiev
Et rebelote ! les deux protagonistes du Kazakhgate, Sarkozy et des Rosaies (qu’Armand De Decker qualifie de « malade mental » dans une interview à l’Echo du 26 novembre), , avec en plus Balkany, le copain de Sarkozy accusé lui aussi de corruption, qui reçoit dans sa mairie de Levallois le milliardaire belge Georges Forrest qui est en cheville avec Chodiev. Le même soir, il verse 95.000 Euros à des Rosaies…
Que vient faire Forrest là dedans ?
Continuons la lecture de Mediapart. Elle est édifiante :
« Joint par Mediapart, Pierre Kopp, l’avocat d’Étienne des Rosaies, explique tout d’abord que son client est un proche de George Forrest. « Ils se sont connus en Belgique dans les années 1970 et leur amitié ne s’est jamais démentie. » Il confirme que « M. Étienne des Rosaies a touché 95 000 euros d’honoraires de M. Forrest et de son groupe pour les années 2013 et 2014, en toute légalité. Ces sommes ont été enregistrées dans la comptabilité de sa société GB Conseil et visées par l’expert-comptable. Encore une fois, il n’y a aucune infraction. » Sur les relevés bancaires de GB Conseil, que Me Kopp nous a laissés consulter, les versements apparaissent bien sous l’intitulé « honoraires ».
Quelles prestations l’ex-conseiller de Nicolas Sarkozy a-t-il réalisées pour le compte du magnat belge ? Selon Me Kopp, il n’y a aucun lien avec le Kazakhgate : « M. Étienne des Rosaies a notamment aidé M. Forrest à recruter un président pour sa fondation caritative. Il a également participé à la rédaction du dossier de demande d’anoblissement de George Forrest en Belgique, qui n’a finalement pas abouti. Cette demande mettait en exergue les actions caritatives menées par M. Forrest et notamment le financement d’une route permettant de désenclaver l’hôpital géré au Congo-Kinshasa par l’ordre de Malte, dont M. Étienne des Rosaies est membre. » L’avocat de Forrest, Bruno Illouz, refuse quant à lui de commenter les « affaires d’ordre privé » entre son client et Étienne des Rosaies. »
Voilà donc Forrest qui, via sa fondation caritative (dont le siège est à Wavre en Belgique), finance une route qui dessert un hôpital appartenant à l’Ordre de Malte qu’on retrouve lié au Kazakhgate en d’autres dossiers !
Mediapart ajoute :
« La question se pose, puisque Forrest est en relation avec trois autres protagonistes du Kazakhgate : Patokh Chodiev ; son avocat et ancien vice-président du Sénat belge, Armand de Decker ; et un certain Patrick Balkany, député-maire Les Républicains de Levallois, ami de Nicolas Sarkozy et très actif sur le continent noir. Balkany, qui joue volontiers les entremetteurs, a croisé ses réseaux africains, belges et kazakhs, dans un étonnant mélange des genres très éloigné de ses fonctions d'élu de la République. »
Le sulfureux Patrick Balkany, maire de Levallois et surtout âme damnée de Nicolas Sarkozy est mêlé jusqu'au cou à "l'affaire" comme en bien d'autres.
Et, cerise sur le gâteau :
« Balkany entretient aussi des liens avec Forrest, qui ont contribué à la mise en examen de l'édile de Levallois pour « corruption » et « blanchiment de fraude fiscale ». Devant le juge Renaud van Ruymbeke, qui enquête sur l’origine de la fortune des Balkany, George Forrest a reconnu avoir versé une commission de 5 millions de dollars en 2009 au député-maire sur un compte à Singapour, en rapport avec le rachat d’une société minière en Namibie. « Fariboles », a démenti Balkany. »
De son côté, Forrest assure ne jamais avoir rencontré Chodiev.
Admettons. Mais en lisant les extraits de cet article du journal en ligne, on s’aperçoit que Balkany, comme Forrest usent de la stratégie du déni. De Decker fait de même de son côté. Ah ! Comme c’est aisé d’agir ainsi… Il n’y a évidemment pas de preuves formelles des allégations rapportées par les médias. Mais, la dénégation a ses limites : un faisceau de présomptions est en définitive bien plus dangereux que la révélation de faits bruts.
Chodiev, on le sait aujourd’hui, cherchait à pénétrer en Afrique. Pour cela, la Belgique et la France sont deux pays très utiles. Voilà donc un autre aspect du Kazakhgate après Tractebel et la vente des hélicoptères Airbus au Kazakhstan.
Quid de l’Ordre de Malte ?
Et l’Ordre de Malte ? Que vient faire là dedans cet Ordre catholique caritatif presque millénaire ? Christian Laporte écrit dans la Libre Belgique écrit :
« La naissance de l’Ordre de Malte - placé sous la protection de Saint-Jean le Baptiste - est antérieure aux Croisades. Elle remonte en fait à 1048. Des marchands de l’ancienne république maritime d’Amalfi (Italie) avaient fait construire à Jérusalem un hôpital afin d’assister les pèlerins de l’époque, question de leur permettre de se reposer de très longs voyages et aussi de rentrer au bercail. L’Ordre fut donc d’abord hospitalier. Les Croisades les amenèrent à se muer aussi en militaires et à devenir des chevaliers hospitaliers. C’est alors qu’ils s’engagèrent pour la défense des chrétiens en Terre sainte.
Mais ils se firent expulser par Saladin et durent se replier d’abord sur l’île de Chypre puis sur Rhodes. Hélas, ils furent encore contraints à l’exil, défaits par les troupes de Soliman le Magnifique. Grâce à l’empereur Charles Quint et au pape Clément VII, les chevaliers purent alors s’installer sur l’île de Malte. D’où leur dénomination définitive d’Ordre souverain militaire hospitalier de Jérusalem, de Chypre, de Rhodes et de Malte… Sur cette dernière île, toutes ses fonctions furent maintenues.
Appelé à rester neutre dans les conflits entre Etats chrétiens, l’Ordre participa par contre à la bataille de Lépante en 1571. Il resta à Malte jusqu’en 1802 puis s’installa à Messine, Catane et Ferrare avant de s’établir à Rome en 1834, où il a toujours son siège et où il bénéficie de l’extraterritorialité. Au fil du temps, il fut de moins en moins militaire : pendant les deux guerres, il se retrouva dans les deux camps et opta pour l’aide humanitaire neutre. Ces dernières décennies, l’Ordre se focalisa sur la spiritualité et le travail caritatif. »
C’est sans doute cette pérennité et sa position officiellement neutre qui donnent à l’Ordre de Malte un très grand poids politique et diplomatique. Son statut de « crypto-Etat » est tout à fait particulier. Il est représenté à l’ONU, au Conseil de l’Europe, il est reconnu par la moitié des Etats de l’Union européenne et par l’Union européenne elle-même ainsi que par bon nombre d’Etats dans le monde. Il émet même des passeports. C’est le seul Ordre de ce genre qui bénéficie d’un tel statut.
Le « premier ministre » de l’Ordre de Malte est son grand chancelier, le Français Jean-Pierre Mazery qui entretient aussi d’excellentes relations avec le clan Sarkozy.
La section belge de l’Ordre de Malte finance, via des dons et des subventions publiques entre autres pour 2006 – 2007 « la rénovation de la maternité d’un hôpital à Bethléem (750 000 €) et pour la réhabilitation d’un hôpital au Sud-Kivu (450 000 €). »
Or, la subvention de l’Etat belge pour l’hôpital de la Sainte-Famille à Bethlehem de l’Ordre de Malte (qui n’a rien à voir avec la BASR évoquée par Uranopole dans l’article « Impressions de Palestine ») a été accordée par Armand De Decker qui était alors ministre de la Coopération au développement. Le chancelier Mazery a même été reçu par le ministre De Decker qui lui a offert un dîner officiel au nom du gouvernement belge. En 2012, cette subvention a été renouvelée, cette fois-ci à l’initiative de Didier Reynders, ministre des Affaires étrangères qui s’est même rendu à Rome au siège de l’Ordre de Malte pour sceller cet accord avec Mazery. Reynders s’est même rendu en Palestine entre autres pour visiter cet hôpital.
On peut s’étonner de l’intérêt particulier que Didier Reynders porte à ce dossier, alors qu’il est ministre des Affaires étrangères et que la Coopération dépend du libéral flamand Alexander De Croo.
Jean-Pierre Mazery, chancelier de l'Ordre de Malte, et Didier Reynders, ministre belge des Affaires étrangères, scellent un accord pour des subventions. Est-ce uniquement caritatif ?
Et le milliardaire Forrest a financé via sa fondation la route d’accès à l’hôpital du Sud-Kivu de l’Ordre de Malte, dont les travaux ont été également subventionnés par le ministre De Decker.
En 2010, Sarkozy cherche à obtenir des hommes de confiance et d’influence en Belgique pour sortir Chodiev et ses deux acolytes des arcanes de la Justice belge. Son collaborateur Jean-François Etienne de Roseraies prend contact avec Jean-Pierre Mazery qui lui recommande… Armand De Decker !
Le monde est petit !
Le monde est vraiment petit ! Et tout ce monde gravite autour de Chodiev : de Roseraies, homme de confiance de Sarkozy, Mazery, chancelier de l’Ordre de Malte, Forrest le sulfureux milliardaire belge du Congo, Didier Reynders ministre belge des Affaires étrangères et, bien entendu, Armand De Decker !
Ah oui ! Il faut encore ajouter l’affaire du « vrai-faux » passeport belge de Chodiev. Grâce à Alain Lallemand du « Soir », on sait que la naturalisation de Chodiev a été obtenue grâce à un faux rapport de police à l’initiative du commissaire en chef et de l’ex-bourgmestre de Waterloo, le MR Serge Kubla, inculpé dans une autre affaire !
Jonathan Biermann, le jeune avocat et échevin d'Uccle, n'est pas monté dans la bonne caravane en prenant comme Armand De Decker comme mentor.
Enfin, il y a encore un personnage : un échevin (maire-adjoint) d’Uccle, la commune d’Armand De Decker qui, dans le civil, est avocat spécialisé en droit commercial. Jonathan Biermann a été recommandé par le même Armand De Decker en janvier 2011, pour représenter Natalia Kazegueldina, la femme de l'ex-Premier ministre kazakh, mise en cause dans le dossier de blanchiment d'argent Tractebel révélé en 1999 et qui avait valu des poursuites au milliardaire belgo-kazakh Patokh Chodiev au centre de l'affaire. Biermann ouvre alors en 2011 une une SPRL : le bureau J.B.I., en 2011, comme Armand De Decker, chez le même notaire et avec des statuts identiques à ceux de la société d'Armand De Decker. Honoraires recueillis pour son rôle, selon les enquêteurs français, cités par Le Vif : 160 000 euros. Mais la rémunératrice de ses honoraires n'est pas la cliente kazakhe : c'est Catherine Degoul, l'avocate française de Patokh Chodiev. La Justice s’intéresse à cet échevin, mais rien n’est encore décidé, comme pour De Decker.
Elle a supprimé la dignité de l’individu…
Alors, que penser de cet imbroglio ?
La première question est : d’où proviennent la puissance et la richesse du trio Kazakhe ?
La réponse est loin d’être évidente. L’anarchie régnait dans l’ex Union Soviétique et particulièrement dans les ex-républiques caucasiennes. Le trio kazakhe en a évidemment profité et a bien mené sa barque au point qu’il est arrivé à contrôler le tiers de l’économie kazakhe. De plus, ils ont chacun une influence considérable à l’extérieur.
On peut dire que le trio est le pur fruit de la mondialisation. Il s’est développé par delà les frontières, faisant fi de toutes les règles, s’étant fixé partout et nulle part. D’autres, à travers le monde, font de même. Ils font tous partie du 1 % dénoncé par le mouvement Occupy Wall street. Ces hommes surgis de partout et de nulle part sont les maîtres du monde.
La deuxième question : quel rôle jouent les responsables politiques ?
Et ils se servent des politiques assez cupides et naïfs pour penser qu’ils partageront le gâteau. En définitive, un De Decker n’est qu’un pion dans le jeu des « 1 % ». Sa rémunération de 761.000 Euros versée vraisemblablement comme commission et non comme honoraires pour « services rendus » n’est que clopinettes pour des Chodiev et des Forrest. De Decker et consorts ne feront que récolter les fruits aussi maigres qu’amers de leur cupidité.
Là aussi – et c’est bien plus important que les frasques de politiciens en mal de fortune – la preuve est faite que les Etats sont impuissants face à cette caste qui a bâti la puissance sur la dérégulation et sur le libre échange sans contrôles, que ces mêmes politiciens leur ont offert sur un plateau d’argent bradant ainsi avec autant de naïveté que de cupidité les pouvoirs qu’ils détenaient des peuples.
C’est cela la réalité de cette affaire Chodiev.
Relisons ce que Karl Marx et Friedrich Engels écrivaient dans le premier chapitre du « Manifeste du parti communiste » en 1848 :
« La bourgeoisie a joué dans l'histoire un rôle éminemment révolutionnaire.
Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a détruit les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens variés qui unissent l'homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du «paiement au comptant». Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a supprimé la dignité de l'individu devenu simple valeur d'échange; aux innombrables libertés dûment garanties et si chèrement conquises, elle a substitué l'unique et impitoyable liberté de commerce. En un mot, à l'exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a substitué une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale. »
Et cela se poursuit et s’étend grâce entre autres aux technologies. Aujourd’hui, les successeurs des bourgeois évoqués par Marx et Engels s’appellent Pathokh Chodiev, Alidjan Ibrahimov, Alexandre Machkevitch et aussi Georges Forrest et bien d’autres membres de la caste des « 1 % ».
Mais, un peu partout, des hommes et des femmes résistent. Ils représentent l’espoir de l’humanité.
Pierre Verhas