Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
  • Contact

Recherche

21 décembre 2018 5 21 /12 /décembre /2018 21:30

 

Le programme d’Uranopole est quelque peu bouleversé suite à une actualité qui se précipite un peu partout : le départ imminent de Trump provoquant un nouveau bouleversement au Proche Orient, l’échec des négociations sur le Brexit, la crise politique en Belgique. Nous avons promis une analyse approfondie sur le mouvement des gilets jaunes qui tout en s’essoufflant quelque peu en France, s’étend dans une grande partie de l’Europe. 

 

Nous reproduisons ici un article du philosophe belge Michel Weber à l’intitulé quelque peu curieux. Il joint le mouvement de gilets jaunes en France à un rôle éventuel de la Russie et à la fin de l’ère pétrolière. Laissons au lecteur d’Uranopole le soin de le lire. Il sera suivi de notre réplique où nous nous référons à l’analyse de Pierre Khafka parue dans Mediapart.

 

 

 

Les gilets jaunes aux Champs Elysée. Les GJ tentent d'approcher le pouvoir lors de leurs cinq "Actes" alors que les syndicats se contentent de la classique promenade Bastille Nation.

Les gilets jaunes aux Champs Elysée. Les GJ tentent d'approcher le pouvoir lors de leurs cinq "Actes" alors que les syndicats se contentent de la classique promenade Bastille Nation.

 

 

 

Les « Gilets jaunes », la Russie, et le début de la fin (du pétrole)

 

Michel WEBER

 

« La pensée bourgeoise dit toujours au Peuple : “Croyez-moi sur parole ; ce que je vous annonce est vrai. Tous les penseurs que je nourris ont travaillé pour vous. Vous n’êtes pas en état de repenser toutes leurs difficultés, de repasser par leurs chemins, mais vous pouvez croire les résultats de ces hommes désintéressés et purs. De ces hommes marqués d’un grand signe, ces hommes qui détiennent à l’écart des hommes du commun pour qui ils travaillent, les secrets de la vérité et de la justice. (*) »

 

À bien y regarder, point n’est besoin de longues discussions pour baliser un phénomène social dont les enjeux ne sont que trop évidents. Ne suffirait-il pas, en effet, de considérer que la démocratie est le mode de gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple, pour jeter un peu de lumière blafarde sur ce qui se trame dans notre souterrain ? Analytiquement, on peut bien sûr reposer les questions qui fâchent. Elles portent sur la nature du début et de la fin, et sur le modus operandi qui est censé mener de l’un à l’autre.

 

Primo, de quand date ce début ? Est-il le fruit d’une longue gestation, ou constitue-t-il un événement aussi récent qu’erratique ? En clair : le vase déborderait-il, ou pas ?

 

Si les premières actions qui peuvent se rattacher univoquement aux « gilets jaunes » datent de novembre 2018, la détérioration des conditions de vie de la population, en général, et le rejet chronique du vote référendaire, en particulier, sont, de fait, niés depuis toujours par les politiques. Rappelons toutefois, à l’intention des distraits, que nous sommes officiellement en crise depuis 1968. Il y a eu, certes, des phases de rémission apparente, mais le prolétariat et la (petite) bourgeoisie sont, depuis le début des années septante, victimes d’une baisse constante de leur niveau de vie. Un seul indicateur suffira pour le montrer : le taux de chômage structurel dont on bidouille les paramètres afin de le conserver, bon an, mal an, autour des dix pour cent.

 

C’est la cause immédiate qu’il faut questionner. Est-elle unique ou plurielle ? On s’accordera facilement sur le facteur déclencheur : la taxation du prix des carburants, et la chute du pouvoir d’achat des biens de première nécessité. Que veut-elle dire au juste ? Parler de goutte qui fait déborder le vase et, en passant, stigmatiser l’inconscience consumériste et écologiste des foules bêlantes, permet d’étouffer le feu de l’indignation par la couverture opinative de rigueur, pas de comprendre la situation. Précisons donc.

 

L’impératif climatique, et, accessoirement, écologique, est plus qu’à la mode. Libéralisé, il se formule très simplement en économie politique : que pouvons-nous nous permettre de changer pour que rien ne change ? Comme toujours, on taxe afin de réformer, coûte que coûte, les habitudes de la population, sans questionner celles des industries, et surtout sans impacter les conditions de possibilité de leur compétitivité internationale et de leurs profits offshore, et, c’est quasiment subsidiaire, afin de financer l’incurie des décideurs politiques eux-mêmes.

 

Il faut, sans en avoir l’air, bien sûr, prendre en compte la réalité du pic pétrolier. Dire que le socle énergétique sur lequel se fonde la société de consommation est en train de s’effondrer sous le poids, justement, de 200 ans de gaspillage organisé pour les masses et de vampirisation des ressources par l’oligarchie, équivaudrait à demander la mise en chantier d’énormes travaux structurels, ce que les intéressés ont bien du mal à concevoir. Comment empêcher une insurrection sans donner du lest ? Comment donner du lest sans raboter les dividendes ? Comment les raboter sans perdre la face et renier l’idéologie néolibérale ?

 

L’utilisation de nouvelles techniques de prospection et de forage, l’arrivée sur le marché, grâce à toute une série d’incitants politiques, des pétroles non conventionnels, et l’accélération de la fonte des calottes polaires, a apparemment fait reculer l’échéance pétrolière d’une vingtaine d’année, mais l’avertissement de King Hubbert (1956), actualisé par Colin Campbell et Jean Laherrère (1998), n’a rien perdu de son actualité, que du contraire. Il suffit de se livrer à une lecture plus fine pour le comprendre.

 

Premièrement, situer le « pic pétrolier », par exemple en 2005, n’équivaut pas à annoncer la pénurie généralisée pour 2006 et la guerre civile pour 2007 — mais bien, pour ceux qui en ont les moyens, à anticiper des turbulences économiques de grande amplitude en nommant le moment où la production mondiale de pétrole conventionnel commence à décliner irrémédiablement. Deuxièmement, ce pic ne concerne que le pétrole conventionnel, c’est-à-dire celui qui a fait la fortune des pays fondateurs de l’OPEC. Les pétroles non-conventionnels, qui ont des densités énergétiques moindres et des taux de retour énergétique (EROEI) faibles (les schistes et les sables bitumineux) ou négatifs (les agrocarburants), offrent un double effet-tampon : géopolitique, en donnant brièvement à certains l’illusion d’une autonomie retrouvée, et économique, en assurant temporairement l’approvisionnement des consommateurs à un prix raisonné, mais pas nécessairement raisonnable. Troisièmement, le pic pétrolier conventionnel ne va pas affecter, au même moment, et de la même manière tous les produits issus de l’industrie pétro-chimique, à commencer par le gaz, l’essence, le kérosène, le gazole, le fioul domestique, le fioul lourd, le coke, l’asphalte, et les lubrifiants (cités dans l’ordre de leur densité énergétique croissante). Dans le cas qui nous occupe, taxer le diesel en prétextant un motif écologique universellement accepté et, paraît-il, politiquement neutre, a simplement pour but de gérer la pénurie imminente de ce type de carburant, le diesel, qui ne peut être produit que difficilement de manière non conventionnelle, et qui devra être impérativement réservé à l’avenir au transport de marchandises (terrestre, mais aussi maritime et, finalement, aérien) et aux militaires (qui sont très friands des combustibles énergétiquement denses).

 

Secundo, de quelle fin parlons-nous ? D’abord, nous venons de le voir, de la fin du consumérisme, c’est-à-dire du tout au marché. Ensuite, c’est inéluctable, de la fin de la démocratie telle que nous l’entendons aujourd’hui. Dans un monde aussi orwellien que le nôtre, il ne sera pas difficile de recycler la « démocratie » en même temps que ses produits pétrochimiques, mais parler de « démocratie de marché » deviendra encore plus euphémique que d’habitude. Enfin, on ne peut exclure, a priori, que la phase la plus aigüe de ce processus révolutionnaire se fasse au détriment de l’oligarchie, et que la représentativité de carnaval qui est la règle depuis trop longtemps cède la place à une démocratie directe ou participative. Après tout, un long chemin a été parcouru entre le référendum du Kosovo (de septembre et octobre 1991), qui a été légalisé par la communauté internationale, et celui de la Crimée (de mars 2014), qui n’a pas reçu son assentiment. Et personne n’a, semble-t-il, oublié le refus irlandais du traité de Nice (2008), et celui des Français et des Hollandais de la Constitution européenne (2005).

 

Tertio, il faut se demander si le modus operandi des indisciplinés, et plus précisément leur dépendance aux réseaux sociaux, ne permettrait pas d’anticiper leur destin collectif. La référence à 1789 et à son emblématique guillotine peut donner à penser que certains, au moins, ne s’en laisseront plus compter. (Notons toutefois que la photo de l’installation d’une guillotine toute de jaune vêtue, place du Palais Royal, accompagnée de la mention « quand les Français veulent rappeler à ceux au pouvoir qu’ils sont leurs représentants et non leur maîtres, ils ont quelques symboles puissants » est une aimable plaisanterie photoshopée.) Mais qu’est-il possible en pratique ?

 

Selon les médias du monde libre, à commencer par la BBC, la question serait : avons-nous affaire à une vraie machination russe, ou à une fausse génération spontanée ? En effet, on ne le sait pas assez, « Cambridge Analytica » a son à siège social à Nijni Novgorod, et les « gilets jaunes » disposent tous d’un compte sur le réseau social « VKontakte » (ou « VK », en abrégé), qui leur permet de co-créer leurs « actes » contestataires en temps réel. Ceci n’est pas sans conséquences sur l’indépendance du mouvement. Deux hypothèses doivent, en effet, être envisagées afin d’évaluer concrètement les possibles. A minima, les administrateurs du réseau VK laissent faire ; a maxima, ils pilotent le mouvement en modulant les fils d’actualité qui occasionnent les mobilisations (le printemps du crabe arriverait donc cette année avant le solstice d’hivers). S’ils laissent faire, on peut se demander pour combien de temps encore ? Et à quelles sombres tractations avec l’« État profond » russe les autorités françaises vont-elles devoir se résoudre pour que chacun retourne enfin dans ses pénates, et que la République soit sauve, à défaut d’être saine ? S’ils pilotent, ne fût-ce que d’une manière minimaliste, la question n’en est que plus douloureuse encore. Dans les deux cas, est-il raisonnable de penser qu’un tel réseau social reste longtemps sans essayer, directement ou indirectement, de tirer profit de la situation ?

 

En fin de compte, c’est peut-être l’archaïsme actuel de la réponse du pouvoir qui est frappante (ceci dit sans mauvais jeux de mots) : organiser la désinformation à l’aide de médias dont l’incrédibilité est devenue pire que celle de la Pravda soviétique, favoriser la montée de la violence en manipulant les manifestants par infiltration de vrais-faux casseurs, et laisser la bride sur le coup aux forces de l’ordre, équipées de matériel militaire et sommées de s’en servir. Manifester, cela veut maintenant dire risquer la mutilation. Certains soupçonnent même que l’utilisation d’armes chimiques — par les « gilets jaunes » — serait imminente. Tout ceci nous rappelle quelque chose, mais quoi ?

 

Michel Weber

 

Philosophe ; a publié récemment Pouvoir, sexe et climat. Biopolitique et création littéraire chez G. R. R. Martin, Avion, Éditions du Cénacle de France, 2017 & Contre le totalitarisme transhumaniste : les enseignements philosophiques du sens commun, Limoges, FYP éditions, 2018 ; voir https://chromatika.academia.edu/MichelWeber. Il contribue également au journal Kairoshttp://www.kairospresse.be/.

(*) Paul Nizan, Les Chiens de garde [1932]. Nouvelle édition, Paris, François Maspero, 1965, p. 89.

URL de cet article 34271 
https://www.legrandsoir.info/les-gilets-jaunes-la-russie-et-le-debut-de-la-fin-du-petrole.html

 

 

 

La grande journaliste Florence Aubenas a effectué une enquête approfondie sur les gilets jaunes. Elle répond sans fard aux questions de Léa Salamé sur France Inter par une analyse fine et sans détours.

 

 

 

Il y a à boire et à manger dans ce qu’écrit Michel Weber. Quand il pose au départ la question de la démocratie et de sa nature, il a raison. Et cette question est liée à la crise économique dont il situe le départ en 1968. Il est vrai que les secousses de l’année 68 un peu partout en Europe aussi bien à l’Est qu’à l’Ouest du rideau de fer, mais aussi et surtout dès 1967 aux Etats-Unis empêtrés dans la guerre du Vietnam ont marqué le grand bouleversement des équilibres géopolitiques mais aussi sociaux et économiques de l’après Seconde guerre mondiale.

 

 

Cette crise, comme l’écrit Weber, a provoqué une longue et continue baisse du niveau de vie de la classe ouvrière et des classes moyennes accompagnée de l’installation d’un pouvoir élitaire qui contrôle la démocratie représentative qui finit par n’être qu’holographique, car les mots n’ont plus leur sens : « démocratie » ou pouvoir du peuple par le peuple est un non-sens, « représentative » n’a aucune signification, car on sait très bien qui sera d’avance élu et qui sera censé diriger, d’autant plus que le véritable pouvoir de décision se situe loin des hémicycles parlementaires et des salles de réunion des conseils des ministres.

 

Néanmoins, notre philosophe ne se penche pas sur la question de la démocratie directe qui revient à l’ordre du jour avec la revendication par les gilets jaunes du RIC – le Référendum d’Initiative Citoyenne – basée sur le modèle suisse. Pierre Khalfa, co-président de la Fondation Copernic et membre du Conseil d’ATTAC a fait une excellente analyse de la question de la démocratie représentative en remontant aux origines :

 

 

« Ce refus de la démocratie représentative a des racines profondes. Historiquement au XVIIIe siècle, « le gouvernement représentatif » s’est mis en place pour empêcher la participation des classes populaires aux décisions du gouvernement. Aux XIXeet XXesiècles, la fin du suffrage censitaire et l’instauration du suffrage universel [6], arrachés de haute lutte, semblent transformer la nature du lien représentatif. La mise en place progressive d’un État social vient conforter le système dont la démocratisation s’accompagne de conquêtes sociales importantes. Le gouvernement représentatif se mue en démocratie représentative qui s’articule en quatre éléments : le suffrage universel, l’existence de droits fondamentaux et de droits sociaux, l’existence de contre-pouvoirs puissants, un espace public qui permet la confrontation des points de vue. »

 

Mais :

 

« Ces quatre éléments sont aujourd’hui remis en cause. La montée de l’abstention, surtout dans les classes populaires, fait apparaître ce que certains ont pu appeler un « cens caché ». Les droits fondamentaux et les droits sociaux sont attaqués de toutes parts. Les contre-pouvoirs traditionnels sont très affaiblis. Les partis politiques de gauche et les syndicats connaissent une crise profonde : non seulement, l’imaginaire émancipateur sur lequel ils s’appuyaient a disparu, mais ils ont été incapables de bloquer la vague néolibérale et leur mode de fonctionnement vertical et hiérarchique entre en contradiction avec les aspirations des individus à l’autonomie. L’espace public était traditionnellement un espace où la plupart des individus étaient des spectateurs et où s’affrontaient des personnes reconnues comme qualifiées (expert.es, responsables politiques ou syndicaux, journalistes). L’arrivée d’internet a totalement changé la donne pour le meilleur (démocratisation des possibilités de production et diffusion de l’information et du commentaire), et pour le pire (règne de la rumeur, force des visions complotistes qui n’ont pas épargné le mouvement actuel, apparition aujourd’hui de la « post-vérité »).

 

La transformation du gouvernement représentatif en démocratie représentative n’a donc pas modifié la nature profonde du système. Nous vivons dans une oligarchie élective libérale : oligarchie, car nous sommes gouvernés par un petit nombre d’individus au service des plus riches ; élective, car nous sommes appelés régulièrement à choisir par notre vote ces individus ; libérale, car nous avons historiquement arraché un certain nombre de droits, que les classes dirigeantes essaient d’ailleurs en permanence de remettre en cause. »

 

Justement, on peut regretter le paragraphe « complotiste » du texte de Weber : reprendre la thèse des médias anglo-saxons qui veut que la Russie soit derrière la contestation des gilets jaunes ne semble pas tenir la route. Les gilets jaunes utilisent le réseau social russe VKontact qui est beaucoup moins sophistiqué que Facebook qui se livre de plus en plus à la censure. Est-ce pour cela que « l’Etat profond » russe manipule les GJ ? C’est un pas que nous ne franchirions pas. D’ailleurs, l’ancien ambassadeur français en Russie Claude Blanchemaison balaye d'un revers de la main et déclare à Sputnik News après la grande conférence de presse de fin d’année de Vladimir Poutine:

 

 

«Je n'y crois pas, tout simplement. Je ne suis pas de ceux qui se rangent parmi les complotistes. Les thèses complotistes me paraissent toujours être des solutions de facilité pour éviter de chercher la véritable explication.»

 

D'autant plus que, d'après le diplomate, ces thèses insultent l'intelligence des Français. Il ajoute:

 

«C'est mépriser profondément la population française que de penser qu'elle peut être manipulée de l'extérieur par des services russes ou américains.»

 

Le mouvement des gilets jaunes est tout à fait inédit. C’est cela qui a désarçonné le pouvoir officiel. Khafka ajoute :

 

 

« Ils ont d’abord amené un démenti pratique au populisme de gauche pour qui « il faut construire le peuple ». Ils se sont construits eux-mêmes et n’ont pas eu besoin d’un leader charismatique pour cela. L’auto-organisation, favorisée par les réseaux sociaux, a permis non seulement l’organisation d’actions concrètes à l’échelle locale et nationale, mais aussi une discussion collective sur les revendications. Le refus de tout représentant, même provisoire, celui de tout porte-parole, de toute délégation a donné au mouvement ce caractère non contrôlable qui a paniqué le pouvoir. Cette auto-organisation a été une des forces principales du mouvement. »

 

C’est en cela que les corps intermédiaires et spécialement les organisations syndicales se trouvent marginalisés. Alors que les revendications des GJ sont de leur ressort, les syndicats ne les ont pas exprimées et font du suivisme. En plus, on constate que les grandes mobilisations syndicales contre la loi travail, par exemple, n’ont donné aucun résultat, alors que le mouvement des gilets jaunes vient d’obtenir en partie satisfaction sur l’aspect financier de ses revendications dans la précipitation et la confusion d’un pouvoir aux abois.

 

Tout cela est loin d’être terminé. Aussi, nous partageons la conclusion provisoire de Pierre Khafka :

 

« Mouvement hétérogène, les gilets jaunes n’ont pas manqué de conflits internes. La presse s’est faite l’écho de conflits entre groupes occupant des ronds-points différents et divisés sur ce qu’il fallait faire et défendre. Rien que de plus normal dans un mouvement social. La présence active de l’extrême droite n’a pas réussi à marquer, pour le moment, en profondeur le mouvement qui est resté sur le terrain social et démocratique. Des incidents racistes et homophobes ont eu lieu, mais ils sont restés limités. La question des migrant.es que le RN voulait mettre au centre du mouvement est restée marginale même si les formulations les concernant dans la liste des 42 revendications des gilets jaunes sont pour le moins problématiques. Les visions complotistes autour du pacte mondial sur les migrations de l’ONU, massivement reprises sur internet et par certaines figures en vue des gilets jaunes, n’ont pas eu de prise réelle sur le mouvement, de même que les accusations délirantes portées contre le gouvernement à propos de l’attentat terroriste de Strasbourg.

 

Mais cela pose la question de savoir comment un tel mouvement peut arriver à débattre en son sein et à construire des consensus. Ainsi l’élaboration et l’adoption des 42 revendications apparues comme étant celles du mouvement est entourée d’un certain mystère… De même, le refus de toute délégation amène les médias à faire leur propre choix et à sélectionner celles et ceux qu’ils estiment être « des bons clients », créant donc, de fait, des porte-paroles. Ce mouvement a posé des problèmes fondamentaux qui ne sont donc pas résolus. Son avenir reste imprévisible et plusieurs possibles cohabitent : un rebond des mobilisations sociales ? Un mouvement syndical reprenant l’initiative, une alternative à gauche revigorée, l’extrême droite tirant les marrons du feu… à moins que cela ne débouche sur un mouvement cinq étoiles à la française comme certains gilets jaunes l’ont déjà annoncé avec l’intention de présenter une liste aux élections européennes ? A l’heure où ces lignes sont écrites tout est possible, même le pire. »

 

Wait and see.

 

A suivre, donc.

 

 

Pierre Verhas

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires