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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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6 octobre 2013 7 06 /10 /octobre /2013 10:17

démocratique.

 

Le royaume de Belgique qui se veut être exemplaire dans le « concert » des nations et particulièrement dans l’Union  européenne dont il fut un des fondateurs, l’est beaucoup moins en matière de droits de l’homme, par le non respect évident de la Convention européenne des droits de l’homme.

 

La Belgique a ratifié cette Convention et a ses délégués à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg (). Elle y envoie siéger des magistrats comme tous les Etats signataires. Mais, à plusieurs reprises, cette Cour a condamné la Belgique dans le cadre de différentes décisions de Justice qu’elle juge contraire aux dispositions de ladite Convention.

 

Trabelsi est avant tout un homme !

 

En plus, l’on constate depuis peu une évolution inquiétante. En passant outre des arrêts de la Cour européenne et des décisions de tribunaux belges, non seulement les autorités belges violent sans vergogne les principes de base du droit démocratique, mais renoncent à la souveraineté du pays.

 

 

 

Nizar-Trabelsi--copie-3.jpg 

  Nizar Trabelsi est avant tout un homme et ses droits sont inaliénables comme pour tous les hommes !

 

 

Nizar Trabelsi ne représente certes pas notre idéal. Mais il est avant tout un homme qui a des droits inaliénables comme pour tous les hommes. Cet ancien footballeur professionnel tunisien a été arrêté en septembre 2001 dans la région bruxelloise, soupçonné de préparer un attentat pour le compte d’Al Qaeda contre l’ambassade des Etats-Unis en France. En outre, il est soupçonné d’avoir planifié une attaque suicide contre la base militaire belge de Kleine Brogel où se trouvent des armes nucléaires étatsuniennes. En 2004, Trabelsi qui ne nie pas, est condamné à dix ans de prison par un tribunal belge pour ce projet d’attentat. C’est la peine la plus sévère. L’attaque de l’ambassade étatsunienne n’a pas été retenue par les juges.

 

En novembre 2007, un grand jury du district de Columbia aux USA incrimine Nizar Trabelsi de « participation à une association de malfaiteurs visant à l'assassinat de ressortissants américains en dehors des États-Unis », d'« association de malfaiteurs pour l'usage et la tentative d'usage d'armes de destruction massive » et de « soutien matériel et des ressources [financières] à une organisation terroriste étrangère ». Sur la base de ces soupçons, les USA demandent l’extradition de Trabelsi à la Belgique en 2008. Pendant cinq années, l’intéressé fera tous les recours possibles pour éviter cette extradition. Et pour cause ! Il risque la peine de mort.

 

C’est le principal argument des défenseurs de Trabelsi. En effet, conformément aux droits de l’homme et à la loi belge, on ne peut extrader une personne inculpée ou non dans un pays où elle risque la peine de mort. La Belgique interroge la Justice américaine à ce sujet. La réponse du ministre étatsunien de la Justice est sans équivoque : « Trabelsi risque d’être exposé à deux fois la perpétuité sans possibilité de remise de peine » (two times life without parole). Cela équivaut à une mise à mort, même si formellement, ce n’est pas la peine capitale qui s’applique en l’espèce. Et jusqu’à présent, aucune preuve des accusations étatsuniennes n’a été apportée.

 

Une procédure accélérée

 

L’affaire a traîné plusieurs années et tout à coup les choses se sont précipitées. Le gouvernement belge vient d’extrader Trabelsi.

 

La procédure qui a mené à l’accélération inattendue de cette extradition est scandaleuse et constitue un dangereux précédent. Comme les différents tribunaux belges avaient admis la légalité de l’extradition, les avocats de Trabelsi ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Celle-ci a décidé, avant de se prononcer, d’attendre le résultat de l’ultime recours possible de Trabelsi devant le Conseil d’Etat de Belgique. Il rejette le recours le 23 septembre 2013. Donc, en principe, plus rien ne s’oppose à son extradition, sauf la CEDH qui a fait savoir qu’elle rendrait son arrêt fin octobre, début novembre au plus tard.  Malgré cela, la ministre de la Justice Annemie Turtelboom autorise l’extradition en se basant sur le seul arrêt du Conseil d’Etat. Trabelsi est finalement extradé vers les USA le 3 octobre !

 

Personne n'est au courant. Ni les avocats, ni l'intéressé lui-même. Episode sordide : selon la presse flamande, Nizar Trabelsi est sorti de sa cellule. Il était revêtu d'un costume de mariage. Il croyait qu'on le conduisait dans une autre prison pour qu'il puisse y célébrer le mariage qu'il projetait. Ce fut direction aéroport...

 

 

 

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 La ministre belge de la Justice, Annemie Turtelboom aime tirer sur tout ce qui bouge ! 

 

 

Selon son conseil, le gouvernement aurait précipité les choses pour deux raisons. En premier lieu, son avocat avait introduit un recours contre l’extradition devant le tribunal de première instance qui a rendu son jugement le 4 octobre – donc un jour trop tard – interdisant au gouvernement d’extrader Trabelsi étant donné le recours auprès de la CEDH. Personne, ni la famille, ni les avocats, ni le tribunal n’était au courant du départ de l’intéressé ! L’autre raison : « Le 9 juillet, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a, dans un arrêt de principe et dans un dossier très proche de celui de Nizar Trabelsi, constaté une violation de la Convention européenne des droits de l’homme. La Belgique a sans doute anticipé une décision de Strasbourg qui serait allée dans le même sens. » (La Libre Belgique, 4 octobre 2012)

 

 

« La Belgique se prostitue aux Américains ! »

 

 

Donc, le gouvernement belge a « dribblé » le tribunal et la CEDH et viole ainsi sans vergogne les droits de l’homme !

 

Il est certain qu’il s’agit là d’une décision politique. La Belgique a « obéi » aux Etatsuniens. Elle héberge le siège de l’OTAN, dont l’actuel ministre de la défense, le très droitier Pieter De Crem, ambitionne le secrétariat général bientôt vacant. Un contingent belge se trouve toujours en Afghanistan, alors que plusieurs pays se sont retirés. Bref, il y a un alignement systématique de ce royaume sur la politique étatsunienne.

 

 

 

Didier-Reynders-et-Pieter-De-Crem-.jpg 

  Didier Reynders et Pieter De Crem : deux zélés serviteurs de "l'Occident". 

 

 

À ce titre, la Belgique renonce à sa souveraineté. Furieuse, la femme de Trabelsi a crié : « La Belgique se prostitue devant les Américains ! »

 

N’oublions pas Ali Arrass.

 

D’ailleurs, il n’y a pas que Trabelsi. Ali Arrass qui a la double nationalité belge et marocaine est lui aussi soupçonné de terrorisme, alors qu’il n’y a aucun élément réellement probant.

 

 

 

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L'épouse d'Ali Arrass devant son portrait craint pour son mari. 

 

En avril 2008, Ali Arrass est incarcéré dans une prison espagnole soupçonné de terrorisme. Il doit être extradé vers le Maroc. En octobre 2010, la section espagnole d’Amnesty International s’inquiète de son sort. En effet, en 2006, l’Audience nationale d’Espagne a ouvert une information contre Arrass pour faits de terrorisme. Faute de détenir des éléments probants, cette juridiction renonce provisoirement à ses poursuites en mars 2009. Malgré cela, Ali Arrass reste en prison. Amnesty International lance un appel à sa libération et à renoncer à l’extradition, car au Maroc, il risque d’être mis au secret et torturé.

 

Malgré le jugement du tribunal espagnol, malgré la recommandation du Comité des droits de l’homme de l’ONU et les risques qu’il encourt au Maroc, Madrid extrade Arrass. Il est pris en charge par la police spéciale marocaine. On devine ce que cela signifie. Mais il ne cesse de proclamer son innocence. On va même jusqu’à rédiger de faux aveux sur un papier en arabe. Or, Arrass est incapable d’écrire en arabe ! Par contre, il dépose plainte contre la torture. Cela n’aura évidemment pas de suite.

 

Ali Arrass sera condamné le 7 mai 2012 par un tribunal marocain à douze années de prison.

 

Le prétexte fallacieux de Reynders

 

Ses avocats et sa famille restée en Belgique font appel au gouvernement belge pour qu’Arrass, comme tout citoyen belge emprisonné à l’étranger, bénéficie de l’assistance consulaire. Refus du ministre des Affaires étrangères, le libéral ami de Sarkozy, Didier Reynders, sous prétexte qu’Arrass a la double nationalité belge et marocaine. Or, ce sont, d’après lui, les Marocains qui ont la priorité en l’espèce puisqu’il se trouve sur le territoire du Maroc.

 

Donc, voilà un citoyen belge extradé illégalement par l’Espagne, condamné sans preuve au Maroc, ayant subi la torture, qui est abandonné par les autorités de son pays ! Le prétexte de la double nationalité est d’ailleurs fallacieux. En effet, un Marocain naturalisé belge, garde toujours sa nationalité d’origine selon la loi marocaine. Donc, tout Marocain naturalisé belge ne pourra bénéficier de l’aide consulaire en ce pays. Et puis, que valent ces arguties juridiques devant le traitement intolérable infligé à Arrass ?

 

 

 

  torture_arrass.jpg

 

 

  Les dessins qu'Ali Arrass est parvenu à faire sortir de sa prison et qui montrent les tortures qui lui ont été infligées. Manifestement, cela laisse Reynders de marbre.

 

 

Récemment, Ali Arrass a fait parvenir des dessins de sa plume montrant les tortures qu’il a subies. Il avait effectué une grève de la faim qu’il vient d’arrêter. Son sort est toujours entre les mains de Reynders qui refuse de bouger, malgré les pressions de nombreux parlementaires, de comités de soutien, de sa famille.

 

Là encore, la Belgique s’écrase, au nom de la « guerre contre le terrorisme », devant des autorités totalitaires, sans respect des droits les plus élémentaires et jetant en geôle, sans preuve, des hommes et des femmes qui pourraient déranger.

 

Que fait le Premier ministre Socialiste du cas Arrass ?

 

Arrass n’abandonne pas le combat. Il a fait un nouveau recours devant la cour d’appel marocaine, mais lors de la dernière audience en appel, lundi 30 septembre, Ali Aarrass « a tenté d'expliquer la torture à laquelle il a été soumis » mais « la Cour a refusé d'écouter », affirme le communiqué de ses avocats, selon lesquels « il a juste pu dire qu'il avait été attaché à un arbre et roué de coups jusqu'à l'évanouissement ».

 

En l'absence  d'une réponse du Comité contre la torture des Nations unies, qui avait été saisi en extrême urgence d'une demande visant à obliger le Maroc à réaliser une enquête indépendante, sa « condamnation inique était devenue inéluctable », selon le communiqué. « Un recours en cassation sera introduit dans les jours qui viennent », annoncent ses avocats.

 

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 Qu'attend Elio Di Rupo, Premier ministre socialiste, pour réagir ? 

 

 

S’il n’y a pas un changement fondamental dans l’attitude du gouvernement belge, si les Socialistes qui ont le poste de Premier ministre ne font pas pression sur le libéral Reynders, il y a peu d’espoir qu’Ali Arrass qui fait preuve d’un courage et d’un esprit de résistance exceptionnels, soit libéré.

 

La transaction de classe

 

Un troisième aspect méconnu des pratiques politico-judiciaires en Belgique vient d’être dénoncé par l’édition belge de l’hebdomadaire « Marianne ».

 

La Belgique, plaque tournante des trafics de toute sorte, du blanchiment d’argent sale, de la fraude fiscale, de par sa position géographique en Europe et du fait qu’elle accueille l’OTAN et les institutions européennes ainsi que les sièges de nombreuses multinationales, est évidemment au centre d’affaires judiciaires aussi nombreuse que nauséabondes.

 

Une Justice volontairement désarmée

 

La fraude fiscale professionnalisée a pris de telles proportions que la Justice belge ne disposait plus de moyens suffisants pour une lutte efficace. Les dossiers des fraudeurs – fort souvent d’importantes multinationales – s’accumulaient dans les bureaux des magistrats jusqu’au moment où ils étaient prescrits. Leurs avocats grassement rémunérés veillaient d’ailleurs à « atteindre la prescription ».

 

La cause de ces carences n’était pas seulement les faibles moyens de la Justice. Elle se trouvait aussi dans le manque de coordination entre l’Etat, l’administration fiscale, la police, la Justice. En clair, la machine ne tournait plus.

 

 

 

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Le Procureur général de Liège, Christian De Valkeneer, un des meilleurs magistrats de Belgique, souhaite que la loi sur les transactions exclue les politiciens. 

 

 

Aussi – et avec l’accord des magistrats – une loi passée quasi inaperçue a été votée par le Parlement belge il y a deux ans. Cette loi permet la transaction entre la Justice et le fraudeur afin d’arrêter les poursuites pénales. Bref, on se rachète une vertu, moyennant bien sûr espèces sonnantes et trébuchantes dont le montant est négocié avec le Parquet. C’est tout intérêt pour l’Etat qui récupère une partie de la fraude – cela vaut mieux que rien du tout en ces temps d’austérité budgétaire – cela soulage la magistrature de nombreux dossiers qui n’aboutiraient pas de toute façon et cela est tout avantage pour le fraudeur qui voit, certes, le bénéfice de son forfait lui échapper en partie, mais qui est donc lavé de tout soupçon. Comme l’écrit « Marianne » édition belge : « … la transaction élargie ne constitue rien d’autres qu’une petite arme supplémentaire au service d’une justice en retard d’une guerre sur la fraude de grande envergure. » En outre, tout cela se déroule dans le plus grand secret, même si des fuites parviennent de temps à autre à la presse.

 

 

La démocratie en danger

 

 

Il s’agit purement et simplement d’une Justice de classe. Seuls, les riches peuvent se payer une vertu et échapper ainsi aux poursuites pénales. L’égalité des citoyens devant la loi est bafouée. Il s’agit d’une Justice secrète, puisque les transactions se négocient dans les bureaux capitonnés des procureurs et les décisions de Justice échappent ainsi à toute publicité. Enfin, c’est une forme de privatisation de la Justice, puisque l’Etat renonce à ses prérogatives dans ces cas : il n’y a pas de sanction pénale pour un délit par ailleurs considéré comme majeur.

 

Les partisans de ce système estiment qu’il s’agit d’un outil « au service d’une justice trop lente et inefficace et les victimes – c’est-à-dire l’Etat – parviennent à obtenir réparation ». Raisonnement néolibéral typique : pour pallier à la faiblesse provoquée de la puissance publique, l’on procède à la transaction qui est par définition privée, puisqu’il s’agit d’un accord secret entre deux parties sans autre forme de procès, c’est le cas de le dire.

 

De là à ce qu’on étende le système de transactions à d’autres types de délits voire, de crimes, pour résorber l’arriéré judiciaire, il n’y a qu’un pas qui pourrait être rapidement franchi.

 

Justice de classe, abandon de souveraineté, non respect de l’intégrité de ses ressortissants, violation des droits fondamentaux, les signaux sont au rouge en Belgique. La Justice est bafouée. La démocratie est en danger.

 

 

Pierre Verhas

 

Cette Cour ne dépend pas des institutions de l’Union européenne, mais du Conseil de l’Europe.

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