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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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15 janvier 2025 3 15 /01 /janvier /2025 21:00

 

 

Après la disparition du « patriarche » de l’extrême droite, Jean-Marie Le Pen, « Uranopole » va publier plusieurs « papiers » sur les dangers de ce courant qui monte dangereusement en Europe, mais aussi aux Etats-Unis et dans d’autres parties du monde.

 

 

La victoire de Donald Trump et le décès de Jean-Marie Le Pen sont des événements apparemment sans aucun rapport. En réalité, ils sont liés. La nouvelle extrême-droite prend la place de l’ancienne devenue rance et inefficace bien que connaissant un incontestable progrès électoral. En France, le clan Le Pen a fait son temps. Il cède peu à peu la place au jeune Bardella et à son équipe.

 

 

 

Elon Musk joue les missionnaires auprès de l'extrême droite en Europe pour Donald Trump ou pour lui-même ?

Elon Musk joue les missionnaires auprès de l'extrême droite en Europe pour Donald Trump ou pour lui-même ?

 

 

En Italie, Meloni a pris le dessus sur Salvini, le représentant de l’extrême-droite traditionnelle, et se montre capable de diriger un gouvernement et de mener des négociations internationales tout en ne renonçant pas à installer par petits paquets sa politique extrémiste. C’est en cela qu’elle est dangereuse !

 

 

Marine Le Pen est dépassée par Giorgia Meloni.

Marine Le Pen est dépassée par Giorgia Meloni.

 

 

En Hongrie, Viktor Orban se maintient au pouvoir en dépit des pressions de l’Union européenne (UE) et se moque de ses principes fondamentaux – notamment la Charte des droits fondamentaux – qui forment la base de l’UE.

 

 

 

Viktor Orban se maintient envers et tout au pouvoir au grand dam de l'UE.

Viktor Orban se maintient envers et tout au pouvoir au grand dam de l'UE.

 

 

 

On sait aussi combien Poutine soutient les formations d’extrême droite dans l’UE dans un but évident de déstabilisation. En réalité, nous nous trouvons devant un rapport de forces entre la Russie et le prétendu Occident qui a commencé en février 2022 au moment du déclenchement de l’agression russe sur l’Ukraine, agression russe motivée par les représailles contre les russophones au Donbass de la part des milices partisanes de Zelenski, une guerre qui s’est enlisée dès le départ et qui reste un dangereux centre de tensions.

 

Aujourd’hui, la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle US ajoute un nouveau point de tension où l’extrême droite européenne joue un rôle tout en étant manipulée par le futur ministre chargé de l’organisation et de la logistique, le milliardaire et homme le plus riche du monde, Elon Musk.

 

Pour mieux appréhender ce dossier et le terrible danger qu’il représente, « Uranopole » publie un article du journaliste grec Yorgos Mitralias est l’un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM et de la Campagne Grecque pour l’Audit de la Dette. Membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque et initiateur de l’appel de soutien à cette Commission. Il vient de publier un article sur les dangers que représentent les rôles de Donald Trump et d’Elon Musk au moment où ils accèdent au pouvoir. Cet article a été publié sur le site de nos amis du « Grand soir ».

 

 

 

Le journaliste grec Yorgos Mitralias a un fin sens de l'analyse dans l'évolution des relations internationales.

Le journaliste grec Yorgos Mitralias a un fin sens de l'analyse dans l'évolution des relations internationales.

 

 

Il est essentiel pour acquérir un minimum de lucidité dans la situation actuelle. Il sert de hors d’œuvre à la série de « papiers » qu’Uranopole prépare au sujet de l’extrême-droite  pour ses lecteurs.

 

Attention ! Danger ! chantait Serge Lama…

 

 

Pierre Verhas

 

 

Ne pas répéter les erreurs des années ’30 - Prendre très au sérieux les menaces de Trump et Musk !

 

 

Tandis que Donald Trump multiplie les déclarations belliqueuses contre le Panama, le Groenland, le Canada ou les Palestiniens, les chancelleries et les médias internationaux se limitent à parler des...manœuvres tactiques du nouveau président des EU. Et pire, une partie de la gauche internationale continue à célébrer Trump le pacificateur (!), celui qui mettra fin aux conflits en cours en Ukraine et en Palestine. Et en même temps, tandis que son second (?) Elon Musk multiplie les initiatives de tout genre en faveur de l’extrême droite dure, néofasciste ou pas, de par le monde, les médias et les gouvernants occidentaux se contentent de parler de son...populisme tout en se demandant « pour qui se prend Elon Musk » ...

 

L’aveuglement de nos gouvernements bien-pensants libéraux

 

Manifestement, rien de nouveau sous le ciel de nos bien-pensants libéraux et autres inconditionnels de l’économie de marché : toutes ces réactions rappellent fortement les réactions de la plupart des médias et gouvernants occidentaux face à Mussolini et à Hitler dans les années ’20 et ’30. Même aveuglement devant la catastrophe qui se prépare et pire, mêmes conversions miraculeuses aux solutions ultraradicales proposées par ces « populistes » et « souverainistes » charismatiques. Comme, par exemple, quand la fine fleur de la presse économique internationale qui se moquait de l’inénarrable nouveau président argentin il y a seulement un an, lui adresse actuellement des éloges délirants, le présentant même comme un modèle aux dirigeants occidentaux ! Et tout ça tandis que plusieurs de nos gouvernants bien néolibéraux, se découvrent actuellement...libertariens en un temps record !

 

Alors, loin de nous l’idée que Trump ou Musk ne veulent pas dire exactement ce qu’ils disent. Ou qu’ils vont « s’assagir » une fois aux commandes et face à la « complexité » des problèmes de notre temps. Tous ces vœux pieux, proposés actuellement en guise d’ « analyses » de la situation par nos experts et autres « politologues », sont les mêmes, parfois mot à mot (!), à ceux que prononçaient nos dirigeants et nos médias dans les années ’30. Et ils ne font que semer la confusion, laissant désarmés et impuissants ceux d’en bas face à la catastrophe qui se prépare contre eux...

 

Vers la dictature libertarienne

 

Oui, Musk et Trump sont pleinement conscients de ce qu’ils promettent de faire, parce que leurs projets et leurs actes correspondent à leurs désirs et surtout à des réalités bien matérielles. C’est ainsi que la prédilection de Musk - mais aussi de Trump dans une certaine mesure - pour l’extrême droite dure et les néofascistes s’explique par le fait que la précondition pour le triomphe de son libertarianisme (qui abhorre même les trop timides limites que met l’Union Européenne à l’avidité capitaliste) est d’écraser tout mouvement syndical et d’atomiser les travailleurs et les travailleuses. D’ailleurs, ni Trump ni Musk ne cachent leur désir de casser de l’ouvrier. Par exemple, en août dernier au cours de leur « débat » retransmis en direct sur X, ils se sont amusés à célébrer les cas des ouvriers qui avaient été licencies par Musk aussitôt qu’ils se mettaient en grève. Et c’est exactement contre leurs prises de position en faveur de la criminalisation du droit de grève, que le puissant syndicat des travailleurs de l’automobile (UAW) a porté plainte contre eux les accusant de "tentative d’intimidation et de menace" des travailleurs. Comme a déclaré le leader de ce syndicat Shawn Fain, « Trump et Musk veulent que les gens de la classe ouvrière restent tranquilles et se taisent, et ils en rient ouvertement. C’est dégoûtant, illégal et totalement prévisible de la part de ces deux clowns ».

 

Briser le mouvement ouvrier avec l’extrême droite.

 

Alors, pour briser le mouvement ouvrier, rien de plus expérimenté, de plus déterminé et de plus organisé que cette extrême droite qui d’ailleurs est en train de monter en flèche. Ici on ne peut pas parler seulement d’affinités électives. En réalité on assiste déjà à la convergence qui pourrait très bien conduire bientôt à la jonction de l’extrême droite dure de par le monde avec les libertariens newlook que représentent Musk, Milei et peut être Trump lui-même s’il parachève son abandon du néolibéralisme. Une telle évolution serait pourtant catastrophique pour l’humanité car elle aboutirait à donner des ailes à une extrême droite désormais décomplexée, encore plus agressive et ouvertement nostalgique de ses ancêtres fascistes, au moment même où elle est en train de devenir la première force politique presque partout en Europe et au monde.

 

 

D’ailleurs, force est de constater que cette jonction des libertariens avec l’extrême droite dure et autres nostalgiques du fascisme est grandement facilité par l’abandon par les libertariens nouvelle mouture Musk, Milei et leurs amis, tant de l’antiétatisme viscéral que de la défense des droits individuels qui caractérisaient le libertarianisme traditionnel. C’est ainsi qu’on voit Musk et ses acolytes libertariens de par monde, non seulement adopter sans états d’âme mais même devenir les champions des traditionnelles théories et préjugés racistes, réactionnaires et obscurantistes de l’extrême droite dure et néofasciste ! (1) Le résultat est qu’une partie toujours plus grande de l’extrême droite mondiale abandonne maintenant son étatisme traditionnel pour adhérer au libertarianisme à la Musk, tandis que le dernier abandonne sa traditionnelle défense des droits individuels pour adopter les théories et les comportements violemment antisocialistes, bellicistes, complotistes, racistes, misogynes, anti-LGBT, anti migrants, antijeunes, antiécologiques, et climato négationnistes de l’extrême droite dure et néofasciste. C’est donc sur cette base bien solide de leurs « valeurs » et intérêts convergents sinon communs que pourrait s’opérer la fusion de l’extrême droite mondiale avec le libertarianisme triomphant de Musk et Milei, (2) suivis désormais de près par Trump. Une fusion qui donnerait alors naissance à un monstre dont la puissance destructrice pourrait bien dépasser tout ce qu’on a connu au siècle passé...

 

Oui, Musk est bel et bien fasciste !

 

Voici donc la réponse à une question qui semble travailler énormément dernièrement les médias et les experts en fascisme : oui, Musk est bel et bien fasciste, même si son fascisme est d’un genre nouveau. Comme d’ailleurs était fasciste pur-sang son très illustre prédécesseur Henry Ford, lui aussi constructeur de voitures, grand novateur du capitalisme en son temps, milliardaire et figure emblématique du capitalisme triomphant américain. Ce Henry Ford qui partage avec Elon Musk la même admiration pour deux très sulfureux politiciens Allemands : le premier pour Adolphe Hitler et le deuxième pour la présidente de l’AFD néofasciste Alice Weidel. Ce Henry Ford dont le portrait trônait toujours au-dessus du fauteuil de Hitler dans son bureau, car Ford avait « découvert » et financé Hitler avant tous les autres, et son antisémitisme radical (quatre volumes d’écrits de sa propre main !) l’avait inspiré et guidé comme aucun autre. D’ailleurs, Musk ne fait actuellement que suivre l’exemple du nazi Henry Ford quand il brise des grèves et attaque les syndicats ouvriers. Seule différence entre les deux : Ford avait sa propre armée de 3 000 nervis briseurs de grève, tandis que Musk n’en a pas (encore ?) et a recours à des milices privées...

 

 

 

Henry Ford, le grand industriel étatsunien des années 1930  proche des nazis

Henry Ford, le grand industriel étatsunien des années 1930 proche des nazis

 

Notre conclusion ne peut être que provisoire car on n’est encore qu’au tout début de cette histoire cauchemardesque. Cependant, on peut déjà affirmer qu’il ne faut pas répéter l’erreur de nos ancêtres des années ’30 et qu’il faut prendre très au sérieux les dires et les menaces de Trump et de Musk, et se préparer de toute urgence pour leur faire barrage D’ailleurs, les besoins de défense nationale qu’invoque actuellement Trump quand il n’exclut pas l’usage de la force pour attaquer le Panama, le Groenland ou le Canada rappelle imperceptiblement les besoins du lebensraum (espace vital) qu’invoquait à son temps Hitler quand il mettait à feu et à sang l’Europe et le monde entier...

 

 

Yorgos MITRALIAS

 

 

Notes

  1. La prédilection de Trump et Musk pour l’extrême droite très très dure et carrément néofasciste est illustrée aussi par le choix des invités à la cérémonie d’investiture de Trump le 20 janvier à Washington. Par exemple, il n’y aura qu’un invité Français, qui ne sera évidemment pas le président Macron, ni même Marine Le Pen, considérée manifestement trop modérée. L’unique invité est ... Eric Zemmour ! Tout un programme...

 

     2. Voir aussi La menace fasciste se précise d’autant que Milei appelle à la création de  l’Internationale brune !.

 

 

 

 

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27 décembre 2024 5 27 /12 /décembre /2024 22:30

 

 

Il y a quelques jours un incident mineur s’est produit dans un train de voyageurs de la SNCB à Vilvorde, petite ville flamande au Nord de Bruxelles. L’accompagnateur de train entre dans un wagon et salue les passagers en flamand et en français pour leur signaler qu’il va procéder au contrôle de billets.

 

 

Un contrôleur de la SNCB à l'esprit ouvert déclenche malgré lui un incident politique majeur et grotesque.

Un contrôleur de la SNCB à l'esprit ouvert déclenche malgré lui un incident politique majeur et grotesque.

 

 

Un passager mécontent dépose plainte pour l’usage des deux langues en région flamande. En effet, la loi de 1966 sur l’emploi des langues en matière administrative dispose qu’un agent des services publics ne peut utiliser que la langue de la région dans laquelle il se trouve, en l’occurrence le flamand, puisque le train est situé en région flamande. Ce n’est qu’en région de Bruxelles capitale que ledit agent peut utiliser la langue française et la langue flamande. Cette affaire insignifiante prend aussitôt des proportions telles qu'elle déclenche un tollé au sein des institutions d’Etat comme le Parlement ! Le Président du CD&V Saddy Mahdi  (chrétiens flamands) s’est déchaîné à la Chambre. Il est vrai que sa position et celle de son Parti sont très délicates depuis les élections du 9 juin.

 

 

 

Saddi Madhy, président du CD&V, chrétiens flamands, est monté sur ses grands chevaux à la Chambre des Représentants à la suite de l'incident avec le contrôleur de la SNCB.

Saddi Madhy, président du CD&V, chrétiens flamands, est monté sur ses grands chevaux à la Chambre des Représentants à la suite de l'incident avec le contrôleur de la SNCB.

 

 

Le résultat de ce scrutin à la fois européen et aussi fédéral et régional en Belgique a fait illusion au départ. On a pensé que la droite qui avait gagné dans tout le pays arriverait à constituer rapidement un gouvernement et procéder aux réformes anti-sociales que les deux principales formations de droite avaient promises : les nationalistes flamands de la NV-A et de Bart De Wever (BDW) d’une part, et les libéraux très « néo » de Georges Louis Bouchez (GLOUB) d’autre part. Ce n’est pourtant pas si simple.

 

 

 

Bart De Wever, leader de la NV-A, victorieuse des élections du 9 juin et des élections communales du 10 octobre a toutes les cartes en main, mais il lui est très difficile de les valoriser.

Bart De Wever, leader de la NV-A, victorieuse des élections du 9 juin et des élections communales du 10 octobre a toutes les cartes en main, mais il lui est très difficile de les valoriser.

 

Pour assurer la stabilité d’un gouvernement fédéral en Belgique, il est indispensable, outre un accord solide sur le programme gouvernemental, qu’il dispose de la majorité dans chacun des deux groupes linguistiques de la Chambre. Ce n’est pas le cas du côté flamand. Les nationalistes de la NV-A, les chrétiens et les libéraux flamands, parti du Premier ministre Hermann De Croo sortant, qui a pris une raclée monumentale le 9 juin ne sont pas assez nombreux à quelques sièges près. Ils doivent s’adjoindre un autre parti pour former cette majorité introuvable. Les nationalistes néo-nazis du Vlaams Belang – deuxième parti de Flandre après la NV-A – sont exclus d’office, cordon sanitaire oblige. Cependant, ils restent en embuscade, car ils ont réussi à s’inscrire dans plusieurs majorités communales.

 

La gauche, aussi bien dans le Nord que dans le Sud du pays, a subi une lourde défaite. Les écologistes ont reculé sérieusement. En Wallonie, le PS prend une raclée, mais se maintient dans ses principaux fiefs. A Bruxelles, contre toute attente, les socialistes reculent moins fort que prévu, ils deviennent la seconde formation politique étant légèrement dépassés par le MR. C’est cependant la troisième défaite aux législatives des socialistes, tant en Wallonie qu’à Bruxelles. En Flandre, cependant, « Vooruit » (En avant), le nouveau nom des Socialistes flamands, se consolide. C’est la raison pour laquelle BDW est obligé de faire appel à eux pour disposer de la fameuse majorité dans le groupe linguistique flamand. Et, là, les choses s’enveniment.

 

 

 

Georges-Louis Bouchez, leader des libéraux francophones, ne cesse de jeter de l'huile sur le feu dans les négociations.

Georges-Louis Bouchez, leader des libéraux francophones, ne cesse de jeter de l'huile sur le feu dans les négociations.

 

 

BDW nommé formateur par le roi Philippe, a basé la négociation pour former un gouvernement sur ce qu’on a appelé sa « super note » contenant ses propositions de programme de gouvernement. Un monument de néolibéralisme mélangé à du nationalisme flamand ! Il y a cependant une subtilité selon une politologue. En cherchant à imposer une politique d’austérité drastique au niveau fédéral, il se rallie les libéraux conservateurs du MR et affaiblit ainsi l’Etat fédéral. C’est la porte ouverte à une énième réforme de l’Etat où on arrivera quasiment à la séparation de la Flandre et de la Wallonie. Il est bien entendu que c’est inacceptable pour « Vooruit » qui se trouve bien isolé dans cette majorité conservatrice.

 

De plus « Vooruit » passe à l’offensive. Son président Connor Rousseau vient de déposer quelques centaines d’amendements à la super note de BDW, les autres formations également. L’examen de tous ces textes ne va pas aider à faire avancer le schmilblick. Cependant, notons que « Vooruit » joue sa survie politique. S’il accepte les mesures anti-sociales figurant dans la super note, il n’a plus aucune raison d’être. Alors, le bourgmestre d’Anvers est placé devant un dilemme : ou bien il maintient sa ligne dure et perdra la participation de la formation de Connor Rousseau, ou bien il met de l’eau dans son vin et risque de l’autre côté d’avoir le rejet de la branche droitière de la coalition « Arizona », à savoir le MR de GLOUB.

 

 

 

Connor Rousseau, président de Vooruit est en position délicate. Pourtant, il ales cartes en main.

Connor Rousseau, président de Vooruit est en position délicate. Pourtant, il ales cartes en main.

Alors, arrivera-t-il à constituer son gouvernement « Arizona » ? Rien n’est moins sûr. Après quatorze visites au roi Philippe qui, chaque fois, l’a reconduit dans ses fonctions de « formateur », la quinzième sera-t-elle la bonne ? On verra. Et si c’est le cas, combien de temps cela va-t-il tenir ? C’est la porte ouverte à l’aventure.

 

Ajoutons que BDW n’est pas libre de ses mouvements pour des causes extérieures. L’Union européenne pourrait enclencher un processus de déficit excessif vis-à-vis de la Belgique. D’où l’obligation de mener une politique d’austérité largement antisociale. Comme on vient de le voir, cela ne le dérange aucunement, ni GLOUB, son vis-à-vis francophone À cela, il faut ajouter la quasi-obligation d’augmentation des dépenses militaires sous la pression de l’OTAN et du désengagement de USA dans la politique de défense atlantique voulue par Trump.

 

Enfin – et c’est un aspect sur lequel on n’insiste pas assez – le réveil des querelles communautaires qui là aussi généreraient d’énormes difficultés. La dérisoire affaire du train prouve qu’en la matière, les tensions sont exacerbées. C’est du pain bénit pour les extrémistes de tout genre.

 

Et à propos d’extrémisme, l’extrême-droite progresse partout. Aux Etats-Unis avec l’écrasante victoire de Trump. Dans pratiquement toute l’Europe occidentale, en Hongrie, en Italie où elle semble s’installer durablement et même dans des pays comme l’Inde et le Japon. Sans compter l’Argentine et bien d’autres pays. La démocratie centriste connaît un déclin qui n’a jamais été aussi important.

 

Le cas de la Belgique est assez spécifique. Au Nord du pays, l’extrême-droite nationaliste flamande est largement majoritaire. La NV-A de Bart De Wever qui se présente depuis une dizaine d’années comme un parti de gouvernement est malgré tout talonnée par le Vlaams Belang qui est carrément néonazi. En revanche, à Bruxelles et en Wallonie, l’extrême-droite n’a jamais réussi à se structurer. Elle reste une mosaïque de groupuscules. En revanche, le parti libéral – le MR – sous l’impulsion de Georges-Louis Bouchez se droitise fortement au point de « récupérer » des thèmes favoris de l’extrême-droite comme l’immigration, le rejet des minorités, la restriction des libertés publiques, etc.

 

Alors, au revoir Belgique ?  Pas tout de suite, sans doute. Cependant, les dangers sont là et ils viennent de l’intérieur comme de l’extérieur. On verra. Sans doute serons-nous bientôt fixés et devrons combattre.

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

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10 décembre 2024 2 10 /12 /décembre /2024 17:29

 

 

Un vrai pote est parti !

 

Ralph Coeckelberghs, un grand militant de la coopération avec le Tiers-monde via l’association belge « Solidarité socialiste » a déposé ses outils le dimanche 8 décembre. Une grande perte. J’ai l’honneur d’avoir été un de ses amis, un de ses camarades.

 

 

Ralph Coeckelberghs se mobilisait pour toutes les causes qu'il estimait justes.

Ralph Coeckelberghs se mobilisait pour toutes les causes qu'il estimait justes.

 

 

Depuis mai 1968 à l’Université Libre de Bruxelles jusqu’il y a peu, il fut un infatigable militant sur le terrain de la Justice, qu’elle soit des Droits humains, sociale et internationale. Il soutenait concrètement toutes les causes humanistes. Ralph fit un travail exemplaire de coopération notamment dans îles du Cap Vert où on lui accorda la citoyenneté d'honneur.

 

 

 

Les trois "barbudos" : Ralph Coeckelberghs, Josy Dubié et Marc Abramovicz lors d'une manifestation à Bruxelles contre le réarmement en 1975

Les trois "barbudos" : Ralph Coeckelberghs, Josy Dubié et Marc Abramovicz lors d'une manifestation à Bruxelles contre le réarmement en 1975

 

Ces trois «potes» ont joué un rôle majeur pour le progrès aussi bien en Belgique que dans le monde.

 

Ralph fut un exemple et notre devoir est que sa mémoire ne s’efface pas.

 

 

Comprendre la « révolution » en Syrie

 

Voici ce qu’écrit sur Facebook notre ami Viktor Dedaj du « Grand Soir » :

 

« Syrie : Si j'ai bien compris, un dirigeant faisant l'objet d'un mandat d'arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité se réjouit du renversement d'un dictateur par une armée djihadiste dont le dirigeant a sa tête mise à prix par les Etats-Unis pour terrorisme et qui est interviewé par CNN (télé US) et soutenu par des états occidentaux ou alliés de l'occident qui disent mener une lutte contre le terrorisme. J'ai dû oublier des trucs au passage. »

 

 

La tête de Muhammad Al Jolani fut mise à prix pour 10 millions de dollars par les Etats-Unis en 2017. Les choses ont changé !

La tête de Muhammad Al Jolani fut mise à prix pour 10 millions de dollars par les Etats-Unis en 2017. Les choses ont changé !

 

 

Et le même dirigeant – Netanyahou – fait bombarder la ville syrienne de Lattaquié et ses installations militaires officiellement pour anéantir les armes de « destruction massive » dont disposerait l’armée syrienne en déroute. Là aussi, curieuse alliance avec l’ancien « terroriste » chef d’Al Nosra – ancienne branche syrienne d’Al Qaeda – qui « protégeait » la zone démilitarisée du Golan occupé par Israël et le Sud-Est de la Syrie.

 

 

 

Et voici Abou Muhammad al Jolani aujourd'hui. Pas encore un parfait démocrate. Mais il a fait du chemin... On verra où cela aboutira !

Et voici Abou Muhammad al Jolani aujourd'hui. Pas encore un parfait démocrate. Mais il a fait du chemin... On verra où cela aboutira !

 

 

Il y a aussi les Kurdes qui occupent depuis 2015 le Nord de la Syrie. Que vont faire Erdogan et Abou Mohammad al-Jolani, le chef des rebelles de HTS qui a remplacé Al Nosra ?

 

Dans cet imbroglio, il y a une certitude : les victimes sont les Palestiniens, les Kurdes et les Syriens démocrates – oui, il en existe. Et plusieurs pays européens dont la Belgique ont décidé de « geler » les dossiers des Syriens demandeurs d’asile politique. Ils pensent sans doute que les Syriens libérés des atroces prisons de Bachar vont jeter des bombes et liquider des gens chez nous ! Certes, il faut être vigilant – c’est d’ailleurs prévu par la loi – mais fermer les portes relève d’une faiblesse politique qui, à terme, nous nuira.

 

Saluons le « courage » de nos dirigeants européens qui préfèrent la lâcheté à la solidarité !

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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12 novembre 2024 2 12 /11 /novembre /2024 10:48

 

 

Plusieurs événements démontrent que rien ne sera plus comme avant. Nous citons souvent Antonio Gramsci sur le blog « Uranopole » : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » Aujourd’hui, le nouveau monde se précise, mais les monstres sont bien là.

 

 

Ces deux-là vont bientôt décider de changer les choses dans leurs seuls intérêts.

Ces deux-là vont bientôt décider de changer les choses dans leurs seuls intérêts.

 

 

L’élection de Donald Trump en est un. Son programme de repli sur soi des Etats-Unis mènera sans doute à un apaisement en Europe orientale, mais il reste un chaud partisan de la dérive nationaliste d’Israël. Aussi, il ne résultera de cette politique aucun nouvel équilibre. D’autre part, il imposera un protectionnisme qui sera nuisible aussi bien à l’Union européenne qu’aux pays du « Sud global ». Ce seront des sources de tensions qui pourraient avoir de graves conséquences à l’avenir. Et puis, Donald Trump dicte sa politique sans consulter les « partenaires » des USA et ne tenant aucun compte des intérêts des peuples tiers.

 

La fin de l’atlantisme ?

 

L’éditorialiste du « Monde » Alain Frachon écrit dans l’édition du 7 novembre : « On va manquer de champagne au Kremlin et on va manquer de munitions dans les tranchées du Donbass. Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche est une excellente nouvelle pour Vladimir Poutine. Elle augure mal des chances de l’Ukraine de négocier en bonne position face à la Russie. Trump II porte aussi un coup à la solidarité transatlantique : ce concept est indifférent au républicain. Sa victoire dans l’élection du 5 novembre isole les Européens. Elle les place devant une responsabilité historique : compter sur leurs forces pour assurer leur défense face à l’expansionnisme russe. »

 

Ce serait donc la fin de l’atlantisme !

 

Il ajoute : « Un bouleversement stratégique est en marche. Il était peut-être inéluctable, il est accéléré par le vote des Américains. La prophétie du général de Gaulle se réalise : un jour, les Etats-Unis quitteront le Vieux Continent. Celui-ci doit devenir adulte, sauf à céder sur ce qui lui est cher – inviolabilité des frontières, non-recours à la force, appui aux démocraties libérales naissantes. Une Amérique s’en va, une Europe stratégique doit naître. Si l’Union européenne (UE) manque à cet appel, elle subira un monde dominé par des blocs de puissance qui n’ont qu’une seule règle dans les relations entre Etats : le rapport de force. »

 

 

 

Bientôt Zelenski n'aura plus le choix !
Bientôt Zelenski n'aura plus le choix !

Bientôt Zelenski n'aura plus le choix !

 

 

Trump n’applique pas cette politique qu’à l’Europe. Selon Alain Franchon :

 

« Trump trouve que l’OTAN lui coûte trop cher et ne lui rapporte rien. Il estime que le principe d’une solidarité automatique entre démocraties de part et d’autre de l’Atlantique ou du Pacifique n’a pas de sens. Les alliances conclues par Washington durant la guerre froide seraient obsolètes. Il est étranger à la tradition du missionarisme démocratique américain. Taïwan aussi doit payer plus pour sa sécurité, et le républicain a laissé planer un doute sur ce que feront les Etats-Unis en cas d’attaque chinoise – tout comme en cas d’attaque russe sur un pays balte. »

 

Et il conclut : « Plus largement, Trump est en phase avec les objectifs que la Russie et la Chine ont définis dans leur pacte d’« amitié sans limites » du 4 février 2022. Les grandes puissances ont droit à une zone d’influence privilégiée ; les pactes de défense conclus par Washington avec l’Europe ou l’Asie n’ont plus lieu d’être ; enfin, la question des droits de l’homme doit être chassée des relations entre Etats.

 

Autocrate contrarié (par les institutions américaines), Trump revient au pouvoir à un moment où le nombre de démocraties dans le monde ne cesse de diminuer. Chaotique à l’intérieur et ayant affaibli les Etats-Unis à l’extérieur, son premier mandat a été perçu à Moscou et à Pékin comme le signe de l’inexorable déclin de l’Occident. Chinois et Russes ont toutes les raisons de penser que ce deuxième mandat accélérera le mouvement. »

 

 

 

L'OTAN risque de se retrouver bien seule, voire de disparaître...

L'OTAN risque de se retrouver bien seule, voire de disparaître...

 

 

N’oublions pas que son successeur, Joe Biden, poursuivit cet affaiblissement de l’empire américain. Par son unilatéralisme, il contribua à l’isolement des USA. On le voit dans le conflit du Proche Orient.

 

En outre, de nouveaux rapports de force sont en train de s’imposer. On a peu parlé du sommet des BRICS qui s’est déroulé en Russie, sous la présidence de Poutine, le 24 octobre. Le « bloc » occidental dominé par les USA a désormais un obstacle sur son chemin vers la domination unilatérale qu’il tente d’imposer depuis des décennies. Ce n’est pas un hasard si ce Sommet a eu lieu juste avant les élections américaines.

 

 

 

Le sommet des BRICS en octobre 2024 à Kazan en Russie, a réuni une trentaine de pays qui représentent un poids financier plus important que le G 7.

Le sommet des BRICS en octobre 2024 à Kazan en Russie, a réuni une trentaine de pays qui représentent un poids financier plus important que le G 7.

 

 

 

Selon Francesco Maringio dans « le Grand Soir » du 24 octobre 2024 : La tenue de ce sommet en Russie dont les pays participants représentent ensemble 45 % de la population mondiale et un PIB supérieur à celui du G7 rompt avec la rhétorique en vogue en Occident de « l’isolement de la Fédération de Russie » par la communauté internationale.

 

Un mensonge factuel si l’on considère, par exemple, les votes dans des forums tels que les Assemblées générales des Nations unies ou la liste des pays adhérant à la politique de sanctions des États-Unis, mais un mensonge qui s’est frayé un chemin dans la perception de masse ici en Europe. La deuxième considération, peut-être encore plus importante, découle du fait que BRICS+ est le résultat d’un élargissement progressif des sommets informels des pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), qui ne se sont jamais considérés comme le pivot d’un pôle géopolitique naissant, homogène politiquement et idéologiquement et dirigé contre d’autres pays ou blocs géopolitiques.

 

Une nouvelle méthodologie dans les relations internationales

 

Cela entraîne une conséquence fondamentale : comme il n’y a pas de hiérarchie de pouvoir dans les relations entre les pays, ce club ne peut prendre de décisions que par consensus. Cela ne signifie pas que les relations de pouvoir n’existent pas, ni que les décisions ne doivent pas être arbitrées entre les différentes exigences, mais que l’on expérimente ici une méthodologie des relations entre grands pays qui est une alternative à celle qui est en vogue ici en Occident où, sous le vernis (de plus en plus estompé) d’une démocratie affichée mais non pratiquée, se cache un système de relations basé sur la dépendance d’une « périphérie » vis-à-vis d’un « centre » de commandement politique et militaire, qui annule la souveraineté des États. C’est ici la grande différence entre le modus operandi en vogue parmi les pays BRICS+ et, par exemple, le G7, est flagrante.

 

Un autre signe intéressant à noter est la présence au sommet de Kazan du Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Ce n’est pas une nouveauté en soi. Guterres avait déjà participé au précédent sommet en Afrique du Sud et il a l’habitude d’assister à des sommets réunissant un grand nombre d’États membres de l’ONU, mais sa participation aujourd’hui revêt une signification particulière. Dans les couloirs de la diplomatie internationale, les paroles de condamnation de l’ONU par Israël résonnent toujours sans être atténuées, ni déplorées par ses principaux partenaires et soutiens, à commencer par les Etats-Unis. Plus encore, ils font écho aux missiles israéliens qui ont délibérément attaqué les bases de la mission de la FINUL déployée au Sud-Liban, en violation flagrante du droit international et de la résolution 1701 du Conseil de sécurité. Une fois de plus, le double standard occidental apparaît : la stratégie de sécurité nationale étasunienne de 2017 (la première signée par Donald Trump) définissait la Russie et la Chine comme deux adversaires ayant adopté une « posture révisionniste » à l’égard de l’ordre international, indiquant l’intention de ces deux pays de bouleverser l’équilibre mondial. C’est précisément l’affaire Unifil de la part d’Israël et l’aval substantiel des États-Unis (son principal partenaire et fournisseur d’équipements militaires) qui montrent que ceux qui veulent bouleverser les règles internationales sont plutôt certains pays du bloc occidental (dont beaucoup ont un poids colonial), dans leur tentative antihistorique d’empêcher l’émergence de pays (dont beaucoup sont d’anciennes colonies), dont le poids accru dans les relations internationales conduit à une démocratisation croissante des règles du jeu.

 

 

 

Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU, refuse de s'aligner, mais son influence est assez faible, malheureusement.

Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU, refuse de s'aligner, mais son influence est assez faible, malheureusement.

 

 

Vers un nouvel ordre financier international ?

 

L’un des principaux domaines sur lesquels ce sommet BRICS+ devrait faire des progrès significatifs est un ensemble de propositions pour un nouvel ordre financier international. L’ordre financier actuel repose en effet sur un système institutionnel fortement déséquilibré qui sert les intérêts des pays riches du Nord au détriment de la plupart des pays à faible revenu du Sud. Une étude du World Inequality Lab montre qu’il y a eu un transfert net de richesses des pays pauvres vers les pays riches au fil des ans. Les plus grandes économies du monde ont reçu un transfert direct de richesse égal à 1 % de leur PIB (1 % si l’on prend en compte les 20 % des économies les plus riches du monde, 2 % si l’on réduit le champ à 10 % de ces économies) de la part des 80 % des pays les plus pauvres qui sont ainsi contraints de transférer environ 2 à 3 % de leur PIB chaque année, des sommes qui pourraient être consacrées à des politiques de développement à l’échelle nationale. Ce transfert de richesses est rendu possible par la centralité du dollar dans le commerce international, un privilège qui institutionnalise cette fuite des ressources des pays pauvres vers les pays riches.

 

Pour ces raisons, une discussion est mûre sur la manière de surmonter ce système inique, à travers des actions capables de définir un nouvel ordre financier international, par exemple à travers la création d’une unité monétaire comptable commune aux pays BRICS+ (un nom possible a déjà été identifié : « l’Unité »), la réalisation d’une plateforme de paiements en monnaies numériques des différents États (BRICS Bridge) et d’un nouveau système de paiement (BRICS Pay), basé sur une chaîne de blocs (blockchain), capable de contourner les transactions en dollars, auxquels il faut ajouter la naissance d’une nouvelle agence de notation alternative aux trois plus importantes étasuniennes (S&P Global Ratings, Moody’s et Fitch Group).

 

Ainsi, les Etats-Unis et leurs « vassaux » européens, sans oublier la Corée du Sud et le Japon n’auront plus le monopole du contrôle des transactions financières mondiales. Cela aura d’énormes conséquences à moyen terme. L’Europe devrait saisir cette opportunité puisque, semble-t-il, les dirigeants européens commencent à comprendre que depuis l’élection de Trump, l’UE doit, dans son intérêt, trouver sa propre autonomie en matière de défense comme dans le domaine des relations commerciales internationales, comme cela a été évoqué plus haut.

 

Mais qui en aura la réelle volonté ?

 

 

Pierre Verhas

 

 

Post scriptum

 

Un match « hooligané » à Amsterdam

 

À la suite des incidents entre supporters du Maccabi de Tel Aviv et de l’Ajax d’Amsterdam, voici ce qu’a écrit Henri Goldman, membre de l’UPJB (Union des Progressistes Juifs de Belgique), association née juste après la Seconde guerre mondiale regroupant ce qu’on appelle les Juifs « de gauche ». Il est aussi le fondateur de la revue « Politique ».

 

 

 

La police amstellodamoise charge des hooligans se livrant à des exactions dans la ville.

La police amstellodamoise charge des hooligans se livrant à des exactions dans la ville.

 

 

« JE DÉTESTE LES HOOLIGANS. Malheureusement, ces hordes généralement avinées qui, pour évacuer leur trop plein de testostérone, se castagnent avec les supporters du club d'en face existent partout. On en trouve aussi parmi les supporters de l'Ajax Amsterdam et parmi ceux du Maccabi Tel-Aviv qui ne sont pas non plus des anges. La police fait d'ailleurs état "d'incidents des deux côtés".

 

Je me garderai bien d'ajouter quoi que ce soit au commentaire d'évènements lamentables auxquels je n'ai pas assisté. Sauf ceci : évoquer à leur propos une "explosion d'antisémitisme" me semble tout à fait déplacé. J'ai beau éplucher les dépêches d'agence et les vidéos qui circulent, je n'ai rien vu dans les incidents rapportés où les supporters du Maccabi auraient été visés en tant que Juifs. Ils l'étaient en tant qu'Israéliens, ce qui n'excuse nullement les actes violents dont ils furent victimes, actes particulièrement imbéciles.

 

Il faut arrêter toute cette confusion. Ça devient un réflexe pavlovien de voir de l'antisémitisme chaque fois qu'on s'en prend à des Israéliens, et d'en rajouter dans l'hyperbole ("pogrom", "nuit de Cristal"…). Petit à petit, la réprobation d'Israël, qu'elle se manifeste à propos ou non, devient la nouvelle définition de l'antisémitisme contemporain, entraînant les Juifs du monde entier dans la tourmente. On voit trop bien à qui profite cet amalgame.

 

Avant les violences, des hooligans du Maccabi Tel-Aviv avaient semé le trouble à Amsterdam. »

 

On se trouve devant une stratégie de la tension qui est très dangereuse. La presse mainstream en rajoute. On dirait que les incidents graves et inadmissibles qui se sont déroulés avant ce match doivent être assimilés à un pogrom. S’il y a eu en effet quelques incidents qui relèvent de l’antisémitisme, ils sont le fait d’une minorité. Et cela est du pain bénit pour les extrémistes sionistes qui soutiennent la politique d’extermination des Palestiniens de Netanyahu et de Ben Gvir qui sont tout heureux d’avoir une justification à leurs exactions.

 

D’ailleurs le même Netanyahu conseille aux Israéliens de ne plus assister aux manifestations sportives et culturelles en Europe auxquelles participeront des équipes de l’Etat hébreu. Voilà donc le Premier israélien qui applique une sorte de BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) à son propre pays !

 

 

P.V.

 

 

Et cela a des conséquences significatives… à Londres !

 

Le site « Le Grand Soir » révèle que Haim Bresheeth, israélien et juif, fils d'une victime de la Shoah, professeur à la retraite et fondateur du Jewish Network for Palestine, a été interpellé par la police londonienne après un discours propalestinien. Accusé de soutenir une organisation terroriste a été interpellé. Cette arrestation intervient dans un climat de surveillance accrue des militants propalestiniens au Royaume-Uni.

 

 

 

 

Haïm Bresheeth au moment de son arrestation à Londres

Haïm Bresheeth au moment de son arrestation à Londres

 

 

Haim Bresheeth a été arrêté à Londres après avoir pris la parole lors d’une manifestation propalestinienne devant la résidence de l’ambassadrice israélienne Tzipi Hotovely. Durant son discours, il a affirmé qu’« Israël ne peut pas gagner contre le Hamas », une déclaration qui a conduit les forces de l’ordre à l’accuser de soutien à une organisation proscrite, en vertu du Terrorism Act de 2000.

 

Bresheeth a passé une nuit en garde à vue avant d’être relâché sans charge le 2 novembre, bien qu’il reste sous enquête. Son arrestation fait suite à plusieurs autres actions policières visant des militants et journalistes pro-palestiniens au Royaume-Uni, suscitant des inquiétudes sur la liberté d’expression dans ce contexte.

Il faut dire qu’après l’affaire Assange, on a de quoi s’inquiéter de l’évolution de la liberté d’expression dans le pays de l’habeas corpus…

 

 

P.V.

 

 

 

 

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19 octobre 2024 6 19 /10 /octobre /2024 20:50

 

 

On n’arrête pas, depuis quelques semaines, de commémorer l’offensive du Hamas du 7 octobre 2023 dite « déluge d’Al Aqsa ». Ce jour funeste est devenu une date majeure dans l’histoire au Levant comme le furent le 10 mai 1940 en Europe occidentale, le 6 juin 1944 en Normandie, les 8 et 9 mai 1945 en Allemagne, le 6 août 1945 à Hiroshima, le 9 novembre 1989 à Berlin, le 11 septembre 2001 à New York et à Washington. Et j’en oublie. Ce sont tous ces événements qui ont profondément marqué l’histoire contemporaine. Ces dates sont aussi les étapes de bouleversements majeurs dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences.

 

Lisons des extraits publiés par le site « Le vent se lève » du nouveau livre de Jean Ziegler, ancien délégué de l’ONU sur les questions d’alimentation et vice-président de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, consacré à la guerre du 7 octobre et intitulé Où est l’espoir ? (Seuil, Paris, 2024). L’auteur décrit la genèse de cette tragédie dont on ne voit toujours pas l’issue.

 

« Samedi 7 octobre 2023 à l’aube, cinquante ans jour pour jour après le début de la guerre du Kippour le 6 octobre 1973, plus de 1 500 combattants des Brigades Al-Qassam, la branche militaire du mouvement de résistance islamique Hamas, ont envahi les kibboutz immédiatement voisins du ghetto de Gaza, une rave party et des villes côtières au sud d’Israël.

 

 

 

Le 7 octobre 2023, des éléments du Hamas détruisent la barrière de sécurité au moyen de bulldozers

Le 7 octobre 2023, des éléments du Hamas détruisent la barrière de sécurité au moyen de bulldozers

Une otage israélienne emmenée par un motard du Hamas

Une otage israélienne emmenée par un motard du Hamas

 

 

Simultanément, les techniciens du Hamas et de leurs alliés du Djihad islamique ont lancé sur Tel-Aviv, à 60 kilomètres au nord du ghetto, sur Jérusalem et d’autres villes une attaque de plus de 5 000 tirs de roquettes, dont une majorité a été interceptée par l’Iron Dome, le système de défense antimissile de l’État hébreu.

 

Totalement surprise, l’armée israélienne a mis cinq jours pour repousser les envahisseurs. Pendant ce temps, les combattants du Hamas ont commis des crimes abominables. Ils ont assassiné plus de 1 400 personnes, en majorité des civils fauchés par balles, brûlés vifs ou morts de mutilations, et ont pris en otage 259 civils et soldats israéliens, dont une trentaine d’enfants, qu’ils ont transférés dans le ghetto. Quiconque massacre des civils et prend des otages est un terroriste. Quels que soient les motifs religieux ou politiques invoqués, ces crimes sont impardonnables et imprescriptibles.

 

En plus de chasser, blesser, tuer, le terrorisme d’État israélien poursuit un autre but : tester l’efficacité des armes nouvelles développées par son industrie d’armement.

 

Le soir même du 7 octobre, le gouvernement de Tel-Aviv a déclenché la guerre contre le Hamas, guerre légitime selon l’article 51 de la Charte de l’ONU autorisant le droit à l’autodéfense. Mais en même temps, Israël a initié une guerre d’anéantissement contre la population civile de Gaza, contre une population innocente des crimes du Hamas. »

 

En effet, le Hamas s’est attaqué à des civils et aussi à des jeunes Israéliens qui participaient à une « Rave Party » qui se déroulait à la frontière avec la bande de Gaza. Résultat :1 200 morts civils et environ 250 otages. Cette attaque est incontestablement une opération relevant de crimes contre l’humanité, voire d’une tentative de génocide.

 

 

 

 

L'attaque du Hamas sur la Rave Party fit 250 victimes et le kidnapping de plusieurs otages.

L'attaque du Hamas sur la Rave Party fit 250 victimes et le kidnapping de plusieurs otages.

 

 

 

Cependant, il y a eu aussi dans cette opération des attaques contre des sites militaires qui n’étaient pas en alerte, alors que l’on sait aujourd’hui que des observatrices de l’armée avaient alerté l’état-major de Tsahal de la préparation d’une offensive. De même, les Egyptiens avaient averti Israël et on sait que le maréchal Sissi, le chef d’Etat de l’Egypte avait téléphoné à Benyamin Netanyahu pour l’en avertir. Pas de réaction du côté israélien.

 

 

C’est plutôt étrange ! On sait par ailleurs que le gouvernement israélien soutenait depuis longtemps le Hamas et permettait son financement provenant du Qatar via l’aéroport Ben Gourion en protégeant le transport des fonds jusqu’à Gaza ! Cette attitude des Israéliens était motivée par le refus de la constitution d’un Etat palestinien préconisée par les accords d’Oslo et voulue par l’Autorité palestinienne qui exerce en Cisjordanie. Pourtant, dans le passé, le Hamas s’est livré à des attentats suicides en Israël contre des civils, notamment dans des bus. Ce mouvement est hostile à la création d’un Etat palestinien à côté d’Israël. C’est le point commun entre l’extrême-droite israélienne et le Hamas qui, pourtant, refuse de reconnaître l’existence d’Israël !

 

 

D’ailleurs, les extrémistes juifs israéliens ne sont pas en reste. En 1994, à Hébron, le terroriste juif Baruch Goldstein – un médecin ! – a abattu 29 musulmans en prière à Hébron, à la mosquée d’Ibrahim, le caveau des Patriarches, lieu saint commun aux Musulmans et aux Juifs. En 1995, à Tel Aviv, un extrémiste juif abat Itzhak Rabin, le Premier ministre d’Israël et initiateur des accords d’Oslo. Depuis, la société israélienne est profondément divisée. En 2000, Ariel Sharon, alors chef de l’opposition à la Knesset, profane la mosquée d’Al Aqsa et le Dôme du Rocher sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem. Cela déclenche la deuxième Intifada – la première s’étant déroulée de 1987 à 1993 pour protester contre quarante ans d’occupation de l’armée israélienne en Cisjordanie, dans le Golan et à Gaza. En 2005, Ariel Sharon, alors Premier ministre ordonne le retrait de Tsahal de Gaza et le démantèlement des colonies israéliennes.

 

 

Conformément aux accords d’Oslo, des élections ont lieu en 2006 en Cisjordanie et à Gaza.  Celles-ci donnent une nette victoire du Hamas à Gaza et le Fatah garde son pouvoir en Cisjordanie. En 2007, le Hamas prend le contrôle de la bande de Gaza alors dirigée par l’Autorité palestinienne et chasse les militants du Fatah contraints de se réfugier en Israël pour aller en Cisjordanie. Israël décrète un blocus contre Gaza. Le Hamas riposte en tirant des missiles sur la ville de Sderot – qui fut aussi l’objectif de l’opération « déluge Al Aqsa » du 7 octobre 2023 – et d’autres localités israéliennes à l’Ouest du Néguev. En 2008, une trêve est décrétée sous l’impulsion de l’Egypte à la condition qu’Israël lève le blocus. En réalité, les Israéliens ont permis de rouvrir le poste frontière de Rafah mais le blocus maritime reste en vigueur et aucun accès n’est permis entre Gaza et Israël. À la fin de cette même année 2008, le Hamas rompt la trêve estimant que la partie israélienne n’a pas respecté la levée du blocus de Gaza.

 

Ainsi, les tensions entre les deux parties ne cessèrent de s’accroître et, malgré cela, Israël continua jusqu’au 7 octobre 2023 à aider le Hamas tout en exerçant de nombreuses représailles en réponse à ses attaques par missiles et par opérations terroristes. Tout cela pour empêcher la création d’un Etat palestinien. Cette ambiguïté ne pouvait qu’aboutir au désastre. Il a débuté le 7 octobre 2023.

 

 

Les accords d’Abraham à la base d’un tragique déséquilibre

 

 

Il y a aussi une autre raison. Ce sont les accords d’Abraham. En juin 2020, à la fin de la présidence de Donald Trump, des accords économiques sont pris entre Israël, les Emirats Arabes Unis et Bahrein avec comme conséquence politique, la reconnaissance de l’Etat hébreu par ces Etats arabes. Le Maroc et le Soudan vinrent s’y associer quelques semaines après. L’Arabie Saoudite, prudente, n’en fit pas partie. Ces accords ont une double conséquence : assurer à Israël une forme de leadership au Proche-Orient et isoler l’Iran et la Russie. D’autre part, les Palestiniens furent ignorés. Ainsi, au lieu de fonder un processus de détente, ces fameux accords d’Abraham ne firent qu’accroître les tensions. C’est sans doute une des raisons de l’attaque sanglante du 7 octobre. En effet, le Hamas n’aurait pu lancer une telle opération militaire sans l’aide d’une puissance étrangère, plus que probablement l’Iran avec la « neutralité » active du Qatar qui s’inscrit comme arbitre dans ce conflit.

 

 

 

Les accords d'Abraham furent signés à la Maison blanche à Washington.

Les accords d'Abraham furent signés à la Maison blanche à Washington.

 

 

Génocidaires vs génocidaires

 

 

Reprenons les propos de Jean Ziegler :

 

 

« Pour les emmurés de Gaza, il n’existe absolument aucun refuge. La basilique chrétienne orthodoxe de Gaza City, remplie de familles de réfugiés, a été détruite par les bombes israéliennes. La plupart des mosquées où se pressaient des milliers de Gazaouis ont été attaquées et souvent rasées.

 

Animalisation des Palestiniens

 

Pour justifier le siège qu’Israël impose à Gaza, Yoav Gallant, ministre israélien de la Défense, déclare : « Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence. » Cette rhétorique de la déshumanisation fait craindre le pire pour les Palestiniens. L’animalisation est un processus qui doit alarmer, car il présage souvent un massacre à grande échelle. On se souvient des Arméniens de Turquie transformés en « microbes » avant le génocide en 1915‑1916, ou des Tutsis du Rwanda désignés comme des « cafards » avant les massacres de masse en 1994.

 

La Cour internationale de justice est l’autorité judiciaire suprême des Nations unies. Le chapitre XIV de la Charte et le règlement annexe fixent sa compétence. Dix-sept juges la composent. Tout État membre de l’ONU peut porter plainte contre un autre État qui violerait la Charte, la Déclaration universelle des droits de l’homme ou toute autre convention internationale de droit public. Or, le 29 décembre 2023, l’Afrique du Sud, en la personne de son formidable ambassadeur des droits de l’homme Pizo Movedi, a porté plainte contre Israël pour violation de la Convention sur le génocide de 1948. La plainte comporte 84 pages. Elle est soutenue par 46 États et par plus de 1 000 mouvements sociaux et organisations non gouvernementales. 600 citoyens israéliens la soutiennent à titre individuel.

 

Le 26 janvier 2024, la Cour a reconnu la validité de la plainte et ordonné de prendre plusieurs mesures conservatoires sans délai : protection de la population civile, accès à l’aide humanitaire, interdiction des discours de haine, lutte contre la déshumanisation de l’une ou l’autre partie du conflit, etc Le mot « génocide » (du grec genos, clan, et du latin cidere, tuer) a été forgé en 1943 par le juriste polonais Raphael Lemkin pour qualifier l’anéantissement des Juifs et des Tziganes par l’Allemagne nazie et celle des Arméniens par les Turcs. La notion apparaît dans les actes d’accusation du tribunal de Nuremberg. En 1948, le génocide est consacré comme crime spécifique, à l’initiative de l’ONU, dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

 

Le statut de Rome de 1998 définit précisément le terme :

 

Article 5 : Crime de génocide

 

Aux fins du présent statut on entend par crime de génocide l’un des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel : a) meurtre de membres du groupe ; b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe : c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction totale ou partielle.

 

Personne ne dénie à Israël le droit de se défendre conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies. Mais le droit à l’autodéfense contre un agresseur armé ne comporte pas celui de massacrer toute une population civile. Des dizaines de milliers d’habitants de Gaza, parmi lesquels une majorité d’enfants, sont déjà mutilés, des dizaines de milliers d’autres sont morts. L’hypocrisie des États occidentaux est abyssale. Les États-Unis, les États occidentaux, y compris mon pays, la Suisse, supplient les massacreurs de « réduire » les pertes civiles. En même temps, ces États livrent à Israël les armes les plus puissantes et quantité de munitions alors que les massacres sont en cours. Ils se rendent coupables de complicité d’actes qui seront traduits un jour devant un tribunal international. »

 

Un incident récent montre l’ampleur de cette catastrophe. Un journaliste palestinien, Younis Tirawi, a révélé sur X (ex Twitter) qu’une unité de Tsahal de snipers d’élite opérait à Gaza. Dans cette enquête journalistique menée pendant près de six mois, un des membres américains de cette unité composée de 21 hommes baptisée Refaim (qui signifie fantôme en hébreu et dont la devise est « Hors de vue, mais en plein cœur ») livre longuement les tenants et aboutissants de ses « missions ».

 

 

L'Unité Refaim ou Ghost unit en opération à Gaza

L'Unité Refaim ou Ghost unit en opération à Gaza

 

 

 

 

Le soldat américain a notamment expliqué que les snipers enrôlés dans « son » unité avaient pour mission d'abattre les hommes qui se trouvent en zone de combat. Aucune limite d'âge n’est fixée, toute personne en âge de combattre étant donc une cible (même s'il s'agit d'une personne désarmée et qui ne constitue aucune menace directe).

 

 

Les personnes qui tentent d'évacuer des cadavres sont également des cibles. Les snipers d'élite étant parmi les plus qualifiés dans leur domaine, ils étaient capables de cibler un individu distant de près de 1 200 m. Les investigations de Younis Tirawi ont également permis de démontrer que certains membres de Refaim sont des binationaux. La plupart sont originaires des Etats-Unis, d'autres sont originaires d'Italie, de France et d'Allemagne. Et un Belge figure parmi eux. Il s'agit d'un jeune homme âgé d'une vingtaine d'années, qui a longtemps vécu à Bruxelles. Il s'est rendu en Israël après avoir répondu à un appel à servir son autre pays, mais il est revenu, au moins à une reprise, en Belgique après sa mission à Gaza. En divulguant ces informations, Younis Tirawi – dont le travail a notamment été utilisé par l'Afrique du Sud pour déposer une plainte devant la Cour internationale de justice contre Israël – a rappelé que les États tiers concernés devraient se saisir du droit international, mais également agir devant leurs juridictions nationales, pour poursuivre leurs soldats impliqués dans des crimes de guerre.

 

 

Une plainte avec constitution de partie civile au nom de l’ABP, Association belgo-palestinienne a été déposée par Alexis Deswaef, ancien président de la Ligue belge des droits humains, auprès du Parquet fédéral belge, pour crime de guerre contre ce soldat belgo-israélien. Interpellé à la Chambre, le ministre de la Justice a confirmé ces faits en révélant qu’une information judiciaire avait été ouverte. Ces faits présumés relèvent de l’article 135 du Code pénal belge et permettent de juger ce genre de crimes même commis à l’étranger.

 

 

Après cela, il sera difficile d’affirmer qu’Israël ne commet pas délibérément de crimes de guerre à Gaza s’assimilant à un génocide depuis plus d’un an.

 

 

Un génocide n’est pas seulement l’extermination d’un peuple.

 

 

C’est aussi l’élimination de sa culture. Alain Gresh, ancien directeur du Monde diplomatique et actuel directeur du site Orient XXI écrit dans le récent ouvrage Palestine un peuple qui ne veut pas mourir, éditions Les Liens qui Libèrent, Paris, 2024 :

 

« L’annihilation des hôpitaux et des structures scolaires a été largement documentée par, notamment, des organisations comme Médecins du Monde ou Médecins sans frontières, ou par les appels désespérés de médecins sur place dont les cris percent difficilement dans les médias, ou en mode dégradé. Une autre conséquence de la guerre contre Gaza est l’éradication de la culture, des monuments de l’histoire même. Un rapport de février 2024 du ministre de la Culture de l’Autorité palestinienne, l’écrivain Atef Abu Seif, recensait la destruction de 200 sites archéologiques, de 21 centres culturels, dont 8 musées, de 3 salles de théâtre, de 4 bibliothèques universitaires, de 9 maisons d’édition/libraires, sans parler de la disparition de 150 années d’archives de la ville de Gaza. Quant aux 12 universités, elles ont été réduites en cendres ou sérieusement endommagées. « Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir », notait le grand écrivain Aimé Césaire. Malheureusement pour les dirigeants israéliens, le peuple palestinien n’oublie rien. »

 

 

L’Etat d’Israël : un danger mortel pour la plus grande communauté juive de notre planète

 

 

Revenons encore à Jean Ziegler. L’ancien diplomate onusien se réfère encore au militant israélien Michel Warschawski que nous avons rencontré il y a cinq années à Jérusalem et à Bruxelles.

 

 

« Un des livres les plus brillants que j’aie lus récemment sur la tragédie israélo-palestinienne, le plus prémonitoire aussi, est signé Michel Warschawski. Il est intitulé Israël : Chronique d’une catastrophe annoncée… et peut-être évitable. Michel Warschawski est né en 1949 à Strasbourg d’une prestigieuse lignée d’intellectuels et de rabbins alsaciens d’origine polonaise. À seize ans, il part à Jérusalem pour y entreprendre des études talmudiques. Il est, depuis de nombreuses années, l’un des leaders les plus respectés de la gauche de combat en Israël.

 

 

Dans sa magnifique postface au livre de Jacques Pous, L’Invention chrétienne du sionisme. De Calvin à Balfour, Warschawski déclare : « Après cent vingt ans, le projet national de créer un État juif qui s’inscrirait dans la conquête coloniale du Proche-Orient a donné naissance à un régime fascisant au militarisme agressif qui sape la sécurité de ceux qu’il est censé représenter et protéger. En réalité, cet État représente un danger mortel pour la plus grande communauté juive de notre planète. »

 

L’œuvre littéraire de Michel Warschawski contient maintes évocations de ce gouffre effrayant vers lequel, selon lui, se dirige le régime israélien. Un certain récit, datant de 2003, est resté gravé dans ma mémoire tant l’image qu’il véhicule est puissante. Dans son livre À tombeau ouvert. La crise de la société israélienne, Warschawski dresse ainsi le portrait d’un jeune conducteur juif d’un de ces gigantesques bulldozers Caterpillar blindés, que j’ai moi-même vus à l’œuvre à Rafah et à Naplouse.

 

Porté par l’ivresse de son pouvoir, de sa haine raciale, témoignant d’une jouissance pathologique à détruire, il fonce sur les maisons, les écoles et les étables palestiniennes. Sa rage destructrice le rend ostensiblement heureux. Il ignore le monde qui l’entoure. Cette figure a valeur de parabole. Pareil au conducteur du bulldozer, coupé de la réalité, ignorant la souffrance de ses victimes, aveugle et inconscient des conséquences de ses actes, le présent gouvernement israélien d’extrême droite fonce à tombeau ouvert vers sa propre destruction.

 

Avec sa moustache à la Georges Brassens, son rire facile, son ironie, son goût du débat, Michel Warschawski est le contraire d’un critique doctrinaire. Écoutons-le encore : « Je suis de ceux qui refusent aujourd’hui d’entrer dans le débat sur ce qui devrait venir après le démantèlement du régime colonial : un État uni et démocratique ? deux États ? une fédération ? des cantons ? Les solutions théoriques sont multiples, mais c’est le rapport des forces, et lui seul, qui déterminera, quand elle sera à l’ordre du jour, la nature de la solution. À l’heure actuelle, c’est au changement du rapport des forces qu’il faut s’atteler, et ce ne sera qu’avec son retournement que la solution s’imposera, d’elle-même. »

 

 

Michel Warshawski exposant à Jef Baeck - aujourd'hui disparu - et à son épouse Christine ainsi qu'à une autre personne du groupe le processus de colonisation sur le terrain à l'Ouest de Jérusalem.

Michel Warshawski exposant à Jef Baeck - aujourd'hui disparu - et à son épouse Christine ainsi qu'à une autre personne du groupe le processus de colonisation sur le terrain à l'Ouest de Jérusalem.

 

 

Arik Grossman, Charles Enderlin, Michel Warschawski, Lea Tsemel, Uri Avnery, Ilan Pappé, Amnon Kapeliouk, Jeff Halper, Ofer Bronchtein et tous leurs collègues du mouvement « Peace now » (« La Paix maintenant ») sont l’honneur d’Israël. À leurs yeux à tous, l’assassinat d’Yitzhak Rabin a été une catastrophe. »

 

Ziegler ajoute en conclusion :

 

« L’abîme hante Michel Warschawski. La course vers le suicide de l’État israélien, raciste et colonial, lui apparaît presque inévitable. Et pourtant, dans son livre, fuse un rayon d’espoir. Écoutons-le :

 

Les humains font l’histoire et ils peuvent défaire ce qu’ils ont créé. […] Organisés et unissant leurs forces, les hommes et les femmes peuvent faire bouger les montagnes, faire tomber des régimes et obtenir ce qui leur revient de droit. […] Il n’y a aucune raison pour que ce ne soit pas le cas pour le peuple palestinien ; il n’y a pas de raison non plus qu’on mette définitivement une croix sur la capacité du peuple juif-palestinien à se ressaisir et à stopper la dégénérescence de sa propre société »

 

 

Splendide perspective d’espoir, mais pour le moment, les génocidaires de part et d’autre sont à l’œuvre avec la passivité sinon la complicité des « grands » de ce monde : Etats-Unis, Union européenne, Iran qui devront aussi rendre des comptes. Mais quand ?

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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11 octobre 2024 5 11 /10 /octobre /2024 14:44

 

 

Dimanche on vote pour élire nos conseillères et conseillers communaux, ainsi que, dans certaines communes, nos bourgmestres – équivalents de maires pour les municipalités françaises.

 

L’enjeu est, bien entendu, avant tout local. Il est cependant éminemment politique, car il implique la question du service public local, du maintien de l’ordre, de la politique sociale, de celle de l’environnement, etc. En outre, les enjeux dans chaque commune sont liés aux caractéristiques régionales. D’ailleurs, le résultat global exercera une influence au point de vue national – on dit fédéral en Belgique – d’autant plus qu’il n’y a pas encore formation d’un gouvernement fédéral depuis les élections du 9 juin dernier.

 

On peut prévoir que globalement la carte politique ne sera pas profondément modifiée sur le plan fédéral et dans une moindre mesure au niveau local. Pourquoi ? De nouvelles formations politiques obtiendront probablement d’importants résultats dans les communes où elles se présentent, comme le PTB – Parti du Travail de Belgique, gauche radicale dans l’ensemble du pays – et le Vlaams Belang – nationaliste néonazi en Flandre. L’équivalent flamand du PTB pourrait décrocher le portefeuille de bourgmestre dans la principale ville flamande, Anvers au détriment du bourgmestre sortant, Bart De Wever, président du premier parti de Belgique, la NV-A – nouvelle alliance flamande – et formateur du gouvernement fédéral ! Ce serait un choc politique majeur !

 

Un autre personnage joue gros lors de ce scrutin, c’est l’inénarrable Georges-Louis Bouchez, dit GLOUB, président du parti néolibéral de droite MR et principal négociateur francophone pour le gouvernement fédéral. On connaît en substance le programme de ce prochain ministère : austérité, austérité, austérité ! Tout cela sera révélé au lendemain des élections, mais personne n’est dupe. GLOUB est candidat bourgmestre de Mons dont il veut chasser les socialistes. Il semble trop ambitieux !

 

On sera fixé dimanche prochain au soir !

 

En attendant, je me permets de vous présenter certaines et certains candidates et candidats qui se présentent dans quelques communes sur des listes différentes et qui pourraient recueillir votre suffrage selon votre sensibilité.

Je précise tout de suite que, personnellement, je ne voterai pas socialiste dimanche, parce que j’estime que le PS à Bruxelles est trop ambigu en ce qui concerne le communautarisme. Cela ne m’interdit pas de recommander plusieurs candidates et candidats socialistes, car je sais qu’ils sont probes et libres et de valeur.

 

A la commune de Molenbeek (Ouest de Bruxelles), je recommande chaleureusement Madame Houria Ouberri, échevine sortante des affaires sociales qui pousse la liste de la bourgmestre (n°1) à la 45e place, que j’ai pu voir à l’œuvre dans des circonstances difficiles. Une femme généreuse et tenace.

 

 

 

Houria Ouberri "pousse" la liste de la bourgmestre sortante Catherine Moureaux.

Houria Ouberri "pousse" la liste de la bourgmestre sortante Catherine Moureaux.

 

 

 

A la commune de Forest (Sud-Ouest de Bruxelles), je vous propose deux candidates de qualité :

 

Françoise Père 4e sur la liste PS (N°5), échevine sortante des Travaux de cette commune. Une femme expérimentée, ouverte au débat et n’hésitant pas à mettre la main à la pâte.

 

 

 

Françoise Père est une échevine expérimentée et particulièrement sensible à la question de la solidarité.

Françoise Père est une échevine expérimentée et particulièrement sensible à la question de la solidarité.

 

 

Elise Wynen, diplômée de l’Université Descartes de Paris, conseillère au CPAS de Forest, militante féministe, travaille à la Maison de la Famille Willy Peers 22e sur la liste PTB N°4. Elise Wynen s’est présentée aux élections pour le Parlement de la Région de Bruxelles capitale et a recueilli plus de 1 700 voix de préférence, ce qui est un grand succès pour un premier scrutin. Je lui souhaite de faire un tabac dans sa commune !

 

 

Elise Wynen, militante jusqu'au bout des ongles !

Elise Wynen, militante jusqu'au bout des ongles !

 

 

Attention, vous ne pouvez pas voter pour des candidats de listes différentes. Aussi, votez pour une de ces deux candidates selon votre sensibilité.

 

A Bruxelles Ville je soutiens le bourgmestre sortant, Philippe Close 1er sur la liste PS n° 5. Il mérite de rempiler !

 

 

 

Philippe Close est un bon bourgmestre de Bruxelles et est un universaliste.

Philippe Close est un bon bourgmestre de Bruxelles et est un universaliste.

 

 

 

A Etterbeek (1ère ceinture Est de Bruxelles), je soutiens la tête de liste PS (n° 5), Rachid Madrane qui fut Président du Parlement de la Région de Bruxelles-capitale.

 

Rachid Madrane est un laïque convaincu et un universaliste. Il a en plus plusieurs réformes en matière sociale à son actif.

 

 

 

Rachid Madrane a été mis à l'écart par la Fédération bruxelloise du PS. Il n'est pas dans la ligne. C'est ce qui me plaît !

Rachid Madrane a été mis à l'écart par la Fédération bruxelloise du PS. Il n'est pas dans la ligne. C'est ce qui me plaît !

 

 

A Ixelles (1ère ceinture Sud de Bruxelles), je propose Caroline Désir, 2e sur la liste PS n°5. Elle fut ministre de l’Enseignement obligatoire dans le précédent gouvernement de la Fédération Wallonie Bruxelles. Elle s’en est bien tirée dans des circonstances très difficiles.

 

 

 

Caroline Désir a dirigé son ministère avec fermeté sur les principes et avec une grande ouverture d'esprit.

Caroline Désir a dirigé son ministère avec fermeté sur les principes et avec une grande ouverture d'esprit.

 

 

A Koekelberg (Nord de Bruxelles), je recommande Khalil Aouasti, juriste, député depuis 2019, échevin sortant, 15e sur la liste n° 1 du bourgmestre Ahmed Laaouej.

 

Khalil est un homme engagé sur le plan social et aussi international. Il soutient la cause palestinienne tout en rejetant tout extrémisme de part et d’autre. Il est très attaché à la Culture. Il a été un président très actif de la Régionale bruxelloise du PAC (Présence & Action Culturelle).

 

 

 

Khalil Aouasti est un homme de conviction et un universaliste.

Khalil Aouasti est un homme de conviction et un universaliste.

 

 

A Jette (Nord de Bruxelles), je soutiens Monique Busschot 18e sur la liste PS (N° 5). Monique est une militante infatigable et entièrement dévouée aux causes sociales, même les plus délicates.

 

 

 

Monique Busschot : une grande et généreuse militante

Monique Busschot : une grande et généreuse militante

 

 

A Uccle (Sud Est de Bruxelles), l’enjeu est d’empêcher la liste du bourgmestre Dilliès (MR + Defi) d’obtenir la majorité absolue et même d’être « incontournable », liste très à droite et anti sociale. Aussi, je recommande de voter pour Marc Cools, ancien député régional libéral et ancien échevin, tête de la liste « Uccle en avant » (liste n° 15) qui peut recueillir les voix des libéraux opposés au bourgmestre sortant, d’électeurs du centre et même de citoyens socialistes inquiets de la dérive communautariste du PS. Voter pour lui, même si on n'est pas libéral, est un suffrage stratégique pour que le paysage politique change à Uccle.

 

 

 

Marc Cools est un homme expérimenté et a une vision réaliste et généreuse de l'avenir de la commune d'Uccle.

Marc Cools est un homme expérimenté et a une vision réaliste et généreuse de l'avenir de la commune d'Uccle.

 

 

Néanmoins, certains candidats PS (liste n° 5) méritent votre suffrage.

 

Il s’agit de Jacqueline Herremans, avocate et présidente de l’association pour le droit de mourir dans la dignité, 40e sur la liste PS ;

 

 

 

Jacqueline Herremans se bat depuis des années pour le droit à l'euthanasie.

Jacqueline Herremans se bat depuis des années pour le droit à l'euthanasie.

 

 

 

Jérémie Tojerow, juriste, qui est un petit nouveau qui promet. 5e sur la liste PS ;

 

 

 

Jérémie Tojerow sait ce qu'il veut pour la commune d'Uccle.

Jérémie Tojerow sait ce qu'il veut pour la commune d'Uccle.

 

 

Philippe Dubois, syndicaliste CGSP, 9e sur la liste PS ;

 

 

Philippe Dubois, syndicaliste et artiste. Un militant à la grande ouverture d'esprit.

Philippe Dubois, syndicaliste et artiste. Un militant à la grande ouverture d'esprit.

 

 

Michel Leclercq, avocat honoraire, 17e sur la liste PS.

 

L'ancien des anciens toujours dévoué à la "cause" !

 

 

Je précise que vous pouvez voter pour plusieurs candidats sur la même liste, mais il est interdit de voter pour des candidats sur des listes différentes.

 

Votez en âme et conscience ce dimanche et nous aurons l’occasion d’en parler la semaine prochaine.

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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3 octobre 2024 4 03 /10 /octobre /2024 10:10

Julian ASSANGE

 

 

 

Stella et Julian Assange devant l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe

Stella et Julian Assange devant l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe

 

 

Grâce à nos amis du site « Le Grand Soir », voici le texte intégral du discours prononcé mardi 1er octobre par Julian Assange devant la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) sur l’accord de plaidoyer, le travail de Wikileaks, la loi sur l’espionnage, les représailles de la CIA et la répression du journalisme.

 

Il y évoque son combat, ce qu’il a enduré et surtout les principes fondamentaux sur lesquels il n’a jamais cédé pendant ces quatorze années de traque de la part de la CIA.

 

Cette réunion de la Commission fait suite à la publication du rapport d’enquête de l’APCE sur l’affaire Assange, rédigé par le rapporteur Thórhildur Sunna Ævarsdóttir. Ce rapport se concentre sur les implications de sa détention et ses effets plus larges sur les droits de l’homme, en particulier la liberté de journalisme. Le rapport confirme qu’Assange peut être considéré comme un prisonnier politique et demande au Royaume-Uni de mener une enquête indépendante pour déterminer s’il a été exposé à des traitements inhumains ou dégradants.

Sunna Ævarsdóttir est rapporteur général pour les prisonniers politiques et présidente de la sous-commission sur l’intelligence artificielle et les droits de l’homme au sein de la commission des affaires juridiques de l’APCE. Elle souligne que le cas d’Assange est un exemple très médiatisé de répression transnationale. Le rapport examine comment les gouvernements recourent à des mesures légales et extralégales pour réprimer la dissidence au-delà des frontières, ce qui constitue une menace importante pour la liberté de la presse et les droits de l’homme.

Julian Assange est toujours en convalescence après sa libération de prison en juin 2024. Il assiste en personne à cette session en raison de la nature exceptionnelle de l’invitation et pour saluer le soutien reçu de l’APCE et de ses délégués au cours des dernières années. L’APCE a pour mandat de protéger les droits de l’homme et a demandé à plusieurs reprises la libération de Julian Assange lorsqu’il était en prison.

 

Julian Assange témoignera devant la commission, qui entendra également les conclusions selon lesquelles son emprisonnement a été motivé par des considérations politiques.

 

Il s’agit du premier témoignage officiel de Julian Assange sur son cas depuis son incarcération en 2019. Sa comparution devant le principal organe européen de défense des droits de l’homme et d’élaboration des traités souligne les implications plus larges de son affaire.

 

https://pace.coe.int/fr/news/9578/committee-expresses-deep-concern-at-harsh-treatment-of-julian-assange-warns-of-its-chilling-effect-for-the-press

URL de cet article 39877
https://www.legrandsoir.info/julian-assange-s-adressera-au-conseil-de-l-europe-apres-la-confirmation-de-son-statut-de-prisonnier-politique.html

 

 

 

 

Mesdames et Messieurs,

 

La transition entre des années de confinement dans une prison à sécurité maximale et la présence ici devant les représentants de 46 nations et de 700 millions de personnes est un changement profond et surréaliste. L’expérience de l’isolement pendant des années dans une petite cellule est difficile à décrire. Elle efface le sens de soi, ne laissant que l’essence brute de l’existence.

 

Je ne suis pas encore tout à fait capable de parler de ce que j’ai enduré. De la lutte acharnée pour rester en vie, tant physiquement que mentalement. Je ne peux pas non plus parler de la mort par pendaison, du meurtre et de la négligence médicale de mes codétenus.

 

Je m’excuse par avance si mes propos manquent de justesse ou si ma présentation manque de raffinement auquel on pourrait s’attendre dans un forum aussi prestigieux. L’isolement a fait des ravages. J’essaie de m’en défaire. Et m’exprimer dans ce contexte est un défi. Cependant, la gravité de la situation et le poids des enjeux m’obligent à mettre de côté mes réserves et à vous parler directement.

 

J’ai parcouru un long chemin, au sens propre comme au sens figuré, pour être devant vous aujourd’hui, avant notre discussion ou pour répondre à vos éventuelles questions. Je tiens à remercier l’APCE pour sa résolution de 2020, qui stipulait que mon emprisonnement constituait un précédent dangereux pour les journalistes. J’ai noté que le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture avait demandé ma libération (Il s’agit de Monsieur Nils Melzer voir Uranopole : .https://uranopole.over-blog.com/2021/11/nils-melzer-l-homme-obstine.html 


 

 

 

Nils Melzer grand juriste international de nationalité suisse fut lors de son mandat de rapporteur des Droits humains à l'ONU un défenseur acharné de Julian Assange.

Nils Melzer grand juriste international de nationalité suisse fut lors de son mandat de rapporteur des Droits humains à l'ONU un défenseur acharné de Julian Assange.

 

 

Je suis également reconnaissant à l’APCE pour sa déclaration de 2021, exprimant son inquiétude face à des informations crédibles selon lesquelles des responsables américains auraient à nouveau évoqué mon assassinat, et demandant ma libération rapide, et je félicite la Commission des affaires juridiques et des droits de l’homme d’avoir mandaté un rapporteur de renom.

 

Je vais bientôt aborder les circonstances entourant ma détention et ma condamnation, ainsi que sur les conséquences qui en découlent pour les droits de l’homme. Cependant, comme tant d’autres efforts déployés dans mon cas, qu’ils émanent de parlementaires, de présidents, de premiers ministres, du pape, de fonctionnaires et de diplomates de l’ONU, de syndicats, de professionnels du droit et de la santé, d’universitaires, de militants ou de citoyens, aucun d’entre eux n’aurait dû être nécessaire.

 

Aucune des déclarations, résolutions, rapports, films, articles, événements, collectes de fonds, manifestations et lettres de ces 14 dernières années n’aurait dû être nécessaire. Mais tous étaient nécessaires car sans eux, je n’aurais jamais vu le jour. Cet effort mondial sans précédent était nécessaire car les protections juridiques qui existaient n’existaient pour la plupart que sur le papier et n’étaient pas effectives dans un délai raisonnable.

 

 

À propos de l’accord de plaidoyer

 

J’ai finalement choisi la liberté plutôt qu’une justice irréalisable. Après avoir été détenu pendant des années et avoir été condamné à 175 ans de prison sans aucun recours effectif, la justice est désormais impossible pour moi, car le gouvernement américain a insisté par écrit dans son accord de plaidoyer que je ne pouvais pas déposer une plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme ni même faire une demande en vertu de la loi sur la liberté d’information pour ce qu’il m’a fait à la suite de sa demande d’extradition.

 

 

Je veux être tout à fait clair. Je ne suis pas libre aujourd’hui parce que le système a fonctionné. Je suis libre aujourd’hui après des années d’incarcération parce que j’ai plaidé coupable d’accusation de journalisme. J’ai plaidé coupable d’avoir cherché à obtenir des informations d’une source. J’ai plaidé coupable d’avoir informé le public de la nature de ces informations. Je n’ai plaidé coupable d’aucune autre accusation.

 

J’espère que mon témoignage d’aujourd’hui pourra servir à mettre en lumière la faiblesse des mesures de protection existantes et à aider ceux dont les cas sont moins visibles mais qui sont tout aussi vulnérables. Alors que je sors du cachot de Belmarsh, la vérité me semble désormais moins perceptible et je regrette tout le terrain perdu pendant cette période. La façon dont l’expression de la vérité a été minée, attaquée, affaiblie et diminuée.

 

Je constate davantage d’impunité, davantage de secret, davantage de représailles pour ceux qui disent la vérité et davantage d’autocensure. Il est difficile de ne pas établir un lien entre les poursuites judiciaires engagées contre moi par le gouvernement américain. C’est franchir le Rubicon en criminalisant le journalisme à l’échelle internationale et le véritable climat de liberté d’expression qui existe aujourd’hui.

 

Le travail de WikiLeaks

 

Quand j’ai fondé Wikileaks, elle est née d’un rêve simple : éduquer les gens sur le fonctionnement du monde, afin que, grâce à la compréhension, nous puissions apporter quelque chose de meilleur. Avoir une cartographie de l’endroit où nous nous trouvons nous permet de comprendre où nous pouvons aller. La connaissance nous permet de demander des comptes au pouvoir et d’exiger justice là où elle est absente. Nous avons obtenu et publié la vérité sur des dizaines de milliers de victimes occultées de la guerre et d’autres horreurs invisibles concernant les programmes d’assassinat, d’enlèvements extra-judiciaires, de torture et de surveillance de masse.

 

Nous avons révélé non seulement quand et où ces événements se sont produits, mais aussi souvent les politiques, les accords et les structures qui les sous-tendent. Lorsque nous avons publié Collateral Murder, la tristement célèbre vidéo obtenue par une caméra de surveillance montrant un équipage d’hélicoptère Apache américain réduisant en miettes des journalistes irakiens et leurs sauveteurs. La réalité visuelle de la guerre moderne a choqué le monde, c’est pourquoi nous avons également utilisé l’intérêt suscité par cette vidéo pour orienter les gens vers les règles d’engagement classifiées qui définissent dans quels cas l’armée américaine pourrait recourir à une force létale en Irak.

 

Combien de civils ont pu être tués sans une autorisation de la hiérarchie ? En fait, 40 ans de ma peine potentielle de 175 ans étaient dus à l’obtention et à la diffusion de ces règles d’engagement.

 

La vision politique concrète qui m’a été laissée après avoir été immergée dans les sales guerres et les opérations secrètes du monde est simple. Arrêtons de nous museler, de nous torturer et de nous entre-tuer pour une fois. Mettons en place ces principes fondamentaux et d’autres processus politiques, économiques et scientifiques et un espace pour nous éduquer. Nous aurons de l’espace pour nous occuper du reste.

 

Le travail de Wikileaks était profondément ancré dans les principes défendus par cette Assemblée. Notre journalisme a élevé la liberté d’information et le droit de savoir du public. Il a trouvé son siège opérationnel naturel en Europe. J’habitais à Paris et nous avions des sociétés officiellement enregistrées en France et en Islande. Une équipe journalistique et technique était répartie dans toute l’Europe. Nous publions dans le monde entier à partir de serveurs basés en France, en Allemagne et en Norvège.

 

Arrestations de Manning

 

Mais il y a 14 ans, l’armée américaine a arrêté l’un de nos principaux lanceurs d’alerte, le soldat Manning, un analyste du renseignement américain basé en Irak. Le gouvernement américain a lancé simultanément une enquête contre moi et mes collègues. Le gouvernement américain a envoyé illégalement des avions remplis d’agents en Islande, a versé des pots-de-vin à un informateur pour voler notre travail juridique et journalistique et, sans procédure formelle, a fait pression sur les banques et les services financiers pour qu’ils bloquent nos abonnements et gèlent nos comptes.

 

 

 

Chelsea Manning qui a transmis des informations à Julian Assange et qui fut traquée.

Chelsea Manning qui a transmis des informations à Julian Assange et qui fut traquée.

 

 

Le gouvernement britannique a pris part à certaines de ces représailles. Il a admis devant la Cour européenne des droits de l’homme avoir espionné illégalement mes avocats britanniques pendant cette période.

 

En fin de compte, ce harcèlement n’était pas fondé juridiquement. Le ministère de la Justice du président Obama a choisi de ne pas m’inculper. Reconnaissant qu’aucun crime n’avait été commis, les États-Unis n’avaient jamais poursuivi auparavant un éditeur pour avoir publié ou obtenu des informations gouvernementales. Agir ainsi nécessiterait une réinterprétation radicale et inquiétante de la Constitution américaine. En janvier 2017, Obama a également commué la peine de Manning, qui avait été reconnu coupable d’être l’une de mes sources.

 

La vengeance de la CIA

 

Mais en février 2017, le paysage a radicalement changé. Le président Trump a été élu. Il a nommé deux loups coiffés de chapeaux MAGA. Mike Pompeo, un membre du Congrès du Kansas et ancien dirigeant de l’industrie de l’armement, au poste de directeur de la CIA, et William Barr, un ancien agent de la CIA, au poste de ministre de la Justice des États-Unis.

 

 

 

Mike Pompeo, nommé directeur de la CIA par Donald Trump, fut le plus acharné dans la traque de Julian Assange et de Wikileaks.

Mike Pompeo, nommé directeur de la CIA par Donald Trump, fut le plus acharné dans la traque de Julian Assange et de Wikileaks.

 

 

En mars 2017, Wikileaks a révélé l’infiltration de la CIA dans les partis politiques marginaux. Son espionnage des dirigeants français et allemands, son espionnage de la Banque centrale européenne, des ministères économiques européens et ses ordres permanents d’espionner les Français dans la rue en général. Nous avions révélé la vaste production de logiciels malveillants et de virus par la CIA, sa subversion des chaînes d’approvisionnement. Sa subversion des logiciels antivirus, des voitures, des téléviseurs intelligents et des iPhones.

 

Le directeur de la CIA, Pompeo, a lancé une campagne de représailles. Il est désormais de notoriété publique que, sous les ordres explicites de Pompeo, la CIA a élaboré des plans pour m’enlever et m’assassiner au sein de l’ambassade d’Équateur à Londres et autoriser la poursuite de mes collègues européens, nous soumettant à des vols, des attaques informatiques et la diffusion de fausses informations. Ma femme et mon fils en bas âge ont également été pris pour cible.

 

Un agent de la CIA a été assigné en permanence à la filature de ma femme. Des instructions ont été données pour obtenir de l’ADN sur la couche de mon fils de six mois. C’est le témoignage de plus de 30 responsables actuels et anciens des services de renseignements américains qui ont parlé à la presse américaine, ce qui a été corroboré par les dossiers saisis et les poursuites engagées contre certains des agents de la CIA impliqués.

 

La CIA me cible, ainsi que ma famille et mes associés, par des moyens agressifs, extrajudiciaires et extraterritoriaux. Cela donne un aperçu rare de la manière dont les puissantes organisations de renseignement se livrent à une répression transnationale. De telles répressions ne sont pas uniques. Ce qui est unique, c’est que nous en savons beaucoup sur celle-ci. Grâce à de nombreux lanceurs d’alerte et à des enquêtes judiciaires en Espagne.

 

Cette assemblée n’est pas étrangère aux abus extraterritoriaux de la CIA. Le rapport révolutionnaire de Pace sur les enlèvements extra-judiciaires de la CIA en Europe a révélé comment la CIA a géré des centres de détention secrets et procédé à des enlèvements illégaux sur le sol européen, en violation des droits de l’homme et du droit international. En février de cette année, la source présumée de certaines de nos révélations sur la CIA, l’ancien agent de la CIA Joshua Schultz, a été condamné à 40 ans de prison dans des conditions d’isolement extrême.

 

Ses fenêtres sont occultées et une machine à bruit blanc fonctionne 24 heures sur 24 au-dessus de sa porte, de sorte qu’il ne peut même pas crier à travers. Ces conditions sont plus dures que celles de Guantanamo.

 

Mais la répression transnationale se fait aussi par le biais de procédures judiciaires abusives. L’absence de mesures de protection efficaces contre ce phénomène signifie que l’Europe est vulnérable à un détournement de ses traités d’entraide judiciaire par des puissances étrangères pour s’en prendre aux voix dissidentes en Europe. Dans les mémoires de Michael Pompeo, que j’ai lues dans ma cellule, l’ancien directeur de la CIA se vante d’avoir fait pression sur le procureur général des États-Unis pour qu’il engage une procédure d’extradition contre moi en réponse à nos publications sur la CIA.

 

En effet, accédant aux demandes de Pompeo, le ministre de la Justice des États-Unis a rouvert l’enquête contre moi qu’Obama avait clôturée et a de nouveau arrêté Manning, cette fois en tant que témoin, et elle a été détenue en prison pendant plus d’un an, avec une amende de 1,000 dollars par jour, dans une tentative officielle de la contraindre à fournir un témoignage secret contre moi. Elle a fini par tenter de se suicider.

 

On pense généralement à des tentatives visant à forcer des journalistes à témoigner contre leurs sources. Mais Manning était désormais une source forcée de témoigner contre le journaliste.

 

En décembre 2017, le directeur de la CIA Pompeo a obtenu gain de cause et le gouvernement américain a émis un mandat d’extradition au Royaume-Uni. Le gouvernement britannique a gardé le mandat secret pendant deux ans, tandis que lui-même, le gouvernement américain et le nouveau président de l’Équateur s’efforçaient de définir les motifs politiques, juridiques et diplomatiques de mon arrestation.

 

Lorsque des nations puissantes se sentent en droit de prendre pour cible des individus au-delà de leurs frontières, ces individus n’ont aucune chance de s’en sortir à moins que des mesures de protection solides ne soient mises en place et qu’un État soit disposé à les faire respecter. Aucun individu n’a l’espoir de se défendre contre les vastes ressources qu’un État agresseur peut déployer.

 

Comme si la situation n’était pas déjà assez mauvaise, dans mon cas, le gouvernement américain a adopté une nouvelle position juridique mondiale dangereuse. Seuls les citoyens américains ont le droit à la liberté d’expression. Les Européens et les autres nationalités n’ont pas ce droit, mais les États-Unis affirment que leur loi sur l’espionnage s’applique à eux, où qu’ils se trouvent. Les Européens en Europe doivent donc obéir à la loi américaine sur le secret sans aucune défense.

 

Pour le gouvernement américain, un Américain à Paris peut parler de ce que fait le gouvernement américain. Peut-être, mais pour un Français à Paris, le faire est un crime sans défense. Et il peut être extradé, tout comme moi.

 

Criminalisation de la collecte d’informations

 

Maintenant qu’un gouvernement étranger a officiellement affirmé que les Européens n’avaient pas le droit à la liberté d’expression, un précédent dangereux a été créé. D’autres États puissants suivront inévitablement l’exemple. La guerre en Ukraine a déjà vu la criminalisation des journalistes en Russie. Mais si l’on se base sur le précédent établi par mon cas, rien n’empêche la Russie ou tout autre État de cibler les journalistes, les éditeurs ou même les utilisateurs des réseaux sociaux européens en prétendant que leurs lois nationales sur le secret professionnel ont été violées.

 

Les droits des journalistes et des éditeurs au sein de l’espace européen sont gravement menacés.

 

La répression transnationale ne peut pas devenir la norme. En tant que l’une des deux grandes institutions mondiales chargées de définir les normes, l’APCE doit agir.

 

La criminalisation des activités de collecte d’informations constitue une menace pour le journalisme d’investigation partout dans le monde. J’ai été formellement condamné par une puissance étrangère pour avoir demandé, reçu et publié des informations véridiques sur cette puissance. Alors que je me trouvais en Europe.

 

La question fondamentale est que les journalistes ne devraient pas être poursuivis pour avoir fait leur travail. Le journalisme n’est pas un crime. C’est un pilier d’une société libre et informée.

 

Monsieur le Président, distingués délégués, si l’Europe veut avoir un avenir où la liberté de parole et la liberté de dire la vérité ne soient pas des privilèges réservés à quelques-uns, mais des droits garantis à tous, alors elle doit agir. Pour que ce qui m’est arrivé n’arrive jamais à personne d’autre.

 

Je tiens à exprimer ma plus profonde gratitude à cette assemblée, aux conservateurs, aux sociaux-démocrates, aux libéraux, à la gauche, aux écologistes et aux indépendants qui m’ont soutenu tout au long de cette épreuve et aux innombrables personnes qui ont milité sans relâche pour ma libération. Il est encourageant de savoir que dans un monde souvent divisé par l’idéologie et les intérêts, il existe toujours un engagement commun en faveur de la protection des libertés humaines essentielles.

 

La liberté d’expression et tout ce qui en découle se trouvent à une croisée des chemins dangereuse. Je crains que si des institutions comme l’APCE ne prennent pas conscience de la gravité de la situation, il ne soit trop tard. Engageons-nous tous à faire notre part pour garantir que la lumière de la liberté et de la quête de la vérité perdurent et que les voix du plus grand nombre ne soient pas réduites au silence par les intérêts d’une minorité.

 

Julian Assange

 

Traduction "I’m back" par Viktor Dedaj avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

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https://www.legrandsoir.info/je-suis-libre-parce-que-j-ai-plaide-coupable-de-journalisme.html

 

 

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29 septembre 2024 7 29 /09 /septembre /2024 20:51

 

 

Le Pape entre deux mondes

 

La visite du Pape François en Belgique en cette fin du mois de septembre a réveillé des polémiques qu’on pensait à tort enterrée.

 

Depuis les accords de Latran de 1929 entre le Pape Pie XI et le Premier ministre du Royaume d’Italie, Benito Mussolini, le Souverain Pontife a un statut de chef d’Etat en plus de celui de chef de l’Eglise catholique apostolique romaine. En venant en Belgique, il a joué de ces deux statuts, le temporel comme le spirituel.

 

Le Pape François était attendu sur le drame des abus sexuels dans l’Eglise catholique qui ont fait l’objet de procès en Justice, d’une commission d’enquête parlementaire et aussi de polémiques au sein de l’Eglise belge.  De nombreuses victimes ont exigé de rencontrer le Pape et de savoir les mesures qu’il comptait prendre face à ce fléau.

 

 

L'arrivée du Pape François à Bruxelles entouré du très dévot couple royal

L'arrivée du Pape François à Bruxelles entouré du très dévot couple royal

 

 

S’il tint des propos forts à l’égard des crimes commis par des prêtres et des hiérarques de l’Eglise, s’il intima l’ordre de les dénoncer, il ne fit allusion à la Justice des hommes en la matière, la seule qui puisse soulager les victimes de leur souffrance.

 

En matière d’IVG, il se permit d’attaquer la loi de dépénalisation partielle de l’avortement – ce qui est une ingérence inadmissible pour un chef d’Etat – et il alla jusqu’à qualifier les médecins pratiquant l'IVG de « tueurs à gage » !

 

Enfin, il annonça lors de la messe de clôture de sa visite en Belgique, qu’il allait entamer un procès de béatification du roi Baudouin, ce roi qui avait refusé en infraction avec la Constitution belge de promulguer la loi de dépénalisation partielle de l’avortement.

 

Le Centre d’action laïque a fermement condamné cette attitude du Chef de l’Eglise catholique. Certes, il y a manifestement une atteinte au principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Cependant, on ne pouvait s’attendre à autre chose de la part du Pape François. Tout cela, en définitive, est un combat suranné. L’Eglise catholique n’a plus la force de s’imposer dans la société belge, malgré la dévotion affichée de la famille royale belge bien affaiblie par quelques dérives et son inadaptation à la société actuelle.

 

Nous dirons simplement aux militants laïques : attaquez vous à des dangers majeurs comme, par exemple, l’inquiétant renforcement de l’église évangélique un peu partout dans le monde et aussi en Europe.

 

 

Cela se passe près de chez vous !

 

Intolérable ! Dans une commune de la Région de Bruxelles capitale, le CPAS (Centre Public d’Aide Sociale) n’a plus les moyens de distribuer du lait en poudre pour les nourrissons des « Mamans solos », ou mères célibataires dans le jargon des travailleurs sociaux. L’échevine des Affaires sociales a été contrainte d’organiser des collectes et des brocantes pour pallier ce besoin vital !

 

Non, nous ne vivons plus dans une société « civilisée » et prétendument « d’abondance ». Nous assistons à la déliquescence de la solidarité. Luttons pour la solidarité qui, dans ce cas-ci, comme dans bien d’autres, est vitale.

 

Israël ne tirera aucun bénéfice de la mort de Hassan Nasrallah.

 

Il aura fallu détruire tout un quartier du Sud de Beyrouth pour éliminer le dirigeant du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah.

 

La politique binaire de Netanyahu de « lutte entre le bien et le mal » comme il l’a exposé dans son discours à l’Assemblée générale de Nations Unies ne mènera qu’à une guerre sans fin que l’Etat d’Israël finira par payer très cher. En tuant le chef du Hezbollah après le fameux « coup de génie » des Beepers et talkie walkies explosifs, selon Monsieur GLOUB, et après avoir tué le dirigeant du Hamas négociateur aux pourparlers du Caire, l’Etat hébreu élimine des interlocuteurs chez ses adversaires. Or, l’histoire a montré qu’un état de guerre permanent finit par coûter très cher au principal protagoniste.

 

L'assassinat de Hassan Nasrallah ne servira en rien la cause de la paix.

L'assassinat de Hassan Nasrallah ne servira en rien la cause de la paix.

 

D’ailleurs, dans un tel schéma, Israël sera sans doute victime d’actes terroristes de grande ampleur et ce sera le cercle vicieux, si ce ne l’est déjà.

 

Laissons la conclusion au « Monde » du 28 septembre :

 

« M. Netanyahou est apparu en homme qui s’enferme dans le déni. Déni des souffrances infligées aux civils de Gaza, terreau inévitable de futures haines et vengeances palestiniennes. Déni de la dégradation catastrophique de l’image d’Israël dans le monde, le premier ministre accusant même l’Iran de payer les manifestants à l’extérieur du siège de l’ONU. Déni des priorités arabes, la plus cruciale pour l’Egypte, l’Arabie saoudite ou le Qatar étant un cessez-le-feu à Gaza, puis un Etat palestinien. Déni, enfin, de la question politique palestinienne. Il y a un an, le premier ministre israélien se réjouissait du renversement dialectique, consistant à ne plus faire de cette question lancinante un préalable à la normalisation régionale. Cette fois, Benyamin Netanyahou ne l’a même plus citée. »

 

Joyeuses perspectives !

 

Le fiasco de l’Union européenne en Afrique

 

L’hebdomadaire parisien « Le Point » rapporte dans son édition du 26 septembre 2024 l’échec catastrophique de la politique migratoire de l’UE qui avait mis au point un mécanisme financier destiné à remédier à la crise migratoire de 2015.

 

Le FFU pour l’Afrique vise à répondre aux situations de crise touchant trois régions d’Afrique : le Sahel et le Lac Tchad, la Corne de l’Afrique et l’Afrique du Nord. Il favorise la stabilité et contribue à une meilleure gestion des migrations et à la lutte contre les causes profondes des phénomènes de déstabilisation, de déplacements forcés et de migration irrégulière dans 27 pays. À la fin de 2023, sur la dotation de 5 milliards d’euros du FFU pour l’Afrique, 4 508 millions d’euros avaient été déboursés. Mais quasi en pure perte !

 

« Dans un rapport cinglant, la Cour des comptes européenne dévoile l'ampleur du fiasco du Fonds fiduciaire d'urgence de l'UE pour l'Afrique (FFU). Ce mécanisme censé endiguer la crise migratoire de 2015 se révèle être un gouffre financier de 5 milliards d'euros, jonché d'incompétences et d'absurdités. L'enquête menée sous la direction de Bettina Jakobsen est accablante. »

 

Voici l’exemple même de la technocratie kafkaïenne : En Ethiopie, dans le cadre du FFU, on distribue à des écoles des mixeurs alors qu’il n’y a pas d’électricité !

 

Pensez-vous devant pareille absurdité que les responsables de ce FFU se remettent en question ? Que nenni !

 

« La Commission s'enorgueillit d'avoir créé 14 028 emplois. Le chiffre est évidemment gonflé. En Gambie, les auditeurs ont débusqué des bénéficiaires fantômes, recevant deux fois la même aide pour des projets avicoles inexistants. Plus grave encore, le FFU ferme les yeux sur les atteintes aux droits humains. Aucune procédure de signalement, aucun suivi. En Libye, les centres de détention financés par l'UE restent des boîtes noires, inaccessibles même aux auditeurs (Tiens ! On finance des centres de détention en Libye, pays exemplaire en matière de Droits humains et de respect des migrants, comme chacun sait !). Qui gère ces lieux après leur fermeture officielle ? Mystère. »

 

Le rapport de la Cour des comptes européennes établit :

 

« Nous avions réalisé un premier audit de la performance du FFU pour l’Afrique en 2018, à savoir peu après sa création et à un moment où les projets en étaient donc encore à un stade précoce. Nous avions conclu qu’il s’agissait d’un instrument souple, mais pas assez ciblé. Aux fins de l’audit objet du présent rapport, nous avons procédé au suivi des recommandations que nous avions formulées en 2018 et avons constaté qu’elles avaient été partiellement mises en œuvre.

 

Nous avons également examiné si le FFU pour l’Afrique avait centré son aide sur la réalisation de ses objectifs tout en tenant dûment compte de la question du respect des droits de l’homme. Nous avons constaté que le soutien n’a pas été suffisamment ciblé dans la mesure où il a été octroyé à un trop grand nombre d’actions humanitaires, de développement et de sécurité. En outre, l’exactitude et la durabilité des résultats déclarés ne sont pas satisfaisantes, et les risques pour les droits de l’homme n’ont pas été traités dans leur globalité. »

 

C’est accablant ! La légèreté avec laquelle ce FFU a travaillé, le mépris évident à l’égard des autorités et des populations locales, le non-respect des Droits humains montrent combien il est temps que les institutions européennes soient réformées de fond en comble et ses dirigeants confrontés à leurs responsabilités.

 

Le Parlement européen s’est saisi de cette affaire. On verra !

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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25 septembre 2024 3 25 /09 /septembre /2024 09:59

 

 

Ce lundi 16 septembre a vu deux événements importants au sein de l’Union européenne.

 

Le premier au sommet et le second à la base.

 

Un Breton gênant

 

Au sommet, dans le cadre de la composition de la nouvelle Commission, la Commission von der Leyen II, le Commissaire européen français au marché intérieur et au numérique, le banquier et entrepreneur Thierry Breton désigné pour rempiler par le président Macron démissionne avec fracas avant d’être officiellement proposé par la présidente. Il motive son retrait dans une lettre sans ambiguïté à Ursula von der Leyen :

 

« Il y a quelques jours, dans la toute dernière ligne droite des négociations sur la composition du futur Collège, vous avez demandé à la France de retirer mon nom − pour des raisons personnelles qu’en aucun cas vous n’avez discutées directement avec moi − et proposé, en guise de compromis politique, un portefeuille prétendument plus influent pour la France au sein du futur Collège (…)  A la lumière des derniers développements − qui témoignent une fois de plus d’une gouvernance douteuse − je dois conclure que je ne peux plus exercer mes fonctions au sein du Collège ».

 

 

 

L'ex-commissaire Thierry Breton a effectué un départ fracassant.

L'ex-commissaire Thierry Breton a effectué un départ fracassant.

 

 

« Une gouvernance douteuse ». Voilà donc une accusation très grave ! Il est vrai que plusieurs questions se posent au sujet de la gestion de la crise du COVID par la présidente de la Commission européenne et aussi de ses liens avec la multinationale pharmaceutique Pfizer qui fait l’objet de plaintes diverses en Justice, plaintes qui ne semblent pas avoir un suivi sérieux. On ignore d’ailleurs si elles sont fondées… Comme cette charmante dame est bien protégée !

 

Cependant les cinq premières années de la présidence von der Leyen ont été marquées par des actions outrepassant ses compétences. Ainsi, son interventionnisme dès le début de la guerre d’Ukraine a empêché une véritable action de l’Union européenne qui aurait sans doute permis d’arbitrer ce conflit qui date de bien avant l’agression russe de février 2022. La livraison massive d’armes à Kiev ne relève pas non plus du rôle de l’UE. Ce jusqu’auboutisme a pour conséquence d’affaiblir l’Europe au plus grand profit de l’atlantisme occidental qui ne peut que profiter aux Etats-Unis et au renforcement de la politique des « blocs » qui ne contribue en rien à la paix. Un autre exemple fut après le 7 octobre 2023 le soutien inconditionnel de Madame von der Leyen au gouvernement Netanyahou en se rendant en visite à Jérusalem sans avoir averti et consulté ses pairs. Sur le plan de l’Union européenne, elle contraint plusieurs Etats-membres dont la France et la Belgique à prendre des mesures drastiques contre les « déficits excessifs » alors qu’au contraire, il faut soutenir l’investissement pour un redressement économique des pays de l’UE.

 

Cet unilatéralisme néoconservateur de la Présidente de la Commission ne peut qu’être nuisible. Et elle rempile pour cinq années !

 

 

Ursula von der Leyen rempile pour cinq années. C'est un blanc seing pour qu'elle outrepasse ses compétences au détriment de l'UE et de ses institutions.

Ursula von der Leyen rempile pour cinq années. C'est un blanc seing pour qu'elle outrepasse ses compétences au détriment de l'UE et de ses institutions.

 

 

Cependant, au-delà de l’évidente équation personnelle entre Thierry Breton et Ursula von der Leyen, il y a une divergence fondamentale : la question de la souveraineté.

 

Selon le « Monde » du 16 septembre : « Pour Emmanuel Macron, qui échange souvent par SMS avec Thierry Breton, l’ancien ministre de l’Économie de Jacques Chirac présente l’avantage d’être en phase avec son agenda de souveraineté européenne. Le reconduire, alors qu’il n’entretient pas les meilleures relations avec Mme von der Leyen, « c’est aussi, pour le président, un moyen de la marquer à la culotte », juge un diplomate européen. Si l’ex-ministre d’Angela Merkel s’est jusqu’ici montrée très francophile, elle pourrait en effet, au vu du résultat des élections européennes et à l’approche du scrutin fédéral allemand de 2025, être, à l’avenir, plus conservatrice et plus sensible aux desiderata de Berlin que lors de son premier mandat. »

 

Thierry Breton n’est pas le capitaliste néolibéral se limitant à la dimension financière de l’économie. Il est aussi un industriel. Avant d’être commissaire européen, il fut le dirigeant de l’entreprise transnationale Atos spécialisée dans le numérique, secteur essentiel pour l’avenir industriel de l’Europe. Si ses méthodes ne sont guère orthodoxes et ne tiennent guère compte de la dimension sociale, il faut lui reconnaître une efficacité sans pareil et aussi un comportement… peu diplomatique.

 

 

Elon Musk, le nouvel ami de Donald Trump, dans le collimateur de Thierry Breton au grand dam de Ursula von der Leyen !

Elon Musk, le nouvel ami de Donald Trump, dans le collimateur de Thierry Breton au grand dam de Ursula von der Leyen !

 

 

Ainsi, récemment, il a écrit une lettre d’avertissement au milliardaire étatsunien grand « ami » de Trump, Elon Musk, sur le risque de sanction qu’il prendrait en se mettant en infraction avec le règlement sur le numérique que Breton lui-même a mis au point et qui est le premier régulateur au monde en la matière. Cela n’a guère plu à Ursula qui reproche à son bouillant commissaire d’intervenir dans la campagne électorale US !

 

Cet incident montre qu’une fois de plus les institutions européennes sont au service des intérêts des grandes entreprises transnationales et se moquent de l’avenir industriel de l’Europe. Avenir industriel qui implique une souveraineté européenne à l’égard des Etats-Unis comme de la Chine. On est loin du compte comme on le verra plus loin !

 

Audi Brussels

 

À la base, l’événement fut la grande manifestation européenne pour le sauvetage d’Audi Bruxelles. Cette usine qui appartient au groupe allemand Volkswagen est menacée de fermeture. La direction qui a refusé au départ toute concertation sociale a procédé à une sorte de « lock out » qui a surpris les travailleurs.

 

 

L'entrée de l'usine Audi Brussels à Forest lez Bruxelles

L'entrée de l'usine Audi Brussels à Forest lez Bruxelles

 

 

Voiture électrique. Enjeu climatique, industriel ou financier ? C’est tous les trois en même temps. Mais c’est avant tout un rapport de forces économiques entre l’Union européenne d’une part et les Etats-Unis et la Chine d’autre part. Et l’UE est loin d’être gagnante. Et ce sont les travailleurs qui payent les pots cassés.

 

D’ailleurs, une solidarité internationale est en train de s’élaborer sur ce conflit. Même des travailleurs étatsuniens se solidarisent avec ceux d’Audi Brussels.

 

 

 

Une délégation de travailleurs US du secteur automobile s'est rendue auprès de leurs camarades d'Audi Brussels. La véritable Internationale des travailleurs !

Une délégation de travailleurs US du secteur automobile s'est rendue auprès de leurs camarades d'Audi Brussels. La véritable Internationale des travailleurs !

 

 

L’idiot du village mondial

 

Dans son édition du 9 septembre dernier, le quotidien conservateur belge « La Libre Belgique » publie un très intéressant article du journaliste économiste Raphaël Meulders intitulé « L’Europe ne veut pas être « l’idiot du village mondial : A un horizon raisonnable on va souffrir. ». Il y est constaté :

 

« Le chiffre a de quoi interpeller. Sur les 50 plus grandes entreprises technologiques au monde, seules quatre sont européennes. Le Vieux continent a rarement si bien porté son nom. Pas d'Alibaba, de Tesla ou d'Apple européen. Le continent est aussi à la traîne dans l'intelligence artificielle qui s'annonce comme une révolution des modèles économiques de demain. Quel est le problème ? Les universités européennes restent pourtant parmi les meilleures au monde, les start-up innovantes sont également nombreuses. Mais c'est au moment de la concrétisation, du passage à grande échelle que le bât blesse.

 

L'Europe n'a pas réussi à créer l'environnement légal, fiscal et régulateur permettant l'émergence de très grands champions technologiques, analyse Eric Dor, professeur en économies à l'IÉSEG, école de Commerce à Paris et Lille. De nombreuses start-up européennes partent se développer aux États-Unis où elles peuvent également trouver du capital à risques qu'elles n'ont pas en Europe". Le Vieux continent a pris du retard, surtout sur les deux grands autres blocs économiques du monde, à savoir la Chine et les États-Unis. »

 

Ce qui démontre que les institutions européennes gangrénées par l’idéologie néolibérale et aussi la schizophrénie institutionnelles – c’est-à-dire une rivalité entre un pouvoir supranational représenté par la Commission et un pouvoir intergouvernemental représenté par le Conseil – sont incapables d’imposer une politique industrielle.

 

La Chine est l’atelier du monde.

 

Une autre cause se trouve dans les fameux traités de libre-échange. C’est le dogme européen qui a suivi la crise financière de 2008. Ouvrir les frontières, éradiquer le protectionnisme et considérer qu’être souverain consiste à un repli sur soi. En réalité, on se trouve dans un jeu à trois : Etats-Unis, Chine et Union européenne. C’est cette dernière qui est le dindon de la farce ! On se souvient d’ailleurs de l’avertissement du président de la Commission européenne de 1999 à 2004, l’Italien Mario Prodi : « La Chine est devenue l’atelier du monde. » On n’en a manifestement pas tenu compte.

 

 

Mario Prodi, président de la Commission de 1999 à 2004 avait vu juste avant tout le monde.

Mario Prodi, président de la Commission de 1999 à 2004 avait vu juste avant tout le monde.

 

 

 

Comme le dit Eric Dor :

 

« On a appliqué avec naïveté le catéchisme du libre-échange intégral sans tenir compte du fait que les dés étaient parfois pipés chez nos principaux partenaires commerciaux."

 

Dans ce jeu à trois, c'est la Chine qui a lancé les hostilités, avec, dès 2015, différents plans à long terme dont celui nommé "Made in China 2025". À l'époque, la Chine se rend compte qu'être l'usine du monde pour des produits à bas prix risque vite de se retourner contre elle. La production de ce type de biens commence ainsi déjà à partir vers des pays d'Asie aux plus bas salaires. « Pékin a décidé de créer une économie duale : fermée sur la Chine mais ouverte sur le monde »explique Tanguy Struye de Swielande. Le gouvernement chinois mise aussi toute sa politique économique sur deux axes fondamentaux pour la suprématie économique mondiale, à savoir la technologie et les matières premières. Et n’oublions pas la fameuse route de la soie qui a permis à l’Empire du Milieu de tisser un réseau de routes commerciales unique au monde.

 

La classe moyenne US vs le Parti communiste chinois

 

Quant aux Etats-Unis, selon Tanguy Struye de de Swielande, professeur en relations internationales à l'UCLouvain, ils emboîtent rapidement le pas de Pékin sous la fin de l'administration du président Obama. Le bras de fer est lancé. « Il y a une forte volonté américaine de ramener sur leur sol, tout ce qu'ils ont délocalisé en Chine », poursuit le professeur de l'UCLouvain. « C'est un concept officiel : la politique américaine étrangère est désormais réalisée en fonction de la classe moyenne américaine, celle qui a le plus souffert et a été abandonnée durant toutes les crises précédentes. Obama a commencé avec ce principe et il a été suivi par Trump et Biden. Même si les styles et politiques sont différents, la logique est la même : protéger les emplois américains face à la Chine. » Selon le professeur, les protectionnistes américains et chinois sont sensiblement différents. « Les grandes entreprises chinoises sont toutes contrôlées par le parti communiste. Elles ont une marge de manœuvre très limitée ; là où il y a parfois des tensions entre le gouvernement américain et les multinationales US qui peuvent percevoir le protectionnisme comme un frein à leurs bénéfices ».

 

Quant à l’Europe, si la mondialisation lui fut au départ, avantageuse, notamment en exportant sa haute technologie et en important de Chine des produits à bas prix, celle-ci l’a rattrapée, même dépassée. C’est le vieux continent qui importe massivement les produits de la technologie chinoise.

 

En matière énergétique, depuis la guerre d’Ukraine, c’en est fini du gaz à bon marché que l’Allemagne entre autres importait de Russie pour son industrie automobile. Grâce à Ursula von der Leyen, l’Europe est contrainte d’importer du gaz en provenance des Etats-Unis et d’Azerbaïdjan au détriment du peuple arménien à un prix bien plus élevé et la Russie parvient à contourner les sanctions européennes en exportant son gaz vers l’Europe via des voies détournées, mais là aussi, à un coût bien plus élevé. Quant aux énergies « renouvelables », l’Europe est inondée d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques en provenance de Chine !

 

Si on écoute MM. Dor et Tanguy Struye de Swielande,  la transition énergétique européenne patine. « On est passé d'une dépendance à une autre. L'Europe n'est pas compétitive sur le renouvelable et doit importer massivement de Chine des panneaux solaires, batteries, éoliennes ».  Récemment, le marché de l'automobile électrique a été inondé de véhicules bon marché et supposément subsidiés par la Chine, mettant en difficultés les constructeurs européens. « La Chine a été plus dynamique, via notamment une politique assumée de défense de ses champions nationaux et en faisant aussi fi des règles du commerce international », poursuit M. Dor. C’est une des causes principales de la catastrophe industrielle et sociale de l’usine Audi Brussels et de la fermeture en Allemagne de deux usines Volkswagen.

 

 

L’écologie contre la compétitivité

 

Autre retard, celui des matières premières devenues stratégiques pour la construction de matériel de haute technologie « En Europe, on est dans l'idée du Nimby ("Not in my backyard"), pas de pollution chez moi. On ne veut pas exploiter de nouvelles mines », avance Tanguy Struye de Swielande. On est donc obligés d'aller voir ailleurs. Ce n'est pas mon point de vue, mais beaucoup d'analystes disent aussi que le Green deal est un frein européen. Les normes sont tellement strictes, qu'on perd en compétitivité ». Et Eric Dor de rajouter : « On est en concurrence frontale avec des normes sociale et environnementale plus faibles. » L'accès au capital est aussi compliqué en Europe d'où la nécessité d'achever l'union des marchés des capitaux, sans oublier cependant la question sociale, car il n’est pas question de céder en ce domaine.

 

 

Ainsi, la faiblesse de l’Union européenne est catastrophique. Cependant, certaines réponses commencent à être esquissées. Cela fera l’objet de notre prochain article consacré au rapport Draghi.

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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19 août 2024 1 19 /08 /août /2024 09:39

 

 

Disparition d’Alain Delon

 

Un acteur de valeur dont je ne partage pas les valeurs… Alain Delon était incontestablement un des plus grands acteurs français. Sa vie mouvementée correspondait à son personnage. Cependant, il adhérait aux idées de l’extrême-droite tout en ne s’y étant jamais engagé. Il fréquentait aussi des milieux interlopes et il fut mêlé à un scandale qui tentait de salir l’épouse de l’ancien président Pompidou.

 

 

 

Alain Delon n'hésitait pas à fréquenter Jean-Marie Le Pen avec qui il entretenait manifestement d'excellentes relations.

Alain Delon n'hésitait pas à fréquenter Jean-Marie Le Pen avec qui il entretenait manifestement d'excellentes relations.

 

 

 

Le crédit privé : la folie de l’ultralibéralisme

 

La presse financière dont le quotidien belge « l’Echo » s’inquiète de l’important développement de ce qu’on appelle le crédit privé.

 

Kesako ?

 

Pour comprendre, d’abord un peu d’histoire.

 

La crise financière qui a commencé non pas en 2008, mais en 1971 quand Nixon, au vu du colossal déficit américain, mit fin à la convertibilité du dollar, rompant ainsi unilatéralement les accords de Bretton Woods pris à la fin de la Deuxième guerre mondiale.

 

À partir de ce moment, la société occidentale vécut sur le crédit. Les Etats s’endettèrent. On força les pays du Tiers-monde à recourir encore plus à l’emprunt via la Banque mondiale. D’abord, l’économie s’emballa, puis elle connut petit à petit une récession à cause de l’augmentation des prix du pétrole et des matières premières qu’on compensa par un recours de plus en plus massif au crédit. Les déficits publics commencèrent à prendre des proportions inquiétantes. C’est alors que l’on recourut à la politique de l’offre, ou au néolibéralisme. Ce furent les années Reagan – Thatcher. Ce fut le début du dégraissage de la sécurité sociale, le blocage des salaires, la réduction des dépenses publiques, les privatisations, les compressions des coûts, notamment par les délocalisations. Une véritable entreprise de désindustrialisation de l’Europe, de démantèlement de la puissance publique, d’exploitation du Tiers-monde fut lancée. La chute des démocraties populaires et de l’Union soviétique accéléra ce mouvement. Ce fut aussi le « choc des civilisations » qui servit de prétexte à une offensive américaine au Moyen-Orient et en Asie occidentale pour le contrôle des réseaux amenant le pétrole et le gaz naturel en « Occident ».

 

 

Tout cela s’est accompagné d’une offensive idéologique. Les médias atterrirent entre les mains des grands groupes financiers qui orientèrent le contenu rédactionnel vers les « valeurs » du néolibéralisme et la critique de l’Etat. Les intellectuels devinrent les prêcheurs de l’idéologie nouvelle. Les universités formèrent des jeunes élites tout à fait acquises aux nouvelles normes de pensée. On prenait prétexte du terrorisme pour restreindre les libertés. On aboutissait ainsi à la « fin de l’histoire » : une société libérale qui règne sur le monde entier.

 

Mais, cela ne s’est finalement pas déroulé comme prévu. Le système s’est grippé. Le crédit ne pouvait durer une éternité. Comme toujours, la facture finit par arriver.

 

En 2008, le point de déséquilibre fut atteint. Ce furent d’abord les fameuses bulles : la bulle Internet – on a investi dans du vent, c’est-à-dire les prévisions d’un éclatement des ventes de produits courants via la toile – suivie des bulles immobilières, des bulles des actifs. En clair, un formidable mouvement de ventes et d’achats d’entreprises, d’immeubles de toutes sortes s’est déclenché au début des années 2000 sans qu’il y ait compensation réelle, puisqu’on payait via du crédit, autrement dit du papier-monnaie créé par les organismes financiers privés. Désormais, battre monnaie n’est plus un droit régalien.

 

Cependant, ce furent les Etats qui sauvèrent les banques en les renflouant. Le système était sauvé ! Mais, l’endettement public – particulièrement celui des Etats-Unis – s’est dangereusement accru. La croissance a repris, mais la casse sociale s’est poursuivie et la puissance publique est victime du désinvestissement. Cependant, seize ans après, on reste à la merci d’une nouvelle bulle. C’est ce que craint Xavier Vlassenbroek dans le journal l’Echo (édition électronique du 16 août 2024).

 

« Dans l'ombre du système bancaire, le marché du crédit privé ne cesse de croître. Tout comme les préoccupations des régulateurs, qui y voient un nouveau risque majeur pour la stabilité financière. En particulier si une récession devait se matérialiser.

 

Les actifs cotés en bourse, tels que les actions et les obligations, constituent généralement l'essentiel du portefeuille des investisseurs particuliers, que ce soit au travers de leur banque, leur courtier en ligne ou leurs fonds de placement. S'y ajoutent, en faible proportion, des devises étrangères, ou quelques actifs "alternatifs", comme des investissements dans des infrastructures, de l'immobilier ou encore des matières premières.

 

Les gros bonnets tels que les fonds de pension, les compagnies d'assurance, les hedge funds ou les family offices, eux, ont depuis longtemps compris qu'il y avait aussi de l'argent à se faire sur les marchés dits "privés". Il s'agit là d'actifs qui ne sont pas cotés en bourse, dont les prix fluctuent de manière discontinue, et qui ne sont habituellement accessibles qu'aux investisseurs institutionnels.

 

D'après McKinsey & Company, les marchés privés pesaient 13.100 milliards de dollars à la mi-2023, forts d'une croissance de 20% par an en moyenne depuis 2018.

D'après la firme de consultance McKinsey & Company, les marchés privés pesaient 13.100 milliards de dollars à la mi-2023, forts d'une croissance de 20% par an en moyenne depuis 2018. En avril dernier, le cabinet d'audit EY évaluait même ce chiffre à 24.400 milliards de dollars.

L'énorme écart entre ces valorisations s'explique par la difficulté d'évaluer, de recenser et de catégoriser ces actifs, qui n'ont une valeur "de marché" que lorsqu'une transaction (confidentielle) est révélée. »

 

 

 

Le spectre de la crise financière reste dans les esprits.

Le spectre de la crise financière reste dans les esprits.

 

 

 

Comment fonctionne ce système de crédit privé utilisé par des sociétés d’investissement ?

 

« Le fonctionnement de ces firmes est assez simple. Elles lèvent de l'argent auprès d'investisseurs institutionnels, puis l'utilisent pour acquérir des participations dans des entreprises sous-évaluées ou ayant besoin de restructuration. Ces rachats sont souvent aussi financés par un endettement important, maximisant l'effet de levier. Le but est ensuite de transformer la société pour la rendre plus rentable, afin de revendre la participation après quelques années, avec une plus-value.

En bourse, la valorisation de ces firmes de private equity ne découle donc pas directement de leurs participations, comme c'est le cas des holdings, mais bien de leurs performances opérationnelles. Ces dernières dépendent des frais de gestion annuels payés par les investisseurs institutionnels qui placent leur argent dans leurs fonds, et des profits réalisés sur les plus-values à la vente de participations. C'est ainsi que le groupe CVC Capital Partners, entré à la Bourse d'Amsterdam en avril, est valorisé environ 19 milliards d'euros, mais gère plus de 193 milliards d'actifs, allant de participations dans le prestataire de services de ressources humaines SDWorx, au réseau électrique grec, en passant par les thés Lipton. »

 

Ainsi, nous sommes à nouveau à la merci d’un crash aux conséquences économiques et sociales incalculables. La « mini crise boursière » du début août sur les surinvestissements dans la fameuse « Intelligence artificielle » est sans doute un avertissement. Marx disait que le capitalisme vivait de ses contradictions. Là-dessus, il avait raison !

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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