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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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27 décembre 2024 5 27 /12 /décembre /2024 22:30

 

 

Il y a quelques jours un incident mineur s’est produit dans un train de voyageurs de la SNCB à Vilvorde, petite ville flamande au Nord de Bruxelles. L’accompagnateur de train entre dans un wagon et salue les passagers en flamand et en français pour leur signaler qu’il va procéder au contrôle de billets.

 

 

Un contrôleur de la SNCB à l'esprit ouvert déclenche malgré lui un incident politique majeur et grotesque.

Un contrôleur de la SNCB à l'esprit ouvert déclenche malgré lui un incident politique majeur et grotesque.

 

 

Un passager mécontent dépose plainte pour l’usage des deux langues en région flamande. En effet, la loi de 1966 sur l’emploi des langues en matière administrative dispose qu’un agent des services publics ne peut utiliser que la langue de la région dans laquelle il se trouve, en l’occurrence le flamand, puisque le train est situé en région flamande. Ce n’est qu’en région de Bruxelles capitale que ledit agent peut utiliser la langue française et la langue flamande. Cette affaire insignifiante prend aussitôt des proportions telles qu'elle déclenche un tollé au sein des institutions d’Etat comme le Parlement ! Le Président du CD&V Saddy Mahdi  (chrétiens flamands) s’est déchaîné à la Chambre. Il est vrai que sa position et celle de son Parti sont très délicates depuis les élections du 9 juin.

 

 

 

Saddi Madhy, président du CD&V, chrétiens flamands, est monté sur ses grands chevaux à la Chambre des Représentants à la suite de l'incident avec le contrôleur de la SNCB.

Saddi Madhy, président du CD&V, chrétiens flamands, est monté sur ses grands chevaux à la Chambre des Représentants à la suite de l'incident avec le contrôleur de la SNCB.

 

 

Le résultat de ce scrutin à la fois européen et aussi fédéral et régional en Belgique a fait illusion au départ. On a pensé que la droite qui avait gagné dans tout le pays arriverait à constituer rapidement un gouvernement et procéder aux réformes anti-sociales que les deux principales formations de droite avaient promises : les nationalistes flamands de la NV-A et de Bart De Wever (BDW) d’une part, et les libéraux très « néo » de Georges Louis Bouchez (GLOUB) d’autre part. Ce n’est pourtant pas si simple.

 

 

 

Bart De Wever, leader de la NV-A, victorieuse des élections du 9 juin et des élections communales du 10 octobre a toutes les cartes en main, mais il lui est très difficile de les valoriser.

Bart De Wever, leader de la NV-A, victorieuse des élections du 9 juin et des élections communales du 10 octobre a toutes les cartes en main, mais il lui est très difficile de les valoriser.

 

Pour assurer la stabilité d’un gouvernement fédéral en Belgique, il est indispensable, outre un accord solide sur le programme gouvernemental, qu’il dispose de la majorité dans chacun des deux groupes linguistiques de la Chambre. Ce n’est pas le cas du côté flamand. Les nationalistes de la NV-A, les chrétiens et les libéraux flamands, parti du Premier ministre Hermann De Croo sortant, qui a pris une raclée monumentale le 9 juin ne sont pas assez nombreux à quelques sièges près. Ils doivent s’adjoindre un autre parti pour former cette majorité introuvable. Les nationalistes néo-nazis du Vlaams Belang – deuxième parti de Flandre après la NV-A – sont exclus d’office, cordon sanitaire oblige. Cependant, ils restent en embuscade, car ils ont réussi à s’inscrire dans plusieurs majorités communales.

 

La gauche, aussi bien dans le Nord que dans le Sud du pays, a subi une lourde défaite. Les écologistes ont reculé sérieusement. En Wallonie, le PS prend une raclée, mais se maintient dans ses principaux fiefs. A Bruxelles, contre toute attente, les socialistes reculent moins fort que prévu, ils deviennent la seconde formation politique étant légèrement dépassés par le MR. C’est cependant la troisième défaite aux législatives des socialistes, tant en Wallonie qu’à Bruxelles. En Flandre, cependant, « Vooruit » (En avant), le nouveau nom des Socialistes flamands, se consolide. C’est la raison pour laquelle BDW est obligé de faire appel à eux pour disposer de la fameuse majorité dans le groupe linguistique flamand. Et, là, les choses s’enveniment.

 

 

 

Georges-Louis Bouchez, leader des libéraux francophones, ne cesse de jeter de l'huile sur le feu dans les négociations.

Georges-Louis Bouchez, leader des libéraux francophones, ne cesse de jeter de l'huile sur le feu dans les négociations.

 

 

BDW nommé formateur par le roi Philippe, a basé la négociation pour former un gouvernement sur ce qu’on a appelé sa « super note » contenant ses propositions de programme de gouvernement. Un monument de néolibéralisme mélangé à du nationalisme flamand ! Il y a cependant une subtilité selon une politologue. En cherchant à imposer une politique d’austérité drastique au niveau fédéral, il se rallie les libéraux conservateurs du MR et affaiblit ainsi l’Etat fédéral. C’est la porte ouverte à une énième réforme de l’Etat où on arrivera quasiment à la séparation de la Flandre et de la Wallonie. Il est bien entendu que c’est inacceptable pour « Vooruit » qui se trouve bien isolé dans cette majorité conservatrice.

 

De plus « Vooruit » passe à l’offensive. Son président Connor Rousseau vient de déposer quelques centaines d’amendements à la super note de BDW, les autres formations également. L’examen de tous ces textes ne va pas aider à faire avancer le schmilblick. Cependant, notons que « Vooruit » joue sa survie politique. S’il accepte les mesures anti-sociales figurant dans la super note, il n’a plus aucune raison d’être. Alors, le bourgmestre d’Anvers est placé devant un dilemme : ou bien il maintient sa ligne dure et perdra la participation de la formation de Connor Rousseau, ou bien il met de l’eau dans son vin et risque de l’autre côté d’avoir le rejet de la branche droitière de la coalition « Arizona », à savoir le MR de GLOUB.

 

 

 

Connor Rousseau, président de Vooruit est en position délicate. Pourtant, il ales cartes en main.

Connor Rousseau, président de Vooruit est en position délicate. Pourtant, il ales cartes en main.

Alors, arrivera-t-il à constituer son gouvernement « Arizona » ? Rien n’est moins sûr. Après quatorze visites au roi Philippe qui, chaque fois, l’a reconduit dans ses fonctions de « formateur », la quinzième sera-t-elle la bonne ? On verra. Et si c’est le cas, combien de temps cela va-t-il tenir ? C’est la porte ouverte à l’aventure.

 

Ajoutons que BDW n’est pas libre de ses mouvements pour des causes extérieures. L’Union européenne pourrait enclencher un processus de déficit excessif vis-à-vis de la Belgique. D’où l’obligation de mener une politique d’austérité largement antisociale. Comme on vient de le voir, cela ne le dérange aucunement, ni GLOUB, son vis-à-vis francophone À cela, il faut ajouter la quasi-obligation d’augmentation des dépenses militaires sous la pression de l’OTAN et du désengagement de USA dans la politique de défense atlantique voulue par Trump.

 

Enfin – et c’est un aspect sur lequel on n’insiste pas assez – le réveil des querelles communautaires qui là aussi généreraient d’énormes difficultés. La dérisoire affaire du train prouve qu’en la matière, les tensions sont exacerbées. C’est du pain bénit pour les extrémistes de tout genre.

 

Et à propos d’extrémisme, l’extrême-droite progresse partout. Aux Etats-Unis avec l’écrasante victoire de Trump. Dans pratiquement toute l’Europe occidentale, en Hongrie, en Italie où elle semble s’installer durablement et même dans des pays comme l’Inde et le Japon. Sans compter l’Argentine et bien d’autres pays. La démocratie centriste connaît un déclin qui n’a jamais été aussi important.

 

Le cas de la Belgique est assez spécifique. Au Nord du pays, l’extrême-droite nationaliste flamande est largement majoritaire. La NV-A de Bart De Wever qui se présente depuis une dizaine d’années comme un parti de gouvernement est malgré tout talonnée par le Vlaams Belang qui est carrément néonazi. En revanche, à Bruxelles et en Wallonie, l’extrême-droite n’a jamais réussi à se structurer. Elle reste une mosaïque de groupuscules. En revanche, le parti libéral – le MR – sous l’impulsion de Georges-Louis Bouchez se droitise fortement au point de « récupérer » des thèmes favoris de l’extrême-droite comme l’immigration, le rejet des minorités, la restriction des libertés publiques, etc.

 

Alors, au revoir Belgique ?  Pas tout de suite, sans doute. Cependant, les dangers sont là et ils viennent de l’intérieur comme de l’extérieur. On verra. Sans doute serons-nous bientôt fixés et devrons combattre.

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

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