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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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20 août 2017 7 20 /08 /août /2017 15:18

 

 

 

Voilà le raisonnement que tiennent pas mal de leaders politiques après chaque vague d’attentats terroristes. L’opinion publique est sensible à ce type de message qui a pour conséquence majeure d'attiser les tensions, de pousser à la discrimination et surtout de porter atteinte aux droits fondamentaux.

 

Suite aux attaques à Barcelone et à Cambrils, l’ineffable Nigel Farage, le leader du parti populiste UKIP qui fut le fer de lance du référendum sur le Brexit,  n’a pas hésité à déclarer que le vrai coupable de cette tragédie est l’Union européenne qui accueille beaucoup trop de migrants qui vont par leur « invasion » détruire la civilisation européenne ! Ainsi, ce sont les migrants qui sont le vrai moteur du terrorisme islamiste !

 

 

 

Une fois de plus, certains tentent d'exploiter les attentats islamistes pour imposer leurs idées nauséabondes.

Une fois de plus, certains tentent d'exploiter les attentats islamistes pour imposer leurs idées nauséabondes.

 

 

 

En arriver à de tels raisonnements est effarant.

 

Sur le blog de Paul Jorion, François Leclerc écrit à propos des réfugiés :

 

« La distinction entre les migrants économiques et ceux relevant du droit d’asile derrière laquelle les gouvernements européens se réfugient est une ligne de défense hypocrite et dépassée. Comment l’appliquer quand l’exode irrésistible qui s’est déclenché est le fruit d’une crise humanitaire multiforme, qui a éclaté après avoir longtemps couvé et n’est pas prête de s’arrêter ? On attend avec curiosité les consignes qui seront données à cet égard à ceux qui seront chargés d’opérer le tri.

 

Comment en effet opérer une discrimination ? Les désastres sont de toutes natures et combinés ; démocratique, humanitaire, sécuritaire, social et écologique. Chacun d’entre eux justifie à lui seul de rechercher un sort meilleur, et pour tout dire un avenir. Où le trouver si ce n’est en Europe ? Fixer dans leur pays les réfugiés qui le fuient est par ailleurs une tâche de longue haleine qui suppose l’avènement d’un développement économique d’une toute autre nature que celui qui est dévolu à l’Afrique, qui se résume à en faire un gigantesque marché plaqué sur le modèle du nôtre.

 

Faute de chercher et trouver les moyens d’exprimer leur solidarité et hospitalité, les autorités renient les valeurs qu’elles clament être constitutives de l’identité européenne et font de ses habitants des assiégés, donnant un très mauvais signal. Pratiquement, elles se sont engagées sur une mauvaise pente, modelant à cette échelle les sociétés de contrôle et d’enfermement qui s’esquissent. »

 

On pourrait appliquer le même raisonnement au terrorisme.

 

Aujourd’hui, le cinéaste libanais Claude El Khal écrit sur son blog :

 

« Barcelone. 16 morts, des dizaines de blessés. Les chaines d’info en continu parlent beaucoup mais ne disent rien. Les réseaux sociaux se remplissent de bougies et de larmes virtuelles. Les mêmes que celles pour Paris, Nice, Bruxelles, Londres, Manchester et toutes les villes ensanglantées par le terrorisme. En Europe ou ailleurs.



Ces bougies et ces larmes virtuelles sont devenues un réflexe, presque une habitude. A chaque attentat, les mêmes images, le même pathos, les mêmes bons sentiments. Les mêmes peurs aussi. Des peurs qui font désormais partie de nos vies. Bientôt elles feront partie de notre être. Indissociables de qui nous sommes. A la vue d’une voiture, d’un voile, d’une barbe, d’une peau légèrement basanée, d’une chevelure un peu trop frisée. »

 

Effectivement, la réaction aux actes terroristes n’amène que plus de discrimination et de peur et donc de nouvelles tensions. Et c’est cela le but des terroristes. D’ailleurs, « terreur » est inscrite dans « terrorisme ». Aussi, faut–il prendre le terrorisme comme une arme qui n’est que le redoutable outil d’une stratégie qui se montre particulièrement efficace. Stratégie qui n’a rien à voir avec le fameux « choc des civilisations » et qui fut élaboré par des tenants d’intérêts qui sont vitaux aussi bien pour les dirigeants des pays qui utilisent l’arme du terrorisme que pour ceux des pays qui en sont victimes. C’est donc là le véritable enjeu.

 

Comment en effet ne pas se rendre compte que l’origine du terrorisme se trouve dans ces guerres criminelles uniquement destinées à assurer l’approvisionnement en hydrocarbure des Etats-Unis et des pays de l’Union européenne ?

 

Comme l’a dit à plusieurs reprises le philosophe français controversé Michel Onfray : « Islamophile au-dedans, la France est islamophobe au dehors. » Et on pourrait appliquer cette sentence à tous les pays de l’OTAN ou membres des coalitions diverses qui participent depuis 2003 à ces guerres interminables au Moyen-Orient qui n’ont pour résultat que la destruction, l’exode des populations et la ruine. C’est par ces guerres qui ont d’ailleurs commencé bien plus tôt, en 1979, par l’invasion de l’Afghanistan par l’Union Soviétique qu’est né le terrorisme islamiste qui ensanglante non seulement l’Occident, mais aussi le Moyen Orient, l’Afrique et l’Asie. Et n’oublions pas les relations ambiguës entre les services secrets occidentaux et israéliens et certaines organisations terroristes.

 

La lutte contre le terrorisme : une chimère sémantique

 

Cela dit, « la lutte contre le terrorisme » est une chimère sémantique inventée pour enfumer l’opinion publique. Tout d’abord, on lutte contre un ennemi et non contre une méthode de combat, ensuite, et c’est le plus important, cette « lutte » sert de prétexte à restreindre drastiquement les libertés fondamentales tout en ne démontrant aucune efficacité dans la réalisation de l’objectif proclamé. Il y eut tout d’abord, après les attaques du 11 septembre 2001, le fameux Patriot Act imposé par George W Bush qui a été suivi par l’adoption de législations antiterroristes dans plusieurs pays de l’Union européenne.

 

Ces mesures législatives n’ont en rien freiné les attaques terroristes. Par contre elles conduisent peu à peu à un régime de restriction des libertés par des contrôles tatillons, des atteintes à la vie privée et l’affaiblissement du pouvoir judiciaire. Le plus bel exemple est l’état d’urgence « provisoire » décrété en France par François Hollande après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et qui a été prolongé à deux reprises. Aujourd’hui, Emmanuel Macron souhaite déposer un projet de loi pour qu’il soit permanent. Si ce n’est une claire volonté de réduire les droits fondamentaux, c’est bien imité !

 

 

Remarquons que les magistrats et policiers spécialisés en matière de terrorisme ne sont pas demandeurs d’un arsenal législatif anti-terroriste, mais de moyens plus efficaces que les gouvernements refusent de leur donner sous prétexte de restrictions budgétaires. Il s’agit d’ailleurs du même problème en matière de lutte contre la criminalité financière qui, d’ailleurs, aiderait à combattre le terrorisme. À certains moments, on peut franchement se poser la question de la réelle volonté des gouvernements de combattre ces fléaux.

 

Une autre question à poser : ces restrictions des droits fondamentaux n’ont-elles pas un autre objectif que la prétendue « lutte contre le terrorisme » ? Par exemple, accroître la répression contre les mouvements sociaux ou le radicalisme (1) politique ?

 

En effet, après chaque vague d’attentats, les dirigeants politiques, la bouche en cœur, expriment leur indignation et leur compassion. La maire Podemos de Barcelone, Ada Calau, a elle aussi succombé à cette « tradition ». Néanmoins, elle a parlé avant tout de la vocation d’ouverture au monde de la capitale catalane et il faut lui reconnaître une organisation particulièrement efficace des secours. Et son discours tranche avec celui des autres leaders : elle n’a en rien demandé le renforcement des mesures répressives contre les terroristes.

 

 

 

Ada Calau, la maire Podemos de Barcelone sur les Ramblas après l'attentat

Ada Calau, la maire Podemos de Barcelone sur les Ramblas après l'attentat

 

 

 

Depuis la catastrophique guerre en Syrie, suite aux bombardements effectués par tous les camps en présence et les massacres perpétrés par l’armée syrienne et les rebelles de toutes obédiences, des dizaines de milliers de personnes ont préféré quitter leurs maisons, leurs villes et villages et leur pays pour tenter de trouver un havre de paix en Europe. La première réaction de plusieurs pays de l’Europe centrale fut de fermer les frontières, contraignant ces colonnes de réfugiés à prendre des chemins périlleux via la Turquie pour arriver à destination ou à s’embarquer sur des canots et des bateaux gonflables pour traverser la mer Egée en se mettant sous la coupe de passeurs sans scrupules. On peut se poser la question de leur impunité de la part des autorités locales.

 

L’humanisme à géométrie variable

 

Une autre vague de réfugiés est venue s’ajouter : des dizaines de milliers de personnes fuyant l’Afrique subsaharienne en proie à une catastrophe humanitaire qui dure depuis des décennies : sécheresse, famine, à laquelle il faut ajouter les guerres et guerillas atroces qui ensanglantent l’Afrique de l’Est (Ethiopie et Erythrée) et l’Afrique de l’Ouest (Tchad, Niger, Nigeria, Mali, Côte d’Ivoire). Jusqu’à la chute de Khadafi en Libye, ces migrants étaient refoulés avec l’accord tacite des Européens qui fermaient « pudiquement » les yeux sur le sort de ces malheureux. L’humanisme à géométrie variable est décidément une spécialité européenne !

 

Tout a changé depuis la chute du dictateur libyen au terme d’une offensive des Européens et spécialement des Français dans le cadre de l’OTAN qui a totalement déstabilisé ce pays. Une guerre civile s’en est suivie et dure toujours. Le barrage « Khadafi » n’existant plus, des milliers de réfugiés traversent la Méditerranée par l’intermédiaire de passeurs sur de frêles esquifs  pour atteindre l’Italie en échouant à l’île de Lampedusa ou au Sud de la Sicile. Bon nombre n’atteindront jamais leur destination.

 

 

 

 

Les autorités européennes se  recueillent sur les tombes des migrants naufragés. On leur demande d'allier l'efficacité et l'humanité. Équation impossible pour eux.

Les autorités européennes se recueillent sur les tombes des migrants naufragés. On leur demande d'allier l'efficacité et l'humanité. Équation impossible pour eux.

 

 

 

La situation semble avoir récemment changé puisqu’il semble qu’un nouveau pouvoir se soit installé en Libye qui endigue ainsi la vague migratoire avec l’accord toujours tacite de l’Union européenne. Les ONG qui étaient les seules à porter secours aux migrants ont été interdites d’opérer le long des côtes libyennes.

 

Ce type de compromis fort peu honorable a été précédé de l’accord pris entre la chancelière allemande Angela Merkel et le président turc, le quasi dictateur Recep Tayyip Erdogan qui, moyennant une substantielle aide financière, retient les réfugiés du Moyen Orient en Turquie. Pourtant, peu avant, la même Merkel s’est montrée particulièrement ouverte à l’accueil des migrants en Allemagne. Il est vrai aussi que le patronat allemand aurait apprécié disposer de la main d’œuvre syrienne, car bien des réfugiés sont des personnes qualifiées. Cependant, l’opinion publique s’est montrée particulièrement hostile à l’égard de l’arrivée de ces migrants. Sans doute est-ce l’explication du revirement de la chancelière.

 

Respecte l’étranger voyageur…

 

Certains d’ailleurs n’hésitent pas à profiter de l’émotion suscitée par les attentats islamistes pour exiger l’arrêt de l’immigration. Ainsi, le gouvernement polonais vient de demander à l’Union européenne de décréter un moratoire sur l’accueil des réfugiés.

 

Ainsi, le lien est fait. Les réfugiés sont des vecteurs du terrorisme. Il y a dans ces affirmations sans fondement émanant aussi bien des milieux d’extrême-droite que de certains gouvernements, non seulement une méconnaissance de la réalité, mais surtout une absence totale d’éthique et de rejet des prescrits de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne  et de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme dont on célèbre l’année prochaine le septantième anniversaire.

 

« Respecte l’étranger voyageur, sa personne est sacrée » est un principe édicté par beaucoup mais adopté par fort peu. Les campagnes médiatiques en faveur de l’accueil des migrants n’ont eu que des effets… médiatiques ! Et leurs promoteurs eux-mêmes n’ont rien fait de concret.

 

Cependant, émanant des horizons les plus divers, des initiatives sont prises et aboutissent à des résultats. Ainsi, la bourgmestre (maire) de la commune rurale de Walcourt dans le Namurois a décidé, il y a deux ans, d’accueillir plusieurs familles de migrants malgré la farouche opposition de pas mal de ses administrés. Elle a tenu bon et aujourd’hui, les migrants de Walcourt se sont parfaitement intégrés. Plusieurs d’entre eux ont trouvé du travail. Les enfants étudient dans les écoles du coin. Et la plupart des familles de migrants participent à la vie locale.

 

 

Christine Poulin, maire PS de Walcourt, tient bon devant une assemblée hostile à l'accueil des réfugiés. Une des rares édiles socialistes à respecter les principes fondamentaux.

Christine Poulin, maire PS de Walcourt, tient bon devant une assemblée hostile à l'accueil des réfugiés. Une des rares édiles socialistes à respecter les principes fondamentaux.

 

 

 

Mais ces initiatives d’autorités municipales sont trop peu nombreuses. Des ONG font pression pour que les gouvernements soient plus accueillants, mais en vain. Certains pays comme ceux d’Europe centrale exigent plus de fermeté de la part de l’Union européenne et ferment leurs frontières en construisant des murs de barbelés. L’Europe aujourd’hui n’a jamais compté autant de murs !

L’Union européenne prise de panique par la vague migratoire a décrété des quotas pour chaque Etat-membre. Mais plusieurs d’entre eux ne les respectent pas. En Belgique, le secrétaire d’Etat chargé de l’immigration, le nationaliste flamand Théo Francken qui ne cache pas ses opinions fascisantes met toute une série d’obstacles à l’arrivée des réfugiés et – c’est le plus inquiétant – sa cote est très élevée dans les sondages d’opinion.

 

Voilà, la situation devient inextricable. Que ce soit pour les réfugiés comme pour le terrorisme, aucune solution n’alliant les principes essentiels de notre vie sociale et l’efficacité ne semble être possible.

 

La vraie question est donc : notre civilisation n’est-elle pas plus menacée par le rejet des réfugiés et par les répressions antiterroristes tout aussi inefficaces que  restrictives de libertés ?

 

Si nous tenons à perpétuer les principes de vie figurant dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, dans la Charte des droits fondamentaux de l’’Union européenne et dans nos Constitutions, il est urgent de trouver une véritable stratégie.

 

Le dossier est donc loin d’être clos.

 

Pierre Verhas

 

 

 

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