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22 mai 2024 3 22 /05 /mai /2024 20:00

 

La High Court of London a tranché ce 20 mai surle cas Assange. Elle l’a autorisé à faire appel de l’ordre d’extradition vers les Etats-Unis où il risque jusqu’à 175 années de prison en vertu de l’Espionnage Act qui date de 1917 !

 

Cet arrêt est en réalité un » victoire à la Pyrrhus, car, comme l’écrit le journaliste britannique Chris Hedges (voir le site « Le Grand Soir » qui est le site francophone mieux documenté sur l’affaire Assange ) :

 

 

 

Chris Hedges un journaliste indépendant. Un des meilleurs soutiens de Julian Assange et de la liberté de la Presse

Chris Hedges un journaliste indépendant. Un des meilleurs soutiens de Julian Assange et de la liberté de la Presse

 

 

« Cela ne signifie pas que le tribunal a statué, comme il le devrait, qu’il est un journaliste dont le seul “crime” a été de fournir au public des preuves des crimes de guerre et des mensonges du gouvernement américain. Cela ne signifie pas qu’il sera libéré de la prison de haute sécurité de Belmarsh où, comme l’a dit Nils Melzer, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, après avoir rendu visite à Julian, il subissait une “exécution à petit feu” »

 

En outre :

 

« Cette décision se fonde sur le fait que le gouvernement américain n’a pas donné de garanties spécifiant clairement que Julian bénéficierait des mêmes protections du Premier Amendement que celles accordées à un citoyen américain, s’il était jugé. La procédure d’appel est un obstacle juridique de plus dans la persécution d’un journaliste qui devrait non seulement être libre, mais être célébré et honoré comme le plus courageux de notre génération. »

 

Et puis, on ignore quand l’appel aura lieu. Certes, les juges ont demandé à la partie étatsunienne et à la défense de Assange de déposer leurs conclusions pour le 24 mai. C’est très court, en effet, mais cela ne signifie pas que cet appel aura lieu dans un bref délai. Il pourrait avoir lieu l’année prochaine ou plus tard ! Cela fait cinq ans que Julian Assange croupit dans la prison de haute sécurité de Belmarsch dans des conditions difficiles. Sa santé se détériore aussi bien physique que mentale. Comme l’écrit Hedges, on le fait mourir à petitC feu !  Cela rappelle un passé douloureux pour bien des personnes « gênantes » aux pouvoirs en place. Cela pose une question fondamentale sur l’évolution de la démocratie occidentale. Cela pose aussi une question sur l’avenir de la liberté de la presse.

 

 

 

Les manifestants soutenant Assange devant la Haute Cour à Londres le 20 mai 2024

Les manifestants soutenant Assange devant la Haute Cour à Londres le 20 mai 2024

 

 

Et puis, que sera cet appel ? Jugera-t-on enfin le fond de l’affaire, à savoir si l’extradition est justifiée ou non ? Cette dernière question a toujours été éludée par les juges britanniques.

 

Comme l’explique Chris Hedges, cette saga judiciaire est loin de procéder en toute neutralité. Elle n’a fait que juger à charge et a même entravé la défense.

 

Une Justice britannique aux ordres de Washington ?

 

« Le lynchage judiciaire de Julian n’a jamais été synonyme de justice. La pléthore d’irrégularités juridiques, notamment l’enregistrement de ses réunions avec ses avocats par la société de sécurité espagnole UC Global à l’ambassade pour le compte de la CIA, aurait dû à elle seule entraîner le rejet de l’affaire par le tribunal, car elle bafoue le secret professionnel de l’avocat.

 

L’historique de ce « parcours » judiciaire rappelé par le journaliste britannique est bien utile :

 

« Les États-Unis ont inculpé Julian de 17 actes relevant de l’Espionage Act et d’un chef d’accusation pour utilisation abusive d’un ordinateur, dans le cadre d’une conspiration présumée visant à prendre possession d’informations relatives à la défense nationale, puis à les publier. S’il est reconnu coupable de tous ces chefs d’accusation, il risque 175 ans de prison aux États-Unis.

 

La demande d’extradition se fonde sur la publication par WikiLeaks, en 2010, des journaux de guerre de l’Irak et de l’Afghanistan - des centaines de milliers de documents classifiés, divulgués sur le site par Chelsea Manning, alors analyste du renseignement de l’armée, qui ont révélé de nombreux crimes de guerre commis par les États-Unis, notamment des images vidéo de l’assassinat de deux journalistes de Reuters et de dix autres civils non armés dans la vidéo Collateral Murder, la torture systématique de prisonniers irakiens, la dissimulation de milliers de morts civiles et l’assassinat de près de 700 civils qui s’étaient approchés de trop près des postes de contrôle américains.

 

En février, les avocats de Julian ont présenté neuf motifs distincts pour un éventuel appel.

 

Une audience de deux jours en mars, à laquelle j’ai assisté, était la dernière chance pour Julian de faire appel de la décision d’extradition prise en 2022 par la ministre britannique de l’intérieur de l’époque, Priti Patel, et de bon nombre des décisions prises par le juge de district Baraitser en 2021.

 

Les deux juges de la High Court, Dame Victoria Sharp et le juge Jeremy Johnson, ont rejeté en mars la plupart des motifs d’appel de Julian. Ses avocats soutenaient notamment que le traité d’extradition entre le Royaume-Uni et les États-Unis interdit l’extradition pour des délits politiques, que la demande d’extradition a été faite dans le but de le poursuivre pour ses opinions politiques, que l’extradition équivaudrait à une application rétroactive de la loi - car il n’était pas prévisible qu’une loi sur l’espionnage vieille d’un siècle soit utilisée contre un éditeur étranger - et qu’il ne bénéficierait pas d’un procès équitable dans le district Est de Virginie. Les juges ont également refusé d’entendre de nouvelles preuves selon lesquelles la CIA a comploté pour kidnapper et assassiner Julian, concluant - à la fois de manière perverse et erronée - que la CIA n’a envisagé ces options que parce qu’elle pensait que Julian avait l’intention de s’enfuir en Russie.

 

Les deux juges ont toutefois estimé lundi qu’il était “défendable” qu’un tribunal américain ne garantisse pas à Julian la protection du Premier Amendement, en violation de ses droits à la liberté d’expression tels qu’ils sont consacrés par la Convention européenne des droits de l’homme.

 

En mars, les juges ont demandé aux États-Unis de leur fournir des garanties écrites que Julian serait protégé par le Premier Amendement et qu’il serait exempté d’un verdict de peine de mort. Les États-Unis ont assuré à la Cour que Julian ne serait pas passible de la peine de mort, ce que les avocats de Julian ont finalement admis. Mais le ministère de la Justice n’a pas été en mesure de garantir que Julian pourrait bénéficier de la protection du Premier Amendement devant un tribunal américain. Une telle décision est prise par un tribunal fédéral américain, ont expliqué leurs avocats.

 

Le procureur adjoint Gordon Kromberg, qui poursuit Julian, a fait valoir que seuls les citoyens américains bénéficient des droits du Premier Amendement dans les tribunaux américains. M. Kromberg a déclaré que les publications de M. Julian n’étaient pas “dans l’intérêt public” et que les États-Unis ne demandaient pas son extradition pour des raisons politiques.

 

La liberté d’expression est une question clé. Si Julian se voit reconnaître les droits du Premier Amendement par un tribunal américain, il sera très difficile pour les États-Unis de monter un dossier pénal contre lui, puisque d’autres organes de presse, dont le New York Times et le Guardian, ont publié les informations qu’il a diffusées.

 

La demande d’extradition est fondée sur l’affirmation que Julian n’est pas un journaliste, et qu’il n’est pas protégé par le Premier Amendement.

 

Les avocats de Julian et ceux qui représentent le gouvernement américain ont jusqu’au 24 mai pour déposer leur projet d’ordonnance, qui déterminera la date à laquelle l’appel sera entendu. »

 

L’objectif est de détruire Julian Assange à petit feu. Il représente un danger bien trop grand pour l’Occident. En dénonçant avec des preuves irréfutables à l’appui, les crimes de guerre en Irak et en Afghanistan durant la première décennie du XXIe siècle, le fondateur de Wikileaks a créé un précédent dangereux pour le pouvoir occidental. Aussi, cette dramatique saga judiciaire est avant tout un avertissement à tous les journalistes et « lanceurs d’alerte ». Quant à la liberté de la presse et celle d’expression, elles n’ont aucune importance !

 

L’autre curieuse Justice

 

La Cour pénale internationale a été saisie par l’Afrique du Sud pour d’éventuels crimes de génocide à la suite de son offensive sur la bande de Gaza en représailles à l’offensive du Hamas palestinien dans le territoire israélien, des massacres perpétrés et de la prise de quelque 150 otages.

 

Au préalable, au vu des attaques meurtrières de Tsahal sur des civils, des hôpitaux, des bombardements sur des bâtiments civils, des associations humanitaires, l’interdiction des convois de vivres et de médicaments venant de l’extérieur, la Cour a averti le gouvernement israélien de risques de génocide.

 

Il y a quelques jours, le Procureur général près la CPI a requis l’arrestation de Benjamin Netanyahu et du Ministre de la Défense du gouvernement de Jérusalem ainsi que des trois principaux dirigeants du Hamas. Réactions indignées des dirigeants israéliens et d’une partie de l’opposition qui considère que l’on ne peut pas mettre sur le même pied le Hamas et Israël. C’est l’éternel argument des Sionistes : deux poids, deux mesures.

 

 

 

Le Procureur général de la CPI Karim Kahn est réputé pour sa fermeté.

Le Procureur général de la CPI Karim Kahn est réputé pour sa fermeté.

 

 

Bien entendu, les juges de la CPI doivent trancher. On verra. Le plus important cependant, quelle que soit la décision de la Cour, cette réquisition a déjà un résultat : l’impunité d’Israël est ébranlée. La réquisition du Procureur Kahn va probablement provoquer un bouleversement politique majeur.

 

Ainsi, la Justice peut intervenir dans les décisions politiques, dans le bon comme dans le mauvais sens. C’est une nouveauté dont il faudra tenir compte à l’avenir.

 

 

Pierre Verhas

 

 

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