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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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13 janvier 2020 1 13 /01 /janvier /2020 21:14

 

 

 

La crise politique qui s’éternise en Belgique (nous l’analyserons dans un prochain article), la crise politique qui vient de trouver une solution bancale en Espagne, la crise politique latente en Italie, un pouvoir tournant au totalitarisme en France, le risque de démantèlement de l’Union européenne avec le Brexit, la Grande Bretagne elle-même en voie de démantèlement et j’en passe, sont des indices d’un changement profond de régime dans la plupart des Etats européens. Cependant, il s’agit d’un changement dont on ne connaît ni la nature ni l’issue.

 

Une des caractéristiques de ces crises est le déclin des partis traditionnels. Scrutins après scrutins, on observe leur déliquescence. C’est l’Italie qui, il y a bien longtemps, a donné le signal : le leader social-démocrate Bettino Craxi, ancien Premier ministre, ami de Silvio Berlusconi fut mouillé dans une affaire de corruption et est même contraint à s’exiler. Le parti social-démocrate italien ne survécut pas à ce scandale.

 

 

 

Le premier ministre social-démocrate italien était un grand ami de Silvio Berlusconi. La corruption s'installe dans les régimes parlementaires.

Le premier ministre social-démocrate italien était un grand ami de Silvio Berlusconi. La corruption s'installe dans les régimes parlementaires.

 

 

 

 La démocratie chrétienne qui régnait en maître depuis la fin du fascisme s’est également effondrée suite à l’assassinat de son dirigeant Aldo Moro par le groupement terroriste Brigades rouges et aussi par les liens qu’entretenaient ses principaux dirigeants dont l’inamovible Andreotti avec la mafia. Le parti communiste italien, principale force d’opposition, s’effrita petit à petit.

 

 

 

Aldo Moro assassiné par les Brigades Rouges italiennes fut le dernier grand dirigeant de la Démocratie chrétenne italienne. Il fut avec Enrico Berlinguer l'artisan du "compromis historique" qui ne plut certainement pas à l'establishment atlantiste européen.

Aldo Moro assassiné par les Brigades Rouges italiennes fut le dernier grand dirigeant de la Démocratie chrétenne italienne. Il fut avec Enrico Berlinguer l'artisan du "compromis historique" qui ne plut certainement pas à l'establishment atlantiste européen.

 

 

Malgré son leader dans les années 1970, Enrico Berlinguer, mort prématurément, qui rompit avec l’Union Soviétique et qui tenta le fameux « compromis historique » avec la démocratie chrétienne, le PCI déclina rapidement au point de disparaître.

 

 

 

Enrico Berlinguer, secrétaire général du Parti communiste italien, parvint à intégrer sa formation dans le concert politique européen en rompant avec l'URSS et en prônant le "compromis historique". L'assassinat d'Aldo Moro et sa mort prématurée mirent fin à ce rêve.

Enrico Berlinguer, secrétaire général du Parti communiste italien, parvint à intégrer sa formation dans le concert politique européen en rompant avec l'URSS et en prônant le "compromis historique". L'assassinat d'Aldo Moro et sa mort prématurée mirent fin à ce rêve.

 

 

 

Depuis l’Italie a connu la calamiteuse période de Berlusconi avec une formation à sa botte appelée Forza Italia, le calamiteux gouvernement technocratique de Monti imposé par l’Union européenne et une montée de la droite dure qui a réussi à grignoter à gauche avec le Mouvement 5 étoiles et la Ligue du Nord qui s’est muée en un parti d’extrême-droite dirigé par Salviani, aujourd’hui rejeté dans l’opposition, mais toujours menaçant. L’Autriche après que l’extrême-droite monta à plusieurs reprises au pouvoir, est depuis peu gouvernée par une coalition entre la droite dure de Kurz et les écologistes. Ce qui pose la question : les écologistes font-ils ou non partie du camp progressiste ?

 

En France, les partis « classiques », PS et Républicains ont connu des divisions internes et des « affaires » qui ont fini par les affaiblir. Macron n’a eu aucun mal à les marginaliser en imposant sa nouvelle structure, La République en Marche (LREM), véritable « parti » godillot du Président français, qui fait la pluie et le beau temps à l’Assemblée nationale française. En Allemagne, la CDU-CSU et le SPD perdent des sièges et des majorités régionales élections après élections.

 

 

 

Emmanuel Macron est le maître d'oeuvre du démantèlement de l'Etat social quitte à user de la force brutale pour arriver à ses fins.

Emmanuel Macron est le maître d'oeuvre du démantèlement de l'Etat social quitte à user de la force brutale pour arriver à ses fins.

 

 

 

Le rejet du centrisme

 

En définitive, c’est le « centrisme » qui est rejeté. Les formations traditionnelles, depuis une quarantaine d’années, ont toutes fait la même politique, c’est-à-dire la mise en place d’un régime économique et social néolibéral qui a été l’œuvre aussi bien des partis se réclamant de la gauche que ceux se revendiquant de la droite ou du « centre droit » pour ne pas effrayer l’opinion. Cette politique fut inaugurée avec la révolution thatchérienne et le néo capitalisme de Reagan dès le début de la décennie 1980-1990. Elle se poursuit dans quasi toute l’Europe et édicte des réformes de plus en plus dures destinées à démanteler l’Etat social né après la Seconde guerre mondiale.

 

Qui comble le vide laissé par ces partis ? L’extrême-droite et les écologistes et, dans une moindre mesure, la gauche radicale, mais surtout, ce qu’on appelle le populisme, c’est-à-dire une sorte de fourre-tout des contestations, des frustrations et des révoltes. Mais ces mouvements dits populistes ne restent pas longtemps au pouvoir quand ils y sont conviés. On l’a vu en Italie et en Autriche : l’extrême-droite se montre incapable de gouverner. Quant aux écologistes, ils sont divisés entre les « radicaux » et les « réalistes » et sont dès lors déstabilisés par leurs querelles intestines qui s’expriment dans un système interne de démocratie directe. Aussi, leurs passages au pouvoir les rendent impopulaires parce qu’ils prennent souvent des mesures que la population ne comprend pas. Au passage, notons que la démocratie « directe » dont ils se réclament, a aussi ses faiblesses !

 

Face à cette faiblesse des gouvernements à s’atteler aux urgences aussi bien climatique que sociale, économique, politique comme géopolitique, les peuples se soulèvent. « Peuple », ce mot est méprisé et rejeté par les clercs proches du pouvoir. L’ineffable BHL en est l’exemple caricatural. C’est très inquiétant cependant, car on ne voit guère d’intellectuels qui parviennent à donner des explications des bouleversements que nous vivons et à proposer une réponse aux défis de notre temps. Certains comme Thomas Piketty ou Paul Jorion arrivent à approfondir les questions et à avoir une vision indépendante et claire. Cependant, leur influence est limitée et les médias ne leur accordent pas suffisamment de crédit pour qu’ils puissent s’exprimer d’une voix forte. Et aussi, ils ne vont pas assez loin. Au-delà de leurs analyses critiques, ils ne proposent pas une réelle alternative. Dire qu’il faut éliminer le capitalisme est bien sûr évident, mais quel système proposent-ils à la place ?

 

 

 

L'économiste français Thomas Piekkty auteur du "Capital au XXIe siècle" et de "Capitalisme et idéologie" est considéré comme un "dangereux utopiste" par les milieux néolibéraux. Raison de plus pour le lire et l'écouter...

L'économiste français Thomas Piekkty auteur du "Capital au XXIe siècle" et de "Capitalisme et idéologie" est considéré comme un "dangereux utopiste" par les milieux néolibéraux. Raison de plus pour le lire et l'écouter...

 

 

 

La crise politique internationale génère en outre un phénomène nouveau : les vagues de protestations massives contre l’ordre établi aussi bien en France, au Chili, en Bolivie, en Equateur, au Liban, en Irak, en Algérie, à Hong Kong. C’est un véritable soulèvement international contre les politiques néolibérales et impérialistes. Et ces manifestations n’émanent pas d’organisations structurées comme des syndicats ou des partis politiques. Et on s’aperçoit que leur déclencheur est souvent dérisoire : une augmentation du prix du ticket de métro à Santiago du Chili et l’introduction d’une nouvelle taxe sur le carburant en France. À Hong Kong, c’est plus sérieux, c’est une loi sur l’extradition des opposants politiques vers la Chine qui a mis le feu aux poudres. En dépit d’une répression d’une violence inégalée depuis longtemps, les pouvoirs ont dû reculer. Cela n’a pas suffi à calmer les choses. Ces mouvements se perpétuent et échappent à tout contrôle des gouvernements.

 

Comme l’écrit Serge Halimi dans le « Monde diplomatique » du mois de janvier 2020 :

« Une défiance générale sert de ciment, ou de glaise, au mouvement  populaire. Défiance envers le libéralisme économique qui parachève une société de castes, avec ses nababs et ses parias. Mais surtout, défiance envers l’arrogance et la prévarication du système politique en place, que la classe dominante, « les élites », a transformé en garde prétorienne de ses privilèges.

 

L’impuissance, la question de l’environnement en apporte la preuve. Quatre ans après les proclamations solennelles de la COP 21, le vernis a déjà craqué. La planète des riches n’a pas réfréné ses appétits de consommation ; les risques de surchauffe se sont précisés. »

 

Ces quelques lignes résument admirablement le caractère insupportable des pouvoirs actuels : défiance envers une société de castes, rejet de l’arrogance de la classe dominante avec ses laquais des médias de plus en plus agressifs et insultants envers les opposants tout en faisant la révérence aux puissants. L’exemple de la récente interview du « grand » patron évadé et repris de justice Carlos Ghosn par la journaliste franco-libanaise Léa Salamé en est la caricature vivante !

 

 

 

L'interview de complaisance de Carlos Ghosn réfugié au Liban par Léa Salamé, le prototype même de la journaliste cireuse de bottes. Preuve que les médias sont aux mains de l'stablishment néolibéral.

L'interview de complaisance de Carlos Ghosn réfugié au Liban par Léa Salamé, le prototype même de la journaliste cireuse de bottes. Preuve que les médias sont aux mains de l'stablishment néolibéral.

 

 

 

Il y a aussi, et c’est sans doute le plus grave, l’incapacité à mettre en œuvre des solutions face aux défis de notre temps. Les incendies dramatiques en Australie en sont un tragique exemple. On voit un Premier ministre impuissant, incapable de prendre les décisions indispensables pour combattre ce phénomène qui n’est pas seulement dû au réchauffement climatique et qui n’est pas nouveau : les pompiers sont sous-équipés, pas assez nombreux, mal organisés en dépit de leur courage. D’autre part, l’aménagement du territoire laissé aux seuls spéculateurs immobiliers, l’industrie charbonnière polluante augmentent considérablement les risques de pollution et d’incendies. C’est typique des politiques néolibérales de total « laisser-faire », de désinvestissement public et de privatisations anarchiques.

 

 

 

Le Premier ministre australien est insulté par la population lors de sa visite au front des incendies.

Le Premier ministre australien est insulté par la population lors de sa visite au front des incendies.

 

 

 

Enfin, les institutions affaiblies par ces mêmes politiques néolibérales sont impuissantes face aux fléaux sociaux et environnementaux que nous vivons. Les institutions européennes ne sont plus qu’un instrument au service des grandes entreprises transnationales et de la politique folle de libre-échange. Elles imposent aux Etats membres, surtout ceux de la zone Euro, une austérité qui mène à l’échec total et à l’immobilisme. C’est l’impossibilité de changer de politique. C’est une régression sociale imposée par la force d’un pouvoir qui, paradoxalement, montre sa faiblesse. Le projet français sur les retraites en France est inspiré par la Commission européenne comme le projet belge qui, heureusement, n’a pas été adopté, les organisations syndicales étant bien plus puissantes en Belgique.

 

Ajoutons, et c’est un point essentiel qu’a dénoncé Thomas Piketty entre autres : la réforme des retraites crée une discrimination entre les plus riches et les plus pauvres et ne se base en rien sur la Justice. Or, tout projet de réforme sociale, s’il ne tient pas compte de la Justice est appelé à déclencher la révolte ou à être réformé en profondeur.

 

Or, il faut bien admettre que des réformes sont indispensables. Il est évident que l’on ne peut plus continuer avec la retraite basée sur la répartition avec une population basée sur 1,7 actifs pour 1 pensionné. Une réforme de ce genre doit être globale, concertée, basée sur l’intérêt général et la Justice et surtout non imposée par un exécutif usant de la violence et faisant des simulacres de négociations. En effet, chacun a compris que le « pactole » des retraites intéresse au plus haut point les grandes compagnies d’assurance. Notons au passage que, comme par hasard, le ministre français délégué à la réforme des retraites, Delevoye qui a dû piteusement démissionner à la suite de fausses déclarations sur ses multiples fonctions, était lié au secteur des assurances tout comme le ministre belge des pensions, Bacquelaine. Est-ce vraiment un hasard ?

 

La crise de la démocratie représentative est avant tout la défiance de la population à l’égard de la classe politique et en plus les combines qui font en sorte que les résultats des scrutins et les accords politiques qui s’en suivent ne correspondent pas à la majorité exprimée par les électeurs. Ce sont les principales raisons de la dispersion des voix dont une partie significative va vers le fameux populisme. Et ce qu’on appelle la gauche porte une terrible responsabilité.

 

Pourquoi ? A cause d’un divorce mis en évidence par le rédacteur en chef du « Monde diplomatique » dans la dernière livraison du bimestriel du « Diplo », « Manière de voir » qui est consacré au « peuple des ronds-points – « gilets jaunes » et autres soulèvements ». Divorce au sein même de la gauche, entre le social et le sociétal, entre la gauche des travailleurs et celle des bobos.

 

« En 2010, le journaliste français François Ruffin [qui est devenu député de la France insoumise depuis] évoquait l’image de deux cortèges progressistes qui, à Amiens, le même jour, s’étaient croisés sans se rejoindre. D’un côté, un défilé des ouvriers de Goodyear. De l’autre une manifestation d’altermondialistes contre une loi antiféministe en Espagne. « C’est, écrivait Ruffin, comme si deux mondes séparés seulement de six kilomètres, se tournaient le dos. Sans possibilité de jonction entre les « durs » des usines et, comme l’ironise un ouvrier, « les bourgeois du centre qui font leur promenade ». La même année, au même moment, le sociologue Rick Fantasia relevait lui aussi, à Detroit aux Etats-Unis, « l’existence de deux gauches qui s’ignorent », l’une composée de militants sans perspective politique, l’autre de réaliste sans volonté d’action. Même si les clivages d’Amiens et de Detroit ne se superposent pas tout à fait, ils renvoient au gouffre croissant entre un univers populaire qui subit des coups, essaie de les rendre et un monde de la contestation (trop ?) souvent inspiré par des intellectuels dont la radicalité de papier ne présente aucun danger pour l’ordre social. »

 

Il y a encore bien du chemin à parcourir !

 

 

Pierre Verhas

 

 

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commentaires

B
Admirable compilation d'analyses, de constats...What'else ? = au rayon "solution", c'est le vide ! Mais je suis d'accord avec la conclusion : "Il y a encore bien du chemin à parcourir !"...
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