La honte ! La honte sur ces dirigeants qui allient lâcheté et cynisme et qui se prétendent gardiens de cette belle idée « l’Europe ». L’accord des 28 dirigeants européens du lundi 7 mars 2016 et quasi confirmé au sommet du 18 mars est à marquer d’une pierre noire dans l’histoire de ce qu’il est convenu d’appeler la « construction » européenne. Tous les principes sont bafoués à la fois par lâcheté – la peur de la montée de l’extrême-droite – cynisme – les réfugiés, c’est bien à condition qu’ils nous fournissent de la main d’œuvre à bas prix – par dépendance – les USA exigent de l’Europe un accord avec la Turquie pour contrer la Russie.
On se rappelle qu’Angela Merkel a négocié en novembre 2015 un accord bilatéral avec Recep Tayip Erdogan sur la question des réfugiés. Remarquons qu’elle n’était pas mandatée par le Conseil européen pour ce faire. Une fois de plus, c’est l’Allemagne qui, seule, dirige le très cacophonique orchestre européen.
Que s’est-il passé en réalité ? Au début de la crise des réfugiés, la chancelière allemande a poussé à l’accueil en masse des migrants fuyant les théâtres de guerre syrien, irakien et afghan. C’était a priori tout avantage pour l’Allemagne qui voit sa population vieillir et qui manque de main d’œuvre. Cette « générosité » se doublait de cynisme : ce réservoir de main d’œuvre aurait permis de pratiquer en toute « légalité » le dumping social.
Très vite, on s’aperçut que tout cela n’était pas aussi aisé. On ne transforme pas une masse de réfugiés provenant du Proche Orient en travailleurs prêts à intégrer l’industrie allemande du jour au lendemain.
S’est ajouté à cela les actes de viols commis à Cologne dans la nuit de la Saint Sylvestre. On a accusé les réfugiés d’être coupables de ces crimes. Des intellectuels se sont mobilisés, les uns pour défendre les réfugiés, d’autres comme l’Algérien Kamel Daoud pour voir dans l’islamisme la cause des violences de Cologne. Il a écrit une chronique sur la question dans « Le Monde » du 31 janvier dernier : « Le sexe est la plus grande misère dans le « monde d’Allah ». A tel point qu’il a donné naissance à ce porno-islamisme dont font discours les prêcheurs islamistes pour recruter leurs « fidèles » : descriptions d’un paradis plus proche du bordel que de la récompense pour gens pieux, fantasme des vierges pour les kamikazes, chasse aux corps dans les espaces publics, puritanisme des dictatures, voile et burka. L’islamisme est un attentat contre le désir. Et ce désir ira, parfois, exploser en terre d’Occident, là où la liberté est si insolente. Car « chez nous », il n’a d’issue qu’après la mort et le jugement dernier. Un sursis qui fabrique du vivant un zombie, ou un kamikaze qui rêve de confondre la mort et l’orgasme, ou un frustré qui rêve d’aller en Europe pour échapper, dans l’errance, au piège social de sa lâcheté : je veux connaître une femme mais je refuse que ma sœur connaisse l’amour avec un homme.
Retour à la question de fond : Cologne est-il le signe qu’il faut fermer les portes ou fermer les yeux ? Ni l’une ni l’autre solution. Fermer les portes conduira, un jour ou l’autre, à tirer par les fenêtres, et cela est un crime contre l’humanité. Mais fermer les yeux sur le long travail d’accueil et d’aide, et ce que cela signifie comme travail sur soi et sur les autres, est aussi un angélisme qui va tuer. Les réfugiés et les immigrés ne sont pas réductibles à la minorité d’une délinquance, mais cela pose le problème des « valeurs » à partager, à imposer, à défendre et à faire comprendre. Cela pose le problème de la responsabilité après l’accueil et qu’il faut assumer. »
Ces propos ont déclenché un tollé dans le microcosme intellectuel. Daoud s’est fait accuser d’islamophobie et une pétition contre lui a été lancée par des universitaires français. Que lui reproche-t-on ? D’avoir une approche culturaliste des événements et ainsi de fustiger les musulmans réfugiés…
Il faut bien reconnaître que si l’analyse de Kamel Daoud ne manque pas de pertinence sur le rapport de l’Islam à la femme, elle pèche par sa généralisation abusive dans le cas de Cologne, car on ignore ce qu’il s’est réellement passé et qui sont les coupables. Mais peut-on admettre cette « fatwa » d’un collectif d’intellectuels à l’égard de Kamel Daoud ? Une fois de plus, une frange intello parisienne se pose en « gardienne » de l’orthodoxie. Et pour tout arranger, Manuel Valls s’est lancé à l’Assemblée nationale dans un éloge dithyrambique de Kamel Daoud.
Et il n’y a pas qu’en Europe que cette pétition est fustigée. Ainsi, la journaliste Fawza Zouari dans « Jeune Afrique » défend avec vigueur l’écrivain algérien : « Hier porté au pinacle, l'écrivain et chroniqueur algérien Kamel Daoud est désormais cloué au pilori.
Pourquoi ? Parce qu’il a osé affirmer que les viols perpétrés à Cologne par des immigrés issus du monde arabo-musulman sont la conséquence logique d’une tradition portée sur la répression sexuelle et génératrice de frustration chez les jeunes. Que n’a-t-il dit ! Culturalisme radical, clichés orientalistes, islamophobie, en a conclu un collectif d’intellectuels dans les colonnes du quotidien français Le Monde. Une fatwa de plus contre l’Algérien, qui, déjà visé par les barbus, a décidé de jeter l’éponge et d’abandonner le journalisme. »
Cependant, il y a pire que les joutes d’intellectuels en mal d’indignations. Les incidents de Cologne ont sonné le glas du consensus sur l’accueil des réfugiés obtenu par Angela Merkel en Allemagne au point que l’extrême-droite a progressé de façon inquiétante dans les élections régionales de dimanche 13 mars.
En réalité, Daoud a mis les choses au point : Cologne ne doit pas servir de prétexte à fermer les portes. Et il est indispensable de faire un travail d’intégration.
Eh bien ! C’est finalement ce qu’on fait : on ferme les portes et on laisse les réfugiés à leur sort, comme dans la « jungle » de Calais, par exemple.
Une forteresse en carton pâte
De plus, les choses ne s’arrangent guère sur le terrain. La Grèce isolée est débordée par l’afflux de réfugiés à l’île de Lesbos. La Macédoine dresse des barrages et ferme sa frontière avec la Grèce afin d’empêcher les réfugiés de prendre la fameuse route des Balkans. La Serbie, la Slovénie, la Croatie, la Hongrie, la Pologne, l’Autriche ferment aussi leurs frontières violant ainsi les accords de Schengen et mettant par conséquent l’Union européenne en danger. Et, surtout, cela ne fait qu’accroître la crise des réfugiés.
Un "Zodiac" de réfugiés arrivant à l'île de Lesbos accueilli par des volontaires locaux. La population de cette île grecque est admirable !
Nous sommes encore en hiver. Qu’en sera-t-il au printemps ? Des observateurs estiment que 4 millions de réfugiés frapperont aux portes de l’Europe cette année contre 1 million en 2015.
Le temps de la générosité est terminé. Il n’a duré que l’espace d’un discours d’Angela Merkel. À l’Ouest, les pays se ferment les uns après les autres. La France démantèle la « jungle » de Calais, la Belgique rétablit les contrôles frontaliers pour empêcher que ladite « jungle » ne se déplace à Zeebrugge. Le Danemark, comme il l’avait menacé, confisque les biens des réfugiés, la Suède ferme sa frontière. Et il ne faut pas oublier la Grande Bretagne qui est très heureuse que la France et la Belgique jouent les gardes-côtes à sa place !
Bref, l’Europe s’est à nouveau transformée en forteresse, mais une forteresse en carton pâte !
La situation ne peut perdurer. Pour les dirigeants européens, il faut à tout prix freiner cet afflux de réfugiés. Mais, comme un accord à 28 est impossible, il faut trouver un allié extérieur. Et celui-ci ne peut être que la Turquie. Quel bonheur si la Sublime Porte se referme sur les migrants ! Et puis, on fermera les yeux sur quelques petites dérogations aux droits fondamentaux. La tranquillité de nos « dirigeants » est à ce prix !
La Sublime Porte va-t-elle se fermer ?
Cela a été l’enjeu des calamiteux « Sommets » européens de Bruxelles des 7 et 18 mars. Le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu y fut invité. Ces deux réunions comptent sans doute parmi les plus désastreuses de l’histoire de l’Union européenne.
Comme l’écrit le « Monde » dans son édition du 9 mars : « L’Union européenne va-t-elle renoncer à ses valeurs pour en finir avec une crise des migrants qu’elle n’a jusqu’à présent pas su surmonter ? »
La réponse est incontestablement affirmative. Le résultat de cette rencontre est catastrophique. La veille du Sommet, le 6 mars, dans un hôtel de Bruxelles, Angela Merkel et Ahmet Davutoglu ont mis au point un accord qui a été approuvé par la Commission. Le lendemain, cet accord est finalement adopté après de nombreuses heures de palabres.
Ahmet Davutoglu, le Grand Vizir du Sultan Erdogan avec François Hollande au sommet de Bruxelles des 17 et 18 mars. Qui manipule l'autre ?
L’accord consiste à renvoyer massivement les Syriens déjà présents dans les îles grecques de la mer Egée, même demandeurs d’asile, vers la Turquie. Puis, sur la base « d’un Syrien admis, un Syrien expulsé » d’acheminer ceux qui sont dans des camps en Turquie directement vers l’Union européenne, selon une procédure de contrôle effectuée en commun avec l’ONU.
Les « retours » se feraient sur une base non volontaire et en partie opérée par Frontex, l’organisme chargé de la garde des frontières extérieures de l’espace Schengen.
En outre, les Turcs ont obtenu en échange une aide supplémentaire de 3 milliards d’Euros jusqu’en 2018 en plus des 3 milliards déjà accordés il y a quelques semaines. En outre, le Premier ministre turc a demandé une libéralisation des visas aux ressortissants turcs dans l’espace Schengen.
Le sommet des 17 et 18 mars ne fit que confirmer à deux ou trois détails près le préaccord du 7.
Jamais, on n’a vu pareil accord ! Un compromis boiteux basé sur le cynisme et la peur. Fini les beaux et généreux discours. Place au rejet et à la répression.
Tout d’abord sur le plan des principes
« L'ébauche d'accord entre l'Union européenne et la Turquie soulève un certain nombre de graves inquiétudes (...) Je suis notamment préoccupé par les possibles expulsions collectives et arbitraires, qui sont illégales », a déclaré le Haut Commissaire aux Droits de l’Homme des Nations Unies, le Jordanien Zeid Ra'ad Al Hussein. En effet, la Convention de Genève sur les réfugiés dispose que chaque demande d’asile soit examinée individuellement. Ici, il s’agit d’une mesure collective.
Zeid Ra'ad Al Hussein, le Haut Ciommissaire aux Droits de l'Homme des Nations Unies rappelle l'Union européenne à l'ordre et fait part de son indignation après avoir pris connaissance de l'accord sur les réfugiés.
D’autre part, les pays membres de l’Union européenne, même la Grèce, ont reconnu la Turquie comme pays tiers sûr. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a rappelé que les articles 33 et 38 de la directive européenne sur l’asile rendent possibles les renvois dès lors que le pays qui accueille les réfugiés soit un pays tiers « sûr »… La Turquie qui est manifestement en cheville avec Daesh et qui pilonne les Kurdes de Syrie et d’Irak serait donc un pays tiers « sûr »…
Ahmet Davutoglu et Jean-Claude Juncker (ici le 29 novembre 2015) ont trouvé un terrain d'entente au détriment de milliers de migrants.
Et c’est le volet le plus inquiétant de ce préaccord : il verrait Ankara accepter la réadmission sur son territoire de tous les migrants arrivés clandestinement en Grèce, y compris les Syriens qui fuient la guerre dans leur pays. Si, parmi eux, il y a des Kurdes syriens, des partisans d’Assad, des opposants à Daesh, où sont les garanties de leur sécurité en Turquie ?
D’ailleurs, pour M. Zeid Ra’ad Al Hussein, il n’y a pas à discuter : « Les restrictions aux frontières » qui ne prennent pas en considération le parcours de chaque individu « violent le droit international et européen ».
Ajoutons qu’un examen individuel en Europe garantirait une réelle sécurité aux réfugiés qui pourraient être considérés comme indésirables par les Turcs, comme des Kurdes ou des Alaouites.
Et il ajoute : « Aujourd'hui, en violation des principes fondamentaux de la solidarité, de la dignité humaine et des droits de l'Homme, la course visant à repousser ces personnes s'accélère », a-t-il déploré, tout en soulignant « la générosité » avec laquelle l'Allemagne a accueilli environ un million de migrants l'an passé, et les « efforts » de la Grèce, en 2015, pour éviter qu'ils soient détenus ou refoulés. En termes diplomatiques, cela signifie que les autres pays se sont purement et simplement débinés !
Depuis janvier 2016, près de 142.000 migrants sont arrivés en Europe en passant par la Méditerranée et 440 sont morts ou portés disparus, selon les derniers chiffres du Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR). Un peu plus de 132.000 (dont 48% sont des Syriens) sont passés par la Grèce et plus de 9.200 par l'Italie.
« La situation en Grèce est dramatique. Les migrants ne peuvent maintenant plus quitter le pays en raison des restrictions aux frontières imposées par l'Autriche, la Slovénie, la Croatie, la Serbie et l'ancienne république yougoslave de Macédoine », a soutenu M. Zeid, jugeant « cette approche lamentable ». Ajoutons que c’est une fois de plus la Grèce qui est isolée par l’Union européenne !
Il a également critiqué les différentes mesures prises à l'encontre des migrants en République tchèque, en Hongrie, en Slovaquie et en Pologne, et a dénoncé, une fois de plus, la montée « du racisme, de l'intolérance et de la xénophobie en Europe ».
Les déclarations se multiplient. Toutes vont dans le sens de l’alarmisme. Toutes disent : « Casse-cou ! Vous faites fausse route ». Quelques exemples.
Un haut diplomate européen pose dans Le Monde du 9 mars cette question logique mais néanmoins monstrueuse : « Peut-on sérieusement déplacer massivement des réfugiés (depuis la Grèce) jusqu’en Turquie ? Une telle chose serait équivalente à une expulsion ». Certains éditorialistes du journal ont exprimé leur préoccupation quant à ces réactions inévitables de réfugiés désespérés face à leur expulsion violente par les autorités grecques et par Frontex.
Dans un article du Guardian du 8 mars, l’éditeur-rédacteur en chef du Zeit, Joseph Joffe, souligne que « le plan Merkel concernant la question migratoire transforme la Grèce, un Etat au bord de la faillite, en immense camp de concentration de réfugiés ». L’analyste allemand ajoute que la Grèce de facto se trouve déjà en dehors de l’espace Schengen, lequel fonctionne désormais comme un « Schengen sans la Grèce ».
L’hebdomadaire allemand Der Spiegel, dans une analyse globale (édition électronique du 4 mars) note que l’UE bâtit une « Europe-forteresse », dont les frontières se déplacent vers la République yougoslave de Macédoine (ARYM) et les autres pays du corridor des Balkans, « avec la Grèce comme hall d’accueil de l’Europe ». La Turquie devient la « sublime porte » de l’Europe, Erdogan en détient les clés et la Grèce en est désormais la modeste…antichambre !
Ensuite, sur le plan géopolitique
Il y a deux semaines, le président US Obama a insisté à nouveau auprès des dirigeants européens pour qu’ils reprennent et accélèrent le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Ce n’est pas un hasard ! Il faut confirmer l’ancrage de l’OTAN autour de la Russie. Tout le reste n’est que littérature.
La tragédie des réfugiés n’est qu’un pion dans l’échiquier géopolitique du Moyen Orient dont la Turquie est une pièce maîtresse. C’est de cela que les dirigeants européens ont tenu compte, en plus de leur peur d’une opinion manipulée et désormais hostile aux réfugiés, surtout dans l’Est de l’Union européenne.
Il n’y a pas que la Turquie.
Un autre aspect de ce préaccord doit être dénoncé. Le député européen belge écologiste, Philippe Lamberts n’a pas été par quatre chemins. Dans une interview, il déclare : « On ne peut pas limiter nos discussions avec les pays tiers à La Turquie. Proportionnellement, le Liban et la Jordanie accueillent beaucoup plus de réfugiés ! Je me fais énormément de souci sur la stabilité politique de ces deux pays, en particulier du Liban, qui accueille l'équivalent de 25 % de sa population en réfugiés. C'est un pays qui a besoin d'aide si l'on ne veut pas qu'il bascule dans le conflit syrien, et l'Europe a une responsabilité énorme.
Philippe Lamberts, le député européen belge Ecolo, met les points sur les "i" ! Puisse-t-il être entendu...
Ce qui est évidemment choquant c'est que ces négociations se sont déroulées au moment où les derniers vestiges de presse libre et indépendante en Turquie se sont faits brutalement mettre sous contrôle par le pouvoir de Recep Tayyip Erdogan.
On ne peut quand même pas fermer les yeux sur ce pays qui est candidat à l'UE et qui met au pas la justice, la police, asservies au bon vouloir d'un seul homme qui ressemble de plus en plus à Vladimir Poutine.
On a affaire à un régime autoritaire qui n'hésite pas à lancer une guerre civile pour gagner une élection. Car la relance de la guerre civile contre le PKK a été décidée par Erdogan pour favoriser ses chances d'une union sacrée et obtenir une majorité absolue à la chambre des députés. »
Toute honte bue
Philippe Lamberts – toujours lui – dans son intervention au Parlement européen, n’a pas été par quatre chemins et il cerne admirablement la question qui va bien au-delà de l’accueil des réfugiés :
« Lorsque la Commission européenne a proposé un premier plan de répartition de 160.000 réfugiés, la réaction du Premier ministre Manuel Valls a été de dire 'pas question', avant d’être rappelé à l’ordre par le président Hollande. La France a accepté d’accueillir 30.000 réfugiés sur deux ans, ce qui équivaut au nombre de réfugiés qui arrivait en deux jours et demi en Allemagne au plus fort de la crise. Cette pseudo unanimité de façade entre François Hollande et Angela Merkel est scandaleuse tant la France ne lève pas le petit doigt (...). Cette faillite morale de l’UE, si elle atteinte tous les pays, touche la France de plein fouet. J’ai déjà espéré un sursaut du parti socialiste français depuis longtemps et sur des nombreux sujets. J’ai été systématiquement déçu. Je ne vois pas François Hollande, qui adopte non pas des positions sociales-libérales, mais de droite – voire d’extrême droite sur la déchéance de nationalité – faire marche arrière.
Dans la crise de l'accueil des réfugiés, les Conseils européens se suivent et se ressemblent: réunion après réunion, les chefs d'État ou de Gouvernement s'enfoncent dans l'indifférence et l'égoïsme, allant de décisions de relocalisation non concrétisées en engagements de financement non tenus.
Le sommet de ce début de semaine (des 7 et 8 mars) a pourtant atteint de nouvelles profondeurs: les dirigeants européens ont démontré, toute honte bue, qu'ils étaient prêts à manger dans la main d'un quasi-dictateur si celui-ci les déchargeait de leurs obligations internationales. Plutôt que d'investir collectivement et massivement en Europe pour un accueil digne, ils préfèrent marchander avec la Turquie, un pays totalitaire qui bombarde sa propre population, emprisonne ses journalistes et maltraite les réfugiés sur son sol.
Le projet d'accord méprise le principe de non-refoulement et le droit à l'examen individuel de chaque demande d'asile. Il brade l'accession à l'Union européenne en utilisant les réfugiés comme monnaie d'échange. Tout cela pour éviter d'accueillir des réfugiés représentant environ 0,25% de notre population, alors qu'un pays fragile comme le Liban en accueille proportionnellement 100 fois plus ! »
On connaît la célèbre réplique de Winston Churchill après les accords de Munich en 1938 :
« Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre. »
Les dirigeants européens ont voulu sauver leur médiocre pouvoir en cédant aux pressions d’une opinion manipulée qui rejette les migrants, cela en bafouant les principes de base de notre société libre. Ils ont rejeté des milliers de femmes, d’enfants et d’hommes qui leur demandent simplement de pouvoir vivre dignement. Ils poursuivent une guerre absurde, sanglante, destructrice pour sauvegarder les sordides intérêts de transnationales pétrolières.
Par leur lâcheté, ils ont flétri la grande idée européenne.
Qu’ils prennent garde. L’histoire a montré que l’humanité finit toujours par vaincre.
Pierre Verhas