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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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2 octobre 2025 4 02 /10 /octobre /2025 17:11

 

 

En cette période de tensions exacerbées, la guerre en Ukraine, les massacres à Gaza ainsi qu’en Cisjordanie et bien d’autres endroits dans le monde avec en plus la tentation totalitaire qui sévit en bien des pays dont le plus puissant, les Etats-Unis d’Amérique (à ce sujet, je conseille le tout récent essai de l’économiste et académicien belge Bruno Colmant dont il y aura une recension sur « Uranopole » : « Donald Trump le spectre d’un fascisme numérique », Bruxelles, Arthemis, 2025), il y a deux victimes collatérales : la recherche sereine de la vérité et la liberté d’expression.

 

Plusieurs personnages couronnés d’une grande autorité intellectuelle par les médias qui font la course folle au « buzz » prononcent des propos aberrants, agressifs et mensongers. C’est entre autres le cas de l’écrivain et philosophe français Raphaël Enthoven qui a tenu des propos inadmissibles au sujet des massacres à Gaza où il a notamment assimilé à des terroristes, les journalistes palestiniens de Gaza qui sont les seuls à informer le monde, au péril de leur vie, sur les atrocités qui s’y déroulent. Cela a déclenché un tollé ! Cependant, et c’est fatal, certaines réactions sont excessives, se retournent contre leurs auteurs et transforment Enthoven en une victime. Ainsi, il lui a été interdit de venir présenter ses ouvrages à la foire du livre de Besançon. Peu après, les organisateurs ont « rétropédalé », mais le mal était fait.

 

 

Raphaël Enthoven coupable ou victime ?

Raphaël Enthoven coupable ou victime ?

 

 

Dans sa chronique « la vie au temps de la chose », le professeur Jean-Philippe Schreiber que nous avons cité à plusieurs reprises sur « Uranopole » revient sur cette affaire et exprime son inquiétude sur les atteintes à la liberté d’expression tout en condamnant sans réserve les propos de Raphaël Enthoven. Il a tout à fait raison : condamner n’est pas interdire. Or, ce pas est vite franchi et nous mène tout droit au totalitarisme.

 

Nous reproduisons ici cette chronique in extenso en remerciant Jean-Philippe Schreiber de son autorisation.

 

 

PS. Dans le même ordre d’idée, un ami israélien a mis au défi les « propalestiniens » sur le réseau social Facebook de condamner sans réserve l’attentat antisémite qui s’est déroulé mercredi 1er octobre à la synagogue de Manchester faisant deux victimes. En ce qui me concerne, cela est évident et j’ajoute que je condamne sans réserve également les violences policières suivies d’insultes et de blagues antisémites à la suite d’un contrôle musclé de la Police fédérale dans le métro de Bruxelles, dont a été victime le 30 septembre Manuel Abramowicz qui, lui, milite pour la paix en Israël -Palestine et exprime sa solidarité avec les Gazaouis.

 

 

 

 

Manuel Abramowicz s'est fait un selfie pendant son arrestation...

Manuel Abramowicz s'est fait un selfie pendant son arrestation...

 

 

Vous avez dit ambiance ?

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

La vie au temps de la chose, mercredi 1er octobre

Par Jean-Philippe Schreiber

 

 

La vie au temps de la chose, mercredi 1er octobre. Un intellectuel français devait venir parler de son dernier livre dans une grande librairie bruxelloise. Sous la menace et la pression, cette dernière s’est vue contrainte ~ ou a choisi, c’est selon ~ d’annuler la rencontre littéraire prévue entre l’auteur et son public, à l’instar d’autres rencontres mises à mal déjà dans plusieurs villes françaises.

 

Raphaël Enthoven venait pourtant à Bruxelles défendre un livre consacré aux derniers jours de sa mère, décédée de la maladie de Parkinson, mais comme ailleurs il lui a été reproché des prises de position très contestables relatives à la guerre menée à Gaza par Israël. Je ne défends pas Raphaël Enthoven, et ne partage pas, loin s’en faut, ses déclarations incendiaires sur le conflit en cours au Proche-Orient.

 

Ce qui me préoccupe en revanche, c’est le climat de censure qui s’installe, c’est la liberté d’expression à géométrie variable, c’est la violence de l’interdit. On peut ne pas être d’accord avec Raphaël Enthoven, et même être radicalement en désaccord, dénoncer ses propos, fustiger ses aveuglements.

 

Mais l’empêcher de prendre la parole, qu’il s’agisse de parler littérature ou de défendre ses idées, c’est là une entorse grave à la raison démocratique. Caroline Sägesser le rappelait l’autre jour : la liberté d'expression est une pierre angulaire de la démocratie. Elle a raison : quand elle vaut pour les uns, elle vaut pour les autres. Et il ne peut y avoir de censure préalable, au gré de la morale ambiante.

 

C’est à la justice qu’il appartient de poursuivre les propos dont il aura été établi qu’ils étaient contraires à la loi. Caroline Sägesser l’a rappelé également : la Cour européenne des Droits de l’Homme estime que la protection de la liberté d’expression vaut non seulement pour les idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population.

 

Je n’aurais pas été écouter Raphaël Enthoven s’il était venu à Bruxelles, parce que je trouve ses propos indignes. Mais il m’est totalement insupportable qu’il ne puisse y prendre la parole. J’y vois une inquiétante dérive et une atteinte manifeste à nos libertés fondamentales.

 

 

 

 

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29 septembre 2025 1 29 /09 /septembre /2025 09:03

 

 

Nos amis du site « Le Grand soir » (grandsoir.info) viennent de publier un article d’Orly Noy traduit par Viktor Dedaj initialement paru dans la revue israélienne +972 Magazine.

 

Les termes utilisés dans le titre et dans l’article sont très durs et peuvent choquer. N’oublions pas cependant que ce qui est choquant, sont avant tout les actions meurtrières de Tsahal dans la bande de Gaza qui ont atteint leur paroxysme en ce mois de septembre 2025, vingt-trois mois après l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023.

 

 

L'insupportable quotidien de Gaza

L'insupportable quotidien de Gaza

 

 

Orly Noy est une citoyenne israélienne d'origine iranienne. Journaliste, traductrice de poésie en farsi, présidente du conseil d'administration de l'organisation de défense des droits humains B'Tselem, elle milite aussi au sein de Balad-Tajamu, un parti arabe-israélien laïque qui lutte « pour transformer l’État d’Israël en démocratie pour tous ses citoyens, quelle que soit leur nationalité ou leur origine ethnique ». Autrement dit un seul Etat réunissant une population des plus diversifiées en un territoire semi-désertique à peine plus grand que la Belgique.

 

 

Orly Noy, présidente de B'Tselem

Orly Noy, présidente de B'Tselem

 

 

C'est dans cette perspective politique que s'inscrit la tribune qu'Orly Noi a publié en anglais ce 18 septembre dans +972 Magazine. Quoi qu'on puisse penser du choix d'utiliser les termes de « dénazification » et d’ « holocauste », son texte a le mérite de pointer le système qui rend possible l'extermination des Palestiniens et surtout d'esquisser un cadre pour y mettre fin.

 

N'oublions pas qu’il y a, en cette tragédie, une immense responsabilité historique de la part des « démocraties » occidentales : il n’est plus besoin aujourd’hui d’attendre la décision de la Cour pénale internationale pour constater que nous avons affaire à un génocide à Gaza. L’offensive de ce mois de septembre 2025 vise à rayer Gaza Ville de la carte. C’est la deuxième fois depuis le 7 octobre 2023 que les autorités israéliennes contraignent des dizaines de milliers de Gazaouis à évacuer vers le Sud. Face à ces horreurs, la réaction des Occidentaux est d’une mollesse intolérable ! Nous assistons quotidiennement à un « génocide télévisé » comme le constatait déjà en mars 2024 l’historien israélien Ilan Pappe lors d’un colloque à Bruxelles.

 

Ainsi, grâce au courage et à l’obstination des journalistes palestiniens qui payent un lourd tribut à exercer leur métier, plus personne ne pourra dire « Je ne savais pas ! » ou, pire, nul ne pourra nier une vérité évidente ! Alors, pourquoi restent-ils passifs ? Quant aux Etats-Unis, on peut supposer que l’extermination systématique du peuple palestinien les arrange. Trump a bien proposé de transformer la bande de Gaza en une Riviera !

 

 

Un jour ou l’autre, les prétendues « démocraties occidentales » auront à répondre de leur indifférence coupable ressemblant à de la complicité, devant l’histoire ! Elles qui sont si promptes à donner des leçons aux autres, ne pourront plus jamais se poser en juge ou en arbitre. Le poids aussi bien moral que politique de l’Europe a pris un coup fatal lors de cette guerre de Gaza. Elle s’est montrée incapable d’exercer une pression réelle sur le gouvernement israélien, alors que c’était possible comme l’a affirmé, il y a peu, le diplomate israélien Elie Barnavi et, pire, elle s’affiche totalement dépendante des caprices des dirigeants actuels des Etats-Unis d’Amérique.

 

 

Pierre Verhas

 

Nous conseillons à nos lecteurs intéressés de cliquer sur les liens hypertexte de cet article. Cela leur donne accès à toute une série d’informations sur cette tragédie en Israël – Palestine.

 

 

Israël mène un holocauste à Gaza. La dénazification est notre seul remède.

 

L'arrêt de l’anéantissement que "l’armée du peuple" israélienne est en train de perpétrer en ce moment même à Gaza est l’action la plus urgente. Mais une fois qu’il aura cessé, il faudra s’attaquer aux racines du mal et déraciner l’idéologie de la suprématie juive qui nous a menés jusqu’ici.

 

 

 

La destruction de Gaza City a commencé.

La destruction de Gaza City a commencé.

 

 

La ville de Gaza est en proie aux flammes, alors que l’armée israélienne lance son offensive terrestre, menacée depuis longtemps, après des semaines de bombardements incessants. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, déjà visé par un mandat d’arrêt international pour crimes contre l’humanité, a qualifié cette dernière attaque d’« opération intensifiée ». Je vous invite à regarder les images diffusées depuis Gaza pour comprendre ce que signifie réellement cet euphémisme.

 

Regardez les yeux des personnes saisies d’une terreur sans pareille, même dans les moments les plus sombres de ce génocide qui dure depuis deux ans. Voyez les rangées d’enfants couverts de cendres gisant sur le sol ensanglanté de ce qui était autrefois un centre médical — certains à peine vivants, d’autres hurlant de douleur et de peur — tandis que des mains désespérées tentent de les réconforter ou de les soigner avec les quelques fournitures médicales qui restent. Écoutez les cris des familles qui fuient sans savoir où aller. Voyez les parents fouiller les décombres à la recherche de leurs enfants, des membres dépassant des décombres, un ambulancier berçant une fillette immobile, la suppliant en vain d’ouvrir les yeux.

 

Ce qu’Israël fait à Gaza n’est pas le résultat tragique d’événements chaotiques sur le terrain, mais un acte d’extermination mûrement réfléchi, exécuté de sang-froid par « l’armée du peuple », c’est-à-dire les pères, les fils, les frères et les voisins de nous, Israéliens.

 

Comment se fait-il que, malgré les témoignages de plus en plus nombreux provenant des camps de concentration et d’extermination de Gaza, aucun mouvement de refus massif ne se soit développé en Israël ? Il est vraiment inconcevable qu’après deux ans de ce carnage, seule une poignée d’objecteurs de conscience soient emprisonnés. Même les soi-disant « réfractaires gris » – des soldats de réserve qui ne s’opposent pas à la guerre pour des raisons idéologiques, mais qui sont simplement épuisés et s’interrogent sur son utilité – restent bien trop peu nombreux pour ralentir la machine à tuer, et encore moins pour l’arrêter.

 

Qui sont ces âmes obéissantes qui font fonctionner ce système ? Comment une société aussi profondément divisée – entre religieux et laïcs, colons et libéraux, kibboutzniks et citadins, immigrants de longue date et nouveaux arrivants – peut-elle s’unir uniquement dans sa volonté de massacrer les Palestiniens sans la moindre hésitation ?

 

Au cours des 23 derniers mois, la société israélienne a tissé un réseau infini de mensonges pour justifier et permettre la destruction de Gaza – non seulement aux yeux du monde, mais surtout à ses propres yeux. Le principal de ces mensonges est l’affirmation selon laquelle les otages ne peuvent être libérés que par la pression militaire. Pourtant, ceux qui exécutent les ordres de l’armée, semant la mort en masse sur Gaza, le font en sachant pertinemment qu’ils risquent de tuer les otages dans le processus. Les bombardements aveugles d’hôpitaux, d’écoles et de quartiers résidentiels, associés à ce mépris pour la vie des Israéliens retenus captifs, prouvent le véritable objectif de la guerre : l’anéantissement total de la population civile de Gaza.

 

 

Ruines et désolations quotidiennes. La passivité européenne est plus que coupable !

Ruines et désolations quotidiennes. La passivité européenne est plus que coupable !

 

 

« La phase finale de la nazification de la société israélienne »

 

Israël est en train de déclencher un holocauste à Gaza, et cela ne peut être considéré comme la seule volonté des dirigeants fascistes actuels du pays. Cette horreur va bien au-delà de Netanyahu, Ben Gvir et Smotrich. Nous assistons à la phase finale de la nazification de la société israélienne.

 

La tâche urgente consiste désormais à mettre fin à cet holocauste. Mais l’arrêter n’est que la première étape. Si la société israélienne veut un jour revenir dans le giron de l’humanité, elle doit se soumettre à un profond processus de dénazification.

 

Une fois que la poussière de la mort sera retombée, nous devrons revenir sur nos pas jusqu’à la Nakba, aux expulsions massives, aux massacres, aux confiscations de terres, aux lois raciales et à l’idéologie de la suprématie inhérente qui a normalisé le mépris pour les peuples autochtones de cette terre et le vol de leurs vies, de leurs biens, de leur dignité et de l’avenir de leurs enfants. Ce n’est qu’en affrontant ce mécanisme mortel inhérent à notre société que nous pourrons commencer à le déraciner.

 

Ce processus de dénazification doit commencer dès maintenant, et il commence par le refus. Le refus non seulement de participer activement à la destruction de Gaza, mais aussi de revêtir l’uniforme, quel que soit le grade ou le rôle. Le refus de rester dans l’ignorance. Le refus d’être aveugle. Le refus de se taire. Pour les parents, il est du devoir de protéger la prochaine génération afin qu’elle ne devienne pas coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

 

La dénazification doit également inclure la reconnaissance que ce qui était ne peut rester. Il ne suffira pas de simplement remplacer le gouvernement actuel. Nous devons abandonner le mythe du caractère « juif et démocratique » d’Israël, un paradoxe dont la poigne de fer a contribué à ouvrir la voie à la catastrophe dans laquelle nous sommes aujourd’hui plongés.

 

Cette tromperie doit cesser, et il faut reconnaître clairement qu’il ne reste que deux voies possibles : soit un État juif, messianique et génocidaire, soit un État véritablement démocratique pour tous ses citoyens.

 

L’holocauste de Gaza a été rendu possible par l’adhésion à la logique ethno-supremaciste inhérente au sionisme. Il faut donc le dire clairement : le sionisme, sous toutes ses formes, ne peut être lavé de la souillure de ce crime. Il doit être aboli.

 

La dénazification sera longue et globale, touchant tous les aspects de notre vie collective. Nous sacrifierons probablement encore plusieurs générations – tant des victimes que des auteurs – avant que ce fléau ne soit complètement éradiqué. Mais le processus doit commencer dès maintenant, en refusant de commettre les horreurs qui se produisent quotidiennement à Gaza et en refusant de les laisser passer comme si elles étaient normales.

 

Orly Noy

 

Ben Gvir, Netanyahu et Smotrich, les trois ministre israéliens accusés de crimes contre l'humanité

Ben Gvir, Netanyahu et Smotrich, les trois ministre israéliens accusés de crimes contre l'humanité

 

 

La tâche urgente consiste désormais à mettre fin à cet holocauste. Mais l’arrêter n’est que la première étape. Si la société israélienne veut un jour revenir dans le giron de l’humanité, elle doit se soumettre à un profond processus de dénazification.

 

Une fois que la poussière de la mort sera retombée, nous devrons revenir sur nos pas jusqu’à la Nakba, aux expulsions massives, aux massacres, aux confiscations de terres, aux lois raciales et à l’idéologie de la suprématie inhérente qui a normalisé le mépris pour les peuples autochtones de cette terre et le vol de leurs vies, de leurs biens, de leur dignité et de l’avenir de leurs enfants. Ce n’est qu’en affrontant ce mécanisme mortel inhérent à notre société que nous pourrons commencer à le déraciner.

 

Ce processus de dénazification doit commencer dès maintenant, et il commence par le refus. Le refus non seulement de participer activement à la destruction de Gaza, mais aussi de revêtir l’uniforme, quel que soit le grade ou le rôle. Le refus de rester dans l’ignorance. Le refus d’être aveugle. Le refus de se taire. Pour les parents, il est du devoir de protéger la prochaine génération afin qu’elle ne devienne pas coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

 

La dénazification doit également inclure la reconnaissance que ce qui était ne peut rester. Il ne suffira pas de simplement remplacer le gouvernement actuel. Nous devons abandonner le mythe du caractère « juif et démocratique » d’Israël, un paradoxe dont la poigne de fer a contribué à ouvrir la voie à la catastrophe dans laquelle nous sommes aujourd’hui plongés.

 

Cette tromperie doit cesser, et il faut reconnaître clairement qu’il ne reste que deux voies possibles : soit un État juif, messianique et génocidaire, soit un État véritablement démocratique pour tous ses citoyens.

 

L’holocauste de Gaza a été rendu possible par l’adhésion à la logique ethno-supremaciste inhérente au sionisme. Il faut donc le dire clairement : le sionisme, sous toutes ses formes, ne peut être lavé de la souillure de ce crime. Il doit être aboli.

 

La dénazification sera longue et globale, touchant tous les aspects de notre vie collective. Nous sacrifierons probablement encore plusieurs générations – tant des victimes que des auteurs – avant que ce fléau ne soit complètement éradiqué. Mais le processus doit commencer dès maintenant, en refusant de commettre les horreurs qui se produisent quotidiennement à Gaza et en refusant de les laisser passer comme si elles étaient normales.

 

Orly Noy

 

 

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15 septembre 2025 1 15 /09 /septembre /2025 19:45

 

 

Lors de nos périples en Palestine en 2018 et en 2019, nous avons eu l’honneur de rencontrer à plusieurs reprises Michel Warschawski, fils du grand Rabbin d’Alsace, qui émigra en Israël encore bébé, infatigable militant israélien de la Paix après la guerre des Six Jours et du rapprochement entre Israéliens et Palestiniens. A Jérusalem, nous eûmes plusieurs conversations où, c’est inévitable, il fut  question de l’antisémitisme. Michel Warschawski, conscient bien entendu des ravages de celui-ci, attira notre attention sur un fléau qu’il considère comme encore plus dangereux : le philosémitisme.

 

 

Michel Warschawski explique à feu Jef Baeck et à son épouse Christine le système de colonisations juives en Cisjordanie. Il a aussi attiré notre attention sur les dangers du "philosémitisme".

Michel Warschawski explique à feu Jef Baeck et à son épouse Christine le système de colonisations juives en Cisjordanie. Il a aussi attiré notre attention sur les dangers du "philosémitisme".

 

 

Le philosémitisme est l’avers de l’antisémitisme. Comme le dit l’historienne juive franco-tunisienne Sophie Bessis sur le réseau Blast : « Les pays occidentaux sont passés d'un antisémitisme délirant à un philosémitisme tout à fait étonnant. » Sophie Bessis ajoute : « Antisémitisme et philosémitisme sont les deux faces d’une même médaille, car quel est le sens de tout cela ? C’est que le Juif n’est jamais quelqu’un comme les autres. Il est toujours exceptionnel. Soit on le hait, soit on l’aime trop ! Le Juif n’a pas droit à l’indifférence. Et çà, c’est extrêmement dangereux. »

 

 

 

Sophie Bessis, historienne juive franco-tunisienne, n'hésite pas à secouer le cocotier !

Sophie Bessis, historienne juive franco-tunisienne, n'hésite pas à secouer le cocotier !

 

 

L’historienne ajoute qu’on en vient à assimiler l’antisionisme à l’antisémitisme. Et c’est ce qui se passe aujourd’hui, particulièrement depuis le 7 octobre 2023. Il règne une ambiance exécrable : toute critique de l’action du gouvernement d’extrême-droite est taxée d’antisémitisme. Il est quasi impossible de débattre sereinement. Et cela est grave, car cela constitue à terme une menace sur la liberté d’expression. Certes, ce n’est pas nouveau, mais cela a pris depuis le 7 octobre 2023 des proportions dangereuses.

 

« Uranopole » a rapporté dans sa dernière livraison la saga du marrainage par l’Eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan de la promotion 2025 du 2e Master de la Faculté de Droit et de Criminologie de l’ULB qui a déclenché un tollé au point qu’elle en est éclaboussée. (https://uranopole.over-blog.com/2025/08/morceaux-d-humeur-du-24-aout-2025.html )  Le dernier incident en date à ce sujet date du 7 septembre écoulé et est révélateur de cette tragique dérive.

 

Il s’agit du changement de nom d’une rue bruxelloise traversant deux communes du Sud de la capitale : Ixelles et Uccle. Cette rue se nomme désormais rue Andrée Geulen à la place de Edmond Picard.

 

Andrée Geulen (1921 – 2022) était une enseignante, résistante, communiste, membre du Comité de défense des Juifs — un réseau d’hébergement clandestin au sein duquel elle participa à sauver près de 300 enfants pendant la Seconde guerre mondiale. Lors de la cérémonie du 7 septembre, Julie Hellenbosch, la petite fille d’Andrée Geulen expliqua : « Ma grand-mère ne se considérait pas comme une héroïne. Elle a fait ce qui lui semblait juste. Comme beaucoup de femmes aujourd'hui. Baptiser cette rue du nom d’Andrée Geulen, c’est donner de la visibilité à tous ces actes courageux qui se font dans l’ombre, à toutes ces femmes qui placent le bien commun avant leur propre intérêt. C’est donner de l’espoir aux filles et aux femmes d’aujourd’hui et un modèle aux combattantes de demain ! »

 

 

 

Andrée Geulen pendant l'occupation

Andrée Geulen pendant l'occupation

 

 

Cependant, quelle fut la raison de ce remplacement de nom ? Edmond Picard (1836 – 1924) fut considéré comme un éminent juriste, un des fondateurs du socialisme belge à la fin du XIXe siècle. Il fut aussi sénateur. Mais, à la conférence du Jeune Barreau de Bruxelles en février 1994, le juriste Foulek Ringelheim fit état de l’antisémitisme et du racisme virulents de Picard jusqu’alors considéré comme un éminent juriste humaniste. Le célèbre avocat et militant de gauche Michel Graindorge se rendit aussitôt devant la salle d’audience de la Cour de cassation où se trouvait le buste à la mémoire d’Edmond Picard. Il le renversa, brisant ainsi cette sculpture et provoquant des dégâts au dallage de la salle ! Graindorge revendiqua son geste et dut s’expliquer auprès du Procureur du roi de Bruxelles, M. Dejemeppe. L’affaire en resta là, mais elle provoqua une grande émotion.

 

 

 

Michel Graindorge (1939 - 2015), avocat de toutes les causes où les principes essentiels pouvaient être menacés.

Michel Graindorge (1939 - 2015), avocat de toutes les causes où les principes essentiels pouvaient être menacés.

 

 

Notons au passage qu’à la fin du XIXe siècle, beaucoup de dirigeants de gauche n’hésitaient pas à tenir des propos antisémites. Le Juif était assimilé au capitaliste le plus dur ! Ce fut le cas, entre autres, de l’anarchiste Elisée Reclus qui joua un rôle fondamental dans la scission de l’Université Libre de Bruxelles en 1894.

 

Pour en revenir à notre époque, il était évident qu’il fallait changer le nom de la rue Edmond Picard. Celui d’Andrée Geulen fut choisi et ne souffrit aucune critique. Le dimanche 7 septembre 2025, fut procédé à l’inauguration présidée par les bourgmestres (maires pour nos lecteurs français) d’Ixelles et d’Uccle. Au début l’ambiance était chaleureuse d’après l’ancien bourgmestre d’Ixelles, l’Ecolo Christos Doulkeridis qui fut invité, car c’est lui qui avait initié cette odonymie (changement de nom). Lorsque son successeur, le Socialiste Romain de Reusme, salua la présence de Madame Annemie Schaus, Rectrice de l’ULB, des huées et quelques applaudissements se firent entendre. La tragédie de Gaza s’était invitée à cette cérémonie !

 

 

La plaque de la rue "Edmond Picard" n'est pas encore enlevée...

La plaque de la rue "Edmond Picard" n'est pas encore enlevée...

 

Le « philosémitisme » a sévi.

 

La Rectrice a été accusée d’avoir appuyé la promotion Rima Hassan et d’ainsi transformer l’Université en un fief « islamiste » et « antisioniste » ! L’affaire va encore plus loin : une eurodéputée exige que l’on coupe les subsides européens à l’ULB !

 

Doulkeridis raconte : « Une fille d’enfant caché a écrit plus tard combien elle avait été troublée de ce « mélange de genre, où trop de gens confondent Israël et juif. Un mélange qui entretient des blessures anciennes et détourne l’attention de ce qui faisait l’objet de la célébration : l’acte héroïque d’Andrée ». Et voilà ! Le « philosémitisme » a sévi !

 

 

 

Boris Dilliès, bourgmestre d'Uccle, au lieu d'honorer la mémoire d'Andrée Geulen, a jeté de l'huile sur le feu !

Boris Dilliès, bourgmestre d'Uccle, au lieu d'honorer la mémoire d'Andrée Geulen, a jeté de l'huile sur le feu !

 

 

Et ce n’est pas terminé ! Le bourgmestre d’Uccle, le MR très droitier Boris Dilliès en a rajouté dans son discours. Il a commencé par dénoncer le climat délétère d’antisémitisme qui règne à Bruxelles où de nombreux membres de la Communauté juive ne se sentent plus en sécurité. Sur cet aspect-là, il a raison, mais il aurait peut-être mieux fait de dire ce qu’il compte faire en tant que bourgmestre pour lutter contre ce fléau. Par après, son discours a tourné à la goujaterie : il a attaqué l’Université Libre de Bruxelles au sujet de la Promotion Rima Hassan, sans la citer. Voici exactement ce que Dilliès a dit : « Ce moment doit rappeler le combat contre l’antisémitisme, à l’heure où même dans notre Région, certains Belges, non-Belges ou Bruxellois se demandent s’ils sont vraiment les bienvenus dans une université censée incarner les Lumières. »  Donc, une quinzaine d’étudiants ont transformé un établissement universitaire de 38.000 étudiants en un repaire antisémite d’après le bourgmestre d’Uccle ! Outrée, la Rectrice de l’ULB s’est retirée.

 

 

Annemie Schaus, Rectrice de l'ULB défend avec courage et lucidité son Alma mater contre tous les extrémismes et particulièrement contre l'antisémitisme.

Annemie Schaus, Rectrice de l'ULB défend avec courage et lucidité son Alma mater contre tous les extrémismes et particulièrement contre l'antisémitisme.

 

 

Notons que Boris Dilliès n’en est pas à son coup d’essai ! Il a fait hisser le drapeau israélien sur la maison communale d'Uccle après le 7 octobre. On se souvient aussi des autopompes qu'il avait envoyées, à plusieurs reprises, contre les manifestants rassemblés devant l'ambassade d'Israël. Cela lui valut des critiques de professionnels du maintien de l’ordre qui ne sont pas tous des brutes. Et n’oublions pas les pressions qu'il a exercées sur le Centre culturel d’Uccle pour obtenir l'annulation d'un spectacle de Guillaume Meurice.

 

 

Christos Doulkeridis estime quant à lui : « Quand il dit à propos de l’ULB « L’Université censée incarner les lumières… » il sait qu’il jette de l’huile sur le feu et qu’il induit volontairement l’idée que l’université elle-même serait antisémite ou indulgente face à l’antisémitisme. C’est insultant, choquant et inacceptable. Sur la forme parce que le moment n’est pas du tout approprié. Sur le fond parce que ce n’est absolument pas étayé et qu’il représente une autorité publique. Quand une rue est taguée de slogans antisémites, on ne traite pas d’antisémite le Bourgmestre de la commune où ça s’est produit. On travaille avec lui à prendre les mesures adéquates le plus rapidement possible et on sait que ce n’est pas évident et que le combat nécessite qu’on soit bien unis et non qu’on essaie de marquer des points contre ses partenaires. »

 

 

Christos Doulkeridis, ancien bourgmestre Ecolo d'Ixelles, initiateur du projet de changement de nom de la rue Edmond Picard pour honorer Andrée Geulen

Christos Doulkeridis, ancien bourgmestre Ecolo d'Ixelles, initiateur du projet de changement de nom de la rue Edmond Picard pour honorer Andrée Geulen

 

Le même jour, une énorme manifestation de solidarité avec la Palestine se déroulait à Bruxelles.

 

 

 

Anne Herscovici, militante de gauche ixelloise est de tous les combats.

Anne Herscovici, militante de gauche ixelloise est de tous les combats.

 

 

Anne Herscovici, ancienne présidente du CPAS d’Ixelles et ancienne députée Ecolo, s’adresse dans un article à Boris Dilliès : « Dimanche, vous n'avez pas détaillé ce qui vous permet d'affirmer que l'ULB serait « antisémite ». On se doute que vous visiez le fait que la direction de l'université n'a pas fait évacuer, l'an dernier, les étudiants qui occupaient un bâtiment du campus pour dénoncer le génocide à Gaza ; qu'elle a suspendu plusieurs collaborations institutionnelles avec des partenaires israéliens ; et qu'elle a respecté la procédure qui a mené des étudiants à choisir le nom de Rima Hassan pour nommer une promotion en droit.

 

Vos propos assimilant l’ULB à l'antisémitisme sur cette base relèvent d'un procédé rhétorique grossier. Le même qui transforme le drapeau palestinien et le keffieh en symboles islamistes, les résistants à des terroristes, les manifestations contre le nettoyage ethnique à des rassemblements pro-Hamas...

 

Joël Rubinfeld [président de la Ligue belge contre l’antisémitisme et proche de l’ancien député israélo-français Meyer Habib] et une partie de vos amis sont coutumiers de cette méthode, qui vous rangent non pas du côté des « Justes » mais des complices.

 

Les « Justes », s'ils existent, luttent contre toute forme de racisme, de colonialisme, d'injustice sociale. Comme Andrée Geulen. L'une de ses petites-filles déclara d'ailleurs, après avoir entendu votre discours : « Elle serait venue manifester cet après-midi pour soutenir le peuple palestinien. Ce qui se passe à Gaza est insupportable. Elle aurait trouvé ça tout aussi insupportable que ce qui s’est passé durant la Seconde Guerre mondiale. C’était une femme qui défendait tous les combats que nous, petits-enfants et arrière-petits-enfants, on essaye de transmettre. »

 

Quelques heures plus tard, une partie de la petite assistance devant laquelle vous avez parlé rejoignait l'immense marée humaine qui manifestait contre le génocide à Gaza. Fidèle à l’esprit d’Andrée Geulen. »

 

Tout est dit !

 

Il est encore loin le moment où l’on pourra débattre de la question du Proche Orient en toute sérénité et sans anathèmes.

 

Il est encore loin le moment où l’on considérera que le peuple palestinien a le droit de vivre comme tout autre peuple et de retourner chez lui.

 

Il est encore loin le moment où les Israéliens installés en Palestine depuis quelques générations pourront vivre en paix avec leurs voisins palestiniens dans une seule entité démocratique.

 

Il est encore loin le moment où les Juifs auront droit à l’indifférence comme le souhaite Sophie Bessis.

 

En définitive, l’immense majorité des Juifs israéliens ou non ne désirent qu’une chose : qu’on leur foute la paix !

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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24 août 2025 7 24 /08 /août /2025 20:38

 

 

Promotion Rima Hassan

 

Avis de tempête (dans un verre d’eau) à la Faculté de Droit et de Criminologie de l’ULB (Université Libre de Bruxelles, connue pour sa promotion du principe du principe du Libre examen) : les étudiants en Droit de la promotion 2025 ont choisi de nommer l’eurodéputée LFI d’origine palestinienne Rima Hassan comme marraine de leur promotion. Tollé général ! Pressions de toutes sortes : médias, personnalités politiques, intellectuelles et intellectuels bien en vue : cette eurodéputée est une « terroriste », bien entendu « antisémite », partisane du Hamas et on en passe. Pensez donc, après les massacres commis par le Hamas le 7 octobre 2023 ! Une honte !

 

 

 

 

Rima Hassan fille d'une famille de réfugiés palestiniens en Syrie, juriste spécialisée dans les questions de discrimination, militante pour la Justice en Palestine, eurodéputée LFI ayant entre autres travaillé avec Raphael Glucksmann sur la question des Oïghours, est aujourd'hui la cible d'une propagande odieuse et mensongère de la part des partisans du gouvernement Netanyahou.

Rima Hassan fille d'une famille de réfugiés palestiniens en Syrie, juriste spécialisée dans les questions de discrimination, militante pour la Justice en Palestine, eurodéputée LFI ayant entre autres travaillé avec Raphael Glucksmann sur la question des Oïghours, est aujourd'hui la cible d'une propagande odieuse et mensongère de la part des partisans du gouvernement Netanyahou.

 

 

En dépit d’une campagne sans précédent de la bien-pensante occidentaliste et pro-israélienne, les étudiants en 2e master Droit ont tenu bon et le nom de la promotion 2025 est maintenu. Les propos les plus virulents ont été tenus le 22 août 2025 par Dorian de Meeüs, le Rédacteur en chef du quotidien « La Libre Belgique » journal conservateur catholique, de grande qualité journalistique et largement ouvert à d’autres opinions. Ici, cependant, la « Libre » retombe dans ses travers d’antan. Son éditorial s’intitule : « Le déshonneur d’une promotion ». Excusez du peu ! Lisez : « S'il est parfaitement légitime de vouloir de saluer les voix qui s'élèvent contre l'injustice, l'ULB a aussi des valeurs universelles à défendre. Son "libre examen" est censé incarner le discernement, la rigueur et le refus du dogmatisme. » Remarquez les guillemets entourant les mots libre examen ! Et en quoi, Rima Hassan incarne le « dogmatisme » ? Parce que, selon M. de Meeûs : « D'extrême gauche, son parcours politique est lesté de zones d'ombre et de postures qui, mises bout à bout, composent un tableau incompatible avec les valeurs humanistes qu'une grande faculté de droit se doit d'incarner. » D’extrême gauche ? Cela, c’est grave ! On peut citer des noms de politiciens qui ne sont pas « d’extrême » quoi que ce soit, qui ne sont pas non plus compatibles avec les « valeurs humanistes » …

 

 

Dorian de Meeüs, rédacteur en chef de la Libre Belgique est très sévère à l'égard de la promotion 2025 des étudiants en 2e Master de la Faculté de droit de l'ULB qui a décidé de l'appeler Rima Hassan.

Dorian de Meeüs, rédacteur en chef de la Libre Belgique est très sévère à l'égard de la promotion 2025 des étudiants en 2e Master de la Faculté de droit de l'ULB qui a décidé de l'appeler Rima Hassan.

 

 

Après avoir passé en revue les prises de position « intolérables », selon lui, de Rima Hassan, Dorian de Meeûs conclut : « Il ne s'agit pas d'interdire un débat, ni de censurer une parole. Mais d'affirmer que le lustre d'une université ne se partage pas avec des figures qui, par leurs propos, fracturent et stigmatisent. Comment justifier qu'une promotion de futurs gardiens de l'État de droit se choisisse pour marraine une personnalité ainsi contestée ? Des autorités académiques lucides ne peuvent tolérer ce symbole. Ce serait celui du déshonneur pour les étudiants et enseignants, d'aujourd'hui et d'hier, pour la faculté et pour l'université. L'ULB mérite mieux. Ses valeurs aussi. »

 

Il est assez piquant d’observer que le rédacteur en chef d’un quotidien qui n’a pas manifesté dans sa longue histoire un grand enthousiasme envers l’ULB et les principes qu’elle défend, donne aujourd’hui des leçons aux autorités académiques de ladite Alma mater !

 

Et puis, il faudrait peut-être écouter les arguments de la première intéressée : Rima Hassan. Voici ce qu’elle a déclaré à la revue « Politis ». La parole est à la défense ! Si ce n’est pas cela le droit…

 

 

 

Rima Hassan ne se laisse pas faire et elle a des arguments !

Rima Hassan ne se laisse pas faire et elle a des arguments !

 

 

« Je suis fatiguée de commenter la paresse intellectuelle de prétendus experts. Le Hamas est un mouvement religieux structuré autour d’une branche politique, et qui a développé une branche armée dont le mode opératoire est le terrorisme. M’accuser de soutenir le Hamas, c’est mal me connaître. Je suis née dans une famille communiste. Par ailleurs, posons-nous la question : qui a soutenu le Hamas ? On a très bien documenté le soutien du gouvernement israélien au Hamas. Bezalel Smotrich [ministre des Finances, et leader extrémiste des colons] et même Benyamin Netanyahou ont expliqué pourquoi il fallait le soutenir et le faire financer pour briser les organisations ouvertes à la négociation. Le journal israélien Haaretz l’a révélé. Il y a donc beaucoup d’ironie à accuser tel ou tel de soutenir le Hamas. »

 

Et puis, qui est Rima Hassan ? Elle se livre dans l’interview à la revue « Politis » : « Je suis née dans le camp palestinien de Neirab, près d’Alep, en Syrie. Mon grand-père maternel, d’origine palestinienne, avait été contraint à l’exil pendant la Nakba, à la création d’Israël en 1948. Ma grand-mère maternelle était issue d’une famille de notables syriens, les Hananou. Le mariage avec un réfugié palestinien n’avait pas été bien accueilli dans la famille syrienne. Il avait fait cette promesse : « Je la prends princesse, et elle vivra comme une princesse. » En réalité, leur vie s’est déroulée dans un camp de réfugiés. Je suis arrivée à l’âge de 10 ans en France, où j’ai fait ma scolarité, puis j’ai poursuivi des études de droit au Liban et à Paris. En 2019, j’ai créé l’Observatoire des camps de réfugiés, qui documente les camps à travers le monde. »

 

 

Une redoutable terroriste !

 

Une redoutable terroriste, donc ! Elle explique : « J’ai fait des études de droit par passion. J’ai travaillé sur la qualification de crimes d’apartheid, qui reposent sur la dichotomie juifs/non-juifs aux fins de nettoyage ethnique. L’apartheid est une doctrine fondamentalement raciste, qui va jusqu’à l’animalisation des Palestiniens, traités de cafards ou de sauterelles. L’apartheid est la conséquence directe du colonialisme. La vérité, c’est qu’Israël est malade de son colonialisme. »

 

Quant à Israël, Rima Hassan dit : « Je n’aime pas me définir comme antisioniste parce qu’on ne sait pas de quel sionisme on parle. Le sionisme a deux dimensions. L’une structurelle, nationale, à laquelle je ne m’oppose pas. La deuxième est coloniale. Et Israël doit rompre avec sa dimension coloniale qui aboutit à déshumaniser les Palestiniens. Le projet colonial fait disparaître tous les Palestiniens en tant que sujets politiques. Les événements actuels s’inscrivent dans une projection politique de la Nakba de 1948, dont l’objectif était de faire disparaître les Palestiniens. Tant qu’Israël ne guérira pas de son colonialisme, il n’y aura pas d’issue, les Palestiniens seront dépossédés ou massacrés, et les Israéliens ne seront pas en sécurité. »

 

Combattre le colonialisme israélien est en définitive rendre service aux deux parties. Enfin, à la question de savoir qui doit représenter le peuple palestinien, Rima Hassan répond : « Ce n’est pas à moi de dire aux Palestiniens de quels représentants ils doivent se doter. Je suis évidemment pour des élections qui renouvellent l’Autorité palestinienne. Mais pour répondre directement à votre question, je ne crois pas qu’un mouvement religieux puisse représenter les Palestiniens. Il faut qu’ils soient représentés dans leur diversité, laïque, au sens premier du terme. L’ironie de l’histoire, c’est que les dirigeants palestiniens progressistes, comme Marwan Barghouti, sont en prison, alors que le Hamas négocie au Caire et signe des accords. La vérité, c’est qu’Israël ne veut pas d’interlocuteurs progressistes. Le gouvernement israélien ne veut pas la paix. »

 

 

Le dirigeant palestinien Marwan Barghouti surnommé le "Mandela palestinien" emprisonné depuis des années en Palestine vient d'être menacé par le ministre extrémiste israélien Ben Gvir. Le gouvernement Netanyahou fait tout pour rendre impossible une solution pacifique au conflit.

Le dirigeant palestinien Marwan Barghouti surnommé le "Mandela palestinien" emprisonné depuis des années en Palestine vient d'être menacé par le ministre extrémiste israélien Ben Gvir. Le gouvernement Netanyahou fait tout pour rendre impossible une solution pacifique au conflit.

 

 

Elle ajoute – et c’est essentiel : « Il faut bien comprendre que j’appartiens à une nouvelle génération. Nous avons un prisme qui est celui de l’égalité des droits. Je crois en la démocratie. La forme de l’État vient après. Les Palestiniens demandent à être comme nous. Ils veulent s’inscrire dans le monde, comme n’importe quel autre peuple. C’est une lutte universelle. D’ailleurs, je dois préciser qu’une fois qu’ils auront leur État, quelle qu’en soit la forme, ils seront face à des sujets palestino-palestiniens. Mon problème est celui du droit et de la démocratie en général. »

 

Ce sont vraiment les propos d’une dangereuse « terroriste islamo-gauchiste ».

 

Oui, Rima Hassan est dangereuse : elle a une vision claire, une analyse rigoureuse de la dramatique situation dans laquelle se trouve son peuple et aussi son adversaire, le peuple israélien.

 

Eh bien ! les étudiantes et les étudiants en 2e Master de la Faculté de droit et de criminologie de l’ULB savaient très bien ce qu’ils faisaient en attribuant le nom de Rima Hassan à leur promotion.

 

Et puis, quoiqu’on pense de la position des étudiantes et étudiants du 2e Master, ils ont prouvé deux qualités essentielles : la fermeté dans leurs convictions qui ne sont pas éloignées de la défense des Droits humains et du Droit international et aussi leur âpre résistance à l’adversité. C’est excellent pour de futurs juristes et « défenseurs de l’Etat de droit. » !

 

D’ailleurs, les autorités de la Faculté de Droit et de Criminologie de l’ULB ont tranché : « Les étudiantes et étudiants de Master 2 de la Faculté de Droit et de Criminologie de l'ULB ont désigné, par vote, la personnalité dont leur promotion 2025 portera le nom. Leur choix s'est porté sur l'eurodéputée Rima Hassan. La Faculté prend connaissance du résultat de ce processus démocratique. ».

 

Point final !

 

P.V.

 

Un ministre qui respecte ses engagements !

 

 

Le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Caspar Veldkamp, ​​a annoncé sa démission, invoquant sa frustration de ne pas pouvoir mettre en œuvre de mesures supplémentaires contre Israël en raison de l'opposition d'autres membres du cabinet.

 

 

Caspar Veldkamp, ministre démissionnaire des Affaires étrangères de Pays Bas parce qu'il n'a pas obtenu des sanctions à l'égard d'Israël.

Caspar Veldkamp, ministre démissionnaire des Affaires étrangères de Pays Bas parce qu'il n'a pas obtenu des sanctions à l'égard d'Israël.

 

 

Après une réunion du cabinet vendredi 22 août, Veldkamp a déclaré avoir rencontré une résistance interne au sein du gouvernement face à ses propositions d'actions visant Israël. « Je me trouve incapable de prendre des mesures supplémentaires significatives pour accroître la pression sur Israël », a-t-il déclaré, ajoutant qu'il se sentait limité dans sa capacité à « poursuivre la politique ou l'orientation que je considère nécessaire ».

 

« Je rentre chez moi pour écrire ma lettre de démission », a déclaré Veldkamp à la chaîne de télévision néerlandaise NOS.

Autre attitude que celle du ministre belge des Affaires étrangères, Maxime Prévot (voir article précédent sur "Uranopole")

 

Sa décision est intervenue à la suite d’un débat parlementaire jeudi, au cours duquel Veldkamp, ​​qui est issu du parti de centre droit Nieuw Sociaal Contract (NSC - Nouveau Contrat Social), avait plaidé pour de nouvelles mesures contre Israël à la lumière de l'escalade de la violence, de la crise humanitaire à Gaza et des politiques de Tel Aviv sur les colonies en Cisjordanie occupée.

 

Il a par exemple proposé un boycott des produits issus des colonies illégales. Cependant, il est apparu au cours du débat que les partis de droite de la coalition VVD et BBB ne le suivaient pas. Comme dans d’autres pays européens, la droite dure soutient la politique meurtrière de Netanyahu et consorts.

 

Le geste de Caspar Veldkamp n’a fait qu’accentuer la crise politique dans laquelle se trouvait le gouvernement batave. Des élections auront lieu le 29 octobre prochain. C’est la première fois qu’un gouvernement de l’UE tombe sur l’abominable guerre du Proche Orient. Et ce, grâce à un homme qui met ses principes au-dessus de ses intérêts politiciens.

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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15 août 2025 5 15 /08 /août /2025 16:42

 

De l’espoir à l’extermination

 

Les négociations entre Israéliens et Palestiniens entamées dès la conférence de Madrid de 1991 se firent sur des bases ambiguës, car ni l’une ni l’autre partie n’exprimait clairement sa volonté. Les Israéliens voulaient certes un accord avec les Palestiniens pour enfin établir la paix et accessoirement assurer leur domination en cédant le moins possible de territoires occupés depuis 1967 et les Palestiniens revendiquaient prioritairement le droit au retour des réfugiés de 1948 et de 1967.

 

Ces deux revendications étaient au départ, inacceptables pour les deux interlocuteurs. C’est la source du conflit depuis les débuts du Sionisme : Les Juifs voulaient réoccuper la terre de leurs lointains ancêtres selon les textes bibliques et les Palestiniens, particulièrement les musulmans, mais par après les chrétiens refusaient de leur laisser la place ! Le Dôme du Rocher devint le symbole de la lutte palestinienne après la défaite de 1967. Et puis, chacune des parties pense : on ne partage pas ce qui nous appartient ou ce qui nous a été attribué.

 

 

Le Dôme du Rocher sur l'Esplanade des mosquées à Jérusalem est un puissant symbole aussi bien pour les Israéliens que pour les Palestiniens.

Le Dôme du Rocher sur l'Esplanade des mosquées à Jérusalem est un puissant symbole aussi bien pour les Israéliens que pour les Palestiniens.

 

 

Un autre élément s’ajoute : l’Etat d’Israël qui, comme on le sait, n’a pas de constitution, n’a fixé aucune frontière. Ecoutons feu Ariel Sharon n’était pas seulement un baroudeur, il fut aussi un stratège et il fut un des rares dirigeants israéliens à avoir une vue à long terme. D’ailleurs, David Ben Gourion, le fondateur d’Israël, le voyait comme son véritable successeur.

 

D’ailleurs, dès le début, les Israéliens n’avaient aucune intention de « rendre » les territoires occupés. Le « plan Ygal Allon » qui partageait la Cisjordanie en deux sur une ligne allant du Nord au Sud, le démontre.

 

Dans un entretien accordé au supplément hebdomadaire du quotidien israélien Haaretz, le 13 avril 2001, Ariel Sharon livra le fond de sa pensée : « Aujourd’hui, les gens ne vibrent plus à l’idée d’“une acre et encore une acre”. Moi, cette idée m’excite toujours… La guerre d’indépendance n’est pas terminée. Peut-être durera-t-elle éternellement. Un peuple normal ne se pose pas de questions du genre “allons-nous toujours vivre avec l’épée ?” L’épée fait partie de la vie. »

 

 

Ariel Sharon était un baroudeur, mais aussi un stratège qui concevait le "Grand Israël"

Ariel Sharon était un baroudeur, mais aussi un stratège qui concevait le "Grand Israël"

 

 

« La frontière sera là où nous planterons notre dernier arbre. »

 

Auparavant, dans un texte publié par le Yediot Aharonot en 1993, Ariel Sharon écrivait :

 

« Nos grands-parents et nos parents ne sont pas venus ici [en Israël] pour bâtir une démocratie. Tant mieux si elle est préservée, mais ils sont venus ici pour créer un État juif. L’existence d’Israël n’est vraiment menacée que par ceux qui, parmi les Israéliens, ne jurent que par la démocratie et la paix, au risque de saper les fondements de notre État juif démocratique et d’ouvrir la voie à la dictature criminelle d’un État palestinien dirigé par l’OLP. (…) Le sionisme n’a jamais prôné la démocratie, mais la création en Palestine d’un État juif appartenant à tout le peuple juif et à lui seul. »

 

Autrement dit, le fameux « processus de paix » que nous rabâchent les médias à tout bout de champ est une pure fiction. Sharon a pensé et mis en œuvre la colonisation des « territoires occupés » par Israël depuis 1967, colonisation qui se poursuit et même s’accentue, en dépit des « protestations » internationales. La colonisation des territoires est un élément de la construction d’Israël, car, selon Sharon, « Israël ne doit pas fixer de frontières. » Il existe donc, à la place du « processus de paix », un « processus constitutif », car « La paix n’est pas à l’ordre du jour dans les cinquante ans à venir. » Et la frontière « sera là où nous planterons notre dernier arbre. »

 

La Bible est un cadastre !

 

Il s’agit donc de créer Eretz Israël, la terre de l’Israël biblique. Le directeur du Centre d’Information Alternative, Michel Warschawski dit que pour tout Juif, religieux ou laïque, ashkénaze ou sépharade, « la Bible est un cadastre ». En effet, c’est en vertu des textes bibliques qu’est déterminé le territoire d’Israël sans tenir aucun compte des frontières reconnues par les Nations Unies et de la volonté des habitants non juifs de cette terre. Il ajoute : « L’athée israélien ne croit pas en Dieu, mais il croit dur comme fer que Dieu lui a donné cette terre. » Il considère dès lors que la Bible est la base même de l’identité juive.

 

 

Michel Warschawski a milité toute sa vie pour un accord avec les Palestiniens.

Michel Warschawski a milité toute sa vie pour un accord avec les Palestiniens.

 

 

Ainsi, il existe pas mal d’obstacles sur le chemin qui mène à la création d’un ou de deux Etats dans la région !

 

Dans une lettre ouverte au Président français Macron, faisant suite à sa promesse de reconnaissance de l’Etat de Palestine, parue dans le Monde du 5 août 2025, Elie Barnavi et Vincent Lemire, tous deux historiens, résument l’évolution des négociations qui se sont déroulées depuis la déclaration Balfour du 2 novembre 2017 (Voir première partie) :

 

« Votre initiative s’inscrit dans une longue histoire de promesses, de reconnaissances et de dénis, qui s’est toujours faite par échanges de courriers. Le 2 novembre 1917, le secrétaire d’Etat britannique aux affaires étrangères lord Balfour apportait par écrit son soutien au projet d’« établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif », promettant que « rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine ». A la fin de la première guerre israélo-arabe, le 24 janvier 1949, le ministre français des affaires étrangères Robert Schuman reconnaissait par écrit « le gouvernement provisoire d’Israël », ajoutant que « cette décision ne préjuge pas de la délimitation définitive par les Nations unies du territoire sur lequel il exercera son autorité ».

 

Oralement le 2 mai 1989 avec sa fameuse formule sur la charte de l’OLP désormais « caduque », puis par écrit le 9 septembre 1993, Yasser Arafat reconnaissait « le droit d’Israël à une existence en paix et sécurité » ainsi que « les résolutions 242 et 238 du Conseil de sécurité », c’est-à-dire les frontières issues de la ligne de cessez-le-feu effective entre 1949 et 1967. Le lendemain, le gouvernement israélien dirigé par Yitzhak Rabin reconnaissait « l’OLP comme représentant du peuple palestinien » mais ne reconnaissait pas le droit des Palestiniens à un Etat. C’est cette absence de réciprocité, ce déni de dignité et de légitimité, péché originel des accords d’Oslo, que votre courrier à Mahmoud Abbas tente de réparer : une reconnaissance préalable, destinée à créer les conditions de son effectivité. Votre décision du 24 juillet est donc, au sens propre, historique. »

 

D’égal à égal

 

Pour la plupart des dirigeants israéliens, le peuple palestinien n’existe pas ! Comme me l’a dit un jour un éminent dirigeant palestinien, Edmond Shehadeh, le fondateur et directeur honoraire de l’hôpital BASR à Bethlehem : « Nous parlerons avec les Israéliens lorsqu’ils nous traiteront d’égal à égal ! »

 

On observe clairement cette inégalité dans les fameux accords d’Oslo entre Israéliens et Palestiniens qui ont donné naissance à l’Autorité palestinienne en Cisjordanie (la « west bank » pour les Palestiniens, la Judée Samarie pour les Israéliens). Cela confirme les propos d’Elie Barnavi de Vincent Lemire et du Docteur Shehadeh.

 

Le 9 septembre 1993, les accords d’Oslo, signés entre le dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat, et le premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, consacraient la solution dite à deux États. À l’époque, le grand intellectuel palestinien Edward Saïd a surnommé l’accord « le Versailles palestinien », conscient de la capitulation qu’il représentait pour son peuple sans garantir son droit à l’autodétermination. 

 

 

La célèbre poignée de mains Arafat Rabin à Washington après la signature des accords d'Oslo en 1993. Deux années après Rabin fut assassiné par un Juif fanatique et Arafat décéda par après dans un hôpital  français. On a pensé à un empoisonnement. Faire la paix est dangereux au Proche Orient !

La célèbre poignée de mains Arafat Rabin à Washington après la signature des accords d'Oslo en 1993. Deux années après Rabin fut assassiné par un Juif fanatique et Arafat décéda par après dans un hôpital français. On a pensé à un empoisonnement. Faire la paix est dangereux au Proche Orient !

 

Edward Saïd écrit : « appelons cet accord de son vrai nom : un outil de la capitulation palestinienne, un Versailles palestinien. Ce qui le rend pire encore, c’est qu’au cours des 15 dernières années, l’OLP aurait pu négocier un arrangement meilleur que ce Plan Allon modifié, et exigeant de faire moins de concessions unilatérales à Israël. Pour des raisons que les dirigeants connaissent fort bien, ils ont refusé toutes les ouvertures précédentes. Pour donner un exemple que je connais personnellement : à la fin des années ’70, le secrétaire d’État Cyrus Vance m’a demandé de persuader Arafat d’accepter la résolution 242, avec une réserve (acceptée par les USA) à ajouter par l’OLP et insistant sur les droits nationaux du peuple palestinien ainsi que sur l’auto­détermi­nation palestinienne. Vance a dit que les USA reconnaîtraient immédiatement l’OLP et instaurerait les négociations OLP-Israël. Arafat refusa l’offre catégoriquement, de même que des offres similaires. Ensuite éclata la guerre du Golfe, et l’OLP perdit encore plus de terrain à cause des positions désastreuses qu’il adopta alors. Les gains de l’Intifada furent dilapidés, et maintenant, les défenseurs du nouveau document disent : « Nous n’avions pas d’alternative ». Il serait plus exact de dire : « Nous n’avions pas d’alternative parce que nous en avions perdu ou rejeté bien d’autres, ne nous laissant que celle-ci ».

 

Pour avancer vers l’autodétermination palestinienne – qui n’a de sens que si liberté, souveraineté, égalité, et non une soumission perpétuelle à Israël, sont ses objectifs — il nous faut reconnaître honnêtement où nous en sommes, maintenant que l’accord intérimaire va être négocié. Ce qui est particulièrement mystifiant, c’est comment tant de leaders palestiniens et leurs intellectuels peuvent continuer à parler de cet accord comme d’une « victoire ». Nabil Shaath l’a qualifié de « parité complète » entre Israéliens et Palestiniens. La réalité c’est qu’Israël n’a rien concédé, comme l’ancien secrétaire d’État James Baker l’a dit dans une interview télévisée, excepté, tout platement, l’existence de « l’OLP comme représentant du peuple palestinien ». Ou, comme la colombe Amos Oz l’aurait dit au cours d’une interview à la BBC, « c’est la deuxième plus grande victoire de l’histoire du sionisme ».

 

Par contre, la reconnaissance par Arafat du droit d’Israël à exister comporte toute une série de renonciations : à la Charte de l’OLP ; à la violence et au terrorisme ; à toutes les résolutions pertinentes de l’ONU, sauf la 242 et la 338, qui ne disent pas un mot des Palestiniens, de leurs droits et de leurs aspirations. Implicitement, l’OLP mettait de côté bien d’autres résolutions de l’ONU (qu’avec Israël et les États-Unis, elle est apparemment disposée à modifier ou à abroger) qui, depuis 1948, ont donné aux réfugiés palestiniens des droits, dont le droit à des compensations ou au rapatriement. Les Palestiniens ont gagné bien des résolutions internationales — proposées notamment par l’Europe, le Mouvement des non-alignés, la Conférence islamique et la Ligue arabe, ainsi que par l’ONU – et qui rejetaient ou condamnaient les colonies israéliennes, les annexions et les crimes contre le peuple sous occupation.

 

Il semblerait donc que l’OLP a mis fin à l’Intifada, qui n’incarnait ni le terrorisme ni la violence, mais le droit des Palestiniens à résister, alors qu’Israël continue d’occuper la Cisjordanie et Gaza. La considération première du document est la sécurité d’Israël, et aucunement la sécurité des Palestiniens contre les incursions israéliennes. Dans sa conférence de presse du 13 septembre, Rabin a été franc sur la poursuite du contrôle souverain d’Israël ; de plus, a-t-il dit, Israël détiendrait le Jourdain, les frontières avec la Jordanie et l’Égypte, la mer, la terre entre Gaza et Jéricho, Jérusalem, les colonies et les routes. Peu de choses dans le document suggèrent qu’Israël renoncera à la violence contre les Palestiniens ou, comme l’Irak a été forcé de le faire après son retrait du Koweït, dédommagera les victimes de sa politique au cours des 45 dernières années. »

 

Netanyahou s’inscrit dans la continuité.

 

Près de trente-deux ans plus tard, Israël est dirigé depuis quelques années par un fervent opposant aux accords d'Oslo, Benyamin Netanyahou. Les Israéliens avancent dans l’annexion de la Cisjordanie, qui est désormais presque actée, et poursuivent depuis plus de 650 jours une guerre génocidaire à Gaza. Les accords d’Oslo ont depuis longtemps été enterrés. 

 

 

Gaza : la mort, l'odeur de la mort, les fantômes de la mort. Des survivants réduits à l'état de zombies. Et on ose parler de défense légitime !

Gaza : la mort, l'odeur de la mort, les fantômes de la mort. Des survivants réduits à l'état de zombies. Et on ose parler de défense légitime !

 

Pourtant, la solution dite à deux États continue d’être érigée en seule solution viable sur la scène internationale, y compris largement parmi les soutiens des Palestiniens. La diplomatie est parfois d’un immobilisme effarant !

 

Reconnaître deux États, un Israélien et un Palestinien, revient à gommer le caractère colonial du projet sioniste, affirme le 25 juillet 2025 à Mediapart Naji El Khatib, chercheur en sociologie politique, professeur à l'université Al-Najah de Naplouse, en Cisjordanie occupée que nous avons évoqué à plusieurs reprises sur le blog « Uranopole ».

 

Le professeur Naji El Khatib, sociologue à l'Université de Naplouse et à la Sorbonne plaide pour un Etat démocratique et laïque excluant toute discrimination "de la mer au fleuve".

Le professeur Naji El Khatib, sociologue à l'Université de Naplouse et à la Sorbonne plaide pour un Etat démocratique et laïque excluant toute discrimination "de la mer au fleuve".

 

 

Réfugié palestinien né au Liban, Naji milite pour la « One Democratic State Initiative », une mouvance qui prône un seul État démocratique de la mer Méditerranée au fleuve Jourdain, réunissant Palestiniens et Israéliens en leur garantissant les mêmes droits. Il n’y a qu’ainsi qu’on pourra garantir le droit au retour des Palestiniens réfugiés, expulsés à la création d’Israël, et offrir l’autodétermination aux Palestiniens citoyens d’Israël, explique-t-il.

 

En effet, La solution à « deux Etats » ne résoudra pas le point le plus litigieux qui existe depuis la Nakba entre les Palestiniens et Israël : le droit au retour des réfugiés palestiniens. Ajoutons que c’est sans doute la raison pour laquelle tout le monde occidental et une partie de l’opinion israélienne veut l’imposer.

 

Naji El Khatib ajoute : « Les accords d’Oslo étaient censés créer un État palestinien au bout de cinq ans, donc en 1998. On est en 2025, on négocie depuis trente-deux ans la création d’un État palestinien. Au moment des accords d’Oslo, il y avait environ 160 000 colons israéliens en Cisjordanie et à Gaza – ces derniers sont partis en 2005 sur décision de Ariel Sharon.

 

À cette époque-là, les territoires palestiniens promis correspondaient à 23 % de la Palestine mandataire. Aujourd’hui, selon les statistiques israéliennes, les colons sont presque un million. Et de 23 % du territoire historique, on est passés à 10 %. Ces territoires ont été avalés par la colonisation : lors des négociations d’Oslo, toute la zone C, qui représente 60 % de la Cisjordanie, est passée sous le contrôle absolu d’Israël. »

 

Et Naji El Khatib conclut : « Il n’y a pas de vision française ni européenne dans la région. La France gaulliste avait une position claire par rapport à ce qui se passait au Moyen-Orient. S’il y a une politique française dans la région aujourd’hui, elle se résume à un soutien inconditionnel à Israël. Ce n’est pas nouveau. La France est complice du génocide et de la politique d’expansion coloniale de l’État d’Israël. » 

 

En finir avec le Sionisme !

 

Et la France n’est pas seule. La Belgique a donné le 14 août une image honteuse d’elle-même. Le Parlement belge s’est réuni pour débattre de l’éventuelle reconnaissance d’un Etat palestinien. Le débat a tourné court : il n’y a pas eu d’accord sur une solution. Le ministre belge des Affaires étrangères, Daniel Prévot du parti « Les Engagé-es » (sociaux chrétiens) a donné une explication claire de la situation dramatique à Gaza mais, en conclusion, a avoué son impuissance ! Lisons le message que le Président fondateur de l’ABP (Amitiés Belgique Palestine) du CNPD et Sénateur honoraire, Pierre Galand, a diffusé sur Internet :

 

« Pour ceux et celles qui ont suivi le discours de M. Prévot ce jour à la Chambre, il est clair qu'il sait ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie, il sait ce que sont les obligations découlant des conventions signées par la Belgique, notamment celle relative à la prévention du génocide en cours à GAZA. Il a fait 14 fois référence au droit international et au droit humanitaire, il a fait un inventaire correct des crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis par le gouvernement Netanyahou et dans le même temps il a fait l'étalage de son impuissance tant au sein du gouvernement que du conseil européen. Par contre, il est resté muet quant à l'objet de la réunion de la commission des A.E. de la chambre réunie en urgence ce jeudi pour débattre des initiatives à prendre pour forcer l'ouverture des couloirs humanitaires aux secours alimentaires et médicaux indispensables pour sauver les populations de Gaza.

 

C'est révoltant ! »

 

 

Le ministre des Affaires étrangères belge Maxime Prévot, social-chrétien, n'a convaincu personne dans son plaidoyer pour la reconnaissance de l'Etat de Palestine. Il est vrai qu'il le faisait à titre personnel !

Le ministre des Affaires étrangères belge Maxime Prévot, social-chrétien, n'a convaincu personne dans son plaidoyer pour la reconnaissance de l'Etat de Palestine. Il est vrai qu'il le faisait à titre personnel !

 

 

C’est révoltant, en effet et c’est même honteux. Les Européens qui ont démontré leur coupable faiblesse dans les autres conflits qui secouent le monde, croient sans doute qu’ils imposent une solution en reconnaissant l’Etat de Palestine qui n’existe pas et ne peut exister dans les circonstances actuelles. Ils ne font que servir en définitive les projets des fanatiques sionistes d’extrême-droite qui sont au pouvoir à Jérusalem. Elie Barnavi, un grand Monsieur, a honte d’Israël, nous autres Européens devrions avoir honte de nous-mêmes !

 

La seule solution possible à ce conflit séculaire et de plus en plus meurtrier est la constitution d’un Etat démocratique et laïque où il y a de la place pour tout le monde – Juifs israéliens comme Arabes palestiniens et d’autres de diverses origines et confessions.

 

Ce sera très difficile, c’est presque une utopie. Qui aura la force d’imposer un accord pour cette solution ? On n’en sait rien encore. Pour ce faire, il y a une condition essentielle : en finir avec le Sionisme, cette pensée politique nationaliste et colonialiste qui a lamentablement échoué dans son projet : assurer la sécurité aux Juifs dans un Etat leur appartenant exclusivement. Relisez les paroles de feu Ariel Sharon citées plus haut : « Le sionisme n’a jamais prôné la démocratie, mais la création en Palestine d’un État juif appartenant à tout le peuple juif et à lui seul. » Non, général, le peuple juif n’est pas seul !

 

Enfin, on parle tant d’humanitaire, face à l’impuissance de la « communauté » internationale à sauver les Gazaouis de la famine et de la mort. Méditons ce texte de la chronique intitulée « Chronique du Gazacide » écrit par un Gazaoui pour la lettre d’Alain Gresh « Orient XXI » qui vit cette terrible tragédie :

 

« Vivre sous une tente, c’est endurer une chaleur d’enfer pendant la journée, avec des mouches qui pénètrent à l’intérieur et n’arrêtent pas de vous agacer. Et la nuit, c’est l’inverse : il fait froid. Il faut mettre deux ou trois couvertures. C’est se réveiller en ayant mal partout, parce qu’on dort sur un sol déformé.

 

 Vivre sous une tente, c’est dépendre de l’aide humanitaire et ne manger que des boîtes de conserve. C’est chercher tous les jours un endroit pour charger nos téléphones et nos lampes rechargeables.


Vivre sous une tente c’est faire la queue pour l’eau et la nourriture. Pour faire la cuisine, il faut un four en argile et du bois. Quand on n’a pas de bois, on utilise n’importe quoi. Beaucoup de gens brûlent des cartons ou du plastique. On respire presque toute la journée cette fumée de plastique. On fait la lessive dans les seaux, on porte les mêmes vêtements trois ou quatre jours pour économiser l’eau. Pour les toilettes, on creuse un trou. Vivre sous la tente, c’est surveiller en permanence les insectes, les serpents, les scorpions.


C’est une vie d’humiliation.


Mais cette tente est le symbole de la résilience palestinienne. Nous en avons fait un symbole politique, pour dire que nous allons rentrer chez nous. Parce qu’un jour, tout cela va s’arrêter. »

 

 

Un des nombreux camps de déplacés à Gaza... le rêve de Bibi Netanyahou ?

Un des nombreux camps de déplacés à Gaza... le rêve de Bibi Netanyahou ?

 

Tout comme la clé est le symbole des réfugiés palestiniens, la clé de leur maison perdue.

 

 

Pierre Verhas

 

 

Post scriptum

 

 

Alliance de l’innommable et de l’imbécillité

 

 

Ce qu'il reste du tronc de l'olivier planté en 2006 à la mémoire d'Ilan Halimi

Ce qu'il reste du tronc de l'olivier planté en 2006 à la mémoire d'Ilan Halimi

 

 

Un olivier planté à Epinay-sur-Seine à la mémoire d’Ilan Halimi, un jeune Français de confession juive séquestré et torturé à mort en 2006 par le « gang des barbares », a été abattu dans la nuit du 14 au 15 août. Ce geste antisémite témoigne d’une terrible bêtise de la part de ses auteurs qui croyaient sans doute punir la mémoire d’un jeune Juif français enlevé, torturé et tué par une bande de voyous de bas étage. Ilan fut enlevé parce qu’il était Juif et que ses tortionnaires pensaient : un Juif, ça a de l’argent, donc nous pourrons l’échanger ! Cela n’a pas marché, voilà le résultat !

 

 

Aujourd’hui, c’est un dégât collatéral de la guerre de Gaza : ces imbéciles croient sans doute aider la cause palestinienne… Pauvres cons !

 

 

PV

 

 

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5 août 2025 2 05 /08 /août /2025 20:29

 

 

(I) Un conflit séculaire

 

Depuis le 7 octobre 2023 et les massacres commis par le Hamas et les sanglantes représailles de Tsahal, nous vivons une nouvelle tragique étape de ce conflit séculaire entre Juifs israéliens et Arabes palestiniens et on n’entend plus que la sempiternelle rengaine sur « la solution à deux Etats » pour y mettre fin. Il est même assez mal vu d’exprimer son scepticisme à ce sujet, car c’est la position officielle adoptée par les Etats occidentaux.

 

Cette proposition de solution est très ancienne. Elle date de bien avant la proclamation de l’Etat d’Israël, le 14 mai 1948. L’immigration juive en « Terre sainte », alors sous le régime de l’empire ottoman, dite « alyah » par les Juifs, débuta dans les années 1880 et se fit en plusieurs vagues. La première fut composée entre autres de Juifs yéménites qui étaient persécutés dans leur pays. Les autres étaient des Juifs de l’Europe orientale et de Russie qui subissaient des pogroms successifs. L’activité principale des nouveaux arrivants était l’agriculture. Pour cela, les associations sionistes achetaient des terres aux propriétaires arabes dont la plupart se trouvaient à Beyrouth et à Damas, se contentant de percevoir les loyers de leur terre et les fruits de la production des paysans arabes. S’installant sur ces terres acquises, les Sionistes immigrés en chassèrent les paysans arabes et organisèrent eux-mêmes l’exploitation de ces terres essentiellement du côté de la Galilée plus fertile. Cette colonisation marqua le début du conflit. Et il n’a pas arrêté depuis. En outre, ces nouvelles infrastructures agricoles avaient un double objet : dessiner le territoire occupé par les Juifs et bien entendu, créer une agriculture moderne. Ce furent les fameux kibboutzim organisés en coopératives agricoles sur un modèle socialiste.

 

 

Des Juifs attendent en 1922 d'embarquer pour faire leur "alyah" en Palestine.

Des Juifs attendent en 1922 d'embarquer pour faire leur "alyah" en Palestine.

 

De 1881 à 1914, les propriétés juives passent de 2 200 hectares à 42 200 hectares sur les 4 700 000 que compte la Palestine. (G. Bensoussan, Les origines du conflit israélo – arabe, Paris, PUF, 2023). La claire volonté des Sionistes est de fonder un Etat juif sur la Palestine dite géographique occupée depuis quatre siècles par les Ottomans. Tout change en 1914, évidemment. Après l’offensive allemande en Belgique et en France qui est stoppée à la bataille de la Marne et sur l’Yser, les empires centraux souhaitent que l’empire ottoman s’allie à eux. Le Sultan hésite et ce n’est que le 31 octobre 1914 qu’il accepte. Cela déclenche l’intervention des Britanniques à partir de l’Egypte parce qu’ils redoutaient que la voie essentielle pour l’importation des matières premières et des produits en provenance d’Orient via le canal de Suez ne soit coupée.

 

Les Britanniques occupèrent peu à peu la Palestine. L’empire ottoman déjà en déclin avant 1914 se démantelait. Les deux puissances impliquées – la Grande Bretagne et la France – négocièrent le partage des territoires perdus par les Turcs, à savoir ce qu’on appelle le croissant fertile : la Syrie, le Liban, la Palestine et à l’Est la Transjordanie, l’Irak et le Hedjaz – la côte occidentale de l’actuelle Arabie Saoudite sur la mer Rouge qui comprend les deux villes saintes de l’Islam, Médine et La Mecque. Ce furent ce qu’on a appelé les accords Sikes Picot, du nom du diplomate anglais et du diplomate français qui les ont négociés.

 

Les Français, en plus de la Syrie et du Liban, revendiquaient la Palestine. Les Britanniques, de leur côté, considéraient que la Palestine leur appartenait. Il y avait donc blocage. C’est alors que le 2 novembre 1917, Lord Balfour, secrétaire au Foreign Office du Cabinet de guerre de Londres rédigea ce qu’on a appelé la « déclaration Balfour » qui mit un terme aux revendications françaises sur la Palestine.

 

Il s’agissait d’une lettre adressée à Lord Rothschild qui était considéré comme le chef de la communauté juive britannique par laquelle le Royaume uni verrait d’un œil favorable l’installation d’un « Foyer national juif » en Palestine. Cette missive très courte – elle ne remplit que la moitié d’une feuille A4 – se termine par une réserve : étant établi que les droits des populations locales sont préservés. Implicitement, c’était la première déclaration officielle prônant la constitution de deux Etats en Palestine dont, bien entendu, les frontières n’étaient pas encore fixées. Mais cela changea tout. Les Britanniques étaient désormais assurés de contrôler la Palestine. En 1922, la Grande Bretagne reçut mandat de la Société des Nations qui venait de se constituer pour occuper ce territoire. Elle créa ce qu’on appela « l’Etat mandataire de Palestine ». Donc, un Etat palestinien a existé et était reconnu ! Il fur même représenté aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936. Terrible symbolique !

Cette déclaration ouvrit aussi la porte à une massive immigration juive en Palestine entre les deux guerres mondiales et déclencha un conflit ouvert entre les Arabes et les nouveaux habitants juifs qui constituèrent des colonies sur la plupart des villages arabes existants. D’après Bensoussan (déjà cité) les Juifs comptaient 11 % de la population de la Palestine en 1922. Ils furent 17% en 1931 sans compter une forte natalité dans les familles juives. Passons sur les différents épisodes. Du côté arabe, la déclaration Balfour eut pour effet de souder Arabes chrétiens et musulmans. Quelques temps après, cette colonisation intensive provoqua deux révoltes arabes meurtrières, la première en 1929 emmenée par le fameux Grand Mufti de Jérusalem, Al Husseini, la seconde, celle de 1936, la plus violente, vit naître la commission Peel du nom de l’homme politique britannique Lord William Peel. Cette commission était chargée de trouver une solution à ce conflit entre Juifs et Arabes qui prenait des allures de plus en plus dangereuses. Elle déposa un plan de partage en deux Etats, l’un Juif, l’autre Arabe. C’était la première fois qu’est évoquée la « solution à deux Etats ». Ce plan échoua.

 

 

Fac simile de la Déclaration Balfour du 2 novembre 1917

Fac simile de la Déclaration Balfour du 2 novembre 1917

 

 

Au terme de la Seconde guerre mondiale, la Méditerranée est entre les mains des Français et des Britanniques. Staline qui, comme tout dirigeant russe depuis des lustres, voulait disposer d’un accès libre à la Méditerranée via la mer Noire et le détroit du Bosphore, ne voyait pas d’un mauvais œil la création d’un Etat juif en Palestine et aida les milices juives, principalement la Haganah sous la direction de Ben Gourion, à combattre les Britanniques. Cela provoqua une méfiance des autorités étatsuniennes à l’égard de la communauté juive. Rappelons-nous la tragique affaire des époux Rosenberg, par exemple. Aussi, les autorités de Washington étaient plus que réservées à l’égard d’un plan de partition de la Palestine. Jacques Baud cite un extrait d’un rapport de la CIA à ce sujet dans son ouvrage « Opération déluge d’Al-Aqsa » (Max Milo, 2024) :

 

« A long terme, aucun sioniste en Palestine ne sera satisfait des arrangements territoriaux du plan de partition. Même les plus conservateurs des sionistes voudront tout le Néguev, la partie ouest de la Galilée, la ville de Jérusalem et finalement toute la Palestine. Les extrémistes n’exigeront pas seulement toute la Palestine mais voudront la Transjordanie.

 

Dans le chaos qui suivra la partition, des atrocités seront certainement commises par des Arabes fanatiques : ces actions recevront une large publicité et seront même exagérées par la propagande juive. Les Arabes seront accusés d’être les attaquants quelles que soient les circonstances réelles. »

 

Incontestablement, cette analyse est prémonitoire !

 

Les Britanniques, dès début 1947, ont renoncé à leur mandat sur la Palestine et l’ont confié à l’ONU tout en maintenant des troupes sur place. C’est alors que l’idée du partage de ce territoires s’est s’imposée. Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale de la toute nouvelle ONU qui a à peine deux ans, adopte la résolution 181 qui partage la Palestine en un Etat juif et un Etat arabe avec Jérusalem comme ville internationale. Il s’agit donc de créer deux Etats. Une difficulté surgit d’emblée : des Juifs vivent dans le territoire du futur Etat accordé aux Arabes et inversement, des Arabes habitent dans le territoire de l’Etat accordé aux Juifs. L’historien israélien Ilan Pappé rappelle qu’au départ, l’idée était de constituer un seul Etat démocratique où habiteraient ensemble Juifs et Arabes. Ilan Pappé ajoute (Ilan Pappé : Le nettoyage ethnique en Palestine, Paris, la fabrique Editions, 2024) :

 

« Il est clair qu’en votant la résolution sur la partition les Nations Unies ont totalement ignoré la composition ethnique de la population de la Palestine. Si elles avaient décidé que la superficie du futur Etat juif correspondait au territoire où s’étaient installé les Juifs, ces derniers auraient eu droit à 10 % du pays, pas davantage. Mais les Nations Unies ont admis la revendication du mouvement sioniste sur la Palestine ; et elles ont aussi cherché à indemniser les Juifs pour l’Holocauste nazi en Europe. »

 

En vertu du principe fondamental de la Charte des Nations Unies, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, il aurait fallu organiser une consultation populaire pour dissoudre l’Etat mandataire de Palestine et obtenir un accord sur le partage des territoires. Or, en 1947, la population était composée grossomodo de 2/3 d’Arabes et d’1/3 de Juifs. Cet évident déséquilibre ne pouvait que générer un conflit. Il n’était donc pas question pour la minorité juive d’accepter la tenue d’un référendum sur l’avenir de la Palestine. Et ce fut la Nakba (la catastrophe en Arabe). Dès février 1947, les milices juives procédèrent à l’expulsion massive des Arabes hors de la Palestine. Des massacres eurent lieu dans certains villages comme celui de Deir Yassine perpétré par l’Irgoun de Menahem Begin. De nombreux et tragiques épisodes se déroulèrent jusqu’en mai 1948. Résultat : quelque 700 000 à un million d’Arabes palestiniens furent exilés de force et parqués dans de camps en Jordanie, en Syrie, au Liban et la plupart dans ce qui est devenu la bande de Gaza alors sous contrôle égyptien.

 

 

 

La carte du partage de la Palestine établie par l'ONU en 1947 et qui fit l'objet de la résolution 181 du Conseil de sécurité des Nations Unies (Monde diplomatique)

La carte du partage de la Palestine établie par l'ONU en 1947 et qui fit l'objet de la résolution 181 du Conseil de sécurité des Nations Unies (Monde diplomatique)

 

Le comte suédois Bernadotte qui présidait la délégation de l’ONU en Palestine fut assassiné par des tueurs du groupe « Stern » dirigés par Itzhak Shamir, futur Premier ministre de l’Etat d’Israël, parce qu’il prônait le retour des réfugiés palestiniens.

 

Le comte Folke Bernadotte, chef de la délégation de l'ONU assassiné en 1947 par le groupe Stern

Le comte Folke Bernadotte, chef de la délégation de l'ONU assassiné en 1947 par le groupe Stern

 

 

Tout cela était organisé comme le précise Ilan Pappé (cité par Jacques Baud, Op.cit.) :

 

« Les ordres comportaient une description détaillée des méthodes à employer pour expulser de force les personnes : intimidation à grande échelle, expulser et bombarder des villages et des centres de population ; incendier des maisons, des propriétés et des biens ; expulsions démolitions et enfin enfouir des mines parmi les gravats pour empêcher le retour des habitants expulsés. »

 

Cela a aujourd’hui un petit air de déjà vu ! L’objectif était de créer un « fait accompli », de rendre cette situation irréversible en vue de la déclaration d’indépendance prévue le 15 mai 1948.

 

Jacques Baud écrit : « Entre la fin 1947 et la fin 1948, les groupes juifs (puis israéliens) avaient conquis environ 80 % du pays, détruit environ 500 villages et poussé à l’exil plus d’un million d’individus. »

 

Le 14 mai 1948, David Ben Gourion proclama à Tel Aviv la naissance de l’Etat d’Israël. Le lendemain, les pays arabes voisins – l’Egypte, la Transjordanie, la Syrie – attaquèrent le territoire d’Israël espérant en expulser les Juifs. Les Israéliens ont appelé cette offensive la « Guerre d’Indépendance ». Au terme de cette guerre, en avril 1949, les Arabes ont perdu. Le germe de Tsahal composé des combattants du Palmach et de la Haganah était bien armé, entraîné et organisé.

 

 

David Ben Gourion lit la déclaration de création et d'indépendance de l'Etat d'Israël le 14 mai 1948. Le lendemain, la guerre a commencé par l'offensive de trois pays arabes : l'Egypte, la Transjordanie et la Syrie.

David Ben Gourion lit la déclaration de création et d'indépendance de l'Etat d'Israël le 14 mai 1948. Le lendemain, la guerre a commencé par l'offensive de trois pays arabes : l'Egypte, la Transjordanie et la Syrie.

 

 

Le bilan : les Israéliens ont conquis aux Arabes 45 % des territoires qui leur étaient attribués par le plan de partage de l’ONU. Cependant, ils ne réussirent pas à prendre la partie orientale de Jérusalem et la Cisjordanie. D’autre part, en 1949, 750 000 Arabes ont été expulsés, soit 50 % des Arabes de Palestine.

 

Une conscience nationale palestinienne est née dans ces camps et même parmi les Arabes qui étaient restés en Israël, sans qu’ils ne l’expriment ouvertement. Dans les camps de réfugiés, il n’y avait en 1949 aucune organisation politique. Cependant, si jusqu’en 1967, la situation resta figée, une résistance palestinienne se structura peu à peu dans les camps de réfugiés et se livra à des attaques terroristes dans les kibboutzim et dans les villages israéliens isolés. Avec l’appui de Gamal Abdel Nasser, les Palestiniens se structurèrent politiquement sous l’impulsion de Yasser Arafat. Ce fut la naissance de l’OLP (l’Organisation de Libération de la Palestine) qui regroupait plusieurs fractions adhérant à une Charte adoptée en 1964 à Jérusalem Est.

 

Elle stipulait : « 1 - La Palestine est une terre arabe unie par des liens nationaux étroits aux autres pays arabes. Ensemble, ils forment la grande nation arabe.

2 - La Palestine avec ses frontières de l’époque du mandat britannique constitue une unité régionale indivisible. »

C’était inacceptable pour les Israéliens puisque cette Charte ne reconnaissait que les Juifs qui vivaient en Palestine avant 1948.

 

La guerre dite des Six Jours en juin 1967 bouleversa tout. Une fois de plus, les Arabes connurent une cuisante défaite. Israël s’est révélé être la principale puissance dans la région. Les Palestiniens connurent l’occupation en Cisjordanie et à Gaza. Les actes terroristes se multiplièrent. On était rentré dans le cycle action – répression qui coûta de nombreuses vies humaines de part et d’autre. En1970, ce fut le « septembre noir ». Les Jordaniens expulsèrent les Palestiniens qui se réfugièrent au Liban. Cette arrivée massive de Palestiniens fut à l’origine de la guerre civile qui se déclencha dans le pays du Cèdre en 1976.

 

 

Yasser Arafat "adoubé" par Nasser en présence du roi Faysal d'Arabie en 1970.

Yasser Arafat "adoubé" par Nasser en présence du roi Faysal d'Arabie en 1970.

 

En 1973, les Israéliens furent surpris par l’offensive égyptienne au Sinaï, même si Tsahal put avancer jusqu’à une centaine de kilomètres du Caire. Cette guerre eut pour conséquence les premières négociations israélo-arabes, dites de Camp David, sous le chapeautage du président étatsunien Carter. Israël rendit le Sinaï aux Egyptiens et, surtout, le canal de Suez fut réouvert. Les Accords de Camp David ont été signés le 17 septembre 1978 par le président égyptien Anouar el-Sadate et le Premier ministre israélien Menahem Begin, sous la médiation du président américain Jimmy Carter. Ces accords ont servi de base à un traité de paix ultérieur entre l'Égypte et Israël, signé en 1979. Ce fut le premier traité de paix adopté par Israël depuis sa naissance. Et il n’était toujours pas question des Palestiniens.

 

Cependant, le terrorisme palestinien se renforça durant cette période. La prise d’otages de la délégation israélienne aux Jeux Olympiques de Munich en 1972 fut l’acte le plus spectaculaire et meurtrier des commandos palestiniens. En 1982, Israël envahit le Liban à l’initiative d’Ariel Sharon avec pour objectif d’éliminer l’OLP réfugiée à Beyrouth. On était en pleine guerre civile. Les phalangistes maronites se battaient aussi contre les Palestiniens. À la suite de pressions internationales, l’OLP et Yasser Arafat purent s’installer à Tunis loin des frontières israéliennes et des territoires occupés. Il y eut aussi la tragédie de Sabra et Chatila, un camp de réfugiés palestiniens, où les phalanges du leader maronite Gemayel se livrèrent à des massacres sans que l’armée israélienne ne s’interpose.

 

 

Les massacres de Sabra et Chatila commis par les phalangistes libanais éclaboussèrent les Israéliens. Il y eut d'ailleurs un procès à Tel Aviv.

Les massacres de Sabra et Chatila commis par les phalangistes libanais éclaboussèrent les Israéliens. Il y eut d'ailleurs un procès à Tel Aviv.

 

 

Le 9 décembre 1987, c’est le début de la première Intifada. Il s’agit de la première révolte massive des Palestiniens de Cisjordanie. Quelques jours après à Gaza, c’est la fondation du Hamas sous l’impulsion de Cheik Yassine. Malgré les attentats, les dirigeants israéliens de l’époque ne voyaient pas d’un mauvais œil la naissance de ce nouveau mouvement, car ils estimaient qu’il pouvait s’opposer sérieusement à l’OLP (lire Charles Enderlin, Le grand aveuglement) qu’ils considéraient comme leur principal ennemi.

 

En 1991, éclate la guerre du Golfe après l’invasion du Koweït par les Irakiens. L’OLP prend fait et cause pour l’Irak de Saddam Hussein, ainsi que le roi Hussein de Jordanie, ce qui entraînera des conséquences par après. Cependant, sous l’égide de Moscou et de Washington eut lieu le 30 octobre de la même année l’ouverture à Madrid d’une conférence sur la paix au Proche Orient. De premières négociations débutèrent en novembre entre Israéliens et Palestiniens. Elles aboutiront à ce qu’on a appelé les accords d’Oslo.

 

Un processus était lancé pour la première fois en plus d’un siècle de conflit entre Juifs et Arabes vivant en Palestine historique entre la Mer et le Fleuve occupée entièrement par l’Etat d’Israël.

 

Ce processus fut émaillé d’espoirs et de désillusions, de réconciliations et de haines, de paix et de guerre. Et il est toujours inachevé et menacé aujourd’hui.

 

Nous l’analysons dans la deuxième partie de cette contribution.

 

 

Pierre Verhas

 

 

Prochaine publication : De la mer au fleuve : Un ou deux Etats ? De l’espoir à l’extermination

 

 

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31 juillet 2025 4 31 /07 /juillet /2025 19:56

 

 

Cela fait des années que l’Union européenne qui a une direction bicéphale – intergouvernementale par le Conseil et supranationale par la Commission – s’est emberlificotée dans une politique hybride où domine la nation la plus forte – l’Allemagne – et dans une dogmatique libre-échangiste et ultralibérale depuis les traités de Maastricht avec la fondation de l’Euro et de Lisbonne qui structurent une Union de moins en moins démocratique et de moins en moins efficace.

 

On s’aperçut au fur et à mesure l’Union s’affaiblissait par rapport à ses partenaires, que son industrie perdait des parts de marché, qu’elle cédait aux ukases des Etats-Unis bien avant la première élection de Donald Trump. Les Etats-membres, quant à eux, tiraient chacun la couverture à eux. Les institutions européennes sont devenues une machine en roue libre de plus en plus incontrôlable. Le grand projet européen était devenu un chiffon de papier !

 

Les mandats de Présidents de la Commission de Manuel Barroso, de Juncker et puis d’Ursula von der Leyen se sont avérés catastrophiques et, pour cette dernière, ce n’est pas fini. Passons sur ces épisodes de déclin. Allons directement à la période Trump II.

 

 

Ursula von der Leyen, l'actuelle présidente de la Commission n'a pas de quoi être fière.ère d'elle.

Ursula von der Leyen, l'actuelle présidente de la Commission n'a pas de quoi être fière.ère d'elle.

 

 

Donald Trump a menacé d’élever au 1er août les droits de douane sur les produits importés d’Union européenne à 30 % à la place des 5 % existants. C’est évidemment inacceptable pour l’Union européenne. Aussi, la Présidente de la Commission décida de négocier directement avec Donald Trump le 27 juillet à Turnberry, une localité écossaise où Trump possède un terrain de golf. D’une part, elle s’est déplacée hors du territoire de l’UE et s’est fait inviter chez Trump lui-même. Symboliquement, elle se mettait ainsi en position de demandeuse et non de négociatrice d’égal à égal.

 

 

Ursula von der Leyen semble être heureuse de son "deal" avec Donald Trump.

Ursula von der Leyen semble être heureuse de son "deal" avec Donald Trump.

 

 

Le « deal » trumpien : win – loose !

 

Le « deal » comme l’a appelé Trump est celui-ci. Au lieu des 30 %, les droits de douane pour les produits européens importés aux USA sont fixés à15 %, soit 10 % de plus que ceux qui étaient en vigueur avant l’élection du Républicain. En compensation du « geste » consenti par l’Américain, l’UE s’engage à investir aux Etats-Unis 600 milliards de dollars et y acheter du gaz de schiste, du pétrole et du combustible nucléaire pour 750 milliards. Cela, sans, bien sûr, consulter les entreprises européennes concernées et tenir compte de l’état du marché.

 

 

En effet, la Commission européenne n’a pas de pouvoirs réels dans ces domaines. Elle ne peut pas passer de commandes sur les marchés pétroliers et gaziers. Si elles se traduisent par une hausse des achats de gaz naturel liquéfié américain et de leurs hydrocarbures, ces promesses pourraient mettre en péril les ambitions climatiques européennes. La Commission, on l’oublie, ne peut pas non plus effectuer des investissements en lieu et place des entreprises.

 

 

On sait cependant que la souriante Ursula n’en est pas à son premier abus de pouvoir ! C’est amusant, tous ces rigolos qui ne parlent que de liberté d’entreprendre et qui mettent les entreprises au balcon en concluant des accords qui les concernent au premier chef et aussi… le consommateur, c’est-à-dire le citoyen européen. Curieux libéralisme, curieuse démocratie !

 

Un accord « win win » ? Non un deal « win loose »

 

 

Et ce n’est pas tout : l’Union européenne s’engage à acheter aux USA des armements pour quelques centaines de milliards ! Bonjour la souveraineté militaire européenne. Enfin, last but not least, le renoncement à toute taxation des géants américains du numérique : Meta, Google, X pourront continuer à prospérer sans rien payer en UE au détriment de toute initiative technologique européenne en ce domaine.

 

À ma connaissance, jamais l’Union européenne dans son histoire n’a conclu un accord aussi déséquilibré avec un partenaire étranger aussi puissant soit-il. Le résultat de cette rencontre est catastrophique pour pratiquement tous les Etats-membres de l’UE.

 

C’est une capitulation de l’Europe !

 

L’économiste et académicien belge Bruno Colmant n’y va pas par quatre chemins dans une interview à « La Libre Belgique » du 28 juillet.

 

 

L'économiste et académicien belge Bruno Colmant est sévère sur le "deal" Ursule - Donald.

L'économiste et académicien belge Bruno Colmant est sévère sur le "deal" Ursule - Donald.

 

 

« C'est une capitulation de l'Europe. On n'a pas été capable de réagir de manière efficace. Et toute la configuration de cet accord prédisposait à ce genre d'aboutissement. Trump nous laissait mijoter. Et là, il va visiter son golf en Ecosse, et la présidente de la Commission doit s'y déplacer, entre deux greens. Et en bout de discussion, on triple les droits de douane actuels.

 

On est complètement perdants ! On a négocié un taux qui est simplement un peu moins élevé que celui qui était brandi en menace. C'est comme un boutiquier qui augmente ses prix et qui fait ensuite une ristourne. C'est une illusion. »

 

A la question : Trump parle de "centaines milliards de dollars d'achats de matériel militaire"…

 

Colmant répond : « C'est saisissant ! C'est totalement disqualifiant sur le plan de l'autonomie européenne en matière de défense, alors qu'on est en guerre à nos frontières. Ça va fracturer l'harmonie européenne. Et cette obligation d'acheter de l'énergie américaine… Certes, cela réduit notre dépendance à la Russie, mais une fois qu'on sera en dépendance nette et absolue vis-à-vis des États-Unis, les prix vont monter, et les Américains vont en profiter. »

 

Et ce n’est pas tout !

 

« Les initiatives d'achats européens vont être contrariées par les obligations américaines. En créant cette obligation, Trump détruit l'industrie européenne et va créer des dissensions. La Belgique est bien placée dans ce processus : elle a acheté les F-35, à tort ou à raison. Mais cela augmente le risque d'abandon de projets de défense commune. »

 

On a mal négocié…

 

Bruno Colmant : « On est complètement perdants ! On a négocié un taux qui est simplement un peu moins élevé que celui qui était brandi en menace. C'est comme un boutiquier qui augmente ses prix et qui fait ensuite une ristourne. C'est une illusion. La Commission a été extrêmement faible depuis le début. Et Ursula von der Leyen s'est fait balader. Ce n'est que le début. On n'a rien obtenu : c'est un taux zéro sur les importations américaines. C'est une capitulation totale. »

 

Les lobbys industriels ont joué un rôle, en voulant défendre leur bout de gras sans avoir une position commune forte ?

 

Bruno Colmant : « Exactement. Les intérêts des pays sont morcelés. L'Allemagne avait peur pour ses voitures, l'Italie pour l'alimentaire, d'autres comme la Belgique pour les produits pharmaceutiques. Et il n'y a aucune politique industrielle en Europe. Il est impossible d'avoir une position commune par secteur. Ça se résume à des visions différentes selon les pays et selon les entreprises. C'est un double morcellement. »

 

 

Les beaux atours des institutions européennes ne suffisent pas à cacher les profondes divisions au sein de l'UE.

Les beaux atours des institutions européennes ne suffisent pas à cacher les profondes divisions au sein de l'UE.

 

 

Que conclure ?

 

Il y a longtemps que l’Union européenne ne fonctionne plus. Cependant, cela ne doit pas servir de prétexte pour un gigantesque « Eurexit » comme le souhaitent certains souverainistes. Si on peut comprendre le « ras le bol » de l’Europe institutionnelle, un tel scénario mènerait à une bien plus grande catastrophe où les peuples européens seraient en danger mortel. Le rétablissement des frontières intra-européennes démolirait l’économie et entraînerait donc des conséquences sociales dramatiques. Le retour aux monnaies nationales mettrait les pays européens dans des situations financières inextricables. Ce serait une « tiers-mondialisation » du vieux continent avec son cortège de misères.

 

Une réforme ? Non, Sire, une révolution !

 

Alors, que faire, comme dirait Lénine en 1915 ? Une profonde réforme ? Non, Sire, une révolution ! Les institutions européennes et particulièrement la Commission dérapent. Cette dernière a trop de pouvoirs, elle a instauré une bureaucratie technocratique oppressive et inefficace, elle n’a aucune stratégie. Elle s’enferme dans une dogmatique néolibérale et mondialiste aussi nuisible que dépassée. En plus, elle abuse de ses pouvoirs. On vient de le constater une fois de plus et sans doute une fois de trop à Turberry.

 

On a cru à tort que la Commission et le Parlement européen auraient pu se substituer à la direction intergouvernementale du Conseil pour consolider une Europe réellement fédérale. C’est un terrible échec. C’est l’échec de la génération à laquelle j’appartiens, c’est l’illusion perdue d’un militantisme de plus de soixante années.

 

C’est vers plus de démocratie que l’Europe doit se reconstruire, car c’est là où se trouve l’efficacité. Et cela, c’est le boulot de la nouvelle génération. Mon plus cher vœu est qu’elle ait l’intelligence d’y parvenir pour l’avenir de notre civilisation.

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

 

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7 juillet 2025 1 07 /07 /juillet /2025 13:25

 

 

Dans notre dernière livraison (https://uranopole.over-blog.com/2025/06/morceaux-d-humeur-du-27-juin-2025.html ), nous avons considéré qu’une des causes du déclin de la gauche en Europe et particulièrement en France et en Belgique, est le communautarisme.

 

Sur son « blog cosmopolite », l’intellectuel bruxellois Henri Goldman publie un article de sa plume qui est paru dans le 153ème numéro de la revue « En question » consacré à la question des communautés. Il s’est toujours montré critique envers la dénonciation du communautarisme : « Quant au communautarisme, c’est pire. D’abord, le mot n’est jamais défini, sa seule énonciation étant considérée comme suffisante pour faire trembler dans les chaumières. C’est quoi, en fait, le communautarisme ? Se regrouper dans des quartiers ethniquement homogènes et y développer une vie sociale de « l’entre-soi » ? Exactement comme les nobliaux belgo-belges du Fort-Jaco (Uccle), qui parlent français avec un accent spécial, ou les Anglo-Américains de Waterloo ? Essayez d’adhérer à leurs troupes scoutes, à leurs clubs de hockey ou à leur section du Rotary si vous êtes un peu trop basané et si votre compte en banque n’est pas assez garni. Ou de vous immiscer dans leurs rallyes où les élites qui votent majoritairement MR veillent à ce que leur progéniture fréquente d’autres jeunes « de bonne famille ».

 

C’est manifestement une vision caricaturale qui montre bien que le débat est très difficile à mener entre « laïcistes » et « communautaristes ». S’il est vrai que le mot « communautarisme » est difficile à définir, il y a des manifestations du communautarisme qui sont dangereuses pour l’avenir de notre société qui – là, il y accord unanime – vit une crise existentielle que le blog « Uranopole » a dénoncé à de multiples reprises en citant Antonio Gramsci : « Le vieux monde se meurt. Le nouveau tarde à apparaître. Et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. »

 

 

Le chaos devient la réalité de la société occidentale !

Le chaos devient la réalité de la société occidentale !

 

 

Soumettre nos lois aux préceptes religieux.

 

Justement, en matière de communautarisme, les monstres ont surgi. Quelques exemples : le Bataclan, la décapitation de Samuel Paty ; moins meurtriers mais tout aussi dangereux : le sabotage des cours de biologie dans les écoles secondaires en contestation de la théorie de l’évolution, l’exigence de la non-mixité dans les piscines et les centres sportifs, le refus de l’égalité hommes – femmes, etc. La véritable question est la volonté « communautariste » de soumettre nos lois aux préceptes religieux. Et on verra que cela ne concerne pas que l’Islam. L’esprit dogmatique que combat la laïcité a repris force et vigueur.

 

Il y a de nombreux cas concrets et inquiétants. En voici un. Un de mes amis est juge d’instruction à Bruxelles. Il m’a raconté qu’il y a quelques années, lorsqu’il était « de semaine », c’est-à-dire de garde 24 h sur 24 pendant une semaine, il fut appelé en pleine nuit par le Procureur de semaine aussi. La police avait arrêté une bande de jeunes maghrébins musulmans qui se livraient à des exactions contre les jeunes gays qui ont l’habitude de se fixer des rendez-vous vespéraux dans le Parc Royal de Bruxelles. Le juge les interrogea et il constata qu’ils provenaient du même quartier de la commune de Saint-Gilles-lez-Bruxelles non loin du Palais de Justice. Ces voyous fréquentaient tous la même mosquée et ils avouèrent avoir été influencés par les prêches d’un imam étranger qui fustigeait violemment l’homosexualité. Le magistrat décida d’envoyer un policier musulman investiguer sur cet imam. Arrivé sur place, le lendemain, le policier ne put que constater la disparition du prêcheur. Donc, on ne saura jamais de qui il s’agit et de quel réseau il fait partie. La conclusion évidente est que des réseaux salafistes envoient des « étrangers », c’est ainsi que les musulmans locaux les appellent, pour faire de l’agit-prop salafiste auprès des habitants musulmans des « quartiers » dans les mosquées.

 

Quant à la laïcité, elle se trouve désormais sur une position défensive parce qu’elle ne parvient pas à trouver la réponse adéquate à ces phénomènes. Prenons l’affaire du voile ou du foulard. Des intellectuels français et belges se réclamant de la laïcité, avec à leur tête, Elisabeth Badinter, se sont inquiétés en 1989 du nombre croissant de filles portant le voile dans les établissements scolaires officiels. Cela a ouvert la boîte de Pandore.

 

 

 

La philosophe Elisabeth Badinter, veuve de Robert Badinter, défend une laïcité rigoureuse.

La philosophe Elisabeth Badinter, veuve de Robert Badinter, défend une laïcité rigoureuse.

 

 

A l’époque, le Ministre français de l’éducation du gouvernement Rocard était Lionel Jospin. Il hésita à prendre des mesures drastiques qui auraient pu déclencher des troubles dans les écoles. Il demanda l’avis du Conseil d’Etat au sujet de la légalité d’éventuelles interdictions. Cette institution renvoya la patate chaude au gouvernement, arguant que c’était au législateur à fixer des mesures d’interdiction. Plus tard, sous la présidence de Chirac, une loi d’interdiction de « signes ostentatoires » d’appartenance religieuse ou philosophique a été votée. Son application n’a fait que provoquer des tensions.

 

Ces tensions sont dangereuses, car elles se traduisent par un heurt entre les musulmans qui vivent en Europe et les autres Européens, une sorte de « choc des civilisations » chère aux néoconservateurs occidentaux. En outre, les laïques qui demandent l’interdiction du port du voile dans les écoles officielles et l’administration commettent une grave erreur stratégique. Nous l’avons dit à plusieurs reprises sur le blog « Uranopole ».

 

Quand on parle de laïcité, il faut savoir de quoi il s’agit. C’est un terme qui, comme on l’a vu pour le communautarisme, est mal défini, ou plutôt qui a plusieurs définitions ! Il y a la laïcité à « la française », il y a la laïcité à « la belge », il y a le « sécularisme » qui est plutôt anglo-saxon, etc.

 

Reprenons ce qui fut publié par « Uranopole » (https://uranopole.over-blog.com/2016/09/la-misere-de-la-laicite.html ) le 20 mars 2016 :

 

« Depuis le début du XXIe siècle, elles [les laïcités] subissent une offensive cléricale et dogmatique sans précédent et en plus sont récupérées par des courants extrémistes – dits « populistes » - de plus en plus puissants qui osent s’en revendiquer, surtout par hostilité à l’égard du monde musulman. 

 

L’offensive cléricale et dogmatique est d’une tout autre nature que celle qui opposa et oppose encore aujourd’hui, mais de manière moins virulente, l’Eglise catholique apostolique romaine au courant de la libre pensée qui se réclame de la laïcité. Un troisième larron est venu se joindre à cette ancienne joute : l’Islam qui monte en puissance aussi bien sur le plan géopolitique qu’à l’intérieur des pays dits laïques. »

 

Et il ne faut pas oublier un autre danger dont, à tort, on parle relativement peu : les protestants évangéliques étatsuniens de plus en plus puissants, surtout depuis l’élection de Donald Trump. Ils s’attaquent parfois avec violence à la dépénalisation de l’avortement, l’euthanasie, les mariages homosexuels, les transgenres, etc.

 

Ce combat de titans où s’ajoute le terrorisme sanguinaire mène à une remise en question des bases mêmes de la société laïque et démocratique et transforme la laïcité en une forteresse assiégée. L’histoire nous a appris qu’aucune forteresse n’est invincible.

 

Depuis quelques décennies, la laïcité ne se définit plus comme un élément d’émancipation et de progrès mais comme une force opposée à une autre. Or, son histoire fut très riche, car elle amena progressivement la liberté de conscience comme pilier essentiel de notre société. Il suffit d’ailleurs, pour s’en rendre compte, d’assister à un événement organisé par les sociétés de la laïcité dite « organisée » : on observe l’âge canonique des participants dispersés dans des salles trop vastes !

 

Il est donc difficile de bien définir le rôle de la laïcité contemporaine, sinon comme l’opposition à l’Islam pratiqué en Europe.

 

Et plusieurs laïques penseurs libres ne veulent pas s’inscrire dans ce type de combat qu’ils considèrent comme contraire aux principes fondamentaux de la laïcité. C’est le cas de Hervé Hasquin, ancien ministre libéral, ancien Recteur puis Président de l’Université Libre de Bruxelles, ancien Secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Belgique qui analyse :

 

« Le contexte conflictuel qui ne manquera pas de se renforcer pourrait surtout donner du grain à moudre aux islamophobes de toute espèce. Et se retourner contre les laïques car le risque est réel que le combat des démocrates contre les barbares ne soit perçu comme un combat chrétien contre l’islam. Et la laïcité pourrait être instrumentalisée par les extrémistes. Le conditionnel n’est plus de mise Outre-quiévrain : la radicalisation de certains laïques a ouvert une brèche dans laquelle s’est engouffrée la droite extrême et l’extrême droite de l’Hexagone qui ont récupéré la laïcité. » 

 

 

L'ancien Président de l'ULB et Secrétaire perpétuel de l'Académie royale de Belgique a une vision cohérente et ferme sur cette question. Qui va l'écouter ?

L'ancien Président de l'ULB et Secrétaire perpétuel de l'Académie royale de Belgique a une vision cohérente et ferme sur cette question. Qui va l'écouter ?

 

 

En effet, l’islamophobie qui est considérée par certains laïques comme une invention de musulmans extrémistes, se développe de plus en plus dans notre société où, aussi bien par suite du terrorisme qu’à cause de la crise économique et sociale. Et comme toujours, on cherche un bouc émissaire. L’afflux mal maîtrisé par les autorités des pays européens de réfugiés d’Afrique et de Moyen-Orient n’arrange évidemment en rien les choses sans compter depuis peu le clivage consécutif à la guerre de Gaza.

 

L’islamophobie : le piège de l’extrême-droite

 

Ajoutons aussi que certains dirigeants du mouvement laïque cèdent au chant des sirènes de l’extrême-droite. La philosophe Elisabeth Badinter a déclaré qu’il ne fallait pas craindre de se faire traiter d’islamophobe, mais elle ajoute :

 

« La laïcité, devenue synonyme d’islamophobie, a été abandonnée à Marine Le Pen. Cela, je ne le pardonne pas à la gauche. » 

 

Mme Badinter a là en partie raison. Comme l’explique Hervé Hasquin, mais avec une autre analyse, l’extrême-droite s’est emparée de la laïcité comme d’une arme pour fustiger les musulmans. Et cela justement parce que les laïques n’ont pas combattu l’islamophobie.

 

Un exemple : il y a quelques années, à Bruxelles, fut fondé un établissement nommé « café laïque » qui organise (ou organisait – son site est muet depuis 2024) des conférences débats sur les questions de l’Islam et aussi hostiles au courant LGBT. Des personnalités très à droite comme l’ex-sénateur libéral belge connu pour ses idées proches de l’extrême-droite, Alain De Stexhe, figure parmi ses fondateurs. Cela a pour conséquence d’affaiblir encore plus le mouvement laïque en le divisant. Et exiger de décréter des interdictions de port de « signes convictionnels » est contreproductif et contraire aux principes mêmes de la laïcité.

 

 

 

L'ex Sénateur libéral très à droite : Alain De Stexhe

L'ex Sénateur libéral très à droite : Alain De Stexhe

 

 

La laïcité s’accommode mal d’interdits !

 

La laïcité s’accommode mal d’interdits ! Parce que ce n’est pas sa nature, tout simplement ! Henri Bartholomeeusen, ancien président du CAL, le rappelle dans son discours :

 

 

L"éminent juriste Henri Bartholomeeusen, ancien président du CAL et ancien Grand Maître du Grand Orient de Belgique a une vision ferme de la laïcité.

L"éminent juriste Henri Bartholomeeusen, ancien président du CAL et ancien Grand Maître du Grand Orient de Belgique a une vision ferme de la laïcité.

 

 

« Parce que la laïcité est un principe politique et humaniste qui oblige les pouvoirs publics, parce qu’elle ne se limite pas à la séparation des Églises et de l’État, parce qu’elle diffère d’un régime de neutralité ou de tolérance à l’anglo-saxonne, parce que la laïcité se fonde sur les libertés indissociables des droits humains, sur l’égalité et la solidarité, la laïcité est le principe universel d’impartialité objective qui autorise le régime des libertés. »

  

Et c’est parce que certains laïques ont milité pour restreindre une liberté au nom de LA liberté, c’est-à-dire la liberté de se vêtir comme on l’entend, que le mouvement laïque dérape. Là est le danger.

  

Un de mes amis, enseignant retraité, laïque convaincu, militant de la Ligue de l’enseignement, a eu une parole très juste il y a peu : « La laïcité doit toujours se positionner contre quelque-chose. » Et c’est là son point faible. Les militants de la laïcité ont toujours été minoritaires dans des pays comme la France ou la Belgique où l’Eglise catholique jusqu’il y a peu imposait son modèle culturel et éthique. Les luttes pour la dépénalisation de l’avortement, la légalisation de l’euthanasie, le mariage homosexuel ne sont toujours pas terminées. Et, en ce domaine, les catholiques ont reçu un renfort de taille avec les imams musulmans qui imposent une infériorisation de la femme et appellent au combat, parfois violent, contre l’homosexualité, sans oublier les évangéliques étatsuniens qui commencent à sévir sérieusement en Europe.

  

Mais, si ce principe fondamental de l’égalité hommes – femmes ne souffre aucune dérogation, la laïcité ne peut être un bloc monolithique qui impose à tous un seul modèle. La laïcité peut devenir elle aussi totalitaire. Hervé Hasquin a raison de rappeler :

  

« la laïcité doit donc se rendre compte une fois pour toutes que l’assimilation et l’uniformisation sont des leurres. Il faut, au contraire, une laïcité accueillante aux problèmes culturels et religieux ; l’important est de mettre en exergue un socle commun de droits. La laïcité politique et juridique ne doit pas devenir une conviction spirituelle de plus mais rester plurielle. Elle ne peut pas faire table rase du passé, des traditions et des cultures sous peine de devenir elle aussi totalitaire »

 

Une prise de conscience est indispensable, si on veut gagner la bataille contre l’obscurantisme : allier tolérance et fermeté.

 

 

 

Pierre Verhas

 

Post scriptum

 

Les restos à Gaza de Nadia Geerts

 

Nadia Geerts qu’on surnomme la Caroline Fourest belge est une championne de la laïcité rigide. Enseignante de métier, elle a combattu vigoureusement le port du voile dans les écoles officielles. Militante écolo, fondatrice du Cercle républicain, elle incarnait une gauche laïque radicale. Cependant, son intransigeance finit par lui coûter cher. Elle se sentit contrainte, au vu des pressions diverses des associations musulmanes et même du milieu enseignant, de démissionner de son poste alors qu’elle n’y était nullement obligée.

 

 

Nadia Geerts dans la tourmente après son post odieux et stupide

Nadia Geerts dans la tourmente après son post odieux et stupide

 

 

Après quelques péripéties, elle retrouva un emploi. Georges-Louis Bouchez dit GLOUB, le fougueux et très populiste président du MR (Mouvement Réformateur libéral de droite) recruta Nadia Geerts comme conseillère pour la laïcité au Centre Jean Gol, le bureau d’étude de ce parti. Ce fut vraiment le grand écart : de la gauche écologiste rigoriste à la droite populiste intolérante !

 

Le 24 juin dernier, elle posta sur X (ex Twitter) une plaisanterie plus que douteuse sur la famine à Gaza où elle prétendait qu’il suffisait d’aller sur Google pour trouver des restaurants ouverts à Gaza où l’on sert des crêpes au Nutella ! Voilà un échantillon de l’humour des milieux de droite radicale !

 

Ce fut une levée de boucliers ! Face à l’ampleur que prenait l’incident, Nadia Geerts effaça son post et donna une justification plus qu’alambiquée. En définitive, elle s’est décrédibilisée, mais tout lynchage est odieux et ne fait qu’attiser les tensions. Voici ce qu’écrit sur Facebook un de mes amis, Philippe Schwarzenberger – Kaisin :

 

« J’ai compris dès la première seconde non seulement l’origine de la réaction stupide de Nadia Geerts mais aussi les enjeux et méandres de cette hargne qui allait se déchaîner contre elle. J’ai tendance à oublier donc il faut que j’en dresse une liste et il y a du boulot pour documenter tout ça.

 

J’ai envie de m’amuser en ce dimanche matin pluvieux et ne résiste pas à l’envie de citer une prophétesse au crâne rasé : le wokisme c’est « (…) le refus du débat argumenté, et par conséquent, la négation de la liberté d’expression, chaque jour menacée par des hordes de censeurs traquant le moindre mot de travers, la moindre idée qui pourrait être jugée offensante. » (Nadia Geerts, Woke ! La tyrannie victimaire. Bruxelles, éditions Delville, 2024, p. 202.)

 

 Il faut croire que Nadia GRTS n’était pas tout à fait certaine de ses conclusions qu’elle a voulu les éprouver en provoquant ce qu’elle dénonçait.

 

Ce que je sais en tout cas, parce que le passé récent nous en a donné la triste preuve : ceux qui « dénoncent » en meute accrochent une cible dans leur dos de leur gibier et le désignent au premier Abdoullah Anzorov venu. [L’assassin de Samuel Paty]»

 

Depuis longtemps, je suis solidaire de la cause palestinienne, je condamne la colonisation meurtrière de la Palestine par les Sionistes israéliens, l’écrasement de Gaza, mais les lynchages et les manifestations haineuses desservent ce combat.

 

 

Et revoilà le voile

 

À peine en a-t-on parlé que le voile revient au galop !  La cérémonie de fin d’études du lycée Emile Max, à Schaerbeek, suscite la polémique. Jeudi 3 juillet, deux élèves portant le voile n’ont pas pu monter sur scène pour recevoir leur diplôme. En cause, selon la commune, l’application du règlement d’ordre intérieur de l’école qui interdit les signes convictionnels durant les temps scolaires.

 

 

Les deux élèves voilées lors de la remise des diplômes au Lycée Emile Max à Schaerbeek : leur tenue montre qu'il y a une évidente provocation, mais les autorités sont tombées dans le piège en réagissant avec vigueur !

Les deux élèves voilées lors de la remise des diplômes au Lycée Emile Max à Schaerbeek : leur tenue montre qu'il y a une évidente provocation, mais les autorités sont tombées dans le piège en réagissant avec vigueur !

 

 

Cela a bien entendu déclenché une polémique de grande ampleur. D’un côté, il y a ceux qui considèrent qu’on aurait pu déroger à ce règlement à l’occasion de cette cérémonie au caractère festif, d’autres, dont la directrice de ce lycée, qui disent que les deux élèves en question ont sciemment enfreint le ledit règlement étant donné qu’elles n’ont pas porté le foulard durant toute l’année scolaire.

 

Il est évident qu’il y a provocation émanant sans doute de la pression d’une mosquée, mais d’un autre côté, la réaction catégorique des autorités a déclenché la polémique. C’est exactement ce que voulaient les « provocateurs ». Tout règlement doit être appliqué, mais est aussi fait pour qu’on puisse à l’occasion y déroger : si on n’avait pas interdit à ces deux jeunes filles de monter à la tribune pour recevoir leur diplôme, il ne se serait rien passé.

 

De grâce, avec le voile, un peu de souplesse !

 

 

P.V.

 

 

 

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27 juin 2025 5 27 /06 /juin /2025 20:38

 

 

La gauche a-t-elle un avenir ?

 

L’hebdomadaire parisien « L’Obs » publie une excellente analyse émanant de la Fondation Jean Jaurès sur l’avenir de la gauche en France et en Europe.

 

On observe pratiquement partout dans l’Union européenne un important recul des formations politiques de gauche au point que certains analystes vont jusqu’à envisager sa disparition. C’est sans doute aller trop loin, mais force est de constater un déclin. Par exemple, le PS belge a perdu les trois derniers scrutins législatifs. Grâce au mode de scrutin proportionnel, il parvient à maintenir un nombre de sièges assez important à la Chambre des représentants, mais pour la première fois en 2024, il se retrouve dans l’opposition dans quasi tous les niveaux de pouvoir (fédéral, communautés, régions). Le PS en France est profondément divisé et Olivier Faure peine à recoller les morceaux. Il y a aussi la France insoumise de Mélenchon qui fait de la politique spectacle. Il est loin le programme commun entre les Socialistes et les Communistes lors de la période Mitterrand.

 

Cependant, il y a un espoir de relance. L’Obs écrit : « Face aux populistes d’extrême droite qui ont le vent en poupe, la gauche européenne traverse une crise profonde. Mais, derrière le recul électoral et la fragmentation idéologique, une dynamique nouvelle est-elle en train d’émerger ? Dans un rapport publié par la Fondation Jean-Jaurès, Renaud Large, expert associé, analyse ces recompositions. Au Danemark, sous l’impulsion de la Première ministre, Mette Frederiksen, en Suède avec le recentrage des sociaux-démocrates, au Royaume-Uni à travers la stratégie du travailliste Keir Starmer, se dessine une « troisième gauche » post-sociétale. Elle conjugue contrôle des flux migratoires, souveraineté démocratique et reconquête des classes populaires autour de la justice sociale. »

 

 

Jean Jaurès le précurseur du socialisme démocratique

Jean Jaurès le précurseur du socialisme démocratique

 

 

Le retour du social ?

 

En réalité, la gauche européenne, surtout celle d’Europe occidentale, s’est « boboïsée » dès les années 1990. Elle est passée du « social » au « sociétal ».  C’est là le grand débat de la gauche qui est, qu’on le veuille ou non, un rapport de force entre classes sociales. Les classes populaires face aux classes moyennes aisées et aussi, on le verra plus loin, la classe populaire urbaine et la classe populaire rurale. L’Obs relate les propos de Renaud Large, le rapporteur de la Fondation Jean Jaurès qui analyse le déclin électoral des formations de gauche :

 

L’Obs : « La gauche européenne traverse une crise majeure. Vous évoquez même un risque de « sortie de l’histoire ».

 

Renaud Large : Oui. Sur l’ensemble du continent, les forces de gauche reculent dans l’opinion et déclinent électoralement, jusqu’à voir leur existence même menacée. Les rares victoires socialistes – Pedro Sánchez en Espagne, Keir Starmer au Royaume-Uni – apparaissent comme des exceptions dans un contexte de reflux général. Partout, la gauche survit, joue en défense, tandis que prospèrent les mouvements nationalistes, populistes, libertariens et illibéraux. Les percées sont aujourd’hui du côté de la réaction. 

 

 

Pedro Sanchez, le Premier ministre espagnol refuse les diktats.

Pedro Sanchez, le Premier ministre espagnol refuse les diktats.

 

 

Comment expliquer ce phénomène ? Pour Renaud Large, il faut le voir dans l’évolution démographique comme le vieillissement de la population qui pousse à l’aspiration à la sécurité et au conservatisme : « … depuis les années 1970, la gauche puisait sa force dans la jeunesse et sa croyance dans le progrès. Perdant cette base, elle voit s’affaiblir l’un de ses moteurs historiques. Ensuite, si la déflagration des marchés financiers en 2008 a permis à la gauche radicale de retrouver un souffle, via le populisme de gauche – Podemos, Syriza, le Parti de Gauche (LFI) –, la crise migratoire de 2015 a déplacé le débat public vers des enjeux – immigration, identité, sécurité – sur lesquels la gauche dans son ensemble est structurellement fragile. Ces questions la divisent et la paralysent. »

 

Mais, et c’est très important : la gauche ne s’est pas remise en question après ses multiples échecs. Renaud Large le fait remarquer : « Elle a surtout manqué d’audace doctrinale. Depuis une décennie, elle s’est enfermée dans des recettes usées, flattant un électorat urbain, diplômé et culturellement libéral, mais se coupant des classes populaires. Au lieu de produire un aggiornamento, elle a dérivé vers une gauche de « bourgeoisie culturelle », déconnectée des préoccupations concrètes des classes modestes. Le contexte exigeait des ruptures programmatiques profondes, y compris au prix d’une révision de ses propres certitudes. Cette inertie intellectuelle pèse lourd. »

 

Et puis, elle a renoncé à la souveraineté populaire qui est, en définitive, sa raison d’être.

 

« Sur les thèmes de l’immigration, de l’insécurité, de la maîtrise des frontières, la gauche est devenue inaudible. Elle a laissé ces questions cruciales aux droites identitaires, perdant ainsi l’ancrage populaire. Faute de crédibilité sur le volet régalien, la gauche imprime moins sur les dimensions économiques et sociales, alors même qu’elles sont considérées comme sa « zone de confort ».

 

L'Obs : « Vous pointez cependant l’émergence d’une gauche « post-sociétale ». De quoi s’agit-il ?

 

Renaud Lelarge : C’est une recomposition encore en gestation, mais porteuse de perspectives. Elle part du constat de l’échec de la gauche sociétale des années 2010, focalisée sur les minorités, l’ouverture des frontières, l’individualisme et les revendications identitaires. Elle revient aux fondamentaux : défense des travailleurs, des catégories populaires et de l’Etat-providence. »

 

L’erreur historique de la gauche

 

Et c’est bien là le problème : la gauche a laissé l’extrême-droite conquérir et occuper le terrain de l’immigration et celui de la sécurité. Aujourd’hui, en dépit des lois contre le racisme et des cordons sanitaires, le populisme et l’extrême-droite finissent par l’emporter.

 

En outre, la gauche, par sa division, son incapacité à analyser objectivement et sans a priori le phénomène de l’immigration et le concept de l’identité s’est trouvée emberlificotée par le développement du communautarisme. Par la crainte d’être assimilée à l’extrême-droite raciste et aussi par électoralisme, elle a permis, au nom du multiculturalisme, le développement de l’islamisme dans ce qu’on appelle pudiquement « les quartiers », prêchés par des imams dits « de garage » dans des mosquées improvisées. Il a fallu les attentats de Paris en 2015 et de Bruxelles l’année suivante pour prendre conscience qu’émanaient de ces « quartiers » des bandes redoutables de jeunes endoctrinés par ces « religieux » qui provenaient de pays comme les monarchies pétrolières, la Syrie, l’Irak, etc. Aujourd’hui, plus de dix ans après, ce phénomène n’est toujours pas tout à fait éradiqué.

 

En plus de l’erreur stratégique majeure, la gauche y a abandonné ses principes de base comme la laïcité, l’enseignement public et obligatoire, l’égalité hommes – femmes, etc. D’ailleurs comment défendre le « wokisme » et fermer les yeux sur les interdits sexuels de l’islam radical ?

 

Le retour de la souveraineté, le mot maudit par la gauche sociétale

 

Renaud Large prône l’émergence d’une gauche « post-sociétale » qui adopterait une autre vision de la question de l’immigration et qui rétablirait la souveraineté.

 

« Elle assume qu’une régulation des flux migratoires est nécessaire pour intégrer dignement et préserver la soutenabilité des systèmes sociaux. En retrouvant de la crédibilité sur l’axe culturel et régalien, elle retrouve du souffle sur le volet socio-économique. La gauche post-sociétale redonne la priorité à la souveraineté démocratique, condition indispensable de la redistribution. Et elle dénonce le double discours d’une extrême droite qui, sous couvert de défense des peuples, reste alignée sur les intérêts élitaires. »

 

Existe-t-il des exemples de cette gauche « post-sociétale » ? Pour Renaud Large, oui : « Au Danemark, la Première ministre sociale-démocrate, Mette Frederiksen, pour préserver l’universalité des droits sociaux, assume une régulation très stricte de l’immigration – sa politique est même devenue l’une des plus restrictives de toute l’Europe. En Suède, après des années d’ouverture migratoire, les sociaux-démocrates ont opéré un virage stratégique similaire. La députée Lawen Redar incarne cette nouvelle génération qui conjugue inclusion, responsabilité et unité nationale. En Australie, la victoire des travaillistes en 2025 illustre aussi cette dynamique : le Premier ministre, Anthony Albanese, s’affiche comme conservateur en matière d’immigration, de sécurité et d’attachement aux valeurs patriotiques, mais il défend aussi une transition énergétique volontariste, des investissements publics massifs dans la santé et le renforcement des droits sociaux des travailleurs les plus précaires. Cette combinaison a permis aux travaillistes de capter à la fois les classes moyennes inquiètes du déclin des services publics, les jeunes sensibles à l’environnement et les électeurs plus traditionnels attachés à l’ordre et à la stabilité. »

 

En définitive, cet article peut se résumer en une petite phrase : la gauche doit revenir à ses fondamentaux pour survivre. Et le premier des fondamentaux, c’est la bonne vieille lutte des classes.

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

Post scriptum :

 

Le sommet de l’OTAN à La Haye

 

Les chefs d’Etat et les Premiers ministres de l’OTAN se sont réunis à La Haye les 24 et 25 juin 2025. La question était d’adopter pour chaque Etat-membre une augmentation considérable des dépenses militaires qui ne pourra se faire qu’au détriment de la sécurité sociale, de l’éducation, de la Justice, de la Culture, des pouvoirs locaux. Cela a déjà commencé en Belgique.

 

La plupart de ces huiles ont lâchement cédé à l’exception du Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sanchez. Tous les autres se sont inclinés sous la direction du Secrétaire général de l’organisme militaire transatlantique, l’ancien Premier ministre ultralibéral néerlandais, Mark Rutte qui s’est transformé pour la circonstance en cireur de bottes de Donald Trump qui s’est félicité de les avoir quasi tous écrasés… Le dessinateur Du Bus de la « Libre Belgique » a très bien résumé les choses.

 

 

 

 

 

Le dessin de Dubus synthétise parfaitement le sommet de La Haye (La Libre Belgique, 26 juin 2025)

Le dessin de Dubus synthétise parfaitement le sommet de La Haye (La Libre Belgique, 26 juin 2025)

 

La démocratie en danger

 

La séparation des pouvoirs qui est la base même d’un Etat réellement démocratique, est fortement menacée. Ce n’est pas nouveau, rétorquera-t-on. Cependant, en ce 27 juin 2025, deux événements le confirment : En Belgique, la haute magistrature a rassemblé l’ensemble des corps au Palais de Justice de Bruxelles, sous la présidence du Procureur général Van Leeuw. Il a dénoncé le manque constant de moyens pour l’exercice de la Justice qui en vient à contraindre les auxiliaires de la Justice a travailler dans des bâtiments insalubres, avec des moyens obsolètes, un manque criant de personnel, sans compter les prisons surpeuplées et insalubres au point que les organismes de défense des Droits humains dénoncent avec vigueur le système carcéral belge.

 

 

Les juges contestent : la démocratie est en danger, dénoncent-elles !

Les juges contestent : la démocratie est en danger, dénoncent-elles !

 

Aux Etats-Unis, la Cour suprême majoritairement républicaine a donné raison à Donald Trump contre les Juges fédéraux qui avaient annulé des décrets considérés comme anticonstitutionnels et illégaux. Ainsi, le pouvoir de régulation de la Justice étatsunienne est considérablement affaibli au plus grand profit du pouvoir exécutif.

 

 

Trump triomphant ; ses serviteurs de la Cour suprême lui ont donné raison !

Trump triomphant ; ses serviteurs de la Cour suprême lui ont donné raison !

 

De là à penser que la démocratie est sabotée par la droite dure au pouvoir dans ces deux pays, il n’y a qu’un pas que nous n’hésitons pas à franchir.

 

 

P.V.

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19 mai 2025 1 19 /05 /mai /2025 20:38

 

 

Un lecteur du blog « Uranopole » et par ailleurs ami m’a récemment reproché : « une obsession anti israélienne que tu dois introduire dans tous les articles que tu écris que ce soit pertinent ou pas. »

 

Je lui rétorque : face aux événements épouvantables à Gaza, il est en effet difficile de ne pas être obsédé. Non pas contre Israël, mais effaré par ces massacres permanents qui ne sont justifiés officiellement par le gouvernement de Netanyahu que comme la réponse indispensable à l’attaque meurtrière du 7 octobre 2023 du Hamas. S’il est évident que l’offensive du Hamas fut sanglante avec en outre la prise d’otages, sont sans conteste des crimes contre l’humanité,  l’ampleur de la riposte israélienne, les représailles de Tsahal par le bombardement d’habitations, d’écoles, d’hôpitaux suivie par le déplacement forcé des populations palestiniennes dans cette enclave que Stéphane Hessel avait appelé, il y a quelques années : « une prison à ciel ouvert », constituent aussi des crimes contre l’humanité au regard du même droit international. Cela, d’autant plus que ce n’est pas la première fois que l’armée israélienne effectue des bombardements massifs sur l’enclave de Gaza.

 

 

 

Gaza, antique cité orientale, n'est plus que ruines et désolations.

Gaza, antique cité orientale, n'est plus que ruines et désolations.

 

 

Depuis longtemps, les représailles israéliennes contre les attaques palestiniennes sont disproportionnées, mais cette fois-ci, on assiste à une véritable entreprise d’extermination et de destruction destinée à éliminer ou à expulser la population palestinienne de la bande de Gaza. L’élément nouveau, si l’on peut dire, est la récente déclaration de Netanyahu sans doute inspirée par Trump où il menace ouvertement la population de Gaza d’extermination si elle n’évacue pas l’enclave au plus vite ! Plus de deux millions de personnes ! Et pendant ce temps, les Palestiniens de Cisjordanie subissent des attaques systématiques de la part des colons israéliens fanatiques et messianiques avec la complicité de l’armée d’occupation. Ils formeront sans doute la deuxième « vague », si rien ne change.

 

C’est le réveil du fameux rêve du « Grand Israël » qu’on croyait être enterré depuis les accords d’Oslo de 1993. C’est la plus épouvantable tragédie humaine depuis la Shoah et le génocide rwandais de 1994 !

 

Comment en est-on arrivé là après tant d’efforts internationaux pas toujours sincères pour que ce ne soit « plus jamais ça » ?

 

 

Antisionisme - antisémitisme

 

 

« Antisionisme égale antisémitisme ! » prétendent les défenseurs de cette politique de conquête de l’Etat d’Israël qui a atteint le paroxysme de l’agressivité à l’égard de ses voisins arabes et des Palestiniens lors de la Nakba en 1947-48 et dans les territoires occupés depuis 1967, sans compter la volonté d’annexer ces zones conquises lors de la guerre dite des Six jours. Toute critique même modérée de cette guerre est considérée par la propagande israélienne et de certaines associations juives aux Etats-Unis et en Europe comme des manifestations d’antisémitisme qu’il faut poursuivre au nom de la loi. Saluons au passage le courage de quelques associations comme à Bruxelles, l’Union des Juifs Progressistes de Belgique et à Paris l’Union Juive Française pour la Paix sans compter plusieurs personnalités appartenant à ce qu’on appelle la communauté juive.

 

 

 

La Nakba ne s'est jamais arrêtée depuis 1948.

La Nakba ne s'est jamais arrêtée depuis 1948.

 

 

 

Comment comprendre cette tragique évolution de l’entreprise sioniste née à la fin du XIXe siècle en Europe et aussi au Moyen-Orient qui est, qu’on le veuille ou non, une entreprise coloniale. Lors de la naissance du Sionisme à la fin du XIXe siècle, en Europe, le concept national et le colonialisme comme instruments de libération des peuples et de mission civilisatrice étaient à la mode. Le Sionisme en plus de l’idée de retour à la terre d’origine du peuple juif était basé sur ces deux idées : la constitution d’un Etat nation et la colonisation et le développement de la Palestine comme terre juive. Cependant, la pensée sioniste ne se préoccupa guère des Arabes qui habitaient ces territoires depuis des siècles. Le but était de donner un Etat nation aux Juifs qui cherchaient à se protéger des persécutions et massacres dont ils étaient victimes, particulièrement dans le monde slave et une partie du monde arabe, sans compter les exactions dans l’Europe catholique au Moyen-âge et à la Renaissance et qui pouvaient reprendre à n’importe quel moment.

 

 

C’est au travers de lettres et de compte-rendu de conversations datant des débuts de l’entreprise sioniste qui n’est autre que la colonisation de la Palestine par les Juifs persécutés en Europe et aussi dans le monde musulman que l’on peut comprendre toute l’ambigüité du Sionisme né pendant la seconde moitié du XIXe siècle. Ces lettres sont extraites d’un ouvrage récent : Renée Neher – Bernheim, La déclaration Balfour, 1917 : création d’un foyer national juif en Palestine, Paris, Les Belles Lettres, 2025. La conversation émane du livre biographique d’Anne Vanesse : Sophia Poznanska, Bruxelles, éditions Cimmarron, 2024.

 

Le premier document est l’appel lancé par Joseph Vitkin, un pionnier juif russe, à la jeunesse juive en Russie par l’intermédiaire de Menahem Ussiskin.

 

« Voici les points dont il faut prendre conscience : quelle que soit la longueur de notre route, dût-elle exiger le sacrifice de générations entières, dût-elle engloutir des victimes innombrables -, il nous faut marcher sur cette route sans jeter un regard en arrière. Il nous faut prendre conscience du fait que nos vaisseaux sont déjà brûlés, que nous n’avons aucun refuge, nulle part dans le monde !

 

Il nous faut lutter comme des désespérés, comme des ours privés de leurs petits ! L’ensemble effroyable de nos souffrances, de nos protestations, de nos gémissements, tout ce qui étouffe dans nos gorges et que la peur de l’ennemi nous empêche d’extérioriser, il faut à présent le sublimer dans le gigantesque travail que nous entreprenons pour le salut et la résurrection de notre peuple.

 

(…) Sachez qu’il vous incombe de ramener à la Terre l’attachement de ses enfants, à ses habitants le respect et l’amour (…) et tout cela vous ne pouvez le réaliser qu’en atteignant votre but. Toutefois, préparez-vous à la lutte ; il faudra lutter avec la nature, avec les maladies et la faim, avec les hommes qu’ils soient ennemis ou amis, étrangers ou frères, avec les adversaires du sionisme et avec ses partisans (...) Préparez-vous à affronter la haine et la brutalité de votre entourage qui reconnaîtra en vous une concurrence dangereuse ; préparez-vous à affronter les sarcasmes et les railleries, le désespoir qui ronge la personne entière, l’âme et le corps ; préparez-vous à affronter les pièges dont certains sont dressés par vos propres amis et vos compagnons ; préparez-vous à affronter les risques les plus difficiles et les plus terribles – à affronter même la victoire ! Et votre victoire, ce sera la victoire du peuple tout entier. Beaucoup d’entre vous tomberont sans doute sur le champ de bataille, victimes des maladies, des épreuves de la faim et de l’épuisement, mais les survivants et ceux qui viendront après vous rempliront les vides dans les rangs. Et la guerre, cette guerre pacifique, se poursuivra jusqu’à la victoire. »

 

 

Colons juifs en Palestine vers 1880, à la première "alyah"

Colons juifs en Palestine vers 1880, à la première "alyah"

 

 

À la lecture de ce document, on sent une détermination inébranlable : il faudra consentir d’énormes sacrifices pour libérer le peuple juif, mais aussi mener une guerre, « une guerre pacifique ». Qu’est-ce à dire ? On détecte bien là, en plus de la détermination, une illusion ! L’oxymore « guerre pacifique » montre bien le danger de cette illusion. Pas un mot sur les Arabes. Le « peuple sans terre » comme disait Arthur Koestler ne s’installe pas sur « une terre sans peuple ». La Palestine est loin d’être non peuplée. Elle héberge des Arabes, des Druzes, des Arméniens, des Grecs et même de Juifs qui n’étaient pas issus des alyahs. C’est évidemment ici la source de ce conflit séculaire : beaucoup de Sionistes voulaient fonder un Etat-nation uniquement juif, ne tenant aucun compte des populations locales.

                                                     

L’appel de Vitkin eut un grand succès auprès des jeunes juifs russes et aussi d’Europe centrale, témoins et victimes des persécutions et pogroms au sein de l’empire russe et des pays slaves, sans compter l’antisémitisme qui se développait notamment en France avec l’affaire Dreyfus. Le Sionisme représentait en définitive le seul espoir comme le proclame Vitkin. Beaucoup de juifs russes et des pays slaves fuient vers les Etats-Unis, mais d’autres répondent à l’appel et s’embarquent pour la Palestine. L’un d’eux, le Polonais David Gruen, qui se fit appeler par après David Ben Gourion arrive en 1906 sur la « Terre des ancêtres » à l’âge de vingt ans.

 

 

 

David Ben Gourion en 1906n au centre tenant une grappe de raisins

David Ben Gourion en 1906n au centre tenant une grappe de raisins

 

 

Il écrivit une lettre décrivant son alyah et ses premiers moments comme pionnier juif en Palestine :

 

« Le voyage fut long et pénible ; nous dormions dans l’entrepont et il nous fallut deux semaines pour arriver à Jaffa, après des escales à Salonique, Smyrne, Alexandrette et Beyrouth.

 

Je passai la première comme manœuvre dans l’orangeraie de Petha Tikva, à deux heures et demie de marche de Jaffa. Mon ami Zenach avait eu raison. Il était difficile d’être embauché, même quand les patrons étaient juifs, enfants de pionniers, qui avaient hérité de la terre, mais non de l’esprit d’initiative de leurs parents. Ils préféraient embaucher des Arabes qui avaient l’habitude de travailler de leurs mains, qui s’accommodaient de salaires dérisoires et qui n’avaient pas « la tête tournée » par les absurdités socialistes comme ces jeunes Juifs de Russie.

 

Nous avons tous eu la malaria. J’ai souvent eu des crises graves, et les docteurs me conseillaient de retourner en Europe car je ne pouvais m’habituer au climat. Bien sûr, je ne les ai jamais écoutés… De plus, je n’oubliais pas ce couple qui avait refusé de partir de Hédéra (aujourd’hui, on écrit Hadera, petite ville israélienne côtière entre Netanya et Haïfa), malgré la mort de leurs trois enfants frappés de malaria. C’est grâce à de telles abnégations que Hédéra est aujourd’hui prospère. C’est grâce à des Juifs comme eux, et à leurs descendants qui ont continué leurs efforts, qu’un pays aride est devenu habitable et riche. Mais l’histoire de Hédéra et de tous ses premiers habitants est surtout poignante par le fait qu’ils étaient sur une terre désolée. Certains avaient quitté des maisons confortables de Russie pour vivre dans des cabanes et apprendre à gagner leur pain de leurs mains.

 

Je peux me rappeler quelques incidents datant de mes débuts en Palestine, et qui me font rire aujourd’hui quand j’y repense. J’ai autrefois travaillé dans un petit village non loin de Zikhron Yakov. Je passais la nuit dans une étable à vaches. Aujourd’hui encore l’odeur des souris et la puanteur du fumier me remonte aux narines. Mais j’étais tout de même content d’être en Eretz Israël (…)

 

Mon père apprit ma situation parce qu’il y avait tout le temps des gens qui faisaient la navette avec Plonsk (petite ville de Pologne non loin de Varsovie). Il fut mis au courant du fait que je mourais quasiment de faim, et il m’écrivit de rentrer à la maison. Je lui répondis en le priant de ne pas m’écrire de lettre pareille, parce qu’il n’était pas question que je rentre.

 

 

Quinze jours plus tard, il m’envoya un peu d’argent. Je le lui renvoyai en lui demandant de ne plus m’en adresser. Peut-être qu’aujourd’hui, j’aurais accepté cet argent, mais pas quand je mourais de faim. À l’époque de la seconde alyah, qu’est-ce que cela pouvait bien faire si on mourait de faim ? »

 

 

Là aussi, apparaît la volonté inébranlable de fonder une nation, encore une fois, sans tenir compte de ses habitants. « Eretz Israël » signifie la Terre de Canaan promise par Dieu aux Juifs dispersés, terre des ancêtres hébreux qui est la leur.

 

Voici une autre histoire racontée par Anne Vanesse sur une personnalité exceptionnelle : une juive polonaise nommée Sophia Poznanska.

 

 

 

La tragédie du sionisme (I)

 

 

Anne Vanesse décrit la jeunesse tourmentée de Sophia ou Zosha. La Première guerre mondiale où l’armée allemande envahit la Pologne dès le 1er août 1914, les risques de pillage de l’appartement familial, la fuite. Son premier amour, Fishek. Son adhésion au Hashomer Hatzaïr (mouvement de jeunesse juif préparant les jeunes Juifs à « l’alyah ») où se pratiquait une morale stricte par laquelle toute relation sexuelle était interdite. En 1924, Sophia se prépare à la « matura », l’examen de fin d’études secondaires, mais avec ses camarades, elle n’était pas intéressée par les matières classiques comme l’histoire polonaise, les mathématiques, les langues étrangères, car elle n’avait pas l’intention d’aller à l’université. Elle voulait avoir une formation pratique agricole pour aller travailler dans un kibboutz en Palestine et ainsi rejoindre son frère Olek. Elle se retrouva sur le terrain de camping du kibboutz à Afula, localité située au Nord entre Jénine et Nazareth. Afula était à l’origine un village arabe du nom de Al-Fuleh qui comptait plus de 500 habitants arabes dont la plupart ont été expulsés. Ses débuts furent très durs. Sophia devait casser des cailloux pour en faire du gravier afin de construire une route.

 

Sophia fut très vite déçue par le Ssionisme qu’elle avait imaginé comme un mouvement socialiste de libération et d’émancipation entre les ouvriers juifs et les ouvriers arabes. La réalité qu’elle rencontra était tout autre. Elle s’en ouvrit à son frère Olek dans une discussion rapportée par une amie de Sophia, Yehudit Kafri, qui marqua son destin.

 

« Les Arabes sont des gens tout comme nous ! »

Le vent fort transportait jusqu’à eux de la fumée imprégnée de l’odeur du bois d’olivier brûlant dans de lointains fours taboun, des aboiements de chiens, des voix de gens.

« Il y a des Arabes ici », répétait-elle. « De quel droit les avons-nous chassés de leurs terres et de leurs villages pour résoudre notre problème ? »

« Vous exagérez. Pas partout. Ils n’ont pas été chassés partout, Zocha. » rétorquait Olek. « Il y avait et il y a suffisamment de terres désertes et incultes ici, de marécages, de moustiques, d’épines, de scorpions et de serpents. Pas partout… »

Cheveux bouclés, au regard intelligent et inquiet qu’il avait dans les yeux, elle détourna les yeux et continua avec entêtement.

« Parlons d’Afula. Nous sommes ici, n’est-ce pas ? »

« Oui » dit-il mal à l’aise sachant ce qui allait se passer.

« Donc, ils ont acheté les 1 600 hectares de la vallée juste avant ton arrivée ici. »

« Oui »

« Et il y avait un village ici. Afula. Il n’était pas si petit. Il comptait 530 habitants. Des fermiers locataires, qui arrivaient à peine à vivre de cette terre, mais ils en vivaient ! Alors, qu’en est-il d’eux ? L’argent a été versé au propriétaire Sursuk, pas à eux. Ils leur ont donné une misérable compensation et ils ont été chassés. Il y a un mot pour cela, Olek : Dépossession ! C’est pour déposséder les Arabes que nous sommes venus en Eretz Israël ? C’est ça que ça veut dire « construire et être construit » ? » »

« Je suis opposé à la dépossession, et tu le sais, Zocha. Tu prends quelque-chose qui est si compliqué et complexe comme, peut-être, deux justices de poids égal, et tu les transformes en une simple question de soit-soit. Soit, eux ils ont raison, soit c’est nous. »

« C’est eux ou nous, Olek. C’est vraiment ce que c’est. »

Plus loin dans la conversation, Zocha pose la question.

« A quoi sert le progrès que nous apportons, si nous ne l’apportons à ceux qui ont été dépossédés, aux Arabes d’Afula ? Nous leur avons pris leur village, la maison dans laquelle ils vivaient depuis des générations. »

 

« Nous faisons une terrible erreur, Olek. Ils vont se venger de nous… »

 

Et puis, à un moment, Zocha pose la question du droit des Juifs et des Arabes sur cette terre.

« Donc, les Arabes n’ont pas le droit de vivre – de vivre comme des êtres humains ? Seulement nous que nous !

Olek : « D’où vient notre droit ?

« D’il y a deux mille, trois mille, ou quatre mille ans, d’abord. Et deuxièmement, de la déclaration Balfour. Et encore, plus que ces deux-là, c’est l’absence d’alternative. Parce que l’Europe est finie pour nous ! C’est fini, tu comprends ! »

 

Les extraits de cette conversation datant de 1925 résument l’implacable et interminable conflit, ainsi que le dilemme des Juifs sionistes qui déchire cette région depuis plus d’un siècle. Et puis, ces propos tenus il y a si longtemps sont toujours d’une brûlante actualité en ces temps où les Israéliens occupent Jérusalem Est, la Cisjordanie et le Golan depuis 1967 et surtout après les massacres du 7 octobre 2023 commis par le Hamas de Gaza suivis par ceux des Palestiniens de Gaza qui a fait jusqu’à présent plus de 50 000 morts.

 

Sophia avait vu juste en prédisant la vengeance des Arabes et son frère Olek qui rétorque : « C’est eux ou nous ! » montre l’aveuglement meurtrier de certains Sionistes.

 

 

Et puis, cette idée d’un droit millénaire des Juifs sur la Terre « sainte » ou « promise » n’a aucun sens ! Comment peut-on revendiquer un « droit » deux ou trois mille ans après ? L’historien israélien Schlomo Sand remet d’ailleurs en question cette interprétation de la guerre entre les Hébreux et les Romains. Il considère que le « peuple juif » a été inventé par le Sionisme, il veut démontrer que la fameuse « Diaspora » n’a pas eu lieu. Les faits avérés sont la destruction du Temple par l’envahisseur romain qui a éliminé les habitants qui leur résistaient ainsi que leurs édifices et le massacre ou la mise en esclavage des résistants hébreux.

 

Une effroyable dérive

 

Venons-en à l’actualité. Le 7 octobre 2023 est une date majeure dans l’histoire de l’Etat d’Israël et du Sionisme. Elle marque une profonde mutation de l’histoire de cette région du monde perturbée depuis plus d’un siècle par tant de troubles. La récente analyse du professeur d’histoire des religions et de la laïcité de l’ULB, Jean-Philippe Schreiber diffusée sur le réseau social Facebook le 8 mai 2025 qu’il a intitulé « l’histoire d’une effroyable dérive » est révélatrice du désarroi des démocrates européens face à la transformation de l’Etat israélien depuis quelques années et spécialement depuis le 7 octobre 2023.

 

 

 

L'historien des religions et de la laïcité, Jean-Philippe Schreiber

L'historien des religions et de la laïcité, Jean-Philippe Schreiber

 

 

« C’est l’histoire d’une effroyable dérive. La dérive d’un pays, ou plutôt d’un gouvernement, qui s’enfonce dans un délire expansionniste, s’enfonce dans la matérialisation de son projet suprémaciste, et s’enfonce dans son entreprise de déshumanisation d’une population tout entière. Cette dérive, je l’imagine et l’espère, ne sera pas acceptée par une large partie des citoyens de ce pays, malgré le traumatisme du 7 octobre ~ des citoyens trompés par le mythe selon lequel ils auraient l’armée la plus morale au monde, un mythe entretenu pour renforcer la cohésion sociale et nourrir le déni de la réalité comme l’impunité des crimes commis.

 

Ce pays, c’est évidemment Israël. Il n’est plus possible aujourd’hui de contester ce que nous étions nombreux à dénoncer depuis longtemps : d’abord, que la priorité du gouvernement de droite et d’extrême-droite de Benjamin Netanyahou n’est pas la libération des otages toujours détenus par le Hamas et qu’il a proprement sacrifiés à sa politique, mais bien la conquête du territoire de Gaza, l’expulsion programmée de sa population et l’arasage de ses infrastructures devenues inhabitables ; ensuite, que son intention est bien d’affamer la population de Gaza, de sans cesse la déplacer et de l’amener finalement à quitter un territoire qui sera détruit, littéralement détruit comme l’affirme le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich. En janvier dernier, deux historiens reconnus en Israël, professeurs à l’Université hébraïque de Jérusalem, Amos Goldberg et Daniel Blatman, titraient leur tribune dans « Haaretz » : « There’s No Auschwitz in Gaza, but it’s still Genocide ». Nous avons dû nous ranger progressivement à cette idée insensée que certains des dirigeants israéliens entretenaient en effet un objectif de nature génocidaire, ce dont témoignent ouvertement leurs déclarations.

 

La faillite morale que constate ces jours-ci la rabbine Delphine Horvilleur se décline en quelques mots, qui sanctionnent cette prise en otage de la démocratie israélienne au profit d’un projet messianique, fasciste et meurtrier : le nettoyage ethnique à Gaza, la famine comme arme de guerre, l’indifférence la plus totale à l’égard d’une population considérée comme ennemie et qui se voit proprement déshumanisée, ainsi que le mépris odieux des lois de la guerre. Cette faillite est tragique, et met en péril l’essence profonde de l’État juif.

 

Même l’écrivain David Grossman, figure éminente des lettres israéliennes, a peur pour la survie de son pays, miné par son actuel tropisme fasciste : « La violence est déjà si profondément ancrée dans la psyché israélienne, tant nationale que personnelle, que le pire pourrait encore éclater », a-t-il déclaré. 70 % des Israéliens, aujourd’hui, s’opposent à la poursuite de cette guerre, et des réservistes de plus en plus nombreux refusent de répondre à l’appel, alors qu’il est évident qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit et qu’en dix-huit mois d’opérations le Hamas n’a toujours pas été défait. Il est temps, plus que temps que tout soit mis en œuvre pour que cesse l’effrayante éradication de Gaza ~ pour le bien des Palestiniens, évidemment, mais pour le bien d’Israël aussi. »

 

 

Terminons par la déclaration du Sénateur du Vermont, le démocrate indépendant, juif polonais d’origine, se réclamant du Socialisme et ancien candidat à la présidence des Etats-Unis, très populaire chez les jeunes et dans la classe ouvrière étatsunienne.

 

 

 

Le Sénateur démocrate du Vermont Bernie Sanders est le seul à dénoncer ouvertement les crimes de Netanyahu. Mais, est-il si seul ?

Le Sénateur démocrate du Vermont Bernie Sanders est le seul à dénoncer ouvertement les crimes de Netanyahu. Mais, est-il si seul ?

 

 

Non, M. Netanyahu, ce n'est ni antisémite ni pro-Hamas de signaler qu'en un peu plus de six mois votre gouvernement extrémiste a tué 34 000 Palestiniens et en a blessé 77 000, dont 70 % sont des femmes et des enfants.

 

Il n'est pas antisémite de signaler que vos attentats ont détruit 221k maisons à Gaza, laissant un million de personnes sans abri, soit près de la moitié de la population. Il n'est pas antisémite de constater que votre gouvernement a réduit à néant l'infrastructure civile de Gaza, y compris l'électricité, l'eau et les égouts.

 

Ce n'est pas antisémite de réaliser que ce gouvernement a détruit le système de santé de Gaza, rendant 26 hôpitaux inutilisables et tuant 400 travailleurs de santé. Il n'est pas antisémite de condamner la destruction des douze universités de Gaza et 56 écoles, avec des centaines de plus endommagées et 625 mille étudiants sans éducation.

 

Il n'est pas antisémite de s'accorder avec les organisations humanitaires pour affirmer que ce gouvernement, en violation de la loi américaine, a bloqué de façon déraisonnable l'aide humanitaire destinée à Gaza, créant des conditions dans lesquelles des centaines de milliers d'enfants souffrent de malnutrition et risquent de mourir de faim.

 

Monsieur Netanyahu, l'antisémitisme est une forme ignoble et dégoûtante d'intolérance qui a causé des dommages indicibles à des millions de personnes. Mais s'il vous plaît, n'insultez pas l'intelligence du peuple américain en essayant de nous distraire des politiques de guerre immorales et illégales de votre gouvernement extrémiste N'utilisez pas l'antisémitisme pour détourner l'attention des accusations auxquelles il fait face devant les tribunaux israéliens.

 

Ce n'est pas antisémite de le tenir responsable de ses actes.

 

Tout est dit, mais rien n’est terminé, car aujourd’hui, nul ne peut prévoir la fin de cette horreur qui démontre de manière épouvantable que le Sionisme est tragique.

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

Prochain article :

 

La tragédie du Sionisme (II) : l’illusion de la solution à deux Etats

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