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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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19 octobre 2024 6 19 /10 /octobre /2024 20:50

 

 

On n’arrête pas, depuis quelques semaines, de commémorer l’offensive du Hamas du 7 octobre 2023 dite « déluge d’Al Aqsa ». Ce jour funeste est devenu une date majeure dans l’histoire au Levant comme le furent le 10 mai 1940 en Europe occidentale, le 6 juin 1944 en Normandie, les 8 et 9 mai 1945 en Allemagne, le 6 août 1945 à Hiroshima, le 9 novembre 1989 à Berlin, le 11 septembre 2001 à New York et à Washington. Et j’en oublie. Ce sont tous ces événements qui ont profondément marqué l’histoire contemporaine. Ces dates sont aussi les étapes de bouleversements majeurs dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences.

 

Lisons des extraits publiés par le site « Le vent se lève » du nouveau livre de Jean Ziegler, ancien délégué de l’ONU sur les questions d’alimentation et vice-président de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, consacré à la guerre du 7 octobre et intitulé Où est l’espoir ? (Seuil, Paris, 2024). L’auteur décrit la genèse de cette tragédie dont on ne voit toujours pas l’issue.

 

« Samedi 7 octobre 2023 à l’aube, cinquante ans jour pour jour après le début de la guerre du Kippour le 6 octobre 1973, plus de 1 500 combattants des Brigades Al-Qassam, la branche militaire du mouvement de résistance islamique Hamas, ont envahi les kibboutz immédiatement voisins du ghetto de Gaza, une rave party et des villes côtières au sud d’Israël.

 

 

 

Le 7 octobre 2023, des éléments du Hamas détruisent la barrière de sécurité au moyen de bulldozers

Le 7 octobre 2023, des éléments du Hamas détruisent la barrière de sécurité au moyen de bulldozers

Une otage israélienne emmenée par un motard du Hamas

Une otage israélienne emmenée par un motard du Hamas

 

 

Simultanément, les techniciens du Hamas et de leurs alliés du Djihad islamique ont lancé sur Tel-Aviv, à 60 kilomètres au nord du ghetto, sur Jérusalem et d’autres villes une attaque de plus de 5 000 tirs de roquettes, dont une majorité a été interceptée par l’Iron Dome, le système de défense antimissile de l’État hébreu.

 

Totalement surprise, l’armée israélienne a mis cinq jours pour repousser les envahisseurs. Pendant ce temps, les combattants du Hamas ont commis des crimes abominables. Ils ont assassiné plus de 1 400 personnes, en majorité des civils fauchés par balles, brûlés vifs ou morts de mutilations, et ont pris en otage 259 civils et soldats israéliens, dont une trentaine d’enfants, qu’ils ont transférés dans le ghetto. Quiconque massacre des civils et prend des otages est un terroriste. Quels que soient les motifs religieux ou politiques invoqués, ces crimes sont impardonnables et imprescriptibles.

 

En plus de chasser, blesser, tuer, le terrorisme d’État israélien poursuit un autre but : tester l’efficacité des armes nouvelles développées par son industrie d’armement.

 

Le soir même du 7 octobre, le gouvernement de Tel-Aviv a déclenché la guerre contre le Hamas, guerre légitime selon l’article 51 de la Charte de l’ONU autorisant le droit à l’autodéfense. Mais en même temps, Israël a initié une guerre d’anéantissement contre la population civile de Gaza, contre une population innocente des crimes du Hamas. »

 

En effet, le Hamas s’est attaqué à des civils et aussi à des jeunes Israéliens qui participaient à une « Rave Party » qui se déroulait à la frontière avec la bande de Gaza. Résultat :1 200 morts civils et environ 250 otages. Cette attaque est incontestablement une opération relevant de crimes contre l’humanité, voire d’une tentative de génocide.

 

 

 

 

L'attaque du Hamas sur la Rave Party fit 250 victimes et le kidnapping de plusieurs otages.

L'attaque du Hamas sur la Rave Party fit 250 victimes et le kidnapping de plusieurs otages.

 

 

 

Cependant, il y a eu aussi dans cette opération des attaques contre des sites militaires qui n’étaient pas en alerte, alors que l’on sait aujourd’hui que des observatrices de l’armée avaient alerté l’état-major de Tsahal de la préparation d’une offensive. De même, les Egyptiens avaient averti Israël et on sait que le maréchal Sissi, le chef d’Etat de l’Egypte avait téléphoné à Benyamin Netanyahu pour l’en avertir. Pas de réaction du côté israélien.

 

 

C’est plutôt étrange ! On sait par ailleurs que le gouvernement israélien soutenait depuis longtemps le Hamas et permettait son financement provenant du Qatar via l’aéroport Ben Gourion en protégeant le transport des fonds jusqu’à Gaza ! Cette attitude des Israéliens était motivée par le refus de la constitution d’un Etat palestinien préconisée par les accords d’Oslo et voulue par l’Autorité palestinienne qui exerce en Cisjordanie. Pourtant, dans le passé, le Hamas s’est livré à des attentats suicides en Israël contre des civils, notamment dans des bus. Ce mouvement est hostile à la création d’un Etat palestinien à côté d’Israël. C’est le point commun entre l’extrême-droite israélienne et le Hamas qui, pourtant, refuse de reconnaître l’existence d’Israël !

 

 

D’ailleurs, les extrémistes juifs israéliens ne sont pas en reste. En 1994, à Hébron, le terroriste juif Baruch Goldstein – un médecin ! – a abattu 29 musulmans en prière à Hébron, à la mosquée d’Ibrahim, le caveau des Patriarches, lieu saint commun aux Musulmans et aux Juifs. En 1995, à Tel Aviv, un extrémiste juif abat Itzhak Rabin, le Premier ministre d’Israël et initiateur des accords d’Oslo. Depuis, la société israélienne est profondément divisée. En 2000, Ariel Sharon, alors chef de l’opposition à la Knesset, profane la mosquée d’Al Aqsa et le Dôme du Rocher sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem. Cela déclenche la deuxième Intifada – la première s’étant déroulée de 1987 à 1993 pour protester contre quarante ans d’occupation de l’armée israélienne en Cisjordanie, dans le Golan et à Gaza. En 2005, Ariel Sharon, alors Premier ministre ordonne le retrait de Tsahal de Gaza et le démantèlement des colonies israéliennes.

 

 

Conformément aux accords d’Oslo, des élections ont lieu en 2006 en Cisjordanie et à Gaza.  Celles-ci donnent une nette victoire du Hamas à Gaza et le Fatah garde son pouvoir en Cisjordanie. En 2007, le Hamas prend le contrôle de la bande de Gaza alors dirigée par l’Autorité palestinienne et chasse les militants du Fatah contraints de se réfugier en Israël pour aller en Cisjordanie. Israël décrète un blocus contre Gaza. Le Hamas riposte en tirant des missiles sur la ville de Sderot – qui fut aussi l’objectif de l’opération « déluge Al Aqsa » du 7 octobre 2023 – et d’autres localités israéliennes à l’Ouest du Néguev. En 2008, une trêve est décrétée sous l’impulsion de l’Egypte à la condition qu’Israël lève le blocus. En réalité, les Israéliens ont permis de rouvrir le poste frontière de Rafah mais le blocus maritime reste en vigueur et aucun accès n’est permis entre Gaza et Israël. À la fin de cette même année 2008, le Hamas rompt la trêve estimant que la partie israélienne n’a pas respecté la levée du blocus de Gaza.

 

Ainsi, les tensions entre les deux parties ne cessèrent de s’accroître et, malgré cela, Israël continua jusqu’au 7 octobre 2023 à aider le Hamas tout en exerçant de nombreuses représailles en réponse à ses attaques par missiles et par opérations terroristes. Tout cela pour empêcher la création d’un Etat palestinien. Cette ambiguïté ne pouvait qu’aboutir au désastre. Il a débuté le 7 octobre 2023.

 

 

Les accords d’Abraham à la base d’un tragique déséquilibre

 

 

Il y a aussi une autre raison. Ce sont les accords d’Abraham. En juin 2020, à la fin de la présidence de Donald Trump, des accords économiques sont pris entre Israël, les Emirats Arabes Unis et Bahrein avec comme conséquence politique, la reconnaissance de l’Etat hébreu par ces Etats arabes. Le Maroc et le Soudan vinrent s’y associer quelques semaines après. L’Arabie Saoudite, prudente, n’en fit pas partie. Ces accords ont une double conséquence : assurer à Israël une forme de leadership au Proche-Orient et isoler l’Iran et la Russie. D’autre part, les Palestiniens furent ignorés. Ainsi, au lieu de fonder un processus de détente, ces fameux accords d’Abraham ne firent qu’accroître les tensions. C’est sans doute une des raisons de l’attaque sanglante du 7 octobre. En effet, le Hamas n’aurait pu lancer une telle opération militaire sans l’aide d’une puissance étrangère, plus que probablement l’Iran avec la « neutralité » active du Qatar qui s’inscrit comme arbitre dans ce conflit.

 

 

 

Les accords d'Abraham furent signés à la Maison blanche à Washington.

Les accords d'Abraham furent signés à la Maison blanche à Washington.

 

 

Génocidaires vs génocidaires

 

 

Reprenons les propos de Jean Ziegler :

 

 

« Pour les emmurés de Gaza, il n’existe absolument aucun refuge. La basilique chrétienne orthodoxe de Gaza City, remplie de familles de réfugiés, a été détruite par les bombes israéliennes. La plupart des mosquées où se pressaient des milliers de Gazaouis ont été attaquées et souvent rasées.

 

Animalisation des Palestiniens

 

Pour justifier le siège qu’Israël impose à Gaza, Yoav Gallant, ministre israélien de la Défense, déclare : « Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence. » Cette rhétorique de la déshumanisation fait craindre le pire pour les Palestiniens. L’animalisation est un processus qui doit alarmer, car il présage souvent un massacre à grande échelle. On se souvient des Arméniens de Turquie transformés en « microbes » avant le génocide en 1915‑1916, ou des Tutsis du Rwanda désignés comme des « cafards » avant les massacres de masse en 1994.

 

La Cour internationale de justice est l’autorité judiciaire suprême des Nations unies. Le chapitre XIV de la Charte et le règlement annexe fixent sa compétence. Dix-sept juges la composent. Tout État membre de l’ONU peut porter plainte contre un autre État qui violerait la Charte, la Déclaration universelle des droits de l’homme ou toute autre convention internationale de droit public. Or, le 29 décembre 2023, l’Afrique du Sud, en la personne de son formidable ambassadeur des droits de l’homme Pizo Movedi, a porté plainte contre Israël pour violation de la Convention sur le génocide de 1948. La plainte comporte 84 pages. Elle est soutenue par 46 États et par plus de 1 000 mouvements sociaux et organisations non gouvernementales. 600 citoyens israéliens la soutiennent à titre individuel.

 

Le 26 janvier 2024, la Cour a reconnu la validité de la plainte et ordonné de prendre plusieurs mesures conservatoires sans délai : protection de la population civile, accès à l’aide humanitaire, interdiction des discours de haine, lutte contre la déshumanisation de l’une ou l’autre partie du conflit, etc Le mot « génocide » (du grec genos, clan, et du latin cidere, tuer) a été forgé en 1943 par le juriste polonais Raphael Lemkin pour qualifier l’anéantissement des Juifs et des Tziganes par l’Allemagne nazie et celle des Arméniens par les Turcs. La notion apparaît dans les actes d’accusation du tribunal de Nuremberg. En 1948, le génocide est consacré comme crime spécifique, à l’initiative de l’ONU, dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

 

Le statut de Rome de 1998 définit précisément le terme :

 

Article 5 : Crime de génocide

 

Aux fins du présent statut on entend par crime de génocide l’un des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel : a) meurtre de membres du groupe ; b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe : c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction totale ou partielle.

 

Personne ne dénie à Israël le droit de se défendre conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies. Mais le droit à l’autodéfense contre un agresseur armé ne comporte pas celui de massacrer toute une population civile. Des dizaines de milliers d’habitants de Gaza, parmi lesquels une majorité d’enfants, sont déjà mutilés, des dizaines de milliers d’autres sont morts. L’hypocrisie des États occidentaux est abyssale. Les États-Unis, les États occidentaux, y compris mon pays, la Suisse, supplient les massacreurs de « réduire » les pertes civiles. En même temps, ces États livrent à Israël les armes les plus puissantes et quantité de munitions alors que les massacres sont en cours. Ils se rendent coupables de complicité d’actes qui seront traduits un jour devant un tribunal international. »

 

Un incident récent montre l’ampleur de cette catastrophe. Un journaliste palestinien, Younis Tirawi, a révélé sur X (ex Twitter) qu’une unité de Tsahal de snipers d’élite opérait à Gaza. Dans cette enquête journalistique menée pendant près de six mois, un des membres américains de cette unité composée de 21 hommes baptisée Refaim (qui signifie fantôme en hébreu et dont la devise est « Hors de vue, mais en plein cœur ») livre longuement les tenants et aboutissants de ses « missions ».

 

 

L'Unité Refaim ou Ghost unit en opération à Gaza

L'Unité Refaim ou Ghost unit en opération à Gaza

 

 

 

 

Le soldat américain a notamment expliqué que les snipers enrôlés dans « son » unité avaient pour mission d'abattre les hommes qui se trouvent en zone de combat. Aucune limite d'âge n’est fixée, toute personne en âge de combattre étant donc une cible (même s'il s'agit d'une personne désarmée et qui ne constitue aucune menace directe).

 

 

Les personnes qui tentent d'évacuer des cadavres sont également des cibles. Les snipers d'élite étant parmi les plus qualifiés dans leur domaine, ils étaient capables de cibler un individu distant de près de 1 200 m. Les investigations de Younis Tirawi ont également permis de démontrer que certains membres de Refaim sont des binationaux. La plupart sont originaires des Etats-Unis, d'autres sont originaires d'Italie, de France et d'Allemagne. Et un Belge figure parmi eux. Il s'agit d'un jeune homme âgé d'une vingtaine d'années, qui a longtemps vécu à Bruxelles. Il s'est rendu en Israël après avoir répondu à un appel à servir son autre pays, mais il est revenu, au moins à une reprise, en Belgique après sa mission à Gaza. En divulguant ces informations, Younis Tirawi – dont le travail a notamment été utilisé par l'Afrique du Sud pour déposer une plainte devant la Cour internationale de justice contre Israël – a rappelé que les États tiers concernés devraient se saisir du droit international, mais également agir devant leurs juridictions nationales, pour poursuivre leurs soldats impliqués dans des crimes de guerre.

 

 

Une plainte avec constitution de partie civile au nom de l’ABP, Association belgo-palestinienne a été déposée par Alexis Deswaef, ancien président de la Ligue belge des droits humains, auprès du Parquet fédéral belge, pour crime de guerre contre ce soldat belgo-israélien. Interpellé à la Chambre, le ministre de la Justice a confirmé ces faits en révélant qu’une information judiciaire avait été ouverte. Ces faits présumés relèvent de l’article 135 du Code pénal belge et permettent de juger ce genre de crimes même commis à l’étranger.

 

 

Après cela, il sera difficile d’affirmer qu’Israël ne commet pas délibérément de crimes de guerre à Gaza s’assimilant à un génocide depuis plus d’un an.

 

 

Un génocide n’est pas seulement l’extermination d’un peuple.

 

 

C’est aussi l’élimination de sa culture. Alain Gresh, ancien directeur du Monde diplomatique et actuel directeur du site Orient XXI écrit dans le récent ouvrage Palestine un peuple qui ne veut pas mourir, éditions Les Liens qui Libèrent, Paris, 2024 :

 

« L’annihilation des hôpitaux et des structures scolaires a été largement documentée par, notamment, des organisations comme Médecins du Monde ou Médecins sans frontières, ou par les appels désespérés de médecins sur place dont les cris percent difficilement dans les médias, ou en mode dégradé. Une autre conséquence de la guerre contre Gaza est l’éradication de la culture, des monuments de l’histoire même. Un rapport de février 2024 du ministre de la Culture de l’Autorité palestinienne, l’écrivain Atef Abu Seif, recensait la destruction de 200 sites archéologiques, de 21 centres culturels, dont 8 musées, de 3 salles de théâtre, de 4 bibliothèques universitaires, de 9 maisons d’édition/libraires, sans parler de la disparition de 150 années d’archives de la ville de Gaza. Quant aux 12 universités, elles ont été réduites en cendres ou sérieusement endommagées. « Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir », notait le grand écrivain Aimé Césaire. Malheureusement pour les dirigeants israéliens, le peuple palestinien n’oublie rien. »

 

 

L’Etat d’Israël : un danger mortel pour la plus grande communauté juive de notre planète

 

 

Revenons encore à Jean Ziegler. L’ancien diplomate onusien se réfère encore au militant israélien Michel Warschawski que nous avons rencontré il y a cinq années à Jérusalem et à Bruxelles.

 

 

« Un des livres les plus brillants que j’aie lus récemment sur la tragédie israélo-palestinienne, le plus prémonitoire aussi, est signé Michel Warschawski. Il est intitulé Israël : Chronique d’une catastrophe annoncée… et peut-être évitable. Michel Warschawski est né en 1949 à Strasbourg d’une prestigieuse lignée d’intellectuels et de rabbins alsaciens d’origine polonaise. À seize ans, il part à Jérusalem pour y entreprendre des études talmudiques. Il est, depuis de nombreuses années, l’un des leaders les plus respectés de la gauche de combat en Israël.

 

 

Dans sa magnifique postface au livre de Jacques Pous, L’Invention chrétienne du sionisme. De Calvin à Balfour, Warschawski déclare : « Après cent vingt ans, le projet national de créer un État juif qui s’inscrirait dans la conquête coloniale du Proche-Orient a donné naissance à un régime fascisant au militarisme agressif qui sape la sécurité de ceux qu’il est censé représenter et protéger. En réalité, cet État représente un danger mortel pour la plus grande communauté juive de notre planète. »

 

L’œuvre littéraire de Michel Warschawski contient maintes évocations de ce gouffre effrayant vers lequel, selon lui, se dirige le régime israélien. Un certain récit, datant de 2003, est resté gravé dans ma mémoire tant l’image qu’il véhicule est puissante. Dans son livre À tombeau ouvert. La crise de la société israélienne, Warschawski dresse ainsi le portrait d’un jeune conducteur juif d’un de ces gigantesques bulldozers Caterpillar blindés, que j’ai moi-même vus à l’œuvre à Rafah et à Naplouse.

 

Porté par l’ivresse de son pouvoir, de sa haine raciale, témoignant d’une jouissance pathologique à détruire, il fonce sur les maisons, les écoles et les étables palestiniennes. Sa rage destructrice le rend ostensiblement heureux. Il ignore le monde qui l’entoure. Cette figure a valeur de parabole. Pareil au conducteur du bulldozer, coupé de la réalité, ignorant la souffrance de ses victimes, aveugle et inconscient des conséquences de ses actes, le présent gouvernement israélien d’extrême droite fonce à tombeau ouvert vers sa propre destruction.

 

Avec sa moustache à la Georges Brassens, son rire facile, son ironie, son goût du débat, Michel Warschawski est le contraire d’un critique doctrinaire. Écoutons-le encore : « Je suis de ceux qui refusent aujourd’hui d’entrer dans le débat sur ce qui devrait venir après le démantèlement du régime colonial : un État uni et démocratique ? deux États ? une fédération ? des cantons ? Les solutions théoriques sont multiples, mais c’est le rapport des forces, et lui seul, qui déterminera, quand elle sera à l’ordre du jour, la nature de la solution. À l’heure actuelle, c’est au changement du rapport des forces qu’il faut s’atteler, et ce ne sera qu’avec son retournement que la solution s’imposera, d’elle-même. »

 

 

Michel Warshawski exposant à Jef Baeck - aujourd'hui disparu - et à son épouse Christine ainsi qu'à une autre personne du groupe le processus de colonisation sur le terrain à l'Ouest de Jérusalem.

Michel Warshawski exposant à Jef Baeck - aujourd'hui disparu - et à son épouse Christine ainsi qu'à une autre personne du groupe le processus de colonisation sur le terrain à l'Ouest de Jérusalem.

 

 

Arik Grossman, Charles Enderlin, Michel Warschawski, Lea Tsemel, Uri Avnery, Ilan Pappé, Amnon Kapeliouk, Jeff Halper, Ofer Bronchtein et tous leurs collègues du mouvement « Peace now » (« La Paix maintenant ») sont l’honneur d’Israël. À leurs yeux à tous, l’assassinat d’Yitzhak Rabin a été une catastrophe. »

 

Ziegler ajoute en conclusion :

 

« L’abîme hante Michel Warschawski. La course vers le suicide de l’État israélien, raciste et colonial, lui apparaît presque inévitable. Et pourtant, dans son livre, fuse un rayon d’espoir. Écoutons-le :

 

Les humains font l’histoire et ils peuvent défaire ce qu’ils ont créé. […] Organisés et unissant leurs forces, les hommes et les femmes peuvent faire bouger les montagnes, faire tomber des régimes et obtenir ce qui leur revient de droit. […] Il n’y a aucune raison pour que ce ne soit pas le cas pour le peuple palestinien ; il n’y a pas de raison non plus qu’on mette définitivement une croix sur la capacité du peuple juif-palestinien à se ressaisir et à stopper la dégénérescence de sa propre société »

 

 

Splendide perspective d’espoir, mais pour le moment, les génocidaires de part et d’autre sont à l’œuvre avec la passivité sinon la complicité des « grands » de ce monde : Etats-Unis, Union européenne, Iran qui devront aussi rendre des comptes. Mais quand ?

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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