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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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5 mars 2017 7 05 /03 /mars /2017 11:46

 

 

 

Scandales du Kazakhgate et de Publifin en Belgique où l’on s’aperçoit qu’une grande partie des représentants politiques sont mouillés dans des combines juteuses à la limite de l’illégalité, soit, dans quelques cas, franchement illégales. On sent un ahurissement du monde politique qui ne sait pas très bien comment réagir.

 

 

En France, jamais on n’a assisté à une campagne présidentielle aussi chaotique. Deux candidats, celui de la droite et celle de l’extrême-droite sont compromis dans des affaires d’emplois fictifs et de prises illégales d’intérêts. Sans doute, seront-ils tous deux mis en examen, voire placés en garde à vue… Les prochains jours seront fertiles en rebondissements !

 

 

L’Union européenne est en pleine déliquescence depuis le « Brexit ». Le « Livre blanc » de Juncker le prouve : on n’arrive plus à fixer une orientation et un projet commun. Mais, en même temps, on maintient la Grèce sous la chape de plomb d’une austérité mortifère.

 

 

 

 

Jean-Claude Juncker ne sait plus quel chemin prendre.

Jean-Claude Juncker ne sait plus quel chemin prendre.

 

 

 

Quelle est la signification de tout cela ?

 

 

Qu’il s’agisse de la Belgique, de la France, de l’Union européenne, ces péripéties montrent que les institutions sont inefficaces et ne répondent plus aux enjeux de notre temps. Elles montrent également qu’un autre système est en train de se mettre en place petit à petit. Et ce système est dangereux.

 

 

Ce système porte un nom : l’Etat profond.

 

 

L’Etat profond

 

 

Sans verser dans la théorie du complot qui, par les fantasmes qu’elle diffuse, nous mène n’importe où, on peut constater que le pouvoir politique se délite de plus en plus. L’Etat-nation qui en est son cadre implose et explose. Il implose par l’effritement du pouvoir central au profit d’instables entités régionales. Il implose par l’émergence d’une société multiculturelle qui n’est pas la rencontre de différentes cultures, mais leur cohabitation hostile, met en pièce l’homogénéité relative qui est le ciment d’une nation. Il explose par la mondialisation néolibérale qui confisque à la puissance publique tout pouvoir sur l’industrie, les échanges et la structure sociale et qui repousse les frontières – ce qui, en soi, n’est pas un mal si cela se fait dans un ordre consenti – vers un espace inconnu et surtout incontrôlé, mais violent et organisé. C’est ce qu’on appelle l’Etat profond.

 

 

Comment en est-on arrivé là ?

 

 

Une crise de confiance

 

 

Il y a une profonde crise de confiance entre les peuples et les mandataires politiques censés les représenter. Loïc Nicolas, rhétoricien spécialiste du discours politique à l’ULB, écrit dans une carte blanche parue le 1er mars 2017 dans « La Libre Belgique » où il distingue les deux sens du mot « confiance » :

 

 

 

Loïc Nicolas, chercheur à l'ULB, analyse la crise de confiance que nous vivons.

Loïc Nicolas, chercheur à l'ULB, analyse la crise de confiance que nous vivons.

 

 

 

« … cette crise de confiance n’est pas la simple expression d’une inquiétude générale face aux ténèbres d’un futur incertain. Inquiétude dont les mandataires politiques, incriminés sans nuances, paieraient les frais. Plus profonde, elle porte sur les valeurs qui fondent notre existence collective et nos institutions publiques. Elle touche à la façon de faire de la politique ainsi qu’au statut de ceux qui la font. La confiance qui est en cause ici - et que les citoyens jugent brisée - renvoie au terme anglais "trust".

 

Cette confiance-là naît dans l’identification chez autrui de valeurs et de principes partagés. Elle pointe vers l’appartenance à une communauté de sens, de discours, de destin. Elle répond à la parole donnée. Par contraste, le terme anglais "confidence" - qu’on traduit également par "confiance" - concerne la relation contractuelle qui met à l’honneur le bon technicien comme le bon gestionnaire. Dans ce cadre, l’expertise (du plombier, du comptable ou du chirurgien) prime sur l’éthique de la personne dont on attend d’abord le respect des termes du contrat. »

 

Les décideurs politiques – dans leur recherche frénétique de l’ « efficacité » – se basent en priorité sur la « confidence », autrement dit la compétence, tout en négligeant le « trust » qui implique la confiance en un projet d’avenir basé sur des principes éthiques fondamentaux – appelés aussi « valeurs » - comme l’Equité et la Justice, valeurs aujourd’hui mises à mal par les « politiques » et certains médias.

 

En définitive, n’est-ce pas là la rupture entre le peuple et les élites ?

 

Par exemple, à propos de l’institution judiciaire, Luc Hennart, le Président du Tribunal de Première instance de Bruxelles, dit dans une émission de la RTBF :

 

« Il n’y a rien de nouveau. Les attaques contre la justice deviennent une manière de faire de la politique, il suffit de regarder ce qui se passe dans le monde. La méthode de M. Fillon est pathétique puisque les juges ont été saisis, un dossier existe, ils doivent remplir leur fonction. En tout indépendance, que ça plaise ou non »

 

 

 

Le juge Luc Hennart tire la sonnette d'alarme sur l'état de déliquescence de la Justice belge.

Le juge Luc Hennart tire la sonnette d'alarme sur l'état de déliquescence de la Justice belge.

 

 

 

Pour le juge Hennart on use de méthodes qui servent à « s’attaquer non plus au fond des choses, mais aux figures qui ont la mission de remplir un métier difficile. »

 

Et il ajoute :

 

« A partir du moment où un juge statue dans un sens qui ne convient pas, l’exécutif va s’asseoir sur les décisions de justice. »

 

Il fait allusion ici au secrétaire d’Etat à l’accueil des étrangers, le nationaliste flamand Théo Francken qui se vante de ne pas respecter des décisions de Justice non-conforme à sa politique d’exclusion à l’égard des réfugiés.

 

Enfin, Hennart tire la sonnette d’alarme :

 

« L'indépendance de la justice recule en Belgique, pointant à nouveau du doigt des politiques de discrédit et un manque criant de moyens. »

 

Les attaques permanentes contre la Justice de la part de politiciens en délicatesse avec la loi, notamment de François Fillon, sévissent aussi en France. L’ancien Premier ministre gaulliste Dominique de Villepin avertit dans une tribune au « Figaro » du 3 mars :

 

« Attaquer les juges – quels que soient les défauts de la justice dans notre pays – c’est nécessairement fragiliser l’Etat de droit. Et appeler à la rue, c’est aussi dangereux qu’irresponsable. »

 

L’épouvantail : le « populisme »

 

Et on en arrive au fameux « populisme », ce mot poubelle où l’on y jette tout et son contraire.

 

Joan Condijts, Rédacteur en chef du quotidien financier « l’Echo » fait la réflexion suivante dans son édito de samedi 4 mars :

 

 

 

Joan Condijts, Rédacteur en chef de l'Echo, a souvent une vision juste des événements.

Joan Condijts, Rédacteur en chef de l'Echo, a souvent une vision juste des événements.

 

 

 

« L’affaire Publifin-Nethys n’est finalement que l’illustration d’un estompement de la norme au sein des élites politiques, de l’effacement progressif des contre-pouvoirs et d’une confusion des intérêts individuels et collectifs. Peut-être la commission d’enquête du Parlement wallon sur Publifin-Nethys révélera-t-elle quelques malversations, l’une ou l’autre magouille mais elle risque de passer à côté de ce véritable enjeu qu’est cet égarement politique. C’est cette dévalorisation de la charge politique par des hommes qui la font qui, entre autres, pousse des électeurs las d’assister à cette procession scandaleuse dans les bras des populistes. »

 

Oui, mais qu’entend-on par « populiste » ? C’est le leitmotiv actuel : tout qui marque une opposition au « système », ou encore qui émet une critique contre la classe politique ou les élites est automatiquement assimilé à un « populiste » et ainsi rejeté dans les ténèbres extérieures.

 

Dans le « Monde » du vendredi 3 mars, voici ce que déclare, dans le cadre de l’affaire Fillon,l’historien et professeur au Collège de France, Pierre Rosanvallon, de tendance démocrate-chrétienne, ancien fondateur de la « fondation Saint-Simon » dans les années 1980, qui est à l’origine du think tank « Terra nova » dont l’objectif était de rapprocher les libéraux et la gauche, auteur du fameux pamphlet « La crise de l’Etat-providence » qui fut le premier ouvrage de gauche remettant en question le programme du Conseil National de la Résistance, à l’origine du système de sécurité sociale.

 

 

 

Pierre Rosanvallon est le maître d'oeuvre de l'évolution "social libérale" du PS en France.

Pierre Rosanvallon est le maître d'oeuvre de l'évolution "social libérale" du PS en France.

 

 

 

D’emblée, il dénonce le « tournant populiste » pris par la campagne de l’actuel candidat de la droite républicaine.

 

« Entendre dans la bouche d’un candidat central des propos aussi agressifs à l’égard de la justice et de la presse est un événement inédit en France, car ils sont la marque de fabrique de la vision populiste de la démocratie. » Et l’historien note qu’on entend ce discours un peu partout dans le monde.

 

 

Alors, qu’est-ce que le « populisme » pour Rosanvallon ?

 

« Les régimes populistes se définissent par le rejet de la pluralité : ils veulent mettre à leur botte les cours constitutionnelles, supprimer les organismes indépendants et considèrent comme ennemis les pouvoirs d’analyse, de jugement et d’investigation qui sont ceux de la presse. »

 

Alors, M. Rosanvallon devrait considérer comme populistes les régimes qui font tout pour balayer les contre-pouvoirs institutionnels que sont, par exemple, le Conseil d’Etat, la Cour des comptes, la Cour de cassation. Oublie-t-il que cette dernière a été mise sous tutelle par un décret de Manuel Valls à la fin de son mandat de Premier ministre ? La Cour des comptes française a été littéralement noyautée par les tenants de la doxa ultralibérale. Le Conseil d’Etat, c’est cause toujours… Rosanvallon ne se rappelle pas non plus que Sarkozy a tout fait pour écarter les corps intermédiaires et son successeur s’y est attaché aussi. Quant à l’indépendance de la presse, elle n’est plus qu’une fiction depuis que les principaux médias sont entre les mains des patrons du CAC 40.

 

Ce sont donc des « populistes » pour reprendre la définition de Pierre Rosanvallon.

 

Faisons un tout d’horizon de cette campagne présidentielle inédite.

 

Le désarroi

 

Voilà donc le niveau du débat politique dans une campagne présidentielle comme jamais la Ve République n’a connu : des élections primaires qui ont mis à l’avant-scène deux candidats inattendus : à gauche, un Benoît Hamon, ancien ministre considéré comme « frondeur », dont le clou du programme est le très controversé « revenu universel », à droite, un François Fillon, ancien Premier ministre de l’ex-président Sarkozy, c’est-à-dire son ex « collaborateur » qui trouve sa vengeance dans un programme prônant une austérité drastique et un dangereux retour en arrière sur les plans philosophique et sociétal. C’est « Travail, Famille, Patrie » à la sauce 2017 ! En plus, le voilà emberlificoté dans un scandale d’emplois fictifs de membres de sa famille, dont il ne parvient pas à se dépêtrer.

 

 

À la « gauche de la gauche », un Jean-Luc Mélenchon bien seul, à peine soutenu par le parti communiste et quelques petites formations d’extrême-gauche, mais qui grimpe dans les sondages. Il aurait eu ses chances s’il n’y avait Hamon. Et la journaliste Natacha Polony se demande si Hamon n’a pas été désigné justement empêcher Mélenchon de figurer au deuxième tour. La question est pertinente.

 

 

Passons sur le candidat écologiste, un certain Jadot quasi inconnu au bataillon qui a fini par jeter l’éponge au profit de… Hamon. Les écolos supplétifs du PS ?

 

 

C’est l’extrême-droite qui – d’après les sondages – tient le haut du pavé. Marine Le Pen caracole à 26 ou 27 %, alors que ses adversaires, atteignent pour le mieux 14 à 15 points à l’exception notable de Macron. Il paraît que la Marine aurait arrangé les bidons dans la dispute entre sa nièce Marion Maréchal (nous voilà !) Le Pen – encore plus extrémiste qu’elle – et son numéro 2, l’énarque Florian Philippot qui souhaite faire du FN un classique parti souverainiste « dédiabolisé ».

 

 

Mais les « affaires » commencent à peser sur la Marine qui tangue de plus en plus. Aussi, l’électorat protestataire lui restera-t-il fidèle ou ira-t-il à la pêche ?

 

 

Le phénomène Macron

 

 

Enfin, il y a le phénomène Macron. Emmanuel Macron, énarque, pur produit de l’élite libérale, poulain de Jacques Attali, ancien responsable à la banque Rotshild, nommé conseiller à l’Elysée sur les questions économiques, grâce au soutien de Jouyet, ancien secrétaire d’Etat sous Sarkozy et puis Secrétaire général de l’Elysée de François Hollande. Bref, tout ce petit monde se tient par la « barbichette ». Et enfin, comme par hasard, Macron fut nommé ministre de l’économie en remplacement d’Arnaud Montebourg qui était décidément trop à gauche pour le président « ennemi de la finance »… Le nouveau ministre ne chôma pas au gouvernement : il fit adopter les lois Macron 1 et 2 qui consistent en des réformes ultralibérales dans plusieurs secteurs de l’économie dont les transports. Il est derrière la fameuse « loi travail » dite loi El Khomry qui déclencha un important mouvement de grèves et de protestations des organisations syndicales et particulièrement de la CGT. En parallèle, sous la direction de l’économiste et philosophe Frédéric Lordon, les jeunes étudiants et travailleurs se rassemblèrent plusieurs semaines de suite place de la République à Paris sous le nom de « Nuit debout ».

 

 

 

Emmanuel Macron : une étoile filante ou le maître d'oeuvre du renforcement de l'ultralibéralisme ?

Emmanuel Macron : une étoile filante ou le maître d'oeuvre du renforcement de l'ultralibéralisme ?

 

 

 

Macron démissionna comme ministre de l’économie pour lancer son propre rassemblement « En marche ! » afin de servir de base à sa campagne présidentielle. Il bénéficia d’un appui médiatique sans pareil. Tous les journaux mirent le « phénomène » Macron à la une et la télé et les réseaux sociaux ne furent pas en reste. Tout était organisé avec soin. Il entretint le suspense sur son évidente candidature et puis, il se présenta comme le candidat nouveau « antisystème » !

 

 

Assez piquant pour un ancien banquier manifestement soutenu par l’establishment, ses anciens employeurs et par les grands patrons du MEDEF. Il a flirté avec la droite catho en allant rendre visite au Vendéen de Villiers. Il a le culot d’aller voir des ouvriers dans leurs usines. Il se garde bien d’attaquer qui que ce soit… pour le moment. Et, en dépit de cette apparente incohérence, il talonne Le Pen dans les sondages, à tel point qu’on le voit comme ultime recours eu deuxième tout contre la candidate du FN.

 

 

En outre, il a eu l’astuce de se présenter pour quelque-chose et non contre quelqu’un. Il apparaît dès lors comme un espoir. C’est ce qu’attendent les Français marris des jeux politiciens. C’est cela le soi-disant « antisystème » qui n’est qu’une astucieuse forme de communication.

 

 

Mais tout cela n’est-il pas de la manipulation ? Tous les repères sont chamboulés. Les programmes des différents candidats sont obscurs et rien ne permet de réellement les distinguer. Un Fillon court derrière la « manif pour tous », c’est-à-dire les intégristes cathos et les ultralibéraux par son programme d’austérité. Mélenchon vient avec son idée floue de Sixième république. On connaît enfin le programme de Macron. Ce n’est pas une surprise : libéralisme, libéralisme et encore libéralisme… Le Pen est égale à elle-même avec son catalogue d’exclusions et son corporatisme économique. Hamon hésite sur son « revenu universel » et sur son engagement à abroger la loi El Khomry.

 

 

Le rejet de la classe politique

 

 

Alors, quels sont les enjeux de cette élection présidentielle ? Ils sont loin d’être clairs. Les clivages ne sont guère marqués. Le candidat républicain pêche dans les eaux troubles du FN, le candidat PS pique des idées à Mélenchon, tout en restant fidèle au schéma social-libéral du think tank boîte à penser du PS « Terra nova ». En définitive, alors que les défis sont énormes, les programmes des candidats même d’extrême-droite, à l’exception de Mélenchon, se résument à cinquante nuances de néolibéralisme, sans répondre à aucune question fondamentale.

 

 

Et puis, la fonction présidentielle a-t-elle encore un prestige ? Entre les péripéties conjugales, les tripotages financiers de Sarkozy, une guerre absurde et meurtrière en Libye et le scooter de Hollande, son aventurisme en Afrique, son détricotage de l’Etat social, on peut en douter. Un peu comme en Belgique, où une députée nationaliste flamande, actuellement ministre, se fait photographier en tenue affriolante dans les locaux du Parlement avec l’autorisation du président de la Chambre, lui aussi nationaliste et, en plus, emberlificoté dans un scandale politico-financier.

 

 

Avec leur conduite de potache, leurs magouilles financières, leur indécision doublée d’une arrogance indécente, les « politiques » ont fini par flétrir la fonction politique.

 

 

Le peuple ne croit plus en la politique. Pire, il la rejette.

 

 

Alors, évidemment, c’est la porte grande ouverte au pire ennemi : le populisme. Le populisme ! Cet ennemi redoutable de la démocratie libérale. C’est la panique !

 

 

Il suffit de se référer au premier paragraphe de la déclaration de la toute récente conférence de Munich sur la sécurité pour s’en rendre compte.

 

 

« Le monde fait face à un moment non libéral. Dans l’ensemble de l’Occident et au-delà, les forces intolérantes gagnent du terrain. De l’intérieur, les sociétés occidentales sont troublées par l’émergence de mouvements populistes qui s’opposent aux éléments critiques du statu quo libéral-démocratique. Du dehors, les sociétés occidentales sont contestées par des régimes non libéraux qui essaient de mettre en doute la démocratie libérale et d’affaiblir l’ordre international. Et les Etats occidentaux eux-mêmes semblent peu disposés et incapables de surmonter efficacement les plus grandes crises de sécurité – la Syrie en étant le premier exemple. »

 

 

 

La présence de Mike Pence, vice-président US, à la conférence de Munich sur la sécurité montre bien la dépendance de l'Europe à l'égard des USA.

La présence de Mike Pence, vice-président US, à la conférence de Munich sur la sécurité montre bien la dépendance de l'Europe à l'égard des USA.

 

 

 

Autrement dit, c’est le libéralisme qui est menacé par la critique du régime libéral-démocratique. Ce qui revient à dire que toute critique constitue une menace à éradiquer, car elle est par définition « populiste ». C’est le même schéma de pensée qui a fait dire au président de la Commission européenne, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker :

 

 

« Il n’y a pas de démocratie hors des traités [européens] ! »

 

 

Assez piquant que tout ce monde, de Rosanvallon à Juncker en passant par les délégués à la conférence de Munich, tient un discours identique. En dehors du libéralisme, point de salut. N’est-ce pas là la pensée unique ?

 

 

La journaliste de droite Natacha Polony – oui, nous la citons souvent parce qu’elle est la seule à donner une analyse pertinente que la gauche pourrait reprendre à son compte – répond dans sa chronique au « Figaro » du 4 mars :

 

 

« Ce n’est pas le populisme, contrairement à ce que croit Pierre Rosanvallon, qui menace la démocratie. C’est la confiscation de la démocratie par des intérêts corporatistes ou économiques qui pousse le peuple dans les bras de ceux qui prétendent, sincèrement ou non, lui rendre sa souveraineté. »

 

 

Un tournant

 

 

Alors que dire ? Nous sommes incontestablement à un tournant : l’Union européenne sérieusement ébranlée par le « Brexit », un Donald Trump qui jette le trouble dans son immense pays, les scandales politico-financiers qui font trembler la Belgique et la France et surtout l’incapacité de la classe dirigeante à trouver les solutions adéquates aux fléaux de notre époque : le chômage, la précarité, la guerre.

 

 

Nous laisserons la conclusion au journaliste Amid Faljaoui, directeur chroniqueur de Roularta, groupe de presse qui possède l’hebdomadaire belge « Le Vif » :

 

 

« Mes confrères du magazine suisse Bilan m'ont fait découvrir le romancier bulgare Guéorgui Gospodinov, dont la renommée a dépassé les frontières de son pays, qui estime que la mélancolie, si caractéristique de son pays, a désormais envahi toute l'Europe. La mélancolie est un sentiment dangereux, car en tant que romancier, il sait que si l'Histoire avec un grand H est écrite par les vainqueurs, mais les histoires, elles, sont écrites par les vaincus. Les romanciers sont souvent de meilleurs témoins de notre société que les sociologues, et c'est pour cela que ce romancier bulgare, au travers de mes confrères de Bilan, nous rappelle qu'il s'est accumulé dans notre monde une masse critique de haine, d'insécurité, de folie, et que hélas tout cela est démultiplié par les nouveaux médias qui en font leur beurre. Les avis se radicalisent, la parole se libère et, comme il l'écrit joliment, un « djihadisme intérieur sommeille en chacun de nous ».

 

Des démographes britanniques (Richard Wilkinson et Kate Pickett) vont dans le même sens que ce romancier. En analysant plusieurs pays sur plusieurs années, ils sont arrivés à la conclusion que la montée des inégalités est la cause du malaise ambiant. Ces chercheurs ont démontré qu'un statut social faible augmente le niveau de stress psychologique. C'est bien sûr ce qui arrive quand on est au chômage ou que l'on n'arrive pas à payer ses factures, même avec un travail stable. »

 

Mais nul professionnel des médias n’ose dire quelle est la source de ces maux : le totalitarisme ultralibéral ou l’Etat profond qui assoit le pouvoir d’une classe dirigeante mondiale qui exploite la planète à son seul profit.

 

 

Mais, chut ! C’est populiste de dire cela !

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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