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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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13 juin 2010 7 13 /06 /juin /2010 10:06

Que dit le Politique ? Jean-Luc Mélenchon, le leader du Front de gauche, avec son franc-parler bien connu a fait le constat suivant dans « Le Monde » du 11 mai 2010 : « Le constat est pourtant établi avant même le déclenchement de la crise. Dans un entretien au Financial Times (septembre 2007), Alan Greenspan, l'ex-président de la Réserve fédérale américaine, observait lui aussi cette "caractéristique très étrange" du capitalisme contemporain : "La part des salaires dans le revenu national aux Etats-Unis et dans d'autres pays développés atteint un niveau exceptionnellement bas selon les normes historiques."

De son côté, la Banque des règlements internationaux qui regroupe les banquiers centraux de la planète notait en juillet 2007 : "La part des profits est inhabituellement élevée et la part des salaires inhabituellement basse. L'amplitude de cette évolution et l'éventail des pays concernés n'ont pas de précédent dans les 45 dernières années." La Commission européenne, elle, a calculé, dans un rapport de 2007, que la part des salaires dans l'ensemble de l'économie française est passée de 66,5 % en 1982 à 57,2 % en 2006, soit une baisse de 9,3 points de la richesse totale du pays. Alors ? Tous menteurs et démagogues ?

 

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Jean-Luc Mélenchon remet les montres

à l'heure

 

Ce partage injuste de la richesse est stable depuis vingt ans. C'est précisément parce que la révolution néolibérale a permis pendant tout ce temps au capital d'accroître sa ponction sur les salariés à mesure qu'ils produisaient davantage et moins cher ! Car le décrochage est bien plus fort : en 1982, salariés et chômeurs représentaient 84 % de la population active et se partageaient 66,5 % de la richesse, selon les chiffres de la Commission européenne ; ils constituent aujourd'hui 92 % des actifs, mais ne perçoivent plus que 57 % des richesses. Non seulement la part des travailleurs s'est réduite, mais elle est divisée entre davantage de salariés !

 

Cet appauvrissement du travail est odieux, car, depuis 1982, la richesse créée par actif a augmenté de 30 %. Ces fabuleux gains de productivité réalisés par les travailleurs ont été largement accaparés par le capital : dans les années 1980, 2 points de PIB par an étaient redistribués aux salariés ; depuis les années 1990, le ratio est tombé à 0,7 point de PIB par an ! »

 

 Que dit l’économiste ? Maurice Allais, seul prix Nobel français d’économie, né le 31 mai 1911, fut d’abord le prototype même de l’économiste libéral dit « classique », comme fondateur de la Société du Mont-Pèlerin en 1947, avec Friedrich von Hayek et Milton Friedman, les pères de l’ultralibéralisme, société dont l’objet était d’affaiblir l’Etat. En 1988, Allais reçut son Prix Nobel. En 1994, grand revirement, il rejeta les pratiques reaganiennes et devint un adversaire acharné du « libre échangisme », tel que l’applique la trop fameuse OMC fondée en 1995.

 

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Maurice Allais : le doyen des économistes

devenu "libéral-socialiste"...

 

Pour fêter ses 99 ans, Maurice Allais s’est livré à une critique féroce de ce « libre-échangisme ».dans la très confidentielle revue de l’Ecole des Mines. Il  s’inquiète de la destruction de l’agriculture et de l’industrie, sources profondes du chômage français, et en appelle à des solidarités régionales. Cette critique concernant la France s’applique à tous les pays industrialisés. Dans cet article intitulé « Les causes du chômage », le doyen des économistes règle ses comptes.

 

Allais affirme : « nous avons été conduits à l’abîme par des affirmations économiques constamment répétées, mais non prouvées. Par un matraquage incessant, nous étions mis face à "des vérités établies, des tabous indiscutés, des préjugés admis sans discussion. Cette doctrine affirmait comme une vérité scientifique un lien entre l’absence de régulation et une allocation optimale des ressources. Au lieu de vérité il y a eu, au contraire, dans tout ceci, une profonde ignorance et une idéologie simplificatrice. »

 

Il perçoit dans la crise financière actuelle, un poison majeur : « L’enjeu capital actuel est le risque d’une destruction de l’agriculture et de l’industrie françaises. Ce danger est réel et j’emploie le mot destruction car il est représentatif de la réalité. Un tel risque provient du mouvement incessant des délocalisations, elles-mêmes dues aux différences de salaires entre, d’une part, des pays développés tels que ceux de l’Amérique du Nord ou d’Europe de l’Ouest, et, d’autre part, ceux d’Asie ou d’Europe orientale, par exemple la Roumanie ou la Pologne », accuse t-il. Démonstration : « Un écart de salaire élevé, aussi extrême qu’un rapport de un à six par exemple, n’est pas supportable sur le long terme par les entreprises des pays où le revenu est plus élevé. »

 

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Les veinardes ! Elles ont obtenu 70 % !

 

Allais ne pose pas la question : est-ce supportable par les travailleurs des pays à salaires les plus bas ? En Chine, à Shenzhen, le drame de Foxconn est symptomatique. Ce géant taïwanais de l’électronique qui fabrique entre autres les composants des Ipad tant à la mode, dont plusieurs usines sont installées en Chine continentale – tiens, le conflit larvé entre la République populaire et la Chine nationaliste, est-il enfin résolu ? – connaît une vague de suicides sans précédent, tant les conditions de travail, particulièrement celles des femmes, sont proches de l’esclavage. Cela faisait tache pour l’image de la multinationale. Et puis, les travailleurs commençaient à résister. Aussi, pour tenter de calmer le jeu, le géant taïwanais vient d’annoncer une augmentation de 70% du salaire de ses employés. C’est fameux, 70 % ! Inimaginable en Europe, une telle revalorisation ! Mais, c’est comme un soir d’élections, les politiques parlent en pourcentage, jamais en nombre de sièges. C’est la même chose pour les salaires à Schenzhen : 70 %, c’est faire passer le salaire de 1200 à 2000 yuans, soit 243 Euros… ou de la misère à un peu moins de misère !  Et puis, cela donne une idée des marges réalisées par le sous-traitant des plus grands noms de l’électronique (Dell, HP, Nokia, Apple…), sur le dos des salariés chinois. En cela, l’économiste se tait : les marges exorbitantes des multinationales ayant délocalisé dans les pays sur le dos de centaines de milliers de travailleurs détruisent aussi notre tissu économique.

 

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Georges Ugeux : le banquier cachottier

 

Que dit le banquier ? Georges Ugeux, banquier belge, ancien président de New York Stock Exchange, la bourse de New York, candidat malheureux à la reprise de Fortis, actuel président d’une petite banque d’affaires, consultant et « blogueur », écrit dans son blog (hébergé par « Le Monde ») au sujet de la reprise éventuelle de la croissance : « C’est l’utilisation de la croissance : elle ne peut être enfouie dans des bénéfices sociaux accrus. Les demandes d’augmentation  des salaires, des pensions, des avantages accrus de soins de sante et des indemnités de chômage ne peuvent plus être rencontrées. Quant à la question de l’âge de la retraite, elle fait honte a ses défenseurs: elle ne tient pas compte des évolutions démographiques. C’est sur ces avantages que les premières mesures d’austérité ont été prises en Grèce. Le reste de l’Europe devra suivre. Plus encore,  nous n’avons pas un droit divin à un pouvoir d’achat plusieurs fois supérieur aux pays émergents. Nous allons vers un nivellement inévitable au niveau mondial. Cela implique une augmentation rapide du niveau de vie des pays émergents et une modération des pays industrialisés. »

 

On est en plein TINA (There Is No Alternative). En clair, alignons les salaires européens et les allocations sociales sur ceux de Foxconn et tout ira pour le mieux. Soyons solidaires : partageons la misère. C’est obligé et on ajoute la petite leçon de morale néo-capitaliste  : nous n’avons pas un droit divin à un pouvoir d’achat décent. Nous sommes tous des Grecs « austérisés ». Quant aux richesses, elles restent entre les mains du système bancaire qui saura quoi en faire, mais cela, le banquier le tait.

 

Tout cela apparaît comme du déjà vu : socialisons les charges et réduisons-les en les alignant sur le niveau le plus bas et privatisons les gigantesques profits.

 

Eh bien ! Prenons le banquier à la lettre : Oui, nous sommes tous des Grecs et des travailleurs de Foxconn, car, comme eux, nous apprendrons à résister.

 

 

 

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