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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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13 janvier 2023 5 13 /01 /janvier /2023 10:50

 

 

Il y a bien longtemps, en 1848, Karl Marx publiait à Bruxelles avec son ami Friedrich Engels un petit ouvrage intitulé « Manifeste du Parti communiste »., ouvrage qui a eu un retentissement planétaire. Son premier chapitre « bourgeois et prolétaires » débute par cette sentence fameuse : « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours a été l’histoire de la lutte des classes. » Ensuite, il décrit et explique le développement de la bourgeoisie industrielle et du prolétariat exploité et soumis à un régime quasi militaire au travail, avec une hiérarchie d’officiers et de sous-officiers – les « petits chefs », comme on dit aujourd’hui. Si, bien entendu, depuis 1848, la bourgeoisie et le prolétariat ont évolué, la profonde nature de l’antagonisme de classes est toujours là. Et Marx et Engels concluent : « L'existence et la domination de la classe bourgeoise ont pour condition essentielle l'accumulation de la richesse aux mains des particuliers, la formation et l'accroissement du Capital ; la condition d'existence du capital, c'est le salariat. Le salariat repose exclusivement sur la concurrence des ouvriers entre eux. Le progrès de l’industrie, dont la bourgeoisie est l'agent sans volonté propre et sans résistance, substitue à l'isolement des ouvriers résultant de leur concurrence, leur union révolutionnaire par l'association. Ainsi, le développement de la grande industrie sape, sous les pieds de la bourgeoisie, le terrain même sur lequel elle a établi son système de production et d'appropriation. Avant tout, la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables. »

 

 

 

Karl Marx et Friedrich Engels qui bouleversèrent le monde par leurs analyses sans concessions

Karl Marx et Friedrich Engels qui bouleversèrent le monde par leurs analyses sans concessions

 

 

 

Ce texte est d’une profonde actualité, si on y réfléchit bien. Mais la « victoire du prolétariat » n’est plus inévitable, car la puissance de la bourgeoisie industrielle et financière mondialisée est énorme. Jamais, dans l’histoire, une classe sociale ne disposât de tant de pouvoirs, alors que Marx pensait qu’elle finirait par être affaiblie. C’est là une de ses grandes erreurs.

 

 

Dans un long entretien publié par le journal économique belge « l’Echo », le juge Michel Claise désormais célèbre depuis le fameux « Qatargate », décrit la criminalité financière et propose des moyens pour tenter de l’éradiquer.

 

 

 

Le juge Claise dénonce les moyens insuffisants de la Justice en matière de criminalité financière.

Le juge Claise dénonce les moyens insuffisants de la Justice en matière de criminalité financière.

 

 

 

Tout d’abord, le juge insiste : la criminalité financière est intimement liée à la corruption. Et la Belgique qui abrite, ne l’oublions pas, le siège de l’OTAN et celui des Institutions européennes, sans compter ceux de nombreuses entreprises transnationales, est très mal classée en matière de corruption par le GREco (Groupe d’Etats contre la Corruption), une émanation du Conseil de l’Europe. Claise dénonce en la matière un immobilisme du gouvernement et des autorités belges. « L'incompétence des gouvernants à lutter contre la corruption crée un sentiment d'impunité pour les organisations criminelles. »

 

La corruption est générale. Le magistrat cite ce qu’il se passe au port d’Anvers qui est devenu une véritable passoire pour les trafiquants de drogue à grande échelle. Les trafiquants corrompent des dockers, des policiers. Il cite l’exemple d’un policier des chemins de fer qui a tenté de corrompre des douaniers pour un million d’euros pour laisser passer un container bourré de cocaïne !

 

 

Un vaste programme

 

 

 

Michel Claise fait une série de propositions pour lutter contre le fléau de la criminalité financière qui constitue en définitive un danger majeur pour la société démocratique et aussi pour les travailleurs. En premier lieu, il propose la création d’un Parquet national financier indépendant des autres parquets et même du Parquet fédéral. Il exprime son soutien au Procureur fédéral qu’il considère comme indépendant, mais il considère que les autres procureurs ont chacune et chacun une dette à l’égard du politique et, dès lors, ne peuvent être réellement indépendants. Et, le juge d’instruction ne le dit pas ouvertement, le monde politique est très perméable à la corruption. Il y a dans ce « microcosme » un sentiment d’impunité qui ouvre la porte à toutes les dérives. En second lieu, il souhaite que comme avant, il y ait un secrétaire d’Etat à la lutte contre la criminalité financière qui serait « une interface entre les ministères de la Justice, de l’Intérieur, des Affaires étrangères et des Finances. » On pourrait ainsi faire un état des lieux de la criminalité financière et de son impact sur la société et la démocratie, sans oublier sur les finances publiques en fondant une équipe de spécialistes – des sociologues et des économistes – et aussi faire appel à des institutions internationales comme le FMI, l’OCDE et des ONG comme Transparency International. Claise conclut : « Une fois que les montants de la criminalité financière seront connus, le monde politique ne pourra pas faire marche arrière. » Vaste programme !

 

 

Le juge Claise n’a bien sûr pas dit un mot sur le « Qatargate » (voir « Uranopole » : https://uranopole.over-blog.com/2022/12/d-un-parlement-a-l-autre.html ). C’est normal, ce dossier est en cours d’instruction et il est tenu au secret qui, par ailleurs, facilite son enquête.

 

 

Cependant, on peut se poser une question : le montant de l’argent de la corruption versé en liquide s’élève à 1 500 000 €. C’est peu pour « arroser » une poignée de députés et d’attachés parlementaires indélicats ! Quand on compare avec la centaine de tonnes de cocaïne saisie par les douanes au port d’Anvers, 500 millions d’€, le montant aujourd’hui découvert de la corruption au Parlement européen, est dérisoire ! On se demande aussi comment cet argent a été « donné » en liquide, alors qu’il suffisait d’ouvrir un compte d’une société offshore « bidon » dans un paradis fiscal ! Et cela aurait été ni vu ni connu ! Et puis, il y a un autre volet à cette affaire : l’espionnage pour le Maroc et le Qatar pour lequel Panzeri qui semble de plus en plus être la cheville ouvrière de cette brillante équipe, aurait joué les agents doubles. Sans doute – si c’est avéré – que là, il y aurait beaucoup d’argent bien caché celui-là. Mais, c’est encore à l’état d’hypothèse.

 

 

Nous reparlerons de cette affaire qui aura de graves conséquences pour l’Union européenne et ses institutions gangrénées par le lobbyisme et en outre le seul pouvoir européen démocratique : le Parlement européen.

 

 

C’est d’ailleurs l’affolement : Madame Roberta Matsola, la présidente maltaise du Parlement européen, planche sur un nouveau règlement interne pour qu’il y ait plus de transparence dans les actes de eurodéputés et leurs conséquences. On peut se poser la question : pourquoi cela n’a pas été fait auparavant ? Cela aurait évité une affaire qui flétrit, comme nous l’avons déjà écrit, la seule institution européenne démocratique.  

 

 

 

Il s'en passe des choses au "Caprice des dieux" à Bruxelles.

Il s'en passe des choses au "Caprice des dieux" à Bruxelles.

 

 

 

Il faut ajouter que certains eurodéputés ne respectent même pas le règlement actuel. Ainsi, Marie Arena qui vient de démissionner de la présidence de la sous-commission des Droits humains du Parlement européen, avoue au « Soir » du 12 janvier qu’elle a effectué un voyage de deux jours au Qatar pour assister à un colloque sur les Droits humains au Qatar, tous frais payés par ce pays. Le règlement stipule que même si un député voyage à des fins politiques sans que le Parlement n’intervienne dans les frais, il est tenu de le signaler à la présidence. Arena ne l’a pas fait et accuse son secrétariat ! Entre parenthèses, on aimerait bien lire les actes de ce colloque ultracourt !

 

 

 

 

L'eurodéputée socialiste belge Marie Arena est dans la tourmente

L'eurodéputée socialiste belge Marie Arena est dans la tourmente

 

 

 

La criminalité financière, c’est le capitalisme.

 

 

L’Union européenne depuis le traité de Maastricht de 1992, impose une politique d’austérité aux Etats-membres. Depuis lors, comme l’écrit le professeur Nuccio Ordine dans un petit livre décapant que nous analyserons dans un prochain post, « L’utilité de l’inutile » paru aux éditions les Belles Lettres : « L’Europe ressemble désormais à un théâtre sur la scène duquel vient surtout s’exhiber, chaque jour, des créanciers et des débiteurs. (…) Comme l’ont observé divers économistes, la cure d’austérité, bien loin de guérir le malade, semble devoir inexorablement, semble devoir inexorablement l’affaiblir toujours davantage. Indépendamment de la question de savoir pour quelles raisons les entreprises et les Etats se sont endettés à ce point, on ne peut que s’étonner de voir comment la rigueur épargne la corruption galopante et les rémunérations fabuleuses d’anciens politiciens, de manageurs, de banquiers et de super consultants, et de constater que les nombreux acteurs de la dérive récessionniste ne sont en rien troublés par le fait que ceux qui en paient le prix sont surtout les classes moyennes et les plus faibles, ces millions d’innocents à qui on enlève leur dignité. »

 

 

La criminalité financière s’inscrit dans cette implacable logique. La criminalité financière fait partie intégrante de la criminalité organisée et comme le déclare Madame Francisca Bostyn, administratrice générale ad interim de la Sûreté de l’Etat : « Le crime organisé peut saper les structures de l’Etat. » (« Le Soir » du 13 janvier 2023)

 

 

En définitive, quand on voit le pouvoir croissant des grandes entreprises transnationales comme les fameuses GAFAM ou les grandes banques comme Goldman Sachs aux Etats-Unis et Rothschild à Londres et à Paris, que les Etats ne se dotent pas des moyens pour lutter contre le fléau de la criminalité financière, on ne peut en tirer qu’une conclusion, Monsieur le Juge : la criminalité financière, c’est le capitalisme.

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

 

 

 

 

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