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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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25 août 2011 4 25 /08 /août /2011 13:46

« Si le chef dit de tel ou tel événement qu’il ne s’est jamais produit – eh bien, il ne s’est jamais produit. S’il dit que deux et deux font cinq – eh bien, deux et deux font cinq. » écrivait George Orwell. DSK, la Libye, les 11 septembre ([1]) nous sont servis de cette manière. Qui est le « chef » ? Les médias qui nous inondent de nouvelles et nous imposent d’adopter un point de vue à ne surtout pas contester. Qui est derrière les médias ? Le pouvoir. Il n’existe plus un seul journal indépendant. Il n’y a pas un(e) seul(e) journaliste de télé qui soit libre de ses propos. Pire, une police de l’information veille et tape sur tout ce qui sort du chemin aussi virtuel qu’obligatoire. Qu’est ce pouvoir ? Il a deux faces interchangeables : la politique et la finance. Ou plutôt, la face financière se sert de la face politique dans son seul intérêt. Et son intérêt, c’est la manipulation de l’opinion pour qu’elle ne se retourne pas contre elle.

 

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DSK : la chute d'un homme et d'un symbole

 

Dominique Strauss-Kahn, symbole de cette puissance politique et financière, tombe soudain sur son point faible, le sexe, au pire endroit, les Etats-Unis. Alerte générale sonnée par le pouvoir : il faut sauver le soldat DSK. Souvenons-nous : arrêté de justesse dans l’avion qui devait le ramener en Europe, accusé de viol – sept chefs d’inculpation – sur une femme de chambre dans la suite de l’hôtel Sofitel de New York, emprisonné, exposé menotté aux médias. Notons au passage que certains hurlaient au viol de la vie privée (tout en niant le viol dont il est accusé. Ont-ils tenu la chandelle ?…) en le voyant ainsi entravé aux mains de la Justice et les mêmes applaudissent aujourd’hui au triomphe de leur « protégé », pour la même affaire.

 

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DSK menotté et emmené en prison : intolérable pour certains

 

 

Ensuite, DSK est libéré après avoir fait payer par son épouse une caution représentant des centaines de fois le SMIC, loue un appartement dans un quartier chic de New York à un loyer dont le prix est parmi les plus élevés au monde. Il se trouve ainsi mené à un imbroglio juridique dont l’Amérique a le secret. Il est une première fois réhabilité tout en restant inculpé. Le couple Strauss-Kahn Sinclair récupère la caution, mais pas le passeport. Quant à la victime « présumée », elle se (on la ?) cache. Cachez ce visage que je ne saurais voir ! Quelle aubaine pour les médias. L’audimat mondialisé crève tous les plafonds. Et tout à coup, elle apparaît, le monde entier voit son faciès. Elle parle, elle a un nom : Nafissatou Diallo. Elle parle certes, donc, elle ment. Elle a menti à l’immigration sur son passé ? Quel réfugié n’a jamais menti ? Elle a menti sur ses fréquentations. Personne n’est à l’abri d’une fréquentation sulfureuse. Elle a menti pour avoir de l’argent. Qu’elle cherche à en profiter ? Dans un monde où le fric est le monarque absolu, pourquoi n’en saisirait-elle pas l’aubaine ?

 

 

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Nafissatu Diallo : quoi qu'elle dise, elle ment !

 

On a compris. Quoiqu’il arrive, la morale est du côté de DSK. Il a eu une relation sexuelle « consentante ». Interdit d’en douter ! Sa victime est une perverse. Interdit de penser autrement !

 

On passe donc à la phase suivante. Le Procureur Cyrus Vance jr demande l’arrêt des poursuites. Le juge l’accorde. « DSK est blanchi ! » titre la presse française. « DSK reste un pervers ! » titre la presse américaine. Deux morales se heurtent : celle imposée par un pouvoir qui ne tolère aucune critique et celle d’une société imprégnée de puritanisme voyeur.

 

 

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Cyrus Vance jr : un Procureur entravé

 

Qu’ils sont ridicules ces lieutenants godillots d’un socialisme converti au libéralisme dominant à hurler à la « présomption d’innocence », à tenir les propos les plus invraisemblables sur « une nouvelle affaire Dreyfus », « un complot » ourdi par on ne sait qui pour on ne sait quoi. Et ce sont les mêmes pantins qui usent du néologisme « complotiste » pour désigner les gens qui émettent le moindre doute quant à la version officielle de l’enquête sur les attentats du 11 septembre 2001.

 

 

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Badinter n'a pas supporté la timide objection de Joffrin sur le droit des victimes.

 

Qu’elle est perverse cette morale teintée de puritanisme qui jette  l’opprobre sur le comportement sexuel de DSK, avec une violence inouïe, mais qui se délecte des descriptions les plus scabreuses. Lisons le commentaire de Pascal Bruckner dans le « Monde » du 24 août : « L'Amérique du Nord, à l'évidence, a un problème avec le sexe qui vient de son héritage protestant mais elle veut en plus donner des leçons au monde entier. La qualifier de puritaine ne suffit pas car c'est un puritanisme retors, d'après la révolution des mœurs, qui parle le langage de la liberté amoureuse et coexiste avec une industrie pornographique florissante. C'est très exactement un puritanisme lubrique : à quoi ont servi les affaires Clinton ou DSK ? A condamner l'érotisme pour mieux en parler, à se pourlécher des semaines, des mois durant de détails croquignolets, à évoquer la fellation, la semence, les organes génitaux avec une gourmandise faussement indignée. La jubilation obscène avec laquelle Kenneth Thompson a évoqué le vagin "agressé" de sa cliente Nafissatou Diallo est révélatrice à cet égard. Dira-t-on que dans le cas de Bill Clinton, c'est le mensonge qu'on a sanctionné plus que la passade avec la stagiaire de la Maison Blanche ? C'est évidemment faux puisque Georges Bush a menti sur les armes de destruction massive en Irak, supercherie infiniment plus grave, et n'a pas été inquiété pour cela. Eut-il couché avec son assistante, on l'eut immédiatement condamné aux galères, à la roue, au fouet. Mais les crimes de sang sont moins graves, apparemment, que les outrages conjugaux. »

 

 

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Pascal Bruckner n'aime pas les puritains !

 

En outre, l’acte du Procureur de Manhattan pose bien le problème.

« Les preuves physiques, scientifiques et d'autres natures, indiquent que l'accusé a engagé un acte sexuel précipité avec la plaignante, mais elles ne permettent pas de dire si l'acte a eu lieu sous contrainte et sans consentement. Mis à part la plaignante et l'accusé, il n'y a pas d'autre témoin de l'incident.

Pour que le jury déclare l'accusé coupable, il est donc nécessaire qu'il soit convaincu, au-delà de tout doute raisonnable, que la plaignante est digne de foi. L'affaire dépend en effet entièrement de son témoignage.

Au moment de l'inculpation, toutes les preuves disponibles nous ont laissé penser que la plaignante était fiable. Mais d'autres éléments recueillis durant l'investigation ont gravement remis en cause sa fiabilité dans cette affaire. Que des individus aient menti dans le passé ou commis des actes criminels ne fait pas nécessairement d'eux des gens indignes de notre confiance et cela ne nous empêche pas de les appeler à la barre des témoins durant le procès.

Mais, quelle que soit la réalité des faits dans cette affaire, le nombre et la nature des mensonges de la plaignante nous empêchent de faire confiance sa version des faits au-delà de tout doute raisonnable. Si nous ne pouvons la croire sans douter, nous ne pouvons pas demander à un jury de le faire. »

Un acte sexuel « précipité ». Que signifie ce qualificatif ? Rapide ou violent ? Ou bien, rapide et violent ? C’est le lot des textes juridiques : le champ libre à toutes les interprétations. Le procureur ajoute qu’il ne peut déterminer s’il s’agit d’un acte sous contrainte et sans consentement. Mais personne ne s’est posé la question, à part tout récemment, l’intellectuel bruxellois Henri Goldman sur son blog, (http://blogs.politique.eu.org/DSK-et-la-domination-masculine) : « Un rapport égalitaire entre un homme riche et tout-puissant et une femme de chambre, cela n’existe pas, sauf dans les contes de fée. Pas plus qu’un rapport égalitaire entre un adulte et un enfant. La domination masculine qui reste la règle dans la plupart des rouages de la société n’a pas besoin d’une violence explicite pour s’imposer. » En dehors de la       sexualité, chacun sait qu’une relation normale entre des personnes de classes sociales différentes est exceptionnelle et en tout cas difficile. C’est aussi une leçon à tirer : la conscience de classe n’existe plus dans l’opinion publique. Là aussi, sans doute est-ce dû à l’influence des médias qui bâtit la société virtuelle de « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » à laquelle beaucoup veulent croire.  Et, à propos de classes : DSK et ses avocats ont réussi l’exploit de rendre la Justice inopérante. Si ce n’est pas une Justice de classe ! Cela débute par l’excessive émotion médiatique pour suivre en salissant la réputation de la victime « présumée », pour aboutir à l’abandon des poursuites par le Procureur.

 

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DSK et Anne Sinclair sortent triomphants du tribunal de Manhattan. Où est la victoire ?

 

Mort, où est ta victoire ? demandait le poète. Que signifie le triomphe de DSK, sinon un immense gâchis, car, au-delà de l'acte sexuel «précipité» ou du viol (biffez la mention, inutile) de Naffisatou Diallo, il y a le viol des principes fondamentaux au nom desquels ces gens voulaient guider le monde ?

L’hypocrisie et l’indécence ont à nouveau triomphé et cette affaire en est emblématique. Cependant, elle pourrait sonner le glas d’un pouvoir illégitime que d’aucuns espèrent renverser.

Pierre Verhas

Bientôt : II La Libye ou le triomphe du mensonge



[1] Il s’agit du 11 septembre 1973 : renversement de Salvador Allende, président du Chili, par la soldatesque de Pinochet et du 11 septembre 2001.

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commentaires

F
<br /> Triste monde, de même que pour votre prochaine parution.<br /> Nous en disons déjà: comment peut on encore être journaliste collaborateur?<br /> A.F.<br /> <br /> <br />
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