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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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7 juillet 2015 2 07 /07 /juillet /2015 09:22

 

C’est un raz de marée de « non » au référendum du 5 juillet. Toutes les régions grecques ont voté majoritairement contre le plan de l’Union européenne du 25 juin.

 

Le choix était entre la peur et la résistance aux diktats de la Troïka qui jettent les Grecs et particulièrement les plus démunis dans la pire des pauvretés, qui empêchent son gouvernement d’agir en fonction des intérêts du peuple et non en fonction de ceux des seuls « créanciers ». C’est la résistance qu’il l’a emportée et largement ! Plus de 61 % ! C’est un « non » franc et massif. Du jamais vu !

Alexis Tsipras peut savourer son triomphe !

Alexis Tsipras peut savourer son triomphe !

 

Cependant, toutes les forces de la réaction étaient rassemblées pour le « oui » : les télévisions privées, on a fait venir un animateur vedette des médias français, la presse était déchaînée et même l’Eglise orthodoxe qui soutenait Syriza depuis le 25 janvier, s’est ralliée au camp du « oui ». Et n’oublions pas les médias européens qui ont fait un terrible agitprop. Et, last but not least, Juncker et Schultz qui se sont mêlés directement d’une campagne d’un pays souverain ! Mal leur en prit, d’ailleurs !

Juncker ne montrera plus son "affectueux" paternalisme devant les médias.

Juncker ne montrera plus son "affectueux" paternalisme devant les médias.

 

Les médias ont en effet joué un rôle scandaleux. Tous, sans exception, se sont mobilisés pour le « oui ». Les pires assertions ont été lancées. De faux sondages ont été effectués. Tout a été fait pour faire peur aux Grecs, mais aussi aux Européens. Le « non » serait un tsunami qui emporterait l’Europe, notre liberté et notre bien-être.

 

Les moralistes

 

Mais cela ne suffit pas. On fait la morale aux vilains Grecs assimilés à la cigale de La Fontaine.

 

Paul De Grauwe pense avec bon sens qu’il « est inutile de poursuivre les mesures d’austérité si elles n’atteignent pas leur objectif. N'est-ce pas absurde ? » Il y a pourtant bien une logique sous cette apparente absurdité mais une logique irrationnelle d'un point de vue économique, une logique qui relève d'une dimension morale : il faut punir les fautifs. « L'idée de base, c'est qu'une punition est nécessaire : si on ne punit pas, ils ne vont pas se réformer... Ça devient presque religieux. C'est cette dimension morale, moralisante, qui crée les conditions politiques dans lesquelles toute cette politique d'austérité peut émerger. Et c'est aussi une situation qui rend un accord très difficile ».

 

Paul De Grauwe, professeur à la London Scholl of Economics dénonce les "moralisateurs".

Paul De Grauwe, professeur à la London Scholl of Economics dénonce les "moralisateurs".

 

Et on va plus loin : la Grèce représente un danger pour l’Europe et pas seulement sur le plan financier ! Les propos des « sages » de l’Europe comme Jacques Delors, le président de la Commission européenne qui a fondé le marché unique et qui a mis Maastricht sur les fonts baptismaux, Pascal Lamy, l’ancien patron de l’OMC et Antonio Vitorino, ancien commissaire européen portugais, tous trois catalogués sociaux-démocrates, sont révélateurs de leur vision étriquée de l’Union européenne.

 

La Grèce demeurera un problème européen quel que soit le résultat du référendum de dimanche et ce problème n'est pas seulement économique et financier mais aussi géopolitique, estiment-ils dans une tribune publiée ce week-end dans la presse européenne. Pour les trois dirigeants de l'Institut Jacques Delors, « Penser que notre Europe doit considérer la crise grecque que sous l'angle des conséquences économiques et financières d'une sortie de la Grèce de l'union monétaire serait une erreur.

 

Jacques Delors considère que la Grèce est un danger géopolitique.

Jacques Delors considère que la Grèce est un danger géopolitique.

 

« Il s'agit d'appréhender l'évolution de la Grèce dans une perspective géopolitique, comme un problème européen et qui le demeurera », écrivent- ils. Il conviendrait de ne pas regarder la Grèce avec les seules lunettes du Fonds monétaire international mais aussi avec celles de l'Organisation des nations unies. « C'est-à-dire comme un pays appartenant à des Balkans dont l'instabilité n'a guère besoin d'être encouragée en ces temps de guerre en Ukraine et en Syrie et de défi terroriste, sans oublier la crise migratoire. »

 

Voilà donc la Grèce considérée comme un danger majeur dans tous les domaines ! Ces propos sont clairs. L’élite européenne veut se débarrasser de la Grèce. Il est vrai qu’elle correspond de moins en moins au « modèle libéral » et qu’elle se « désoccidentalise » de plus en plus.

 

La débâcle des médiacrates

 

Les médiacrates (néologisme volontaire), eux aussi, se sont surpassés. La palme de la déclaration la plus abjecte revient à l’affairiste Alain Minc : « Si les Grecs votent non et sortent de l’Euro, et donc inventent une monnaie hyper-dévaluée, l’État grec, enfin ce qui tient lieu d’État parce que c’est déjà un État un peu faiblard, va s’effondrer. Alors on va avoir une espèce de Libye de religion chrétienne orthodoxe, à un endroit qui est un endroit stratégique. » Cela rejoint nos vieux « sages ».

 

Et nous avons évoqué BHL, Leparmentier (Le « Monde »). Leurs tweets valent leur pesant d’or, pardon d’Euros.

 

BHL

 

 

Les twwets de BHL sont à mourir de rire ! Au secours le Gloupier !

Les twwets de BHL sont à mourir de rire ! Au secours le Gloupier !

Leparmentier

 

 

Voilà un grand prévisionniste. Il devrait se recycler dans la météo...

Voilà un grand prévisionniste. Il devrait se recycler dans la météo...

 

Eh bien ! Cela n’a pas marché, le peuple grec a surmonté la peur qu’on lui inculquait. Il a choisi l’honneur ! Il n’a pas cédé aux sirènes de la panique. Il a montré qu’il est le seul et le vrai souverain !

 

Oui, nous avons fêté cela. Oui, ce référendum est historique. La Grèce n’a pas été écrasée. Certes, ses puissants adversaires pourraient n’en faire qu’une bouchée, mais en ce cas, ils devraient user de la violence – hypothèse qui a d’ailleurs été envisagée. Mais cela aurait des conséquences internationales incalculables et l’idée européenne s’effondrerait.

 

La grande surprise : la démission de Yanis Varoufakis

 

Contrairement à ce que disent ses partisans, il y avait manifestement un froid entre Alexis Tsipras, le politique, l’homme du terrain et Yanis Varoufakis, le militant, l’homme d’idées. Il y a quelques semaines, Le Premier ministre grec avait demandé à son ministre des Finances de faire un pas de côté dans les négociations avec l’Eurogroupe où, manifestement, il détonnait. Son style plaisait à l’opinion publique, son langage franc et sans détour donnait de l’air frais, mais cela ne faisait pas avancer le schmilblick. Ici, il faut bien le reconnaître. Il y a urgence et Tsipras doit mettre tous les atouts de son côté. Cela dit, on peut être convaincu qu’on entendra parler de Yanis Varoufakis sous peu. Et son successeur qui a certes un autre style est, paraît-il, encore plus dur que lui.

 

Les relations entre Tsipras et Varoufakis n'étaient plus au beau fixe.

Les relations entre Tsipras et Varoufakis n'étaient plus au beau fixe.

 

Le bras de fer

 

Après la victoire du « non », ce sera un terrible bras de fer avec les dirigeants de l’Union européenne. Ils ne supportent pas ce qui est sans doute leur plus grande défaite. Ils ont réussi à rattraper les référendums français, hollandais, danois sur les différents traités européens. Ici, ils ont cherché l’affrontement. Ils l’ont et ils ne lâcheront pas. Et il y a deux options : de vraies négociations sans le chantage des créanciers, ou bien le « Grexit », voire l’expulsion de l’Union européenne.

Alain Juppé annonce la couleur : le Grexit.

Alain Juppé annonce la couleur : le Grexit.

 

Un exemple : Alain Juppé, probable successeur de François Hollande, y est allé de sa sortie :

 

« Le peuple grec a choisi. Il a dit non au plan que lui proposait la zone euro », écrit l'ancien Premier ministre Les Républicains sur son blog. « C'est son droit souverain et nous devons le respecter. Il faut maintenant tirer les conséquences de cette situation. »

 

La « Grèce n'est plus en mesure aujourd'hui d'assumer les disciplines de la zone euro », poursuit le maire de Bordeaux. « Chercher à l'y maintenir à tout prix, par des arrangements de circonstance, fragiliserait l'ensemble du système ».

 

« Nous devons l'aider à organiser sa sortie, sans drame. Ce qui ne veut pas dire qu'elle doit aussi sortir de l'Union. Elle doit, si elle le souhaite, y garder sa place comme les autres Etats membres qui n'ont pas intégré la zone euro. »

 

Et Juppé n’est pas le seul : les courtiers en Bourse, eux aussi, se préparent au scénario du « Grexit ». Et bien des responsables politiques européens l’envisagent sérieusement. Ce serait, dans l’état actuel des choses, une catastrophe pour la Grèce qui se répercuterait sur toute l’Europe.

 

Au lieu du « Grexit », n’est-ce pas à l’Euro à se réformer ? En effet, la sortie de la Grèce entraînera inéluctablement le départ volontaire ou non d’autres pays de l’Eurozone avec le rsique d’une crise monétaire sans précédent. C’est cela que Piketty appelle « jouer à l’apprenti sorcier ».

 

Réformer l’Euro. C’est indispensable si l’on ne veut pas un « Eurexit » qui suivrait le « Grexit ». Dès le départ, en 1992, lors du Traité de Maastricht, les normes imposées par l’Allemagne et la France avec ce pacte entre François Mitterrand qui avait depuis longtemps renoncé au socialisme et Helmut Kohl qui devait payer la réunification allemande, et qui ont été renforcée ensuite par le Pacte de stabilité et puis par le TSCG, sont beaucoup trop strictes. En outre, elles n’ont pas comme seul objectif la création d’une force un équilibre « salutaire », quasi impossible à atteindre, mais leur but réel est d’affaiblir la puissance publique au profit de la finance. Ce n’est plus économique, c’est politique. C’est l’ordolibéralisme de Friedrich Hayek, un des pères du néolibéralisme.

 

Après le référendum, deux attitudes sont possibles : un assouplissement des Européens et du FMI ou un durcissement par le « Grexit ».

 

Le « Grexit » signifierait l’effondrement de la zone Euro par un effet domino. Même la France et la Belgique connaissent un endettement allant au-delà des 100 % de la richesse nationale. Et il ne faut pas oublier l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande, le Danemark. Avec huit pays en difficulté, la zone Euro est intenable et les dogmatismes allemand, hollandais et finlandais n’y changeront rien.

 

L’Euro n’a jamais été une vraie monnaie. Une monnaie ne peut qu’être régentée par une autorité politique supérieure, ce qui n’est pas le cas. La BCE est une institution privée qui agit dans l’intérêt des grandes institutions financières transnationales et non dans celui des Etats-membres de la zone Euro. Et, on l’a vu lors de la crise grecque, elle interfère dans le champ politique, en dépit des interdictions prévues par les Traités.

 

D’autre part, dans un continent aussi diversifié que l’Europe, la monnaie unique n’est tenable que si elle tient compte des disparités économiques des différents Etats-membres. Avec les normes imposées (les fameux 3 % suivis de la « règle d’or » et les 60 % de dette), chaque pays supporte différemment ce régime. Aucun Etat de la zone Euro, même l’Allemagne, ne répond réellement à ces normes.

 

Paul Jorion est un ardent partisan du "non" grec.

Paul Jorion est un ardent partisan du "non" grec.

 

Paul Jorion a écrit sur son blog dimanche soir : « Si l’euro devait s’effondrer devant l’expression démocratique, c’est qu’il n’aurait jamais été rien de plus que ce que ses maîtres ont voulu qu’il soit : un outil à l’usage exclusif des « marchés », et il mériterait le sort qu’il subirait alors. »

 

Quelles réformes en Grèce ?

 

La Grèce devra se réformer, mais c’est à elle à le faire selon des critères qu’elle doit fixer et non à la Troïka à lui imposer des réformes qui détruisent son tissu social déjà fragile.

 

La Grèce est encore une société patriarcale qui n’a jamais été une nation industrialisée au même titre que l’Italie, par exemple.

 

La corruption règne en maître en Grèce. Cela n’est pas nouveau. Mais, balayons devant notre porte. Nombre d’affaires de corruption touchant la tête de l’Etat et de la Finance, en France, en Belgique, en Italie et même dans la « vertueuse » Allemagne défrayent la chronique depuis des années. Ces affaires tournent pour la plupart en eau de boudin. Les juges n’arrivent pas à rassembler les preuves suffisantes pour traîner les corrupteurs et les corrompus devant les tribunaux, ou bien on fait porter le chapeau à un homme de paille. Alors, nous sommes très mal placés pour donner des leçons aux Grecs.

 

Corruption et fraude fiscale sont intimement liées. La classe supérieure, et particulièrement les armateurs, se livre à une fraude fiscale effrénée et quasi impunie. D’autre part, la perception de l’impôt est tout à fait obsolète. Cependant, ce qu’on ne dit pas, c’est que les travailleurs grecs et les allocataires sociaux, eux, paient leurs impôts puisqu’ils sont taxés à la source. Et ce sont donc eux qui paient le prix fort des mesures d’austérité, sans compter les augmentations de TVA imposées par la « Troïka » et qui touchent – comme toujours – les plus faibles.

 

On oublie trop souvent que la Grèce n’a pas eu la chance de sauter dans le train de la modernisation des XIXe et XXe siècles. Son économie est liée aux chantiers navals, au tourisme et à une agriculture archaïque. Il n’y a pas une administration digne de ce nom capable de percevoir l’impôt là où il serait le plus rentable, c’est-à-dire auprès de la classe supérieure et aussi de l’Eglise orthodoxe

 

Le rôle de l’Eglise est en effet essentiel. Il n’y a pas de séparation de l’Eglise et de l’Etat en Grèce. L’Eglise est le premier propriétaire foncier et ne paie pas l’impôt. Cela représente un immense manque à gagner pour l’Etat grec. C’est un blocage sérieux pour la Grèce et on ignore ce que compte faire le gouvernement Tsipras en la matière.

 

Les dépenses militaires sont un poids insupportable pour la Grèce. Mais sous la pression du complexe militaro-industriel et de l’OTAN, elles sont maintenues à un niveau bien trop élevé. Là aussi, Tsipras est devant un sac de nœuds, sans compter que l’armée représente un danger politique. Les « colonels grecs » ne sont pas si loin. Mais réduire les dépenses militaires ne doit pas servir au seul remboursement de la dette, l’UE doit accepter les transferts des dépenses militaires vers le social et l’éducation pour aider à la construction d’un Etat moderne et ce ne serait que justice.

 

Laisser tomber la Grèce ?

 

Nous avons déjà cité Charles Sannat, le « vilain coco » du microcosme des économistes français. Voici les conclusions qu’il a publiées ce 7 juillet sur sa chronique « Le contrairien matin ».

 

« Laisser tomber la Grèce c’est commettre une erreur politique fondamentale dont l’Europe et l’euro ne pourront pas se remettre (et dont nous paierons aussi le prix). Laisser tomber la Grèce ce serait une erreur économique évidente parce que ce serait ouvrir la boîte de Pandore de la sortie de l’euro et de la non-irréversibilité de la monnaie unique (…). Une erreur économique encore parce qu’en éjectant le maillon faible, nous prendrions la pire des décisions. Car il y a toujours un dernier et un premier dans une classe. Virez le dernier et l’avant-dernier prend sa place. Au bout du compte, il ne restera que l’Allemagne. La seule solution efficiente en termes économiques serait l’éjection du maillon fort.

 

Enfin, ce serait une erreur démocratique car ce serait l’Europe des europathes contre celles des peuples. L’Europe des technocrates contre l’intérêt des populations. Ce serait nier la démocratie et les choix populaires qu’une certaine élite aime à qualifier de « populistes » dès que cela vient contrarier ses plans bien établis d’enrichissement entre amis.

 

Si l’Europe veut survivre elle doit se montrer généreuse et humaine. Pour le moment, elle n’y arrive toujours pas. Comme l’Europe ne sait pas faire notre bien, cela, par définition, la condamne à faire notre mal. »

 

La question la plus angoissante : les dirigeants européens en seront-ils capables ?

 

 

Pierre Verhas

 

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commentaires

L
Bonjour,<br /> Il n'y a pas beaucoup de commentaires aujourd'hui.<br /> Dommage.
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