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3 mars 2025 1 03 /03 /mars /2025 20:36

 

 

Le monde est un gigantesque espace de jeu où s’affrontent trois joueurs, pratiquant chacun un jeu différent : l’Etatsunien, le Poker, le Russe, les échecs et le Chinois, le jeu de Go. Trois jeux de stratégie dont le premier fait appel au hasard.

 

 

Les statues en cire de Trump, Poutine et Xi Jin Ping au Musée Grévin, les trois leaders du monde

Les statues en cire de Trump, Poutine et Xi Jin Ping au Musée Grévin, les trois leaders du monde

 

 

Les Européens et les Ukrainiens sont cantonnés au rôle de spectateur ou d’enjeu dans cette partie aux accents cataclysmiques. Ils en sont d’ailleurs en partie responsables. En effet, ils affichent des attitudes matamoresques alors qu’ils n’en ont pas les moyens. Les dirigeants de l’Union Européenne (UE) étaient convaincus que l’OTAN via les USA aiderait les Ukrainiens à résister à l’offensive russe de février 2022. Ce qu’ils ont fait au début. En effet, sans l’appui logistique et militaire des Etatsuniens, l’Ukraine n’aurait pas tenu plus d’un mois. Cependant, cela a causé l’enlisement du conflit et on a senti des réticences de la part de Biden et du Sénat US à poursuivre une aide massive et coûteuse en armes et « techniciens » pour contenir l’armée russe qui, elle aussi, connaît des difficultés au point qu’elle a fait appel à des Nord-Coréens ! Du côté de Washington, Biden a beaucoup hésité même s’il apparaissait comme un soutien « inébranlable » à Zelenski. Les Européens, quant à eux, ont commis un « péché originel » : ils n’ont pas soutenu les accords de Minsk de 2014 qui ont été sabotés à l’initiative d’Angela Merkel qui était encore au pouvoir à ce moment-là. Ils se sont dès lors mis hors-jeu.

 

 

 

Angela Merkel aujourd'hui détachée des affaires porte une lourde responsabilité dans les tragiques événements actuels.

Angela Merkel aujourd'hui détachée des affaires porte une lourde responsabilité dans les tragiques événements actuels.

 

 

 

Ces accords entre la Russie et l’Ukraine étaient destinés à mettre fin aux affrontements sanglants dans le Donbass russophone entre des milices séparatistes soutenues par Poutine et l’armée et les milices ukrainiennes. L’enjeu principal pour Poutine était et reste de ne pas accepter l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Il y a un second enjeu qui est vital pour la Russie : l’accès aux mers du Sud via la Crimée et le port de Sébastopol.

 

Pour bien comprendre, il faut remonter le temps. Référons-nous à un article du blog « Uranopole » du 2 mars 2014 intitulé « L’Ukraine ou l’échec du projet européen ». (https://uranopole.over-blog.com/2014/03/l-ukraine-ou-l-%C3%A9chec-du-projet-europ%C3%A9en.html )

 

La situation géopolitique de l’Ukraine est complexe et porte le poids de l’histoire.

 

Depuis l’indépendance – c’est-à-dire le démantèlement de l’URSS en 1991 –, les choses ne se déroulent pas bien en Ukraine. L’ancien journaliste de la RTBF, Jean-Marie Chauvier, spécialiste de l’Europe orientale, constate dans une interview au journal de gauche Solidaire : « Depuis le démembrement de l’Union soviétique en 1991, l’Ukraine est passée de 51,4 à 45 millions d’habitants. Cette diminution s’explique par une baisse de la natalité, une augmentation de la mortalité due en partie au démantèlement des services de santé. L’émigration est très forte. 6,6 millions d’Ukrainiens vivent maintenant à l’étranger. Nombreux sont les gens de l’est de l’Ukraine qui sont partis travailler en Russie où les salaires sont sensiblement plus élevés, tandis que ceux de l’ouest se sont plutôt dirigés vers l’Europe occidentale, par exemple dans les serres de l’Andalousie ou dans le secteur de la construction au Portugal. L’émigration fait rentrer annuellement, en Ukraine, 3 milliards de dollars. »

 

Et ce n’est pas tout, Jean-Marie Chauvier ajoute : « Alors que le chômage est officiellement de 8 % en Ukraine, une partie importante de la population vit en dessous du seuil de pauvreté : 25 %, selon le gouvernement, jusqu’à 80 % selon d’autres estimations. L’extrême pauvreté, accompagnée de sous-alimentation, est estimée entre 2 à 3 % jusqu’à 16 %. Le salaire moyen est de 332 dollars par mois, un des plus bas d’Europe. Les régions les plus pauvres sont les régions rurales à l’ouest. Les allocations de chômage sont faibles et limitées dans le temps.

 

Les problèmes les plus pressants sont accentués par les risques liés à la signature d’un traité de libre-échange avec l’Union européenne et l’application des mesures préconisées par le FMI. Il y a ainsi la perspective de fermeture d’entreprises industrielles, surtout à l’Est, ou leur reprise-restructuration-démantèlement par les multinationales. En ce qui concerne les terres fertiles et l’agriculture, se pointe à l’horizon la ruine de la production locale qui est assurée actuellement par les petits paysans et les sociétés par action, héritières des kolkhozes et par l’arrivée en grand des multinationales de l’agro-alimentaire. L’achat massif des riches terres s’accélérera. Ainsi Landkom, un groupe britannique, a acheté 100 000 hectares et le hedge fund russe Renaissance a acheté 300 000 ha »

 

L’ultralibéralisme a fait des ravages dans ce pays comme ailleurs, avec les conséquences habituelles : chômage, précarité, émigration, pillage des ressources par des fonds d’investissement étrangers.

 

De Maidan au Bureau Ovale

 

 

Que s’est-il passé après ? Il y a eu Maidan que l’on peut assimiler à un coup d’Etat qui a fini par amener un gouvernement ultra-nationaliste et plus tard Zelensky au pouvoir à la place du « pro-russe » Ianoukovitch. Quelles sont les causes de cet événement ?

 

Nul n’ajoute que le fameux accord de libre-échange avec l’Union européenne rejeté par Ianoukovitch et qui est à l’origine des émeutes de Kiev a pour conséquence la fermeture des industries situées essentiellement dans l’Est russophone du pays dont les friches seraient mises entre les mains des multinationales. Si on y réfléchit bien, ce ne sont pas les Russes qui provoquent la division de l’Ukraine, mais l’Union européenne !

 

 

 

L'insurrection de Maidan n'a généré que conflits et divisions.

L'insurrection de Maidan n'a généré que conflits et divisions.

 

 

L’Ukraine est donc « à reprendre » : quelques industries, les oléoducs et les gazoducs essentiels pour la Russie, les terres agricoles et une main d’œuvre qualifiée à bon marché. Joyeuses perspectives ! »

 

D’ailleurs, que fait Trump aujourd’hui, sinon tenter de s’approprier les ressources minières de l’Ukraine ?

 

Pour comprendre la portée de ces bouleversements, il faut en revenir à l’histoire.

 

La Russie, la Biélorussie et l’Ukraine ont une même origine : l’Etat des Slaves orientaux qui a duré du IXe au XIe siècle dont la capitale était Kiev. Par les différences de langues et de religions qui sont apparues, cet Etat s’est démantelé. L’Ouest a été rattaché à la Lituanie, à la Pologne et plus tard à l’empire austro-hongrois.

 

Après la révolution d’Octobre 1917 et la guerre civile qui s’en est suivi, un premier Etat a été fondé qui portait le nom d’Ukraine et qui a été co-fondateur de l’URSS en 1922. La partie occidentale est restée à la Pologne et a été rattachée à l’Ukraine en 1945 à la suite des accords de Yalta. En 1954, l’Ukraine s’est élargie à la Crimée.

 

Sur le plan économique, l’Est de l’Ukraine est plus industrialisé et est russophone, tandis que l’Ouest est agricole et parle l’Ukrainien. Sur le plan religieux, l’Ukraine occidentale dépend de l’Eglise uniate (gréco-catholique) qui est traditionnellement germanophile. Quant à la capitale Kiev, sa population est très majoritairement russophone, ses élites aident l’opposition et sont proches des oligarques ultralibéraux de Moscou et des Occidentaux.

 

Chauvier ajoute : « L’Ukraine est donc partagée – historiquement, culturellement, politiquement – entre l’Est et l’Ouest, et il n’y a aucun sens à dresser l’une contre l’autre, sauf à miser sur l’éclatement voire la guerre civile, ce qui est sans doute le calcul de certains. A force de pousser à la cassure, comme le font les Occidentaux et leurs petits soldats sur place, le moment pourrait bien venir où l’UE et l’OTAN obtiendront « leur morceau » mais où la Russie prendra le sien ! Ce ne serait pas le premier pays qu’on aurait fait délibérément exploser. Nul ne doit ignorer non plus que le choix européen serait également militaire : l’OTAN suivra et aussitôt se posera la question de la base russe de Sébastopol en Crimée, majoritairement russe et stratégiquement cruciale pour la présence militaire en Mer Noire. On peut imaginer que Moscou ne laissera pas s’installer une base américaine à cet endroit ! »

 

Le nouveau pouvoir issu de l’insurrection de Kiev a tout de suite été reconnu par les chancelleries occidentales. L’ancien diplomate indien M K Bhadrakumar, aujourd’hui écrivain et journaliste, autorité en matière de géopolitique écrit dans Indian Punchline : « Le projet occidental est d’organiser au plus vite, c’est à dire en mai [2014], de nouvelles élections qui donnent une légitimité constitutionnelle à ses hommes de main pour qu’ils puissent signer l’Accord d’Adhésion à l’Union Européenne. Autrement dit, l’Occident a répondu au challenge de la Russie en exigeant d’elle qu’elle avale la pilule amère que constitue une Ukraine hostile à sa porte, une Ukraine qui tôt ou tard serait intégrée à l’OTAN, amenant l’alliance occidentale aux frontières russes pour la première fois dans l’histoire. » Mais, c’est compter sans la réaction russe. Après le renversement de Ianoukovitch, les choses ont changé. Les Russes qui en cette affaire, étaient restés aux abonnés absents réagissent. Poutine demande au Sénat l’autorisation pour une intervention militaire en Ukraine après un « appel » d’un dirigeant de Crimée. Tout était déjà programmé en 2014 !

 

Sans entrer dans les détails, on peut considérer que ces provocations successives et l’alignement systématique de l’UE sur le néo conservatisme étatsunien exercé particulièrement par Merkel sont une des causes de la guerre dite « opération militaire spéciale » ordonnée par Poutine le 24 février 2022.

 

Poutine a commis l’erreur de penser que ladite « opération » serait aisée. L’aide apportée par les Occidentaux à l’Ukraine l’empêcha d’atteindre ses objectifs : renverser Zelensky, annexer le Donbass et la Crimée. Si la Crimée fut par un référendum contestable « rendue » à la Russie, la guerre continue et est de plus en plus sanglante. Et elle se poursuivra tant que l’on inondera l’Ukraine d’armes létales.

 

Cependant, dans cette guerre qui s’enlise depuis bientôt trois ans, les cartes viennent de changer de main. Donald Trump, milliardaire, homme d’affaires sans scrupule, est aujourd’hui maître du jeu et veut en finir avec les deux conflits – Proche-Orient et Ukraine – qui entravent ses projets. Sans doute, l’invraisemblable incident au Bureau Ovale de la Maison Blanche sonne-t-il la fin de la sinistre « récréation » russo – ukrainienne.

 

 

 

Zelensky est tombé dans le piège tendu par Trump et Vance dans le Bureau Ovale de la Maison Blanche. Comment a-t-il pu accepter la présence de journalistes et de caméras lors d'un entretien au plus haut niveau ?

Zelensky est tombé dans le piège tendu par Trump et Vance dans le Bureau Ovale de la Maison Blanche. Comment a-t-il pu accepter la présence de journalistes et de caméras lors d'un entretien au plus haut niveau ?

 

 

Voyons maintenant la chronologie des derniers et récents événements. Cela permet d’éclairer les choses :

 

Le 12 février, trois semaines après son intronisation, Donald Trump a un entretien téléphonique avec Vladimir Poutine. Rien n’a filtré de cette conversation et les deux protagonistes sont jusqu’à présent restés muets. Sans doute, d’importantes décisions ont été prises à ce moment.

 

La conférence de Munich du 14 – 15 février sur la sécurité a montré que l’Europe est désormais hors-jeu. Le fameux discours du vice-président US Vance a sonné le glas de cette réunion et accéléré la rupture annoncée entre les USA et l’UE.

 

La plus grande menace qui plane sur le Vieux Continent, a-t-il dit, n’est « ni la Russie ni la Chine », mais « le renoncement de l’Europe à certaines de ses valeurs les plus fondamentales ». Et il a aussi dénoncé les « pressions » exercées par les gouvernements européens « sur les réseaux sociaux au nom de la prétendue désinformation »« Il ne faut pas avoir peur de son propre peuple, même quand il exprime une opinion qui n’est pas celle de ses dirigeants. » Une défense de l’extrême-droite européenne ! Et enfin, Vance exhorte les Européens a se doter des moyens nécessaires à assurer leur propre défense. Autrement dit, ils ne doivent plus compter sur les USA. Trump avait averti pendant sa campagne électorale !

 

 

 

Le vice-président US Vance a donné une inquiétante leçon aux Européens qu'ils n'ont  guère appréciée !

Le vice-président US Vance a donné une inquiétante leçon aux Européens qu'ils n'ont guère appréciée !

 

 

Aussi, les Européens sont d’accord pour augmenter les dépenses militaires malgré la cure d’austérité imposée par la Commission européenne et avec l’aval des gouvernements conservateurs voire fascisants de plusieurs Etats-membres de l’UE. Le « Monde » écrit : « Mme von der Leyen a annoncé un assouplissement des critères budgétaires encadrant l’euro afin de permettre aux Etats membres de s’endetter davantage pour financer cet effort de défense. « Nous, Européens, devons prendre la part du lion » des dépenses de l’OTAN, a renchéri M. Pistorius : « Moins de promesses, plus d’action. » Les Allemands sont bien bellicistes, ces temps-ci !

 

On peut toujours « rouler des mécaniques », la réalité est que l’Europe n’en a pas les moyens. On l’a d’ailleurs observé : après le « clash » Trump – Zelenski, ce dernier s’est empressé de clamer sur la chaîne TV Fox News, celle qui contribua à l’élection de Trump, son admiration pour l’Amérique et la remercier de l’aide à l’Ukraine. Quant à l’Europe, au sommet de Londres du 1er mars, le nouveau Premier britannique va proposer à Trump le plan de paix adopté à cette conférence.

 

Il semble que la guerre se déroule entre la Russie et l’Ukraine. Ce serait donc à Poutine que ce plan devrait être proposé… Mais, rassurons-nous, Trump saura très bien quoi en faire dans son propre intérêt.

 

La partie est loin d’être terminée et le locataire de la Maison Blanche a toujours les cartes en main. Les Européens n’ont qu’à observer, et encore, si on leur permet !

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

Post-scriptum

 

Ajoutons cependant que dans ces bras de fer « géopolitiques » à l’Est de l’Europe et au Proche-Orient, il y a une victime collatérale : le droit international.

 

En attaquant l’Ukraine, Poutine viole la Charte des Nations Unies. En bombardant des populations civiles, Poutine viole les lois de la guerre et le droit humanitaire. En bombardant les hôpitaux, les écoles, toutes les infrastructures civiles, Netanyahu commet les mêmes infractions au point que la Cour Pénale Internationale a lancé un mandat d’arrêt contre lui pour soupçon de crime de génocide. Rappelons que Poutine est aussi sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI.

 

C’est une nouvelle donne dans l’évolution des guerres. Elle est plus qu’inquiétante et il faut sans délai se mobiliser pour faire pression sur les institutions internationales et les dirigeants pour qu’ils fassent en sorte que les Etats impérialistes respectent ces règles fondamentales.

 

Cela devient une question de civilisation.

 

P.V.

 

 

 

 

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