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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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21 décembre 2016 3 21 /12 /décembre /2016 23:12

 

 

 

Après l’abominable « responsable mais pas coupable » dont s’est qualifié Georgina Dufoix, une sous-ministre de François Mitterrand lors de l’affaire du sang contaminé en 1993, une étape nouvelle a été franchie par la juridiction d’exception qui juge les ministres et anciens ministres en France, la Cour de Justice de la République (CJR), en déclarant l’actuelle directrice générale du FMI et ancienne ministre des Finances sous Sarkozy, Christine Lagarde, mais en ne la sanctionnant pas. Désormais, une nouvelle notion est apparue : coupable mais pas punissable.

 

 

La CJR a été créée par la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993. Elle est compétente pour les crimes et délits commis par les membres du gouvernement, Premier ministre inclus dans l’exercice de leur fonction ; en revanche, les infractions qui n’ont pas de lien avec la politique de la nation relèvent du droit commun ; par exemple, l’affaire Cahuzac a été jugée devant le tribunal correctionnel de Paris. La Cour de Justice de la République est composée de 12 parlementaires, 6 pour l’Assemblée nationale et 6 pour le Sénat, ainsi que de 3 magistrats professionnels de la Cour de cassation, dont l’un préside la juridiction.

 

 

Une juridiction d’exception bien inefficace

 

 

Il s’agit donc d’une juridiction d’exception. Ce fut de Gaulle, pendant la guerre d’Algérie, qui créa la Haute Cour qui est tombée en désuétude et qui fut remplacée par la CJR. Hollande avait promis de la supprimer en 2012…

 

 

Ici, la CJR a jugé Christine Lagarde qui était accusée pour « détournement de fonds publics commis par un tiers et résultant de la négligence » d'une personne dépositaire de l'autorité publique, et risquait un an de prison et 15 000 euros d’amende. Il s’agissait de l’arbitrage qu’elle avait initié comme ministre des Finances, entre l’Etat français et l’affairiste Bernard Tapie. Résultat de cet arbitrage qui a été faussé : Tapie a encaissé quelque 400 millions d’Euros ! On s’est aperçu par après que cette somme faramineuse était indue !

 

 

 

La directrice générale du FMI et ancienne ministre des Finances de la République française a montré toute son arrogance et son mépris à l'égard de la Justice de son pays.

La directrice générale du FMI et ancienne ministre des Finances de la République française a montré toute son arrogance et son mépris à l'égard de la Justice de son pays.

 

 

 

L’arrêt de la Cour retient un point de l’accusation, celui de « négligence ». Donc, elle n’a pas totalement suivi le procureur général qui avait requis la relaxe de l’ancienne ministre. Pourtant, la CJR considère que le détournement de fonds publics est suffisamment caractérisé, contrairement à la défense de l'ex-ministre. « La décision de la ministre de ne pas exercer un recours en annulation dont les chances de succès n'étaient pas négligeables a rendu, in fine, inéluctable l'appropriation frauduleuse par les époux Tapie de la somme de 45 millions d’euros, ce qui constituait l'aboutissement d'un processus délictuel engagé de longue date ».

 

 

Christine Lagarde a bénéficié des difficultés de procédures entre les tribunaux ordinaires et la juridiction d’exception qu’est la CJR. Pourtant, dans l’arrêt de renvoi à la Cour dispose :

 

 

« Le comportement de Mme Lagarde ne procède pas seulement d’une incurie et d’une précipitation critiquables mais d’une conjonction de fautes qui, par leur nombre et leur gravité, dépassent le niveau d’une simple négligence. » (le « Monde » 21 décembre 2016)

 

 

Et la Cour n’a retenu que la négligence !

 

 

Et malgré cela, la CJR « a relaxé Christine Lagarde pour la première partie des griefs, en estimant que le recours à l'arbitrage pouvait se défendre à l'époque, « compte tenu de l'échec des précédentes tentatives de médiation et des multiples contentieux auxquels il convenait, selon elle, de mettre fin en raison de leur durée et de leur coût ». En revanche, la Cour a considéré que « la décision de ne pas former de recours en annulation, prise 19 jours avant l'expiration du délai prévu par la loi », après la sentence arbitrale extrêmement défavorable aux intérêts de l'État, et miraculeuse pour Tapie, constituait bien une faute pénalement répréhensible. La CJR note que Christine Lagarde est « avocate de profession », dit s'être « impliquée personnellement dans la gestion du dossier », et déclare avoir été « consternée et stupéfaite » en découvrant la sentence arbitrale. » (Mediapart – 20 décembre 2016)

 

 

Christine Lagarde : au sommet de l’art du cynisme

 

 

Madame Lagarde est connue pour être une grande manipulatrice. Mais, ici, elle a été au sommet de son art !

 

 

Elle s’est même lâchée, car son cynisme est aussi proverbial. Voici ce qu’écrit le journal en ligne Mediapart le 21 décembre :

 

 

« C’est « une décision curieuse. Je suis accusée de négligence, mais pas condamnée ». Voici ce que déclare Christine Lagarde dans une allocution vidéo diffusée sur le site du Fonds monétaire international (FMI), en français et en anglais, juste après avoir été reconnue coupable de « détournement de fonds publics commis par un tiers et résultant de la négligence » d'une personne dépositaire de l'autorité publique. « Ce n’est pas la décision que j’aurais préférée », ose encore la directrice générale du FMI, alors qu’elle a bénéficié d’une dispense de peine, un privilège rare, et qu’elle n’a pas même daigné assister au prononcé du jugement.

 

Avocate de formation, plusieurs fois ministre, la patronne du FMI et son staff ont forcément dû peser chaque terme de cette déclaration. Il ne s’agit ni d’un lapsus, ni de confusion mentale. Christine Lagarde joue sur les mots, en omettant de dire qu’elle a été reconnue coupable d’un délit, et qu’elle a simplement bénéficié d’une dispense de peine.

 

Il y a cependant un autre aspect : l’arbitrage. Christine Lagarde qui est plongée dans la globalisation ultralibérale est une adepte de l’arbitrage, c’est-à-dire ces procédures en général menées par les grandes entreprises du secteur privé pour trancher les litiges, où, bien entendu, le plus fort est quasi certain de sortir vainqueur.

 

 

Ces procédures d’arbitrage font débat, notamment à propos des traités de libre échange comme le CETA et le TTIP. Et, la transaction pénale qui a été appliquée en Belgique à l’égard de Chodiev et de ses comparses dans l’affaire du « kazakhgate » procède de la même philosophie : négociation entre l’accusé et l’autorité judiciaire publique ou privée afin de trouver un « arrangement » - en monnaie sonnante et trébuchante - qui éteint les poursuites.

 

 

Justice de classe ?

 

Cependant, comme le fait remarquer notre ami Bernard Gensane sur son blog (http://bernard-gensane.over-blog.com/ )

 

 

Il y a des arbitrages qui ne plaisent pas à Madame Lagarde. Et elle n’a pas lésiné en l’espèce lorsqu’elle était ministre des Finances de Sarkozy. Et c’est une très ancienne affaire.

 

 

« (…) les journalistes auraient fort bien pu, sans avoir l'air d'y toucher, parler de l'affaire de l'indemnisation des 3000 mineurs licenciés pour faits de grève en 1948. Comme le rapportait le site du Monde du 27 octobre 2014, en mars 2011 (soit 63 ans après les faits ! - note de ma part, Philippe Arnaud), la cour d'appel de Versailles avait reconnu le caractère discriminatoire et abusif du licenciement de 17 mineurs et employés de la société publique Charbonnages de France qui gérait les sites, et annulé ces licenciements.

 

La Cour de Versailles avait condamné les Charbonnages de France et l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs à leur verser 30 000 euros chacun (il y avait alors 17 familles de mineurs ou ayants droit, ce qui représentait 510 000 euros au total). Mais la décision avait été cassée en octobre 2012 par la Cour de cassation... saisie par l'ancienne ministre de l'économie Christine Lagarde ! »

 

 

 

Ah oui ! Merci de le rappeler ! Il ne faut surtout pas parler de Justice de classe…

 

 

Le « Canard enchaîné » de ce mercredi 21 décembre titre à la une :

 

« Lagarde demeure et Tapie ne rend pas »…

 

 

La directrice générale de la principale institution financière mondiale au service d’un escroc !

 

 

Tout est dit !

 

 

 

 

L’imbroglio à la belge

 

 

 

Ne nous gaussons pas de la seule affaire Lagarde. L’affaire dite du « Kazakhgate », en Belgique, semble prendre une tournure similaire.

 

 

Rappelons-nous (voir Uranopole : http://uranopole.over-blog.com/2016/11/le-kazakhgate-nouvel-episode-de-la-lutte-de-classe-i.html et http://uranopole.over-blog.com/2016/11/le-kazakhgate-nouvel-episode-de-la-lutte-de-classe-ii.html )

 

Le député bourgmestre de la commune d’Uccle Armand De Decker fait l’objet d’une information judiciaire du Parquet de Bruxelles pour trafic d’influences en faveur de Patokh Chodiev et de ses deux comparses surnommés le « trio kazakh ». Eh bien ! L’information judiciaire est clôturée et – encore une surprise – le Parquet se donne un délai d’un mois pour trancher, d’après le journal « l’Echo » du 20 décembre. Selon « le Soir » du 21 décembre, De Decker et une autre personne – sans doute l’avocate niçoise Catherine Degoul – n’échapperaient pas à l’inculpation… Enfin, on verra !

 

 

 

L'arrogant Armand De Decker commence à perdre sa surperbe...

L'arrogant Armand De Decker commence à perdre sa surperbe...

 

 

 

En attendant, par la cupidité et la bêtise, sinon la naïveté d’un personnage comme Armand De Decker, la mafia russe s’est bien implantée en Belgique où elle bénéficie jusqu’à présent de protections très efficaces.

 

 

Une commission d’enquête parlementaire a été mise en place sur le « Kazakhgate » suite au scandale provoqué par l’attitude de De Decker, mais son président, le chrétien démocrate Francis Delpérée, est contesté parce qu’il a été lui-même interrogé dans le cadre de l’information judiciaire !

 

 

 

 

Le très chrétien Francis Delpérée préside une Commission d'enquête parlementaire où certains pensent qu'il est juge et partie.

Le très chrétien Francis Delpérée préside une Commission d'enquête parlementaire où certains pensent qu'il est juge et partie.

 

 

 

L’imbroglio à la belge !

 

 

Que dire de tout cela ?

 

 

Rappelons-nous George Orwell. Il préconisait ce qu’il appelait la « common decency » qui était, selon lui, l’éthique des « gens ordinaires ».

 

 

Les gens ordinaires, c’est-à-dire vous et moi qui estimons qu’il y a des choses qui ne se font pas !

 

 

Malheureusement, s’est petit à petit installé une caste politique qui a « oublié » l’éthique et le service de l’Etat et qui, à tous les niveaux, n’a qu’un objectif : se servir au détriment du plus grand nombre. Il ne se passe pas un jour sans qu’on apprenne des dérives souvent dérisoires et grotesques comme ces mandataires qui se paient 500 euros la minute ( !) dans des sociétés intercommunales pour des prestations qu’ils ne remplissent pas !

 

 

On ne cesse de dénoncer les dangers du populisme. Mais que fait-on pour le combattre ? La classe dirigeante française souhaite-t-elle le triomphe de Marine Le Pen ? La classe politique belge accepte-t-elle la domination des partis de l’extrême-droite flamande ? Et ne voit-on poindre dans la plupart des Etats-membres de l’Union européenne les partis extrémistes et, pire, comme en Hongrie et en Pologne, des pouvoirs qui démolissent les institutions démocratiques ?

 

 

La combinaison de la politique néolibérale, de la corruption et de l’autoritarisme génère un danger mortel.

 

 

Il est plus que temps : réveillons-nous, réfléchissons et agissons pour un réel projet de société qui rétablira les valeurs essentielles de liberté et de solidarité.

 

 

En espérant que ce ne soit pas un vœu pieux en cette période de fin d’année.

 

 

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

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commentaires

G
Bravo Pierre tu fais oeuvre utile voila ce que j'en dit sur FB·<br /> <br /> ne manquez pas de lire cet excellent billet de Pierre Verhas et vous comprendrez d'abord que le populisme n'est pas tombé du ciel mais résulte d'une forme nouvelle d'injustice qui court-circuite le pouvoir judiciaire, ensuite il ne faut pas beaucoup d'imagination pour deviner ce que seront les tribunaux arbitraux. Un totalitarisme mou est en marche au sein même de nos démocratie alors cessons de nous offusquer du Brexit de Trump de la montée des populisme, nous avons fermé les yeux; il ne faudra plus longtemps qu'on tente de nous fermer la bouche
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