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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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4 septembre 2023 1 04 /09 /septembre /2023 09:32

 

 

En cette rentrée, tous les vieux démons que l’on pensait endormis se sont réveillés. À Paris, le tout frais émoulu ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal, 34 ans, considéré comme le successeur potentiel de Macron, y est allé de sa tonitruante décision : l’interdiction dans l’espace scolaire de l’abaya, cette longue robe que portent les jeunes filles musulmanes considérée comme un signe religieux.

 

 

Curieuse priorité alors que l’école vit un manque criant de moyens, que les classes sont surpeuplées, qu’il y a une grave pénurie de profs, que les bâtiments scolaires deviennent de véritables taudis, plus grave, en France comme en Belgique francophone, la disparité entre élèves issus des milieux favorisés et ceux provenant de familles précarisées est équivalente à trois années scolaires ! Non, le ministre tient à avoir son « affaire du voile » ! Les milieux laïques se réjouissent de cette décision, les islamistes se mobilisent pour attaquer le ministre. On peut donc s’attendre à de sérieux troubles dans les semaines à venir. Il faut dire aussi que Macron qui a pris l’éducation comme domaine privé du Président de la République, n’envisage des réformes que dans le domaine économique au plus grand intérêt des entreprises. Par exemple, son projet de réforme du lycée professionnel. Il est prêt à sacrifier une génération dans le seul intérêt de l’économie financière ! Ce n’est pas pour rien que certains l’appellent le « banquier éborgneur » …

 

 

 

Une rentrée islamo-bordélique

 

 

Autre réaction sur l’Islam. Elle se passe à l’Université Libre de Bruxelles, le temple de la Pensée libre et du Libre examen. Nadia Geerts, la militante laïque débauchée par l’entarté GLOUB pour le « Centre Jean Gol », le bureau d’études du très droitier MR, dénonce dans une tribune à la très catholique « Libre Belgique » la présence d’une salle de prières musulmanes clandestine dans un couloir du campus. Clandestine ? On apprend que ce discret fond de couloir où des étudiants musulmans de l’Université viennent prier, est connu des autorités universitaires depuis huit ans, sans que personne n’y trouve à redire. C’est en effet loin d’être une mosquée en plein Alma mater ! Jusqu’à présent, ces prières n’ont provoqué aucun désordre, aussi a-t-on laissé les choses en l’état. Comme le déclare Hervé Hasquin, ancien Recteur et Président de l’ULB dans la « Libre Belgique » des 2 et 3 septembre 2023 : « A partir du moment où ça ne perturbe pas le vivre-ensemble à l'université, que ça n'empêche pas d'aller aux cours, de faire de la recherche, de faire fonctionner l'institution, personnellement, je n'y vois pas à redire. C'est équivalent à un cercle d'étudiants qui a ses pratiques. »

 

 

 

Nadia Geerts a l'art de jeter de l'huile sur le feu.

Nadia Geerts a l'art de jeter de l'huile sur le feu.

 

 

 

Nadia Geerts par son intervention intempestive a déclenché un séisme qui ne peut que profiter qu’aux extrémistes musulmans qui ont l’art de se faire passer pour martyrs des « mécréants ». Belle victoire de la laïcité ! Merci Nadia !

 

Ménager la chèvre et le chou.

 

En réponse, la Rectrice de l’ULB, Madame Annemie Schaus s’est fendue d’un communiqué sibyllin :

 

« L’Université libre de Bruxelles constitue vous le savez un espace de liberté, une Université ouverte, où plus d’un tiers de la communauté universitaire vient de l’étranger, une Université respectueuse aussi de la diversité. La liberté d’expression et d’opinion, la liberté de conscience et la liberté de religion ou de conviction y sont respectées de manière forte et engagée. Ce respect se marque notamment par la tolérance de l’Institution à l’égard des signes convictionnels ou politiques portés par les étudiantes et les étudiants, pour autant qu’ils ne soient pas attentatoires à la loi.


Dans le respect de la liberté individuelle, notre Université ne peut pour autant pas accéder à toutes les demandes qui lui seraient faites d’aménager ses espaces, ses horaires de cours ou son mode de fonctionnement général en fonction des contraintes à caractère privé des uns et des autres. Ses campus sont dédiés en priorité à l’étude et à la recherche. Les demandes d’installation de lieux de prières, de culte ou de recueillement ne sont et ne seront dès lors pas acceptées par les autorités de l’Université. »

 

Bon ! la Rectrice ménage la chèvre et le chou. Que peut-elle faire d’autre, en effet ? A part pousser des cris d’orfraie comme Nadia Geerts, on ne peut en rien éradiquer ce phénomène.

 

La stratégie de la tension

 

Certes, il ne faut pas être dupe. Les prières, l’accoutrement des femmes musulmanes sont évidemment des signes de prosélytisme d’une religion et surtout de ses règles, comme la soumission de la femme, ce qui est insupportable pour notre société libre. Cependant, que va-t-on obtenir en déclenchant à nouveau une « guerre vestimentaire » ? Tout d’abord, un climat de tension ce qui n’est guère propice à un climat d’études et de recherches, ensuite d’interminables et pénibles polémiques. C’est vraiment perdre son temps pour, pardonnez l’expression, « foutre le bordel » !

 

Piqûre de rappel

 

Une petite piqûre de rappel, cependant. En 1992 à Ixelles, une commune de la Région bruxelloise, disparaissait une jeune adolescente d’origine marocaine Loubna Benaïssa. On était en plein dans l’affaire Dutroux et l’opinion a vite fait de lier les deux affaires. Sa sœur aînée Nabela (Nabela signifie « noble » en arabe) se mobilise pour sensibiliser l’opinion publique. Elle se présente en tenue traditionnelle : voile et abaya. Personne ne trouve rien à redire. Au contraire, on admire cette jeune-fille toujours posée, tenant des propos intelligents. Son plus bel exploit est d’avoir réussi par sa seule force de persuasion à empêcher le déclenchement d’une émeute au Palais de Justice de Bruxelles. En 1997, la police découvre enfin ce qu’il s’est passé. Loubna a été enlevée, violée et tuée par le pompiste du coin ! La famille Benaïssa fit son deuil à la Grande mosquée de Bruxelles. Nabela n’apparut plus dans les médias. Elle fit des études d’avocat à l’ULB, ôta ses habits musulmans et entama une vie « normale » aux Etats-Unis. Le professeur Guy Haarscher de l’ULB a dit à son sujet : « Nabela Benaïssa a réussi là où dix ans de campagne antiraciste ont échoué. » Voilées ou non, ces jeunes musulmanes sont avant tout des femmes et des citoyennes ! Ne l’oublions pas.

 

 

Nabela Benaïssa en conversation avec le roi Albert II. Personne, à ce moment-là, ne mettait en question sa tenue.

Nabela Benaïssa en conversation avec le roi Albert II. Personne, à ce moment-là, ne mettait en question sa tenue.

 

 

 

Concluons : le véritable enjeu de ces cacas nerveux sur le voile, l’abaya et  les salles de prières est le heurt entre deux conceptions fondamentales de la société : la laïcité place la société civile au-dessus de toutes formes de religion ou de conviction philosophique. Les musulmans considèrent que la règle religieuse est au-dessus des lois civiles. L’échec de l’intégration est de ne pas avoir réussi à en convaincre les immigrés musulmans. Dès lors, il y a inéluctablement un conflit majeur qui est encore sous le boisseau. Et il comprend plusieurs aspects.

 

Universalisme versus communautarisme

 

Lors d’un de mes périples en Palestine, j’ai eu l’occasion de rencontrer un dirigeant palestinien, encore jeune et qui avait fait ses études en Europe. Il m’a dit, entre autres, que la grande faiblesse de la société arabe est le patriarcat. Or, le patriarcat est directement issu de la religion qui marginalise la femme dans son statut inférieur et pas seulement par des « obligations » vestimentaires. Les laïques, au contraire, militent pour l’égalité hommes femmes, mais ils s’attaquent uniquement à la périphérie du problème.  C’est prendre les choses par le « bout de la lorgnette ». La tenue, en soi, est un aspect secondaire, voire marginal.

 

Les occidentaux sont eux-mêmes divisés à ce sujet : les Anglo-saxons acceptent le communautarisme, tandis que les Européens défendent une laïcité rigoureuse sur la base de l’universalité. Cependant, ce combat pour l’universel contre le communautaire, pour l’union contre le séparatisme est essentiel pour l’avenir de notre société, mais, de grâce, trouvons une stratégie digne de ce nom, car, là, on est loin du compte.

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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