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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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25 octobre 2020 7 25 /10 /octobre /2020 14:11

 

 

 

La deuxième vague de coronavirus provoque à nouveau un bouleversement de la société, cette fois avec encore plus de cafouillage que la première. Cependant, on s’aperçoit enfin que ces mesures prises dans la panique manifeste des autorités ont des conséquences particulièrement néfastes sur le plan social. On n’en avait peu parlé pendant la « première vague », aujourd’hui, c’est flagrant.

 

La population la plus précaire est la plus durement frappée par la pandémie.

 

Comme l’écrit Ludovic Lamant dans le numéro de « Mediapart » du 23 octobre 2020 : « Alors que l’Europe décide dans le désordre des mesures de reconfinement plus ou moins total – couvre-feux en France, en Belgique ou en Italie, bouclages de métropoles en Espagne, déplacements limités à cinq kilomètres en Irlande, autres restrictions sur les déplacements en République tchèque… –, la deuxième vague de l’épidémie de coronavirus risque de renforcer un peu plus les fractures sociales qui traversent le continent. » En effet, la Covid 19 ne frappe pas de manière égale partout. On observe que ce sont comme par hasard les régions et les communes les plus pauvres qui sont touchées.

 

 

 

La tragédie de la Covid - 19 : les vieux et les pauvres sont les plus atteints.

La tragédie de la Covid - 19 : les vieux et les pauvres sont les plus atteints.

 

 

 

« Nos analyses révèlent un lien fort et systématique entre la mortalité causée par l’épidémie et le niveau de pauvreté des communes : les communes dont le revenu médian est inférieur au premier quartile (25 %) de la distribution nationale des revenus ont connu une surmortalité deux fois plus importante que les autres communes. (…) … si la mortalité a nettement augmenté pour tous les types de communes dans les départements fortement infectés (…), cette augmentation est bien plus marquée dans les communes les plus pauvres (…) ; par contraste, la mortalité n’a que très légèrement augmenté en avril 2020 dans les départements peu infectés (en haut) et ce, de manière uniforme entre communes riches et pauvres. (…) Plus précisément, nos analyses montrent que la mortalité a augmenté de 88 % dans les communes les plus pauvres des départements infectés, contre 50 % pour les autres communes de ces départements. L’effet de l’épidémie sur la mortalité est donc quasiment deux fois plus important dans les communes les plus pauvres. »

 

Cette analyse provient d’une étude de post doctorants de l’école d’économie de Paris datant du 5 septembre 2020. (https://legrandcontinent.eu/fr/2020/09/05/une-pandemie-de-la-pauvrete/?mc_cid=e5e846f257&mc_eid=9d9d57a1aa ) Le constat est sans appel : c’est la population la plus précaire qui est la plus durement frappée par la pandémie.

 

Un constat sur le terrain a été effectué par le journal « De Morgen » à Liège rapporté par le PTB (Parti du Travail de Belgique – gauche radicale). En effet, la Médecine pur le Peuple à Herstal est proche de ce parti. Ce reportage est intéressant et révélateur, car il démontre l’attitude du patronat à l’égard des travailleurs confrontés comme tout un chacun au Covid. D’autre part, il met en évidence l’inégalité flagrante devant la pandémie :

 

 

 

La détresse dans les hôpitaux surchargés accroît celle des plus précaires !

La détresse dans les hôpitaux surchargés accroît celle des plus précaires !

 

 

 

« Un grand nombre de personnes issues des milieux précaires obtiennent un résultat positif. »

 

« Liège est au centre de la deuxième vague : aussi les journaux font des reportages de terrain. Dont le quotidien De Morgen qui s'est rendu notamment à Médecine pour le Peuple à Herstal. Extraits :

 

"Afin de mieux comprendre les lieux où les gens sont infectés, Médecine pour le peuple, dans tous ses cabinets, lance une étude de suivi de contacts, explique le psychologue Maxime Coopmans. "Nous appelons les patients tests positifs et leur demandons systématiquement où ils ont été. Le travail ? Le café ? L'école ? Les transports publics ?"

 

Ce qui est frappant, dit Amandine Linotte, coordinatrice de la maison médicale, c'est qu'un grand nombre de personnes issues de milieux précaires obtiennent un résultat positif.  "Ce sont des gens qui vivent dans des maisons plus petites, où il n'est souvent pas possible d'aller en quarantaine."

 

Coopmans fait référence à la grève de début septembre chez AB Inbev à Jupille, où la bière Jupiler est brassée. Lorsque onze des quatre-vingts travailleurs du département logistique ont été victimes d'une infection corona, le reste du personnel a dû insister pour obtenir du matériel de protection et des tests. Après quelques pressions, la direction a cédé, à condition que les tests soient effectués par vagues afin de ne pas compromettre la production.

 

"Nous avons commencé à prélever des échantillons sur une centaine de personnes", explique l'infirmière à Médecine pour le Peuple Lise Jamagne. "L'atmosphère était plutôt intimidante : pendant l'échantillonnage, nous avons reçu des appels téléphoniques de la direction pour demander où se trouvait le personnel. Comme les travailleurs n'ont même pas obtenu leurs résultats après avoir insisté, ils ont entamé une grève de deux semaines.

 

 

Les pauvres coupables par définition !

 

 

"Ce qui me met en colère, c'est que toute la faute est rejetée sur les gens" dit Amandine Linotte. "Depuis sept mois, tout le monde fait tout son possible pour épargner les personnes âgées, occuper les enfants et télétravailler. Dans les établissements de soins, le personnel a dû exiger de travailler avec des masques, des bénévoles ont appelé des personnes qui étaient seules à la maison. Aujourd'hui, ces travailleurs sont montrés du doigt et les nouveaux foyers sont de leur faute, tandis que le gouvernement est négligent. Il n'y a personne dans le cockpit et les mesures manquent de clarté."

 

Jamagne fait un signe de tête. "Après minuit, vous ne pouvez pas sortir pour laisser sortir votre chien, mais en attendant, les bus sont bondés. Qui d'autre peut comprendre cela ? »

 

Ces constats de ces travailleurs soignants de terrain montrent bien que la cause principale de la pandémie se trouve dans les conditions de précarité des classes pauvres.

 

Pandémie et lutte des classes

 

Quelles en sont les causes ?

L’étude « une pandémie de la pauvreté » montre :

 

« Nos analyses révèlent que le surpeuplement des logements comme l’exposition au virus via le marché du travail jouent un rôle déterminant dans la diffusion de l’épidémie et ont un effet important sur la surmortalité liée au COVID-19. Une augmentation de 1 point de pourcentage (pp) de la part des logements surpeuplés est associée à une augmentation de 5,65 pp de la surmortalité liée à l’épidémie. De la même manière, une augmentation de 1 pp de la part des habitants occupant des métiers impliquant des contacts fréquents avec le public est associée à une augmentation de 2,56 pp de la surmortalité liée à l’épidémie. En revanche, l’effet de l’exposition au virus via le marché du travail est légèrement moins prononcé lorsque cette exposition est mesurée par la part des travailleurs clés, suggérant que la diffusion du virus sur le marché de travail avait déjà commencé avant la période de confinement.

 

 

 

Appel de détresse d'un SDF réfugié au Bois de la Cambre à Bruxelles affiché sur le panneau des annonces d'une grande surface : la précarité s'étend.

Appel de détresse d'un SDF réfugié au Bois de la Cambre à Bruxelles affiché sur le panneau des annonces d'une grande surface : la précarité s'étend.

 

 

 

Enfin, nos analyses montrent que la part des logements multigénérationnels est également associée à des niveaux de mortalité bien plus élevés, suggérant que l’effet des mauvaises conditions de logement et de l’exposition sur le marché du travail sur la surmortalité pourrait en partie s’expliquer par la transmission du virus aux personnes âgées (et donc plus vulnérables) par des personnes en emploi vivant sous le même toit. Plus spécifiquement, nous montrons qu’une augmentation de 1 pp de la proportion de logement multigénérationnel est associé à une augmentation de 12 pp de la surmortalité liée à l’épidémie. »

 

Il est donc clair que le logement et les conditions de travail des populations précarisées sont les causes principales de leur contamination bien plus importante que les autres catégories, autrement dit les autres classes sociales.

 

Et nous tombons dans la lutte des classes lorsqu’on analyse comment les autorités réagissent. Les auteurs de l’étude « pandémie de la pauvreté » et des acteurs de terrain réagissent en plaidant pour une nette amélioration des conditions d’hébergement de ces populations.

 

Ludovic Lamant ajoute, prenant le cas de l’Espagne : se référant à une autre étude intitulée « Impact de la pandémie Covid – 19 par revenu : frapper le plus durement les plus démunis ».

 

 

Un Covid des riches et un Covid des pauvres

 

 

« Comme ailleurs en Europe, les quartiers populaires sont les plus touchés. L’une des études les plus sérieuses sur le sujet porte sur la première vague à Barcelone : le district populaire de Nou Barris (revenu moyen annuel, par ménage, à 28 000 euros) a enregistré un taux de 75 cas pour 10 000 habitants de février à avril – contre un taux de 29 cas seulement à Sarrià-Sant Gervasi (revenu moyen au-delà de 65 000 euros).

 

La deuxième vague semble répéter, voire amplifier ce schéma. Depuis fin août, les communes du sud de Madrid – Usera, Puente de Vallecas, Villaverde – sont celles où le virus se répand le plus rapidement. Alors que la circulation du virus exploite les inégalités socio-économiques de la région de Madrid, El País oppose un « Covid de riches » à un « Covid de pauvres ».

 

El Confidencial va plus loin : « Si la première vague frappait les plus âgés, la deuxième frappe les plus démunis. Et aucune restriction d’aucune sorte ne va régler ce problème. » Comment expliquer cette situation ? « Dans les districts à revenu inférieur, les habitants ont des emplois qui, en majorité, ne peuvent être assurés à distance », explique l’universitaire María Grau, coauteure de l’étude sur Barcelone, à InfoLibre. L’impossibilité du télétravail entraîne par exemple un recours plus fréquent aux transports publics, et donc un risque plus élevé d’exposition au virus.

 

À cela s’ajoutent des conditions de travail plus difficiles, par exemple entre ouvriers des abattoirs, ou entre travailleurs précaires, souvent en milieu fermé et à plusieurs. Autres facteurs souvent avancés : la promiscuité des espaces de vie, mais aussi les contraintes du travail informel. « Il ne suffit pas de dire aux gens qu’ils doivent rester en quarantaine, encore faut-il qu’ils aient les moyens de le faire. Personne ne doit se trouver dans une situation où il faut choisir entre sa santé et son emploi », ajoute María Grau. »

 

 

 

La gouverneure de la région madrilène, la post franquiste membre du "Parti Populaire" Isabel  Ayuso Diaz préfère confiner les pauvres !

La gouverneure de la région madrilène, la post franquiste membre du "Parti Populaire" Isabel Ayuso Diaz préfère confiner les pauvres !

 

 

 

Réaction des autorités madrilènes : un confinement sélectif ! La gouverneure de Madrid, Isabel Ayuso Diaz, membre de la tendance droitière du Parti Populaire, a décrété le confinement des quartiers pauvres de la région madrilène, six districts de la capitale et sept communes de la région, soit quelque 885.000 personnes ! Outre cette mesure discriminatoire, un tel confinement dans des conditions de logements précaires et de promiscuité risque d’accroître encore la contamination !

 

La Cour suprême espagnole vient de casser cette décision considérant qu’elle était contraire à l’égalité des citoyens devant la loi. Il reste un brin de démocratie en Espagne !

 

Une nette surmortalité au sein des classes populaires

 

Ludovic Lamant explique in fine : « Des professionnels de la santé continuent de plaider pour des mesures ciblées, mais moins punitives : ils réclament des livraisons de masques pour les plus précaires, ou encore l’installation express des personnes détectées positives dans des chambres d’hôtel individuelles, pour ne pas contaminer le reste du foyer dans ces quartiers populaires. Au-delà, ce sont des chantiers de longue haleine, difficilement compatibles avec la gestion à chaud d’une épidémie, à l’instar de l’amélioration des conditions de vie des travailleurs de l’informel. »

 

En Belgique, particulièrement à Bruxelles, la région la plus touchée du Royaume, c’est le flou ! Les deux communes les plus atteintes sont Anderlecht et Molenbeek. Eh oui ! Molenbeek tant stigmatisée à cause de l’islamisme. Preuve que c’est dans ce terreau de misère que fleurit la plante vénéneuse du fanatisme ! Et aussi que ses habitants sont les moins bien protégés contre la pandémie.

 

Une étude publiée le 14 octobre par un statisticien de Solidaris (la mutualité socialiste) constate, sur l’ensemble du territoire belge, une nette surmortalité au sein des classes populaires. La mortalité a augmenté de 70 % de mars à mai, en comparaison de la même période sur les cinq années précédentes, pour les personnes qui bénéficient du revenu minimum d’insertion contre 45 % pour les autres.

 

Jérôme Vrancken, l’auteur de l’étude, estime que « puisque la surmortalité varie, il faut mettre en place des réponses différenciées, selon les publics, (…). Il faut d’abord mettre au point des messages de santé publique adaptés à tous les publics, il faut ensuite penser chaque décision de la gestion de crise à travers le prisme des inégalités ».

 

Cette opinion fait écho à celle de Joël Girès cité par « Mediapart », qui co-anime par ailleurs un observatoire des inégalités en Belgique : « Jusqu’à présent, c’est une vision très épidémiologico-centrée de la crise qui s’est imposée, et perdure encore, alors que nous avons affaire, aussi, à une crise du logement, à une crise de l’emploi. » Sortir du tout-médical, pour mieux penser la réponse aux quartiers les plus populaires ? Il a fallu qu’une députée libérale au Parlement bruxellois, Alexia Bertrand, proclame qu’il faut cesser de traiter la région bruxelloise de manière homogène et qu’il faut au contraire une gestion de la crise sanitaire quartier par quartier.

 

La misère ou la vie ?

 

Très bien, mais cela doit se faire sans aucune discrimination, car on la voit venir notre Alexia Bertrand ! Les habitants des beaux quartiers pourraient en toute impunité se remplir la panse dans les restos, ceux des quartiers populaires resteraient confinés. Non ! Pas ainsi ! Aussi, des mesures obligatoires de geste barrière et d’interdiction de rassemblements que ce soit dans le secteur Horeca ou dans les secteurs culturels et sportifs sont indispensables pour toutes et tous, mais si on veut à la fois éradiquer cette pandémie et respecter les libertés, il convient qu’un effort considérable soit consenti spécialement dans les zones défavorisées.

 

Des solutions sont possibles et même indispensables, mais elles nécessitent de considérables moyens qu’on a toujours refusés aux habitants de ces quartiers, sinon leur faudra-t-il encore subir la misère pour avoir une faible probabilité de rester en vie ?

 

C’est sur la voie de la solidarité qu’il faut désormais avancer si on veut respecter chaque citoyen et le principe fondamental d’égalité. Syndicats, mutuelles, associations, militants doivent absolument s’y consacrer en priorité et faire pression sur les « politiques » pour qu’ils agissent.

 

 

Pierre Verhas

 

Prochain article sur le sujet : la liberté ou la vie !

 

Post-scriptum

 

Caricatures et laïcité

 

Après le dernier « papier » d’Uranopole qui a été consacré à l’assassinat par un fanatique islamiste du professeur Samuel Paty à Conflans Ste Honorine au Nord-Ouest de Paris, une polémique est née sur les réseaux sociaux Facebook. Je n’ai jamais été « Charlie » pour deux raisons. Cet hebdo a renoncé à son indépendance en acceptant la tutelle d’un homme de pouvoir, Philippe Val qui s’est empressé de virer Siné qui était à mon sens le journaliste et dessinateur qui représentait le mieux ce beau courant anarchiste qui avait débuté avec Hara Kiri, courant qui s’est étiolé peu à peu. La seconde raison touche aux fameuses caricatures que je trouvais choquantes, vulgaires et inutilement provocantes. Je me suis référé à l’opinion du dessinateur belge Philippe Geluck (l’auteur du « Chat ») que je partage entièrement.

 

 

 

 

 

 

 

Là, j’ai été témoin de la manifestation d’un véritable dogmatisme laïque de la part de gens qui se réclament de la liberté de pensée. Un comble ! C’est à peine si j’étais un « traître à la cause sacrée ». Réaction assez curieuse pour des adeptes du libre examen… La raison ? Je considère qu’insister lourdement sur ces caricatures au nom de la liberté d’expression est aussi idiot que contreproductif.

 

Comme le dit Geluck, représenter le Prophète Mouhammad est inconcevable pour tout musulman, même le plus modéré. Voici une histoire particulièrement symbolique : celle du Dôme du Rocher sur l’Esplanade des mosquées à Jérusalem – ou mont du Temple pour les Juifs – ce splendide bâtiment recouvert des mosaïques bleues et surmonté par une immense coupole dorée. Il est le premier grand monument de l’Islam et se trouve à Haram al Sharif – le noble sanctuaire – troisième lieu saint de l’Islam après La Mecque et Médine. Il fut achevé en 691 ou en 692 et son architecte était un chrétien byzantin. Il a demandé au calife de pouvoir y apposer des symboles chrétiens. Celui-ci accepta à la condition que ces symboles soient abstraits et non concrets (une croix, ou l’image de la Vierge, par exemple). L’architecte fit en sorte que le dôme soit appuyé sur douze colonnes symbolisant ainsi les douze apôtres et il y a quatre entrées aux quatre points cardinaux, chaque entrée représentant un des quatre évangiles. Ainsi, l’architecte a respecté le caractère sacré des représentations non figuratives pour les musulmans

 

 

 

La misère ou la vie ?

 

 

 

Une fameuse leçon de tolérance qui nous vient du fond des âges. On en est bien loin aujourd’hui.

 

 

Revenons-en aux caricatures : un journal satirique danois a publié en 2005 des caricatures de Mahomet et cela a déclenché des réactions d’une extrême violence dans le monde arabo-musulman jusqu’à l’incendie de l’ambassade du Danemark à Islamabad faisant six morts. Depuis lors, la tension est palpable entre les mouvements islamiques – notamment les Frères musulmans – et l’Europe occidentale, particulièrement la presse. Charlie-Hebdo publie des caricatures de leur cru en 2006. C’est à nouveau le tollé d’autant plus que cet hebdo remet ça pratiquement chaque semaine. Comme l’écrit Henri Goldman dans son blog cosmopolite : « on a trouvé judicieux de souffler sur les braises en transformant les caricatures en fétiches agités en permanence. » Les islamistes menacent la rédaction de « Charlie », on a incendié volontairement leurs locaux. La rédaction est placée sous protection policière. Cela ne suffit pas. Inutile de rappeler la tragédie du 12 janvier 2015.

 

 

Pourquoi insiste-t-on tellement là-dessus dans les milieux laïques ? Quel intérêt y a-t-il à entretenir une tension dangereuse et même meurtrière au nom de la liberté d’expression ? Ce n’est pas ici que nous allons faire une analyse approfondie, mais je voudrais faire observer à mes amis laïques que ces dessins ne heurtent pas les islamistes, mais l’ensemble des musulmans. Les islamistes utilisent la même méthode que les nazis en Allemagne avant la Seconde guerre mondiale : ils surfent sur la frustration et la misère du peuple pour asseoir leur pouvoir et commettre leurs crimes. En provoquant systématiquement les musulmans, certains laïques tombent dans le piège qui leur est tendu par les djihadistes.

 

 

D’ailleurs, à Conflans Sainte Honorine, Samuel Paty l’avait compris – et c’est sans doute cela qui lui coûta la vie – en invitant les élèves musulmans de sa classe à sortir afin qu’ils ne soient pas heurtés par la caricature qu’il allait montrer. Ce professeur savait parfaitement que la liberté d’expression ne doit pas attaquer de front ce qui est sacré pour une partie de sa classe.

 

 

Alors, autant il faut se battre pour la liberté d’expression de tout un chacun et de journalistes comme Assange et toutes celles et tous ceux qui sont enfermés en Turquie, en Iran, en Arabie Saoudite, en Egypte, en Israël et dans bien trop d’autres lieux du monde ; autant faut-il en finir avec ces provocations idiotes et même puériles qui ne servent que la stratégie de la tension de nos pires ennemis. SVP : faites des caricatures sur d’autres thèmes !  Ce qui ne manque pas, loin de là.

 

 

Autant il faut éliminer les cellules clandestines des groupes terroristes comme Al Qaïda ou Daesh, autant faut-il aussi prendre au haut niveau de sévères mesures à l’égard de ces monarques de la Péninsule arabique et de l’auto-proclamé « Sultan » dit Rech Erdogan qui met la Turquie sous le joug et sème la guerre dans le Caucase et en Méditerranée.

 

 

Mais, en dehors de déclarations matamoresques de Macron notamment, on attend toujours.

 

 

P.V.

 

 

 

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18 octobre 2020 7 18 /10 /octobre /2020 22:14

 

 

 

Imaginez-vous au sortir de l’école, lorsque vous étiez comme moi un potache adolescent, qu’un de vos profs se fasse décapiter au coin de la rue après avoir donné un cours qui ne plaisait pas à certains ? Non ! Vous ne l’imaginez pas, parce que c’était impossible.

 

Imaginez-vous que des parents d’élèves viennent menaçants à l’école pour demander l’exclusion de ce prof parce qu’il a donné une leçon qui a choqué leur rejeton ? Non ! Vous ne l’imaginez pas, parce que c’était impossible.

 

Imaginez-vous un de ses parents d’élève déposer plainte et alerter les médias pour que ce prof traité de « voyou » soit poursuivi ? Non ! Vous ne l’imaginez pas, parce que c’était impossible.

 

Imaginez-vous enfin que les réseaux sociaux soient inondés de « posts » haineux, menaçants et insultants à l’égard de ce prof. Non ! Vous ne l’imaginez pas, parce que c’était impossible.

 

 

 

Samuel Paty a été tué sur le front de la liberté d'expression.

Samuel Paty a été tué sur le front de la liberté d'expression.

 

 

 

Jean-Christophe Attias ancien professeur de Collège cité par la professeure de Physique de l’Université de Tunis Madame Faouzia Charfi, écrit :

 

« Et ce n'est pas juste un hashtag. Je suis prof depuis près de quarante ans. J'ai eu ma période collège, une décennie, dans la banlieue nord de Paris. Je suis souvent rentré chez moi fatigué, découragé, excédé.

 

Je n'ai jamais cessé d'aimer ces gosses.

 

Et je n'ai jamais eu peur.

 

Jamais.

 

Même quand l'atmosphère était lourde ou tendue dans le collège ou alentour.

 

Aujourd'hui, je le sais. Je sais que si je devais reprendre lundi matin le RER, Gare du Nord, pour rejoindre ma classe, j'aurais la peur au ventre.

 

Ceux qui nous disent, triomphants et obscènes, « On vous l'avait bien dit ! On vous avait prévenus ! », n'ont rien à proposer. Pas le moindre début de solution qui nous donnerait une chance de résister au courant puissant et terrifiant qui nous emporte tous. Rien à droite. Rien à gauche. Devant nous une seule perspective : la guerre de tous contre tous. Nous avons bien un ennemi. Mais cet ennemi n'a qu'un but : nous faire devenir ce qu'il est, tel qu'il est. C'est aussi à cela qu'il nous faut résister. Et nul ne sait comment.

 

Je n'ai aucun diagnostic à poser, nul horizon à dessiner, je n'ai que des erreurs à confesser. Et des larmes à verser. Sur cette mort. Sur nous. Sur le monde où nous vivons. Sur celui qui s'annonce. Et nous en sommes tous là, tous. Il va falloir travailler pour nous sortir de là.

 

Demain. Sans faute.

 

Pour aujourd'hui, je n'ai rien de plus à dire que ceci : pendant presque quarante ans, je n'ai eu à cœur d'enseigner que la joie d'apprendre, l'art de douter, l'ambition de créer, il me reste désormais à enseigner à lutter contre la peur. »

 

 

 

Abdelhakim Sefrioui, par ailleurs "copain" de Dieudonné  a carrément fait un appel au meurtre !

Abdelhakim Sefrioui, par ailleurs "copain" de Dieudonné a carrément fait un appel au meurtre !

 

 

 

Aujourd’hui, c’est une terrible réalité. Deux mondes s’affrontent et dès aujourd’hui en un lieu qui devrait être un havre de paix : l’école. Dès le départ, l’affaire de cette simple leçon dans un collège de la banlieue parisienne a pris des proportions gigantesques dont d’ailleurs les islamistes sont coutumiers. Ainsi, Abdelhakim Sefrioui, un personnage totalement étranger à ce collège, membre du conseil des imams de France, proche de Dieudonné, bien connu des services secrets français a lui aussi traité Samuel Paty de « voyou ». Et ces quelques jours de tensions exacerbées se sont achevés par la pire agression qu’un homme peut subir.

 

Une nouvelle guerre de religions

 

Deux mondes s’affrontent, disions-nous. Ce n’est pas le « choc des civilisations » cher aux néoconservateurs américains, mais c’est un conflit majeur entre deux conceptions du monde qui transcendent les « civilisations ». Ce qu’il se passe aujourd’hui ressemble à s’y méprendre aux guerres de religions qui déchirèrent l’Europe aux XVIe et XVIIe siècles.

 

Ces guerres commencées en 1517 par les fameuses 95 thèses de Luther qui remettent en question les fondements même de l’Eglise catholique apostolique romaine, sont à la fois idéologiques et géopolitiques. Cela se traduit très vite par un affrontement entre l’Europe germanique et l’Europe latine doublé de terribles répressions contre les Réformistes ou les Contre-réformistes. La France est divisée entre Huguenots et Catholiques, les Pays-Bas affrontent l’occupant espagnol dans une guerre à la fois politique et religieuse. L’Europe du Nord se rallie au luthérianisme. L’Italie est en grande partie sous le joug espagnol. Quant à la Grande Bretagne elle est divisée entre l’Ecosse catholique et l’Angleterre anglicane qui a fait une sorte de synthèse entre les catholiques et les protestants. Et derrière tout cela veillait la plus grande puissance de l’époque : l’empire ottoman gardien de l’Islam.

 

Eh bien ! Aujourd’hui, en Europe, il y a de nombreux parallèles avec les guerres de religion de la Renaissance. Si les guerres de religions sont depuis longtemps enterrées en Europe, une autre religion s’est épanouie peu à peu après la décolonisation et par l’immigration : l’Islam. La démographie aidant, il a pris de plus en plus d’influence particulièrement sur les jeunes générations. La religion islamique s’est répandue de manière anarchique. Que ce soit en France ou en Belgique, ses prosélytes n’ont tenu aucun compte des règles en vigueur sur les relations entre la religion et la société civile. Mais qui sont ses prosélytes ?

 

Le gardien de l’Islam aujourd’hui est l’Arabie Saoudite ainsi que ses satellites, les Emirats arabes unis, Bahreïn, Dubaï et le Qatar dans une moindre mesure, car ce petit pays gazier très riche est assez proche de l’Iran. L’Arabie Saoudite est née en 1919 du renversement des Hachémites de La Mecque et de Médine par un chef de guerre qui est devenu le roi Saoud. À l’époque, les Anglais qui étaient très influents dans la région ne s’en sont pas trop préoccupés du moment qu’ils pouvaient exploiter le pétrole de la British Oil Company nécessaire à la navigation maritime vers l’Inde. En 1945, le président américain Franklin D Roosevelt signe un accord historique avec le roi Ibn Saoud garantissant la protection du royaume en échange du quasi-monopole sur l’extraction du pétrole de la péninsule arabique accompagné bien sûr de royalties pour le roi et sa famille. Roosevelt avait vu juste : la péninsule arabique est de loin le principal producteur de pétrole du monde. Mais sans s’en apercevoir, il avait ouvert la boîte de Pandore.

 

 

 

Ibn-Saoud, roi d'Arabie Saoudite et le Président US Franklin D Roosevelt négocient sur le porte-avions américain Quincy un accord qui aura de lourdes conséquences.

Ibn-Saoud, roi d'Arabie Saoudite et le Président US Franklin D Roosevelt négocient sur le porte-avions américain Quincy un accord qui aura de lourdes conséquences.

 

 

 

À l’époque, on ne prit pas au sérieux la doctrine islamique des Saoud qu’ils ont imposé sur l’ensemble de la péninsule. Les Saoud étaient adeptes du wahhabisme, une des interprétations les plus rigoristes de l’Islam sunnite avec le salafisme. En 1973, après la guerre du Kippour entre Israël, l’Egypte et la Syrie, les pays exportateurs de pétrole réunis dans une organisation internationale, l’OPEP, décrètent en représailles du soutien occidental à Israël, une forte augmentation des prix de l’Or noir qui perturbe considérablement les économies européennes et dans une moindre mesure l’économie étatsunienne. C’est le premier choc pétrolier et le meneur de jeu est l’Arabie Saoudite.

 

L’année charnière : 1979

 

Un second choc pétrolier a lieu en 1979. Il est encore plus dur que le premier et contraint les Etats européens à entamer une dure politique d’austérité économique et sociale. L’Europe occidentale qui a vécu sous les lauriers de la relance d’après-guerre est dès lors considérablement affaiblie.

 

L’année 1979 est aussi celle de la révolution islamique en Iran. Elle marque un réveil de l’Islam. Les populations musulmanes d’Europe occidentale commencent à bouger. Le port du voile islamique se répand et de nombreuses mosquées sont construites dans les villes à forte densité musulmane. La Belgique reconnaît la religion mahométane en 1981. On pense à l’époque qu’en permettant aux immigrés arabo-musulmans d’exercer leur culte en toute liberté, cela favorisera leur intégration dans la société européenne. Cela se faisait dans un esprit d’ouverture qui n’était d’ailleurs pas accepté par tous les Belges, loin de là !

 

 

L’année 1979 est aussi celle de l’invasion de l’Afghanistan par l’Armée rouge soviétique. Dès 1980, la Résistance s’organise soutenue à la fois par les Etats-Unis et par l’Arabie Saoudite. Un membre d’une grande famille saoudienne, un certain Oussama Ben Laden, recrute, entraîne et arme des moudjahidines – des combattants – musulmans contre les Soviétiques avec l’appui de la trop fameuse CIA.  C’est à ce moment-là qu’a commencé le terrorisme islamique. Ces moudjahidines ont reçu les armes les plus modernes et ont formé la base du terrorisme islamique. La base en arabe se dit : Al Qaïda…

 

 

 

Oussama Ben Laden travaillait d'abord pour les services secrets US.

Oussama Ben Laden travaillait d'abord pour les services secrets US.

 

 

 

Le rôle majeur de l’Arabie Saoudite

 

À la fois pour contrer le chiisme iranien et pour avoir l’adhésion des musulmans européens, l’Arabie Saoudite sunnite et les autres monarchies pétrolières ont financé la construction de mosquées ainsi que des écoles coraniques un peu partout en Europe. Et puis, les Saoudiens y ont envoyé des imams prêcher dans ces nouvelles mosquées et aussi former d’autres imams sur place.

 

Ces imams s’adressent particulièrement aux jeunes à l’esprit malléables et leur inculquent la haine de l’Occident « mécréant », celle des homosexuels, le rejet des principes fondamentaux de la démocratie : la liberté de conscience, la mixité, l’égalité hommes-femmes, l’apprentissage de la théorie darwinienne, etc. Ces prêches durent depuis des années et ont une grande influence sur la pensée et le comportement des jeunes musulmans. Il y a en plus l’endoctrinement via les télévisions satellites comme Al Arabia et Al Jazzera. Ces penseurs moyenâgeux se servent des technologies les plus modernes pour leur conquête des esprits !

 

Le juge Michel Claise m’a un jour raconté. Il y a quelques années, alors qu’il était juge d’instruction de permanence, il a été saisi au milieu de la nuit d’une affaire d’agression collectives de la part de jeunes arabo-musulmans au Parc Royal à Bruxelles qui est connu pour être dans la soirée le lieu de rendez-vous des homosexuels. Plusieurs d’entre eux ont été sérieusement blessés et la police a réussi à arrêter la plupart des membres de cette bande qui provenaient tous d’un même quartier de la commune limitrophe de St-Gilles. Au terme des interrogatoires, le magistrat a conclu que ces individus avaient été endoctrinés par un imam prêchant contre les homosexuels dans une mosquée locale. Il a dépêché le lendemain un inspecteur de police arabo-musulman dans cette mosquée. L’imam en question s’était évaporé. Il était Saoudien. Je me souviens aussi des propos d’un musulman de mes connaissances qui est très pratiquant et qui se plaignait de ces « imams étrangers » qui prêchaient ce genre d’appel lors de la prière du vendredi.

 

Ainsi, la religion est un instrument de manipulation des esprits destiné à asseoir un pouvoir totalitaire, en l’occurrence l’influence des monarchies pétrolières sur les pays occidentaux dans leurs seuls intérêts économiques et géopolitiques.  

 

Un terrible échec

 

Voici une vingtaine d’années, un politicien de la droite libérale belge, Daniel Ducarme, aujourd’hui décédé avait affirmé dans les médias : « L’intégration est un échec ! ». Cette déclaration a provoqué une levée de boucliers de la bien-pensance. Pourtant, à la réflexion, il avait raison.

 

Malgré les efforts des groupes antiracistes, des associations de solidarité, de syndicalistes et de quelques hommes et femmes politiques, les populations arabo-musulmanes dans les villes d’Europe occidentale ont été laissées pour compte. Il n’y eut aucune action réelle des pouvoirs publics pour une politique de logement, de scolarité, de santé publique, d’intégration culturelle. La crise économique et sociale et le chômage n’ont fait qu’aggraver la discrimination entre les groupes issus de l’immigration et les autochtones. Au contraire, l’accent a été mis sur la répression. On oublie que c’est là que la délinquance se déclenche, car il n’y a pas d’espoir social. Les jeunes immigrés ne disposent que d’un enseignement médiocre dans un contexte guère propice à l’étude. Ils sont le plus souvent livrés à eux-mêmes sans espoir d’avenir. C’est le « no future » généralisé. Donc, c’est le terreau idéal pour le trafic de stupéfiants, la marginalisation et donc l’endoctrinement à des idées aussi radicales que simplistes comme l’islamisme salafiste.

 

C’est aussi le terreau idéal pour le terrorisme. De petits délinquants se sentent valorisés en commettant leurs forfaits au nom de la religion, comme le dit le criminologue français Alain Bauer.

 

Après l’Arabie Saoudite, l’Etat islamique

 

À Bethlehem, lors d’un entretien avec Edmund Shehadeh, directeur de la BASR (Bethlehem Arab Society for Rehabilitation), nous avions évoqué l’islamisme et ses fléaux et il a affirmé : « L’Etat islamique, ce sont les Américains ! »  J’avoue avoir été surpris par son affirmation. Cependant, à la réflexion, Daesh n’est pas né d’une génération spontanée. Il a disposé de moyens considérables qui ne peuvent provenir que d’un Etat puissant. Cet Etat ne peut qu’être l’Arabie Saoudite et les services secrets US sont certainement au courant. Complicité ou aveuglement ? Peu importe.

 

Alain Bauer ajoute : « Depuis que le ministre des attentats de Daech, Al-Adnani, avait appelé à frapper de cette manière, oui. Il a depuis "rejoint son créateur", celui auquel il croyait, mais il avait donné toutes ses instructions, tout est sur YouTube. Il avait enjoint les djihadistes à rejoindre les terres de combat, en Syrie, en Irak, et pour ceux qui n’en avaient pas la possibilité, à opérer près de chez eux, avec les moyens dont ils disposaient. C’était annoncé, il y a eu des instructions, elles ont été exécutées. C’est un processus qui a commencé à Saint-Quentin-Fallavier en 2015, avec la décapitation d’un chef d’entreprise par un de ses anciens employés, s’est poursuivi à Saint-Etienne-du-Rouvray en 2016 avec l’égorgement du père Hamel, et a failli se reproduire de manière dramatique il y a quelques semaines devant les anciens locaux de Charlie Hebdo.

 

 

 

Le criminologue Alain Bauer tente une analyse objective de la nébuleuse islamique.

Le criminologue Alain Bauer tente une analyse objective de la nébuleuse islamique.

 

 

 

C’est étonnant qu’il n’y en ait pas eu plus. La différence c’est que le cas terrible de ce professeur ressemble beaucoup plus à un assassinat commandité qu’à un attentat. La victime était ciblée. L’opérateur vivait à Evreux, il n’avait pas d’attache familiale à Conflans-Sainte-Honorine. L’enquête le dira, mais il y a une organisation avec lui. On n’est pas du tout dans le cas du "loup solitaire", qui n’existe pratiquement pas (…), mais d’individus isolés. » (Marianne.net 17/10/2020)

 

Alain Bauer conclut : « Ce "jihad de proximité" a été théorisé par Abou Moussab Al-Souri dans son manifeste "Appel à la résistance islamique mondiale", où il expliquait l’échec d’Al-Qaïda avec ses attentats complexes et de grande ampleur. Il a été à l’origine de ce djihad de troisième génération. »

 

Samuel Paty : victime d’une diabolique stratégie

 

Ce dimanche 18 octobre, place de la République à Paris, des milliers de personnes se sont rassemblées en hommage à Samuel Paty et pour défendre les principes fondamentaux de la République. La reporter de la chaîne RTL-TVI a interrogé un des participants, un jeune prof d’histoire dans un lycée, qui a répondu qu’il allait changer sa manière de présenter la question de la liberté d’expression pour éviter de choquer ses élèves. En réalité, ce jeune enseignant n’est pas conscient qu’il cède aux djihadistes assassins de Samuel Paty ! Et c’est justement leur stratégie.

 

Et puis, ne serait-ce pas insulter les musulmans qui, eux, vomissent ces djihadistes qui détruisent leur culture et leur pensée ?

 

Lisons ce texte écrit par un jeune universitaire musulman ayant étudié à Paris. Il nous démontre que tout être humain parvient à vaincre le fanatisme par la réflexion. Ainsi, l’immense majorité des musulmans n’est pas coupable du meurtre de Samuel Paty.

 

« J'ai lu le statut d'une personne, commentant l'assassinat du professeur en France, qui considérait que la solution contre le terrorisme, la Culture, était un vieux poncif.

 

Si je vous disais que j'ai été conservateur au point de penser que les juifs étaient naturellement nos ennemis, que les femmes qui couchaient avant le mariage finiront en enfer. Au point de penser que tous ceux qui ne se soumettaient pas aux 5 piliers étaient infréquentables. Et ce qui était assez drôle, dans tout cela, c'est que je ne comprenais rien à l'Islam.

 

Pire que ça, je ne me soumettais pas, moi-même, aux 5 piliers de l'Islam.

 

Mais bien sûr, il est plus simple de reprocher aux autres leur manque de foi, leur athéisme, leurs blasphèmes que de s'interroger sur sa propre foi et ses contradictions.

 

J'ai grandi en France et comme tout bon immigré j'ai grandi avec pour culture géopolitique les interprétations de mon père et ses amis qui traduisaient les informations d'Antenne 2 en langage victimaire. Les arabes étaient victimes de tout et tous, responsables de rien, ni de personne. En bon immigré, biberonné aux discours revanchards, je rejetais la culture du pays dans lequel je grandissais en idéalisant une culture, une religion, un pays d'origine que je ne connaissais quasiment pas.

 

Quand est arrivée la guerre du Golfe j'ai voulu mieux comprendre ce qui se passait et je me suis rendu à une autre bibliothèque que celle de ma ville qui était en mode "nos ancêtres les gaulois". C'était l'Institut du Monde Arabe. Là-bas, je découvrais l'Histoire de la Tunisie, donc du Maghreb, donc du Monde Arabe, donc du monde musulman, donc de l'Islam. Je m'amuse à dire que je suis alors passé de l'Islam zmigri qui consistait à ne pas manger de porc, ne pas boire d'alcool et changer de chaines quand il y a "Alerte à Malibu", à l'Islam du texte. Dès lors et jusque ma deuxième année à la fac, ma vie était réduite aux études, à la prière et quelques sorties en mode sandwich grec à St Michel puis monter, descendre et remonter les Champs Elysées en prenant soin de parler suffisamment fort pour déranger les gens et boiter en marchant, bien évidemment.

 

L’Institut du Monde Arabe m'offrait un accès gratuit à la Culture mais me garantissait, surtout, en même temps, un accès à une culture mondiale, à notre humanité. Là-bas, au sein de ce magnifique bâtiment dessiné par Jean Nouvel, je découvrais enfin mes origines, j'avais enfin une identité. Je n'étais plus le gars perdu, le cul entre deux chaises, coincé entre deux cultures. Surtout, je ne me sentais plus obligé de rejeter la culture du pays dans lequel je grandissais parce que je devais rester fidèle à ma culture d'origine, qui m'était pourtant inconnue.

 

Dès lors que je savais d'où je venais, que je savais qui j'étais, j'étais enfin prêt à accueillir dans mon existence ma double culture, arabe et française. Quand on sait d'où on vient, on ne craint plus de s'intégrer où on est. En y repensant, je me dis que mon rejet de la culture française était dû à ce que je faisais passer pour la défense de ma culture d'origine et qui finalement n'était qu'un ridicule maquillage de mon ignorance de la religion dont je me prétendais, du peuple dont j'étais issu, du pays d'où je venais.

 

Je suis ensuite passé de l'Institut du Monde Arabe au Centre Pompidou avec toujours l'envie d'en savoir plus sur la Tunisie, la France, le Monde. Je ne suis pas une encyclopédie vivante, loin de là, mais ce que la Culture m'a donné comme connaissance m'a permis de m'intégrer et avoir même des situations confortables et des responsabilités partout où j'ai vécu. Que ce soit en France, au Canada ou désormais de retour sur ma terre natale, en Tunisie.

 

Est-ce que la Culture est la solution miracle pour éloigner les jeunes du conservatisme, les conservateurs de l’extrémisme, les extrémistes du terrorisme, certainement pas. Parce qu'aucune culture, aucun peuple, aucune religion n'a de solution miracle. Il y a en revanche une solution, entre autres, qui permet de réduire les risques de passer du mauvais coté, celui de l'intolérance et la violence. La Culture permet de se situer dans l'Histoire, dans le monde, dans le pays où on vit et c'est peut-être cela la solution. Mieux se connaitre pour mieux comprendre les autres.

 

Je ne crois pas, ou plutôt je n'espère pas, si je n'avais pas été un jour à l'Institut du Monde Arabe que je serais passé du côté de ceux qui font couler le sang de ceux qui font couler de l'encre. En revanche peut être que si je n'avais pas eu accès à la Culture j' aurais participé au déclin humain auquel nous assistons.

 

Je laisse, pour réfléchir, à ceux qui ne croient toujours pas que la Culture peut nous prémunir de la violence des extrémistes et de l'intolérance des xénophobes un des plus beaux vers, d'un des grands poèmes de Victor Hugo, "A qui la faute"

 

Le livre en ta pensée entre, il défait en elle

Les liens que l'erreur à la vérité mêle,

Car toute conscience est un nœud gordien.

Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.

Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'ôte.

 

 

Pierre Verhas

 

 

Prochain article : le « séparatisme » n’est pas que musulman.

 

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8 octobre 2020 4 08 /10 /octobre /2020 10:13

 

 

 

Dreyfus était juif et a été persécuté pour cela. Assange ne l’est pas.

Dreyfus fut poursuivi et condamné pour espionnage puis réhabilité parce qu’il était innocent.

Assange est poursuivi et sera condamné pour espionnage, mais ne sera pas réhabilité, alors qu’il n’est pas un espion.

Dreyfus fut condamné parce que ses accusateurs voulaient à tout prix qu’il paye pour la faute d’un autre.

Assange sera condamné par les Etatsuniens parce qu’il a fait un travail d’investigation de journaliste assimilé à de l’espionnage qui dérange l’Etat profond. Et l’objectif est de dissuader tout autre journaliste de procéder à des investigations comme l’a fait Assange.

Lors de l’affaire Dreyfus, la « grande » presse à de rares exceptions près était muette. Dans le cas d’Assange, la presse « mainstream » - particulièrement le « Monde » et le « Guardian » - est silencieuse ou d'une scandaleuse hypocrisie à l’égard d’une injustice qui la concerne au premier chef.

Lors de l’affaire Dreyfus, il y eut la courageuse intervention « J’accuse » d’Emile Zola qui, à terme, fut à l’origine de sa réhabilitation. Nils Melzer, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture a aussi publié un « J’accuse » au sujet de la persécution de Julian Assange. (http://uranopole.over-blog.com/2020/04/j-accuse.html ), mais on peut douter que celui-ci mène à sa réhabilitation.

 

 

 

Il y a bien des points communs entre la traque de Julian Assange au début du XXIe siècle et celle du capitaine Dreyfus à la fin du XIXe siècle
Il y a bien des points communs entre la traque de Julian Assange au début du XXIe siècle et celle du capitaine Dreyfus à la fin du XIXe siècle

Il y a bien des points communs entre la traque de Julian Assange au début du XXIe siècle et celle du capitaine Dreyfus à la fin du XIXe siècle

 

 

 

Assange ne dispose d’aucun soutien dans l’establishment à l’exception de quelques personnalités artistiques et politiques comme Pamela Anderson ou Yanis Varoufakis et d’autres encore. Cependant, ces personnes sont marginalisées et ne disposent d’aucun moyen sérieux de pression pour mettre un terme à cette injustice.

 

Il faut le constater : aucun des « grands » du monde de la Presse, de celui de la Justice et de celui du monde académique ne lève le petit doigt pour Julian Assange. Certes, il y eut quelques protestations mais bien timides au regard de l’enjeu fondamental représenté par la traque du fondateur de Wikileaks.

 

Et quelle traque !

 

Traqué et traité avec la  violence d'Etat !

 

Comme l’explique John Pilger, un des rares grands journalistes, un Australien qui fut correspondant de guerre, solidaire d’Assange sans faille, mais lui aussi marginalisé. (http://uranopole.over-blog.com/2016/02/julian-assange-qui-l-emportera-la-force-ou-le-droit.html ). Comme témoin oculaire du procès de Julian Assange auquel il assiste à chaque audience depuis la reprise en septembre du procès en extradition à Londres, Pilger nous décrit dans une interview au site arena.org.au traduite en français et publiée au site « Le Grand Soir » du 2 octobre, un procès à la fois stalinien, kafkaïien et orwellien. Sa description est terrible et pose non seulement la question de la vie de Julian Assange et aussi de l’avenir de nos libertés fondamentales.

 

 

 

John Pilger est un ami de longue date de Julian Assange.

John Pilger est un ami de longue date de Julian Assange.

 

 

 

« L’atmosphère qui règne actuellement est choquante. Je le dis sans hésitation ; j’ai siégé dans de nombreux tribunaux et j’ai rarement connu une telle corruption de la procédure ; c’est une véritable vengeance. Si l’on met de côté le rituel associé à la "justice britannique", il a parfois évoqué un simulacre de procès stalinien. Une différence est que dans les procès-spectacles, l’accusé se tenait devant le tribunal proprement dit. Dans le procès d’Assange, le défendeur était enfermé derrière une épaisse vitre et devait ramper à genoux jusqu’à une fente dans la vitre, sous la surveillance de son gardien, pour entrer en contact avec ses avocats. Son message, chuchoté et à peine audible à travers les masques faciaux, était transmis par un post-it vers l’avant du tribunal où ses avocats plaidaient contre son extradition vers un enfer américain. »

 

Nous sommes, rappelons-le, en démocratie.

 

Pilger décrit ensuite le supplice que subit Julian Assange.

 

« C’était il y a plus d’un an. Au cours des trois dernières semaines, avant l’aube, il a été fouillé, enchaîné et préparé pour être transporté à la Cour pénale centrale, la Old Bailey, dans un camion que sa partenaire, Stella Moris, a décrit comme un cercueil renversé. Il avait une petite lucarne ; il devait se tenir debout de façon précaire pour regarder dehors. Le camion et ses gardes étaient exploités par Serco, l’une des nombreuses sociétés politiquement liées qui opèrent dans la majeure partie de la Grande-Bretagne de Boris Johnson. Le voyage durait une heure et demie. C’est un minimum de trois heures passées chaque jour dans un trafic qui avance à une allure d’escargot. Il a été conduit dans sa cage étroite au fond de la cour, puis a levé les yeux, en clignant des yeux, pour essayer de distinguer les visages dans la galerie publique à travers le reflet du verre. Il a vu la silhouette de son père, John Shipton, et moi, et nos poings se sont levés. À travers la vitre, il a tendu la main pour toucher les doigts de Stella, qui est avocate et qui est assise dans la salle. »

 

Et il ajoute :

 

« Considérez cette routine quotidienne de Julian Assange, un Australien jugé pour journalisme de vérité. Il a été réveillé à cinq heures dans sa cellule à la prison de Belmarsh, dans la morne banlieue sud de Londres. La première fois que j’ai vu Julian à Belmarsh, après avoir passé une demi-heure de contrôle de "sécurité", y compris le museau d’un chien dans mon derrière, j’ai trouvé une silhouette affreusement mince, assise seule et portant un brassard jaune. Il avait perdu plus de 10 kilos en quelques mois ; ses bras n’avaient plus de muscles. Ses premiers mots ont été : Je crois que je perds la tête.

 

J’ai essayé de lui assurer que ce n’était pas le cas. Sa résilience et son courage sont formidables, mais il y a une limite. »

 

Nous sommes, rappelons-le, en démocratie.

 

 

 

Dessin d'Assange dans sa cage de verre avec son gardien. On voit un homme manifestement vieilli et diminué

Dessin d'Assange dans sa cage de verre avec son gardien. On voit un homme manifestement vieilli et diminué

 

 

 

Il n’y a guère de différence avec ce qu’ont décrit il y a plus d’un demi-siècle Arthur Koestler dans « le Zéro et l’Infini » et George Orwell dans « Hommage à la Catalogne » et « 1984 ».

 

John Pilger n’a pas fini dans sa description du supplice que vit quotidiennement le fondateur de Wikileaks. Et il prend à témoin Charles Glass qui a été otage à Beyrouth.

 

« La partialité pure et simple des tribunaux dans lesquels j’ai siégé cette année et l’année dernière, avec Julian sur le banc des accusés, a entaché toute notion de justice britannique. Lorsque des policiers malhonnêtes l’ont traîné hors de son asile à l’ambassade équatorienne - regardez bien la photo et vous verrez qu’il tient un livre de Gore Vidal dans ses mains ; Assange a un humour politique similaire à celui de Vidal - un juge lui a infligé une peine scandaleuse de 50 semaines dans une prison de haute sécurité pour simple violation de la liberté sous caution.

 

Pendant des mois, il s’est vu refuser tout exercice physique et a été maintenu à l’isolement, déguisé en "soins de santé". Il m’a dit un jour qu’il faisait des allers et retours dans sa cellule pour son propre semi-marathon. Dans la cellule voisine, l’occupant a hurlé toute la nuit. Au début, il a été privé de ses lunettes de lecture, abandonnées dans l’ambassade lors de l’arrestation. On lui a refusé les documents juridiques avec lesquels préparer son dossier, ainsi que l’accès à la bibliothèque de la prison et l’utilisation d’un ordinateur portable de base. Les livres qui lui avaient été envoyés par un ami, le journaliste Charles Glass, lui-même survivant de la prise d’otages à Beyrouth, ont été retournés. Il ne pouvait pas appeler ses avocats américains. Il a été constamment médicamenté par les autorités de la prison. Quand je lui ai demandé ce qu’ils lui donnaient, il n’a pas pu me répondre. Le gouverneur de Belmarsh a été décoré de l’Ordre de l’Empire britannique. »

 

Nous sommes, rappelons-le, en démocratie.

 

Assange subit la torture !

 

Quant à l’état de santé physique et mentale de Julian Assange, c’est la catastrophe. Tout est fait pour le transformer en zombie, pour le déshumaniser.

 

« A l’Old Bailey, un des témoins médicaux experts, le Dr Kate Humphrey, neuropsychologue clinicienne à l’Imperial College de Londres, a décrit les dégâts : L’intellect de Julian était passé d’un niveau "supérieur, voire très supérieur" à un niveau "nettement inférieur" à ce niveau optimal, au point qu’il avait du mal à absorber l’information et à "fonctionner dans la moyenne inférieure".

 

C’est ce que (…) le professeur Nils Melzer, appelle la "torture psychologique", résultat d’un "harcèlement collectif" par les gouvernements et leurs médias. Certaines des preuves médicales d’experts sont si choquantes que je n’ai pas l’intention de les répéter ici. Il suffit de dire qu’Assange est diagnostiqué autiste et atteint du syndrome d’Asperger et que, selon le professeur Michael Kopelman, l’un des plus grands neuropsychiatres du monde, il souffre de "préoccupations suicidaires" et trouvera probablement un moyen de se suicider s’il est extradé vers l’Amérique»

 

Le procureur britannique a considéré devant les experts qui l’ont diagnostiqué que la maladie mentale de l’accusé est de la « simulation » !

 

Nous sommes, rappelons-le, en démocratie !

 

Le piège s’est refermé sur Assange

 

Ainsi, l’affaire est entendue avant même les plaidoiries. L’ancien diplomate Craig Murray qui assure la chronique quotidienne des audiences du procès d’extradition (voir à son sujet : http://uranopole.over-blog.com/2019/10/julian-assange-avant-qu-il-ne-soit-trop-tard.html ), a relaté dans le compte-rendu de l’audience du mercredi 23 septembre :

 

 

 

L'ancien diplomate Craig Murray suit quotidiennement le procès en extradition de Julian Assange. Il en fait un compte-rendu détaillé traduit en français sur le site Le Grand Soir.info.

L'ancien diplomate Craig Murray suit quotidiennement le procès en extradition de Julian Assange. Il en fait un compte-rendu détaillé traduit en français sur le site Le Grand Soir.info.

 

 

 

« Mercredi, le piège s’est refermé, car le juge Baraitser a insisté sur le fait que les témoins doivent conclure la semaine prochaine, et qu’aucun temps ne sera accordé pour la préparation des plaidoiries finales, qui doivent être entendues le lundi suivant. Ceci a amené la défense à se rapprocher le plus possible d’une protestation, soulignant qu’elle n’a toujours pas abordé le nouvel acte d’accusation remplaçant, et que le juge a refusé leur demande d’ajournement avant le début de l’audition des témoins, pour leur donner le temps de le faire.

 

Edward Fitzgerald QC pour la défense a également souligné qu’il y avait eu de nombreux témoins dont les témoignages devaient être pris en compte, et que les conclusions écrites finales devaient être préparées physiquement en se référant aux transcriptions et autres pièces du procès. Baraitser a répondu que la défense lui avait donné 200 pages de plaidoirie d’ouverture et qu’elle ne voyait pas pourquoi il en faudrait davantage. Fitzgerald, qui est un gentleman de la vieille école dans le sens le plus sympathique du terme, s’est efforcé d’exprimer son étonnement de voir que toutes les preuves depuis les plaidoiries d’ouverture pouvaient être rejetées comme inutiles et sans effet.

 

Je crains que dans tout Londres, une pluie très forte ne tombe maintenant sur ceux qui, pendant toute une vie, ont travaillé au sein d’institutions de démocratie libérale qui, au moins largement et habituellement, fonctionnaient dans le cadre de la gouvernance de leurs propres principes professés. Dès le premier jour, il m’est apparu clairement que je suis en train de suivre une mascarade. Je ne suis pas du tout choqué que Baraitser pense que seuls les arguments d’ouverture écrits ont une importance quelconque. Je vous ai rapporté à maintes reprises que, lorsque des décisions doivent être rendues, elle les a présentées au tribunal sous forme pré-écrite, avant d’entendre les arguments qui lui sont présentés.

 

Je suis convaincu que la décision finale a déjà été prise dans cette affaire avant même que les plaidoiries ne soient entendues. »

 

 

Qui est le prochain ?

 

 

John Pilger termine par un réquisitoire contre l’attitude de la presse britannique et particulièrement du « Guardian » en cette dramatique affaire :

 

 

« En Australie, pays d’origine d’Assange, la "couverture" suit une formule familière établie à l’étranger. Le correspondant londonien du Sydney Morning Herald, Latika Bourke, l’a écrit récemment :

 

 

Le tribunal a appris qu’Assange était devenu dépressif pendant les sept années qu’il a passées à l’ambassade équatorienne où il a demandé l’asile politique pour échapper à l’extradition vers la Suède afin de répondre aux accusations de viol et d’agression sexuelle.

 

 

Il n’y a pas eu d’accusations de viol et d’agression sexuelle en Suède. La paresse de Latika Bourke n’est pas exceptionnelle. Si le procès Assange est le procès politique du siècle, comme je le crois, son issue ne scellera pas seulement le sort d’un journaliste qui fait son travail, mais intimidera les principes mêmes de la liberté de journalisme et de la liberté d’expression. L’absence d’un compte-rendu sérieux du procès est, à tout le moins, autodestructrice. Les journalistes devraient se demander : qui est le prochain ?

 

 

La honte du « Guardian »

 

 

Tout cela est une honte. Il y a dix ans, le Guardian a exploité l’œuvre d’Assange, en a revendiqué les bénéfices et les prix ainsi qu’un lucratif contrat hollywoodien, puis s’est retourné contre lui avec du venin. Tout au long du procès, deux noms ont été cités par l’accusation, celui de David Leigh du Guardian, aujourd’hui à la retraite en tant que "rédacteur des enquêtes", et celui de Luke Harding, le Russophobe et auteur d’un "scoop" fictif du Guardian qui prétend que le conseiller du Trump, Paul Manafort, et un groupe de Russes ont rendu visite à Assange à l’ambassade d’Équateur. Cela ne s’est jamais produit et le Guardian n’a toujours pas présenté d’excuses. Le livre de Harding et Leigh sur Assange - écrit dans le dos de leur sujet - a révélé un mot de passe secret pour un fichier WikiLeaks qu’Assange avait confié à Leigh lors du "partenariat" du Guardian. Il est difficile de comprendre pourquoi la défense n’a pas appelé ce duo.

 

Assange est cité dans leur livre déclarant, lors d’un dîner dans un restaurant londonien, qu’il se moquait de savoir si les informateurs cités dans les fuites avaient subi un préjudice. Ni Harding ni Leigh n’étaient présents au dîner. John Goetz, un journaliste d’investigation de Der Spiegel, était présent au dîner et a témoigné qu’Assange n’avait rien dit de tel. Incroyablement, le juge Baraitser a empêché Goetz de dire cela au tribunal. »

 

 

Le « Monde » à double pensée

 

 

Quant au « Monde », on atteint le summum de l’hypocrisie. Laurent Dauré dans « Le Grand Soir » rapporte :

 

Malgré ce contexte, en à peine 3 500 signes (550 mots), l’éditorial du Monde du 25 février – qui exprime donc le point de vue de la rédaction – réussit le tour de force de désapprouver l’extradition tout en éreintant implacablement l’homme innocent qui en est la cible, un « confrère » passionnément dévoué à la justice et à la vérité. On entrevoit un ignoble sous-texte : « Julian Assange a quand même un peu mérité sa disgrâce ». Dans un concentré de friponnerie intellectuelle, le quotidien énumère les principales critiques – et calomnies – des médias dominants (et parfois moins dominants...) à l’égard du fondateur de WikiLeaks et des actions de l’organisation. Et de citer des sentences à double sens, ce qui caractérise le « journal de référence », tel qu’il est devenu.

« Pour les défenseurs de la liberté d’informer, Julian Assange, 48 ans, n’est pas un “client” facile. »

Ou encore :

« Le fondateur de WikiLeaks est-il un lanceur d’alerte courageux, acharné à révéler des vérités utiles mais dérangeantes, ou un hackeur militant de la transparence absolue, dévoyé, et piégé par un Donald Trump dont il a aidé l’élection ? »

 

Le « meilleur » est pour la fin. Laurent Dauré explique :

 

« Assange a dit à plusieurs reprises que WikiLeaks aurait publié des documents pertinents sur l’équipe Trump s’ils en avaient reçus ; en janvier 2017, l’organisation a même fait un appel pour qu’on lui transmette la déclaration d’impôts que le président américain refuse de rendre publique après avoir promis de le faire pendant la campagne. Le Monde n’a cure de l’altruisme profondément humaniste de Julian Assange, il lui attribue une part de responsabilité dans la défaite de la « reine du chaos », et cela est impardonnable à ses yeux.

 

- « À cette époque, Julian Assange a confié ces centaines de milliers de documents militaires et diplomatiques à cinq journaux, dont le Guardian, le New York Times et Le Monde, en acceptant leurs règles éthiques, notamment la protection des sources. Les documents publiés furent donc expurgés des identités de toute personne susceptible d’être mise en danger, et éclairés par l’expertise indépendante des journalistes des cinq rédactions. »

 

L’art de se jeter des fleurs… et de minimiser l’apport et le sérieux de WikiLeaks. Ce passage laisse entendre qu’avant de collaborer avec ces phares de la presse internationale, l’organisation ne suivait pas de règles éthiques exigeantes, protégeait mal ses sources, etc. C’est faux. D’ailleurs Le Monde s’empêtre tout seul dans une incohérence car pourquoi aurait-il voulu s’associer à un partenaire irresponsable et négligent ? WikiLeaks a toujours eu le souci de veiller à la protection de ses sources et de travailler méticuleusement sur les documents fuités avant de les mettre à disposition du public. »

Laissons la conclusion à John Pilger :

 

« Ce qui est en jeu pour le reste d’entre nous l’est depuis longtemps : la liberté de demander des comptes à l’autorité, la liberté de contester, de crier à l’hypocrisie, de manifester sa dissidence. La différence aujourd’hui est que la puissance impériale du monde, les États-Unis, n’a jamais été aussi inquiète de son autorité métastatique qu’elle ne l’est aujourd’hui. Comme une voyou qui s’agite, elle nous précipitera vers une guerre mondiale si nous la laissons faire. Les médias ne reflètent guère cette menace.

 

 

WikiLeaks, en revanche, nous a permis d’entrevoir une marche impériale effrénée à travers des sociétés entières - pensez au carnage en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie, au Yémen, pour n’en citer que quelques-uns, à la dépossession de 37 millions de personnes et à la mort de 12 millions d’hommes, de femmes et d’enfants dans la "guerre contre le terrorisme" - la plupart derrière une façade de mensonges.

 

Julian Assange est une menace pour ces horreurs récurrentes - c’est pourquoi il est persécuté, pourquoi une cour de justice est devenue un instrument d’oppression, pourquoi il devrait être notre conscience collective : pourquoi nous devrions tous être cette menace.

 

La décision du juge sera connue le 4 janvier. »

 

Aussi, comme par hasard, Assange sera extradé après le 4 janvier 2021, sauf très improbable retournement de situation, juste après la prestation de serment du Président US élu. Et pas d’illusion : si c’est Joe Biden, le sort du fondateur de Wikileaks ne sera guère meilleur, car à l’époque où il était vice-président d’Obama, Biden l’a traité d’espion terroriste.

 

 

Nous sommes, rappelons-le, en démocratie !

 

 

Pierre Verhas

 

 

Post scriptum

 

 

« Nous vivons le XXIe siècle avec une mentalité pré copernicienne. »

 

 

Voilà ce qu’explique le professeur tunisien Nader Hammami. Nader Hammami est Docteur en civilisation arabo-musulmane de l'Université de la Manouba, Enseignant-chercheur à l'Université de Carthage. Ses recherches portent sur les études coraniques, l'imaginaire historique et religieux. Il adhère à un Islam libéral et dans cette vidéo d’un entretien à une télévision tunisienne et diffusée sur les réseaux sociaux par Madame Faouzia Charfi, professeure à l’Université de Tunis et auteure de « La Science voilée » (Odile Jacob, 2017), Nader Hammami dénonce avec subtilité l’emprise de la religion sur les activités humaines. Il s’exprime ici en arabe et les sous-titres sont en français.

 

 

 

 

 

 

Si j’ai toujours refusé l’interdiction du voile au nom de la liberté de conscience et de… s’habiller comme on l’entend, l’emprise de plus en plus importante de la religion sur la vie sociale et sur les relations entre les personnes doit être combattue avec vigueur si nous voulons vivre dans une société libre. Il nous faut saluer des personnalités comme Madame Faouzia Charfi et Monsieur Nader Hammami qui sont en première ligne dans ce combat.

 

P.V.

 

 

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27 septembre 2020 7 27 /09 /septembre /2020 15:16

 

 

 

On évoque régulièrement la Justice à deux vitesses, en clair la Justice de classe. Mais depuis la crise des migrants, on ne parle pas de la double Justice, c’est-à-dire celle où se heurtent deux règles légales contradictoires. Lorsque l’on rencontre une personne en danger, passer outre est constitutif du délit de non-assistance à personne en danger, délit sévèrement condamné par les Cours et tribunaux. Précisons en outre que cette disposition du Code Pénal ne précise pas quelle est la nature de la « personne » en danger.

 

Mais quand on porte secours à des jeunes femmes migrantes blessées en pleine montagne, dans le froid, on est poursuivi en France pour avoir porté illégalement aide et assistance à l’immigration clandestine. Donc, une loi de circonstance par ailleurs contestée par les plus hautes juridictions nationales et internationales l’emporte sur un principe fondamental de droit.

 

Alors, double question : où est la Justice ? Où est la loi ? La loi, expression de la volonté populaire est universelle, et la Justice se doit d’être rendue en son respect. Mais comment faire si les règles légales sont contradictoires ?

 

Bernard Gensane, bien connu des lecteurs d’Uranopole rapporte sur son blog ( http://bernard-gensane.over-blog.com/ ) cette histoire aussi émouvante qu’interpellante de Pierre-Alain Mannoui qui, roulant en pleine nuit dans les montagnes des Alpes Maritimes, rentrant chez lui, a rencontré sur sa route trois jeunes femmes africaines blessées et transies de froid. Il les réconforte tant bien que mal et les embarque dans sa voiture pour les emmener à l’hôpital le plus proche.

 

La suite est narrée par la mère de Pierre-Alain.

 

Oui, non seulement les migrants, mais nous aussi sommes en danger.

 

P.V.

 

 

 

Pierre-Alain Mannoui se retrouve devant la Justice parce qu'il est un homme juste.

Pierre-Alain Mannoui se retrouve devant la Justice parce qu'il est un homme juste.

 

 

 

Voici les nouvelles des procédures judiciaires de mon fils Pierre-Alain. Après 4 ans de procédure, les frais de justice continuent de s'accumuler, merci de votre générosité pour sa cagnotte.

 

 

L'aide aux migrants - Ma folle épopée judiciaire 

 


 
En 2016, dans le froid de la montagne des Alpes-Maritimes, en pleine nuit, j’ai rencontré 3 jeunes femmes qui étaient gravement blessées. Elles avaient fui la dictature d'Érythrée, elles étaient passées par les marchés aux esclaves de la Lybie et s’étaient perdues sur une route près de chez moi. Je les ai emmenées dans ma voiture pour les mettre à l'abri et qu'elles reçoivent des soins. On nous arrêté au péage et mis des menottes parce qu’elles n’avaient pas les bons papiers. 

 


Depuis des années ces dérives graves de l'Etat sont portées devant les juridictions par des associations ou des citoyens isolés. D’ailleurs cette année : 

 


Le conseil d'État et le Conseil Constitutionnel a confirmé que la France ne respecte pas sa devise Fraternité et son obligation d'accueillir les plus vulnérables comme les femmes ou les enfants fuyant les guerres. 

 


En référence à l’article 3 sur la torture la Cour Européenne des Droits de l'Homme vient de condamner la France sur la façon dont elle a traité des personnes qui devaient être mises à l'abris. 

 


Et même des policiers à Briançon ont été condamnés à de la prison pour avoir répété violences, humiliations et vols sur des personnes qui avaient besoins d'aide. 

 


Malgré cela pour la 5e fois je me retrouve devant un tribunal. Un épopée judiciaire digne des plus grandes affaires : 1ere Instance à Nice, Cour d’Appel d’Aix en Provence, Cour de Cassation à Paris, Conseil Constitutionnel et maintenant une nouvelle cour d’appel à Lyon. Car en fait l'enjeux de cette affaire qui peut paraitre ubuesque fait froid dans le dos : 

 


Est ce qu’il faut éduquer nos enfants en disant qu'il y a certaines personnes différentes qu'il ne faut pas secourir ? Comme les juifs à une autre époque… 

 


Est ce qu’il faut réduire la définition de la Fraternité ? Comme on l'a fait sous l'occupation… 

 


Alors voilà j’y retourne pour que plus personne ne soit poursuivi pour avoir été humain, pour avoir accueilli comme cela s’est toujours fait partout et à toutes les époques. C'est aussi pour ça qu'un rassemblement est prévu le jour du procès, devant la cour d'appel de Lyon le 23 septembre 2020 à 13h.  


 
Mais il y a de l’espoir car nous sommes très nombreux à être humain. En ce moment par exemple des bénévoles comme ceux de Roya-Citoyenne apportent de la chaleur humaine et de la nourriture à des gens laissés à l'abandon grâce à vos dons et votre aide. 

 

24 SEPT. 2020 — 

 

Il est 19h45, elle a commencé à 13h30

 

Ça a été dur, très lourd...

 

L’avocat général souhaite la condamnation. Il a cherché à faire passer Pierre-Alain pour un militant. Et un militant connaît la loi et la loi c’est la loi et Pierre-Alain savait qu’il ne respectait pas la loi, voilà son argumentation qui a duré plus d’une heure.

 

Il demande 5 mois de prison avec sursis.

 

Pour la défense Pierre-Alain est un citoyen ordinaire qui s’est trouvé en présence de gens en souffrance ayant besoin d’aide. Maëva, son avocat, a été très bonne. Elle a relevé des anomalies dans le réquisitoire de l’avocat général.

 

Pierre-Alain a été très solide, à la barre pendant 3 heures sans interruption. Plus des questions supplémentaires à la fin.

 

J’ai trouvé que le président de la Cour cherchait à le coincer sur des petits détails, il coupait les cheveux en quatre dans la première partie de l’audience. Il paraissait plus humain pendant le réquisitoire du procureur. Ce dernier m’a fait frémir mais certaines personnes ont trouvé qu’il avait fait des erreurs.

 

Je suis incapable de tout comprendre dans ces démonstrations de haut vol des lois.

 

Mais je me suis dit en l’écoutant que respecter la loi de façon aussi dépourvue d’humanité et de fraternité mènerait à une société où je n’aurais pas envie de vivre.

 

Je n’aimerais pas le croiser. C’est de l’acier.

 

J’ai bien compris le sens de « raide comme la justice » ! Oui vraiment très raide !

 

Suis nouée,

 

Le verdict sera rendu le 28 octobre à 13h30

 

… À suivre

 

Dans le meilleur des cas Pierre-Alain sera relaxé mais à mon avis le procureur ira en cassation. Il veut le faire condamner

 

Autrement si Pierre-Alain est condamné, c’est lui qui ira en cassation pour aller jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme.

 

Donc on n’est pas sorti de l’auberge...

 

Ouf.

 

Pas facile.

 

Post-Scriptum

 

 

Israël : un témoignage accablant

 

Eléonore Merza Bronstein et son compagnon Eitan Bronstein Aparicio, ont quitté à la fin de l’année dernière l’Etat d’Israël pour s’installer en Belgique. Eléonore est une femme d’origine juive et musulmane qui est partie en Israël pendant sa jeunesse mais qui a refusé d’en prendre la nationalité pour des raisons politiques. Elle a rencontré Eitan, un Israélien qui a fait son alya en 1965, à l’âge de cinq ans, en provenance d’Argentine. Il a travaillé dans un kibboutz. Il a fondé en 2001 l’ONG Zochrot pour sensibiliser l’opinion israélienne sur la Nakba – la catastrophe en arabe -, c’est-à-dire l’expulsion de quelque 750.000 Arabes palestiniens par les milices juives du territoire du futur Etat d’Israël en 1947-48.

 

J’ai rencontré Eléonore en Israël quelques semaines avant son exil volontaire en Belgique, elle est une femme déterminée, courageuse, dotée d’une grande ouverture d’esprit, mais elle ne supportait plus le poids de la « pensée unique » sioniste qui marginalisait son couple et ses enfants dans la société israélienne.

 

Eléonore et Eitan ont contribué à un travail à la fois anthropologique et géographique : cartographier tous les villages arabes sur lesquels les Israéliens ont construit leurs propres cités et leurs propres villages. Ainsi, la Nakba ne consistait pas seulement à expulser les Arabes de Palestine, mais aussi à détruire leur passé et à effacer leur histoire. La carte qui a été publiée est un terrible acte d’accusation aussi bien contre l’Israël d’avant 1967 que celui dans les territoires occupés depuis – le Golan et la Cisjordanie.

 

 

Eleonore Merza Bronstein et son compagnon Eitant Brosntein Aparicio

Eleonore Merza Bronstein et son compagnon Eitant Brosntein Aparicio

La double Justice

 

Eléonore et Eitan ont publié un ouvrage en français intitulé « Nakba Pour la reconnaissance de la tragédie palestinienne en Israël ». (Éditions Omniscience : www.omniscience.fr ). Il s’agit d’un dialogue entre eux deux où ils allient leurs histoires personnelles et militantes avec l’histoire mouvementée de cette région du monde.

 

Désormais installés et travaillant en Belgique, Eléonore et Eitan accordent des interviews à différents médias où ils expliquent à la fois leurs parcours et les enjeux de ce conflit tragique et interminable, en dénonçant un processus totalitaire qui se perpétue. En voici une diffusée sur le réseau social Facebook.

 

https://www.facebook.com/ajplusfrancais/videos/311716833257011

 

P.V.

 

 

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4 septembre 2020 5 04 /09 /septembre /2020 19:44

 

 

 

Je ne m’attendais pas après mes derniers articles postés sur la question des relations entre l’Islam et la société européenne à une fois de plus discuter de la question du voile. Voici que cette controverse malsaine a resurgi cette fois-ci avec de sérieuses conséquences. Quand cela ? Le 31 août. Où cela ? Au conseil communal de Molenbeek, la commune belge la plus mondialement connue avec Waterloo, pour reprendre les paroles de Merry Hermanus sur Facebook.

 

 

 

Le voile s'est répandu pratiquement partout dans les pays occidentaux (ici au Québec). L'interdire d'une manière ou d'une autre est une grossière erreur.

Le voile s'est répandu pratiquement partout dans les pays occidentaux (ici au Québec). L'interdire d'une manière ou d'une autre est une grossière erreur.

 

 

 

À l’ordre du jour de ce conseil figurait une proposition de modification du règlement de travail des employés communaux portant sur l’autorisation du port des « signes convictionnels » sur les lieux de travail, en clair le port du voile musulman. L’affaire était mal emmanchée. La bourgmestre socialiste Catherine Moureaux était opposée à cette proposition contrairement à d’autres membres du Collège qu’elle préside et aussi à plusieurs membres du groupe socialiste du Conseil. La majorité molenbeekoise est une tripartite composée des socialistes francophones (PS), des socialistes flamands (SPa) et du MR (libéral de droite). Le PS et le SPa se sont divisés sur ce dossier. Et cette division est apparue au conseil communal, au sein même du groupe PS. En effet, c’est à la fin de la séance du conseil communal, vers 2 h du matin, que le conseiller communal PS Jamal Ikazban qui est aussi chef de groupe socialiste au sein du Parlement régional bruxellois, a déposé une motion demandant l’application de la « neutralité inclusive » à la commune de Molenbeek. En clair, permettre le port des signes religieux aux fonctionnaires communaux. Cette motion a été adoptée. Seuls les libéraux ont voté contre. Les Ecolos dans l’opposition ont voté pour à une exception près, les deux autres partis d’opposition, le CDH (chrétiens) et le PTB (gauche radicale) ont également voté pour. Ainsi, la bourgmestre Catherine Moureaux est mise en minorité.

 

 

 

Lorsqu'elle fut triomphalement élue bourgmestre de Molenbeek; Catherine Moureaux ne mesura sans doute pas les énormes difficultés avec lesquelles elle sera confrontée, notamment avec la communauté musulmane de Molenbeek gangrenée par l'islamisme.

Lorsqu'elle fut triomphalement élue bourgmestre de Molenbeek; Catherine Moureaux ne mesura sans doute pas les énormes difficultés avec lesquelles elle sera confrontée, notamment avec la communauté musulmane de Molenbeek gangrenée par l'islamisme.

 

 

 

« Neutralité inclusive » : une manipulation sémantique de plus

 

Remarquons que l’on se trouve une fois de plus devant le cas d’une manipulation sémantique du type de celles que dénonçait George Orwell dans son dernier roman « 1984 » par sa description de la « novlangue ». On adjoint un qualificatif à un substantif qui exprime un concept clair, ce qui a pour effet de lui donner une autre définition. Ainsi, rappelons-nous la « laïcité positive » prônée par Nicolas Sarkozy lors de son discours de Latran en 2007 où il prétendit attacher plus d’importance au curé qu’à l’instituteur. La laïcité tout court est donc implicitement négative ! Aujourd’hui, il est question de « neutralité inclusive ». Cela implique donc que la neutralité tout court est donc exclusive.

 

On ne mesure pas les conséquences de ces pratiques sémantiques. Elles ouvrent la porte au totalitarisme tout comme les tenants du « politiquement correct » qui, dans les relations intercommunautaires, imposent aussi une nouvelle sémantique depuis les drames de Minneapolis et du Wisconsin, comme l’interdiction de prononcer certains mots comme « Noirs » qui sont remplacés par « Afro-descendants ». Un éditeur n’a pas hésité à changer le titre d’un roman d’Agata Christie – cela ne date pas d’hier ! – « Les dix petits nègres ». Cela a l’air drolatique, mais c’est avant tout inquiétant : une fois de plus Orwell. On appauvrit la langue pour qu’elle soit conforme à une idéologie. L’étape suivante sera-t-elle de supprimer ou de modifier des mots « inconvenants » dans les textes des œuvres littéraires ?

 

La gauche bruxelloise : le schisme est bien là !

 

Revenons à notre controverse politique. Le vote de la motion à Molenbeek a provoqué d’autres remous.

 

La commune voisine, Bruxelles-ville, qui est dirigée par une majorité PS - Ecolo a une tout autre approche : elle interdit le port du voile et de tous signes religieux dans les écoles supérieures de son ressort. À la suite d’une plainte introduite par une étudiante de la haute école Francisco Ferrer dépendant de la Ville de Bruxelles contre son règlement d’ordre intérieur, la Cour constitutionnelle a avalisé ce règlement au nom du principe de neutralité. Voilà donc les deux partis de la gauche bruxelloise qui sont divisés. Et il ne faut surtout pas penser que le clivage est entre militants « issus de l’immigration » et militants « belgo-belges ». Ainsi, l’échevine socialiste de l’Instruction publique – quelle splendide expression ! – de la Ville de Bruxelles, Faouzia Hariche, s’est réjouie de l’arrêt de la Cour constitutionnelle : « La Cour garantit la validité du projet pédagogique de la Ville visant à instituer un environnement éducatif totalement neutre. »

 

 

 

Faouzia Hariche, échevine socialiste de l'Instruction publique de Bruxelles-Ville : une femme courageuse qui ne déroge pas à ses principes.

Faouzia Hariche, échevine socialiste de l'Instruction publique de Bruxelles-Ville : une femme courageuse qui ne déroge pas à ses principes.

 

 

 

D’un côté, une partie des socialistes de Molenbeek s’expriment pour le port du voile, de l’autre, les socialistes de la Ville y sont opposés. Cette question va donc bien au-delà d’une querelle locale.

 

On le constate aussi bien chez les socialistes que chez les écolos. Il y a eu aussi une rupture dans la section Ecolo de Molenbeek. Rajae Maouane, conseillère communale a voulu imposer aux autres conseillers de son groupe le vote de la motion déposée par Ikazban. Un seul conseiller, par ailleurs chef de groupe des Verts molenbeekois, Karim Majoros, s’est abstenu et a aussitôt démissionné de son mandat ! C’est assez rare pour être noté : M. Majoros démissionne de son mandat alors qu’en général, c’est l’inverse. On démissionne de son parti et on garde son mandat… et ses avantages ! Bravo Monsieur Majoros, vous honorez l’éthique démocratique !

 

 

 

Le conseiller communal Ecolo de Molenbeek, Karim Majoros, a fait preuve de courage et de sens de l'éthique politique.

Le conseiller communal Ecolo de Molenbeek, Karim Majoros, a fait preuve de courage et de sens de l'éthique politique.

 

 

 

Mme Maouane n’est pas n’importe qui : elle est co-présidente nationale du parti Ecolo. Ikazban, quant à lui, est député régional et chef du groupe PS au Parlement bruxellois. Avec en plus, les divergences avec les socialistes et écologistes de Bruxelles-Ville, l’affaire dépasse de loin le cadre local et concerne la Région bruxelloise, sinon le pays tout entier. Rajae Maouane a beau dire : « Nous considérons que la neutralité concerne les actes posés par les agents et non l’apparence » (L’Echo, 3 septembre 2020), le schisme est bien là !

 

 

 

Rajae Maouane, conseillère communale Ecolo à Molenbeek et co-présidente du parti Ecolo a choisi la voie communautariste.

Rajae Maouane, conseillère communale Ecolo à Molenbeek et co-présidente du parti Ecolo a choisi la voie communautariste.

 

 

 

De même, Jamal Ikazban est connu pour être un militant islamiste. On le dit proche des Frères musulmans. On l’a surpris faire le signe des Frères lors d’une manifestation propalestinienne. Il ne cache pas son soutien au Hamas et soutient systématiquement le port du voile, voire de la burka. Et, bien entendu, il n’a jamais expliqué clairement sa position.

 

 

 

Jamal Ikazban, conseiller communal PS à Molenbeek, député régional bruxellois et chef de groupe PS au Parlement régional fait ici le signe des Frères musulmans lors d'une manifestation de solidarité avec la Paslestine à laquelle j'ai participé.

Jamal Ikazban, conseiller communal PS à Molenbeek, député régional bruxellois et chef de groupe PS au Parlement régional fait ici le signe des Frères musulmans lors d'une manifestation de solidarité avec la Paslestine à laquelle j'ai participé.

 

 

 

Au niveau de la Fédération régionale du PS, son président Ahmed Laaouej et chef de groupe socialiste à la Chambre des représentants, n’a jamais explicité sa position en la matière. Lorsqu’il fit campagne pour la présidence de la Fédération, il promit un débat sur la laïcité. Il a été élu avec 52 % des votes exprimés, ce qui est loin d’être un plébiscite. Aussi, même s’il mène une opposition rude au Parlement fédéral, il se tait dans toutes les langues au sujet des questions relatives à la laïcité. Sur le plan fédéral, on n’a jamais rien entendu de précis de la part du président du PS Paul Magnette. Il est vrai qu’il est fort occupé par les négociations pour la formation d’un éventuel gouvernement fédéral…

 

 

 

Ahmed Laaouej, député bourgmestre de la commune bruxelloise de Koekelbergh, chef du groupe PS au Parlement fédéral et Président de la Fédération bruxelloise du PS ne s'est toujours pas exprimé sur la question du communautarisme.

Ahmed Laaouej, député bourgmestre de la commune bruxelloise de Koekelbergh, chef du groupe PS au Parlement fédéral et Président de la Fédération bruxelloise du PS ne s'est toujours pas exprimé sur la question du communautarisme.

 

 

 

Au niveau du parti Ecolo, les deux co-présidents, le wallon Jean-Marc Nollet et la bruxelloise Rajae Maouane ne se sont toujours pas exprimé sur le sujet. L’Echo rapporte : « Concernant les pressions exercées par la co-présidente bruxelloise, la porte-parole bruxelloise du parti Lauriane Deschamps dément. ‘Il y a effectivement eu un débat sur le positionnement à adopter sur ce vote et il a été décidé que Karim Majoros s’exprimerait à titre individuel en raison de sa position différente, affirme-t-elle. Et d’ajouter que les propos de Rajae Maouane collent totalement avec le programme. ‘Elle ne fait pas mention des fonctions d’autorité car on parle d’un règlement de travail pour le personnel de l’administration et non de la police par exemple. La portée limitée du texte ne nécessitait pas de détailler la position d’Ecolo. »

 

Cette déclaration mérite de figurer en bonne place dans l’anthologie de la langue de bois !

 

Aujourd’hui, c’est trop tard !

 

Ces prises de position ambiguës des leaders écologistes et socialistes cachent mal un schisme qui est sans doute consommé de facto avant de l’être de jure.

 

Ma position a toujours été très claire et je l’ai écrit à plusieurs reprises : la querelle sur le voile déclenchée il y a plus de trente ans est malsaine, inefficace et dangereuse. Elle est malsaine en ce sens que l’on s’attaque à un droit individuel des femmes musulmanes, celui de s’habiller librement. Elle est inefficace parce qu’il est quasi impossible d’interdire de porter un signe quelconque s’il ne porte atteinte à l’ordre public. Elle est dangereuse, car elle sert de prétexte aux islamistes à déclencher un rapport de forces qui tournera en leur faveur. On vient de le voir avec la controverse de Molenbeek. Avant que le voile ne devienne le porte-étendard du fanatisme à cause de la mauvaise stratégie des mouvements laïques qui ont préféré l'interdiction à la controverse, il aurait fallu au contraire faire preuve de tolérance et ne pas mettre de l'huile sur le feu d'une guerre perdue d’avance. Aujourd’hui, c’est trop tard !

 

La pratique politicienne actuelle est de systématiquement différer les questions qui fâchent.  L’affaire du voile cache mal les relations tendues entre les communautés de confession musulmane et les tenants d’un système de libre pensée, qu’ils soient « blancs bleus belges » ou issus de l’immigration. Aujourd’hui, c’est une source de conflit majeur !

 

Au niveau de la Région bruxelloise, il sera quasi impossible de trouver un modus vivendi avec, selon des statistiques publiées par l’hebdomadaire « Le Vif », 49,5 % d’électeurs considérés comme musulmans. On paie à la fois le laxisme et l’aveuglement. C’est une honte de la part de plusieurs municipalistes et de responsables politiques régionaux d’avoir laissé pour compte de nombreux quartiers qui sont devenus le domaine des dealers et des imams de garage qui répandent la peste islamiste. Aujourd’hui, il n’est plus possible de réparer !

 

Quant à la gauche, elle est déchirée et donc inefficace et donc en voie de disparition.

 

Alors, posons-nous la seule question : Que faire ?

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

Post-scriptum

 

Au terme de chaque article, « Uranopole » posera dorénavant un post-scriptum avec des infos qui ne concernent pas nécessairement le sujet traité.

 

Exit Jacques Carmeliet

 

Mon camarade Jacques Carmeliet vient de disparaître à l’âge de 85 ans. Il fut un compagnon de combat et un joyeux compagnon de vie. D’abord communiste, puis socialiste, il fut un infatigable syndicaliste représentant le PATO (Personnel Administratif Technique Ouvrier) à l’ULB. Il milita après sa prise de pension au PS à Uccle où il joua un rôle important, à la fois ferme et modérateur. Il est toujours resté fidèle aux principes de base de Justice et de Solidarité.

 

R.I.P. Jacques !

 

 

 

Jacques Carmeliet, joyeux compagnon et camarade avisé, n'est plus !

Jacques Carmeliet, joyeux compagnon et camarade avisé, n'est plus !

 

 

 

Lundi 7 septembre 17 h 00 : devant l’ambassade du Royaume Uni à Bruxelles, manifestation en solidarité avec Julian Assange

 

Ambassade du Royaume-Uni 10 avenue d'Auderghem (Rond-point Schuman) (Métro : Schuman)

Le 7 septembre, le procès de Julian Assange continuera à Londres et devrait durer 3 semaines.

Julian Assange est menacé d'extradition vers les Etats-Unis où il risquerait jusqu'à 175 années de prison.


Ce jour-là, marquons notre soutien à Julian Assange, soyons nombreux devant l'ambassade du Royaume-Uni à dire non à son extradition.


La décision dépend aussi de nous !

 

 

 

 

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27 août 2020 4 27 /08 /août /2020 16:59

 

 

 

Le 2 septembre s’ouvrira à la Cour d’assises spéciale de Paris le procès des complices et compagnes des auteurs des attentats meurtriers des 7, 8 et 9 janvier 2015 contre l’hebdomadaire « Charlie Hebdo », de l’assassinat d’une policière municipale à Montrouge et du massacre de l’Hyper Casher de Vincennes.

 

Cinq ans après, que pourra apporter un procès qui ne condamnera que des seconds couteaux, tous les auteurs de ces actes criminels ayant été tués ? Pourtant, la Justice française attache à ce dossier une importance historique : les audiences prévues pour durer deux mois et demi seront filmées.

 

 

 

Fresque représentant les journalistes et dessinateurs tués lors de l'attaque contre "Charlie Hebdo" le  7 janvier 2015

Fresque représentant les journalistes et dessinateurs tués lors de l'attaque contre "Charlie Hebdo" le 7 janvier 2015

 

 

 

Deux conceptions du monde

 

Une fois de plus, ce sera un débat entre deux conceptions du monde en conflit : la société occidentale sécularisée et les sociétés fondées sur la religion, ou entre l’universalisme laïque et le communautarisme. Les deux se considèrent comme supérieures et détentrice de cette valeur suprême : « La civilisation » … En plus, sur le plan historique les Européens ont colonisé au XIXe siècle l’Afrique, le Moyen-Orient et une partie de l’Asie. Les guerres de décolonisation qui se sont soldées dans les deux décennies qui ont suivi la Seconde guerre mondiale par le retrait des Européens, ont généré ce qu’on appelle le néocolonialisme – c’est-à-dire le pillage encore plus intense des ressources des anciennes colonies – et une véritable guerre idéologique entre deux visions opposées du monde.

 

 

Est-ce le fameux « choc des civilisations » cher aux néoconservateurs américains ? Non, car les « civilisations » entretiennent des relations entre elles depuis des siècles. En réalité, on peut se demander si « civilisation » est un concept réel. Il n’y a pas de rapports de forces entre elles, mais entre des peuples qui ont des intérêts divergents et qui ont chacun leur propre culture. Dans ce rapport de force s’est introduit la religion. Et là, le conflit prend une autre nature. La religion sert en effet d’arme idéologique, car, qu’il s’agisse de l’Islam ou de la Chrétienté, la religion monothéiste est prosélyte et veut imposer sa vision au reste du monde.

 

 

Dès lors, deux questions se posent en ce débat parmi les plus tendus de notre temps. La première est posée par Pierre Kompany, bourgmestre belgo-congolais de la commune bruxelloise de Ganshoren et père du célèbre footballeur dans un article de la « Libre Belgique » du 22 août 2020 : « Il est regrettable que les Belges soient allés au Congo avec un objectif civilisationnel en disant ‘je te civilise’, cela n’a pas de sens. Ils auraient pu dire ‘une culture en vaut une autre’. Les Noirs que les Occidentaux ont rencontrés dans les forêts du Congo avaient des ancêtres qui venaient d’Egypte. Et en Egypte, ils avaient une civilisation brillante alors qu’ici, en Europe, au même moment, il n’y en avait pas. »

 

 

 

Pierre Kompany, le bourgmestre belgo-congolais de la commune bruxelloise de Ganshoren critique le colonialisme belge.

Pierre Kompany, le bourgmestre belgo-congolais de la commune bruxelloise de Ganshoren critique le colonialisme belge.

 

 

 

La laïcité est un pur produit occidental. Elle est issue des Lumières européennes. Comme nous l’avons déjà écrit, elle a plusieurs patronymes dont celui de la libre pensée. À l’époque coloniale elle a tenté d’installer ses principes dans les colonies – par opposition à la mission évangéliste chrétienne –, mais sans prendre en compte les cultures des peuples des pays colonisés. Certes, la laïcité n’est pas un prosélytisme. Elle est avant tout une méthode dont l’objet est de permettre à l’être humain de penser librement au-dessus des contraintes politiques et religieuses. Mais, cette méthode est un fruit occidental. Elle ne se retrouve dans aucune autre philosophie. C’est pourquoi, si son objet est universel, elle ne réussira jamais à s’imposer hors de l’Europe, ni même dans le monde anglo-saxon qui a choisi une autre voie.

 

Laïcité et religion(s)

 

La seconde question est posée par la relation entre la laïcité et la religion, ou les religions. En France, la fameuse loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat a clairement tracé la frontière entre l’action publique et le rôle évangélisateur du clergé. D’un côté comme de l’autre, cette loi a instauré un équilibre qui maintient à la fois la paix civile et la légitimité républicaine. Par deux fois, des responsables politiques ont tenté de rompre cet équilibre : Mitterrand en 1981 avec un projet de loi de laïcisation de l’enseignement qu’il a été contraint de retirer à la suite des réactions virulentes de l’Eglise et de la droite et Sarkozy en 2007 avec un discours prononcé à Latran où il affirma accorder plus d’importance au « curé qu’à l’instituteur ». Autrement dit : placer la laïcité au second plan. Tentative avortée, également.

 

 

 

Nicolas Sarkozy à Latran le 20 décembre 2007 remet en question la loi de séparation entre l'Eglise et l'Etat de 1905.

Nicolas Sarkozy à Latran le 20 décembre 2007 remet en question la loi de séparation entre l'Eglise et l'Etat de 1905.

 

 

 

En Belgique, nous vivons sous un régime à la fois concordataire et de séparation. Les cultes sont reconnus par la loi et financés par l’Etat. Cependant, l’Eglise – essentiellement catholique – n’est représentée dans aucun corps public sauf les Fabriques d’Eglise locales qui ont été fondées par un décret napoléonien de 1814 ! Et on s’aperçoit que par ce financement de cultes, l’Eglise catholique se taille la part du lion. Dès les années 1990, les laïques ont souhaité avoir leur dû et se sont ainsi assimilés à un culte ! Ce qui est pour le moins paradoxal !

 

 

L’hebdomadaire « Le Point » publie dans sa livraison du 13 août 2020 une interview de Me Richard Malka, l’avocat de « Charlie Hebdo ». Ses propos interpellent en ce sens qu’ils ouvrent un débat fondamental entre la coexistence entre les religions monothéistes – l’Islam en particulier – et la Laïcité. C’est l’objet de ce procès selon cet avocat et il a raison. À quoi sert, en effet, de juger spectaculairement des sous-fifres qui n’apporteront pas d’éléments nouveaux sérieux en cette affaire et qui tenteront d’échapper à leur culpabilité ? Remarquons au passage que dans la plupart des cas, l’issue de ces attaques se solde par la mort de leurs auteurs. Lors des attaques du 13 novembre 2015 à Paris contre le Stade de France, le Bataclan et les terrasses, tous les protagonistes ont été tués à une exception près. Leur chef, le belge Abaaoud, a été « descendu » à Saint-Denis le 18. Sans tomber dans le « complotisme », on peut s’étonner de cette propension des forces de sécurité à abattre les auteurs de ces crimes. Abaaoud ne semblait pas être un second couteau. Le capturer aurait sans doute été très intéressant pour les services secrets français et pour la Justice. Le seul « rescapé » de cette aventure est Salah Abdeslam qui a été arrêté à Bruxelles trois mois après. Ce dernier était le « logisticien » de la bande et n’a toujours pas pipé mot. Normal : il sait ce qu’il risque : ses « vrais chefs » sont toujours dans la nature… Aussi, simple question : n’est-ce pas eux qu’il faudrait capturer ?

 

 

 

Me Richard Malka, l'avocat de "Charlie Hebdo" pose les bonnes questions.

Me Richard Malka, l'avocat de "Charlie Hebdo" pose les bonnes questions.

 

 

 

Mais, revenons au débat ouvert par Me Malka. Je n’ai pas l’habitude sur ce blog de parler de ma petite personne. Ici, je fais une exception pour que le lecteur comprenne : « Je ne suis pas Charlie ». L’évolution de cet hebdo vers un conformisme libéral-libertaire depuis le licenciement de Siné soi-disant pour antisémitisme à la suite de la prise de contrôle de cet hebdomadaire par un homme du pouvoir, Philippe Val, était plus que déplaisante. J’ai considéré aussi que Charlie exagérait avec ses caricatures antimusulmanes. S’il a réagi courageusement aux menaces des islamistes à cette époque, s’obstiner dans cette voie me semblait contreproductif et surtout pas très intelligent. D’ailleurs, quand on lit l’extraordinaire récit de Philippe Lançon ( http://uranopole.over-blog.com/2018/05/quel-est-donc-ce-lambeau-que-je-ne-saurais-voir-ou-comprendre.html ), un des seuls rescapés de l’attentat, il révèle qu’un des dessinateurs de Charlie Hebdo assassiné par les terroristes, le « sage » de la bande, Georges Wolinski, considérait qu’il fallait arrêter cela. Trop tard, malheureusement !

 

Les controverses contre-productives de la laïcité : le voile et l’islamophobie

 

 

Deux controverses existent depuis quelques années : celui sur le port du voile et celui sur l’islamophobie. J’ai déjà évoqué la question du foulard à plusieurs reprises : l’interdiction dans les écoles et dans les administrations publiques, prônée par les militants de la Laïcité est aussi contreproductive. La Laïcité n’est pas là pour interdire, mais pour apporter le progrès, ce qui, il faut l’avouer, n’est plus aussi prioritaire à son agenda. En ce qui concerne l’islamophobie, nier son existence est tout aussi stupide. Et dans bien des cas, elle sert aussi de couverture au racisme. Et puis, il y a le vieux contentieux entre chrétiens et musulmans. Cela dit, il ne faut pas se leurrer : des personnages comme Tariq Ramadan ont œuvré sans relâche pour interdire toute critique de l’Islam considérée comme blasphématoire. Le but étant bien entendu d’inscrire dans la loi le blasphème comme délit. Le clergé catholique et les évangélistes sans le proclamer ouvertement, n’étaient pas hostiles à cette démarche de « l’intellectuel musulman » aujourd’hui carbonisé à la suite de ses peu ragoûtantes frasques sexuelles… Quant au « blasphème », on s’aperçoit que la presse « mainstream » fait preuve d’une grande prudence en la matière. Les éditorialistes si prompts à dénoncer, voire à insulter tout qui n’est pas dans « la ligne » évitent courageusement de s’avancer dans la critique même modérée d’actes et de propos émis par des religieux de toutes sortes.

 

Quid de la séparation du spirituel et du temporel ?

 

La véritable question est : prenant acte qu’une société de séparation totale du spirituel et du temporel est impossible, comment préserver la liberté d’expression, donc de pensée ? Dans son interview, Me Malka définit l’enjeu :

 

« Le mobile du crime [l’assassinat des journalistes et des dessinateurs de Charlie Hebdo] c’est la volonté d’interdire la critique de Dieu, donc la liberté d’expression, donc la liberté tout court. »

 

Cela est profondément vrai ! Ainsi, l’enjeu est de concilier la coexistence entre des communautés imprégnées de culture religieuse et une société laïque basée sur les principes fondamentaux édictés par les Lumières voici trois siècles. Mission impossible ? Devons-nous déroger à certains de ces principes afin d’assurer la paix civile ?

 

On a essayé ce qu’on a appelé les « accommodements raisonnables ». Par exemple, dans une piscine communale, on accepte de déroger au principe de mixité en réservant des heures pour les femmes uniquement, ou encore en dispensant les élèves de confession musulmane des cours de biologie. Cela n’a évidemment pas marché. On est arrivé à des situations rocambolesques comme l’interdiction de porter l’hidjab sur des plages de la Côte d’azur, ou de nager avec la « burkini » dans les piscines.

 

Moins folklorique fut le camion meurtrier de la Promenade des Anglais à Nice le 14 juillet 2016…  Voilà les deux faces auxquelles nous sommes confrontés.

 

 

 

Le meurtrier islamiste ayant fauché des dizaines de personnes avec un camion à Nice a fini par être abattu.

Le meurtrier islamiste ayant fauché des dizaines de personnes avec un camion à Nice a fini par être abattu.

 

 

 

L’aspect social

 

On oublie en outre l’aspect social. Rien de sérieux n’a été fait pour donner aux populations musulmanes vivant dans nos cités européennes les moyens de se développer dans notre société technique occidentale. Certes, il y a de brillantes réussites, mais elles se comptent sur les doigts de la main. Les « quartiers » ou les « zones » ou encore les « banlieues », tous ces lieux décentrés que le pouvoir nous cache via les médias, sauf quand cela s’embrase pour permettre à des politiciens de se faire valoir… Les banlieues aux logements taudisés, avec les écoles dites « poubelles » où le prétendu ascenseur social est bloqué au sous-sol, zones dites de « non droit » où les caïds de la drogue font la loi servent d’habitat à une population jeune, nombreuse et marginalisée. Comment dès lors donner la moindre chance à toute une génération ? Quelle société peut-elle se considérer « civilisée » si elle laisse pour compte des dizaines de milliers de gens « allochtones » ?

 

C’est un terreau fertile à l’islamisme qui est avant tout un redoutable instrument politique. Et là, par notre passivité, nous n’avons pas de réponse ! Un peu de sérieux : comment imprégner les principes de base de nos démocraties « modernes » - elle-même en crise, par ailleurs – à des gens confrontés à la misère, au chômage, à la drogue et surtout au « no future » ? Car, posons-nous la question : sommes-nous capables de leur proposer quelque-chose, sinon de l’assistance et de la répression ?

 

 

Une autre stratégie

 

 

Alors, la laïcité dans tout cela ? Comme nous l’avons déjà écrit : elle est isolée. Une partie de la gauche s’en détourne, car elle considère que vouloir instaurer la séparation du temporel et du spirituel dans les communautés de confession musulmane serait faire preuve de « colonialisme », d’islamophobie, voire même de racisme ! Et il est vrai que l’extrême-droite s’est saisie de cette polémique en se proclamant laïque ! Regardez « Riposte laïque » en France qui cache mal son racisme derrière sa prétendue défense de la laïcité.

 

Une fois de plus, c’est une question de stratégie. Il faut à la fois faire preuve de fermeté et de souplesse. Fermeté, l’actuel ministre français de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer le déclare (Le Point, 27 août 2020) :

 

 

 

Le ministre de l'Education nationale français Jean-Michel Blanquer essaie de voir à long terme.

Le ministre de l'Education nationale français Jean-Michel Blanquer essaie de voir à long terme.

 

 

 

À la question « La laïcité est-elle vraiment indispensable à l’école publique ? », le ministre répond :

« Oui, elle est consubstantielle à l’école de la République et fait partie des éléments fondamentaux de notre société. L’école est un sanctuaire pour nos enfants, qui ne doivent pas être soumis à un quelconque prosélytisme, qu’il soit religieux, politique ou même commercial. Ce principe de neutralité est indispensable non seulement pour que soit assuré un lien de confiance entre la famille et la République, mais aussi pour que soit garantie la promesse d’émancipation des futurs citoyens de notre pays. »

 

On ne peut être plus ferme. Il faut savoir ce que l’on veut. Le débat se situe entre deux conceptions de la société : L’universalisme laïque et le communautarisme. Le regain d’influence du religieux doublé à la domination économique, politique et culturelle anglo-saxonne en Europe occidentale favorise le communautarisme qui place la norme religieuse et/ou culturelle au-dessus de l’universalité des règles normatives. On s’en aperçoit avec l’islamisme, mais aussi avec le poids de plus en plus important des sectes évangélistes aux Etats-Unis, en Amérique latine, en Afrique et même en Europe.

 

 

C’est en cela que l’universalisme laïque est isolé et se trouve sur la défensive. Dans la même interview, Jean-Michel Blanquer en est conscient :

 

 

« Il faut être lucide et dire sans aucune ambiguïté qu’il y a des forces à l’œuvre à l’échelle nationale et internationale pour nous imposer un modèle de société qui n’est pas le nôtre. Ces forces sont très minoritaires, y compris dans le monde musulman. J’insiste d’ailleurs sur le fait que les premières victimes de la pensée séparatiste promue par les islamistes sont les musulmans qui, dans leur très grande majorité, partagent les valeurs de la République. »

 

C’est vrai, Monsieur le ministre, mais n’oubliez pas le poids culturel des entreprises transnationales et des institutions européennes qui voient d’un très bon œil l’instauration du modèle communautariste dans nos sociétés laïques. La démocratie a toujours dérangé le capital. Et avec nos gouvernements européens actuels – et particulièrement celui du président Macron – notre modèle de société n’a pas de très forts défenseurs.

 

Alors, amis laïques, il y a du boulot !

 

Pierre Verhas

 

 

 

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22 août 2020 6 22 /08 /août /2020 19:32

 

 

 

Les choses tournent mal pour Julian Assange et ce n’est pas une surprise.

 

Rappelons que le fondateur de Wikileaks fut violemment expulsé de l’ambassade d’Equateur à Londres où il s’était réfugié le 16 août 2012 pour échapper à une extradition vers les Etats-Unis où il risque 175 ans de prison. Le 12 avril 2019, sur plainte de l’ambassadeur d’Equateur, la police londonienne a exfiltré violemment le journaliste réfugié à la légation. Il a été presqu’aussitôt condamné à 50 semaines de prison pour avoir échappé à la Justice britannique  et aussitôt enfermé à la prison de haute sécurité de Belmarsch réputée pour être une des plus dures du Royaume Uni et en même temps, le gouvernement de Londres a accepté la demande d’extradition d’Assange vers le Etats-Unis. Cependant, l’affaire reste pendante devant la Justice britannique. En février 2020, ont eu lieu quatre audiences du tribunal de Westminster en vue de l’extradition du journaliste australien vers les USA. Assange était enfermé dans une cage de verre blindé et tout était fait pour l’empêcher d’avoir contact avec ses avocats. L’affaire a été reportée au 14 août 2020 à cause de tergiversations de la partie américaine.

 

 

 

 

Julian Assange enfermé dans une cage de verre lors des première audiences du procès en extradition.

Julian Assange enfermé dans une cage de verre lors des première audiences du procès en extradition.

 

 

 

Cette dernière audience qui devait débuter dans la matinée a été suspendue pour qu’Assange puisse pour la première fois s’entretenir avec ses conseils ! Elle a donc débuté au début de l’après-midi. Assange était resté à la prison de Belmarsch et il ne pouvait répondre qu’en visioconférence. Seuls 5 journalistes ont été autorisés à suivre les débats.

 

On a pu à nouveau constater l’attitude partisane de la juge Vanessa Baraister. Elle donna de faux numéros de téléphone aux journalistes qui souhaitaient assister à l’audience en visioconférence. Elle a fait obstruction sur plusieurs demandes de la défense. Bref, la routine ! Cependant, la surprise vint des Américains demandeurs de l’extradition : ils ont légèrement modifié leur acte d’accusation ce qui désarçonna la défense qui avait déposé ses conclusions sur l’acte d’accusation initial. Et cela retarde une fois de plus la procédure.

 

 

D’après les responsables de Wikileaks, le motif de ces manœuvres de retardement serait… les élections présidentielles américaines du 3 novembre prochain ! En effet, si l’extradition d’Assange a lieu avant novembre, cela risque d’être un boulet de plus dans la campagne de Trump et même sans doute de Biden, car n’oublions pas que c’est sous la présidence d’Obama que les USA ont demandé l’extradition du journaliste australien. Cela laisserait-il un répit ? On verra. En tout cas, la prochaine audience reste fixée au 7 septembre prochain jusqu’à nouvel ordre. Signalons au passage que les partisans d’Assange appellent à une grande manifestation internationale devant le tribunal de Westminster ce jour-là.

 

 

 

Ni Joe Biden, ni Donald Trump ne souhaitent voir Julian Assange arriver sur le territoire étatsunien avant les élections du 3 novembre prochain.

Ni Joe Biden, ni Donald Trump ne souhaitent voir Julian Assange arriver sur le territoire étatsunien avant les élections du 3 novembre prochain.

 

 

 

 

On ne peut rien envisager à ce stade. Néanmoins, un élément jouera sans doute. Des juristes du monde entier se regroupant sous le nom de « Lawiers for Assange » ont adressé au gouvernement britannique une longue lettre ouverte dans laquelle ils disent d’emblée :

 

 

« Nous vous écrivons en tant que juristes professionnels et universitaires pour exprimer nos préoccupations collectives concernant les violations des droits humains, civils et politiques fondamentaux de M. Julian Assange et le précédent créé par sa persécution. Nous vous demandons d’agir dans le respect du droit national et international, des droits de l’homme et de l’État de droit en mettant un terme à la procédure d’extradition en cours et en accordant à M. Assange la liberté qui lui est due de longue date, à savoir le droit de ne pas être soumis à la torture, à la détention arbitraire et à la privation de liberté, ainsi qu’à la persécution politique. »

 

 

Ils y dénoncent l’illégalité de l’extradition d’Assange, avec le risque de ne pas avoir un procès équitable et d’être soumis à la torture. Sur le fond, les juristes dénoncent la violation de la liberté de la presse en assimilant les informations diffusées par Wikileaks à de l’espionnage. Les conclusions du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe sont d’ailleurs très claires :

 

 

« La nature large et vague des allégations contre Julian Assange, et des infractions énumérées dans l’acte d’accusation, est troublante car beaucoup d’entre elles concernent des activités qui sont au cœur du journalisme d’investigation en Europe et au-delà »

 

 

Ainsi, au-delà du cas Assange, c’est la liberté de la presse qui est en jeu. Nous l’avions déjà signalé ( http://uranopole.over-blog.com/2019/08/qui-est-big-brother-ii.html ) :

 

 

David McCraw, avocat du New York Timesaverti une salle pleine de juges que la poursuite de Julian Assange pour les publications de Wikileaks créerait un précédent très dangereux qui finirait par nuire aux principaux médias d’information comme NYT, le Washington Post et les autres médias qui publient des documents gouvernementaux secrets.

 

 

 

 

Le célèbre avocat new-yorkais David Mc Craw a dénoncé le danger mortel de l'extradition de Julian Assange pour la liberté de la presse.

Le célèbre avocat new-yorkais David Mc Craw a dénoncé le danger mortel de l'extradition de Julian Assange pour la liberté de la presse.

 

 

 

"Je pense que la poursuite contre lui constituerait un très, très mauvais précédent pour les éditeurs", a déclaré M. McCraw. "Dans cette affaire, d’après ce que je sais, il se trouve dans la position d’un éditeur classique et je pense que la loi aurait beaucoup de mal à faire la distinction entre le New York Times et Wikileaks. »

 

 

On observe que ces deux célèbres et puissants organes de la presse mainstream ne sont guère conscients de ce danger mortel ou ne désirent pas l’être… Ils sont en effet étrangement silencieux sur cette affaire.

 

 

 

Nous conseillons aux lecteurs d’Uranopole de lire en entier la lettre ouverte des « Lawiers for Assange ». Elle est longue, certes. Elle constitue cependant une référence pour la défense de nos libertés fondamentales. Ce sont évidemment nos amis du « Grand Soir » qui en ont publié la version française :

 

 

https://www.legrandsoir.info/lettre-ouverte-au-gouvernement-britannique.html

 

 

Il va de soi que la presse mainstream n’en a guère fait allusion, malgré le nombre important de signataires parmi lesquelles figurent d’importantes personnalités du monde juridique et universitaire.

 

 

Ce silence est un inquiétant indice.

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

 

La prochaine et sans doute ultime audience du procès d’extradition de Julian Assange est fixée au 7 septembre prochain. Il est probable qu’elle soit reportée à novembre. Cependant, une manifestation est prévue à Londres devant le tribunal afin de protester contre cette extradition. Les lecteurs d’Uranopole seront informés en temps voulu afin qu’ils puissent éventuellement s’y rendre, tenant compte des contraintes dues au Covid 19.

 

 

 

 

Des pétitions demandant de ne pas extrader Julian Assange circulent, dont une d’Amnesty International qui a enfin décidé de se réveiller !

 

 

 

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28 juillet 2020 2 28 /07 /juillet /2020 23:13
Hommage à Gisèle Halimi

Hommage à une grande dame qui vient de nous quitter. Elle fut à la tête de toutes les luttes pour les femmes et pour la Justice là où elle était bafouée, ici et dans toutes les parties du monde. Levons-nous toutes et tous pour poursuivre son combat.

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24 juillet 2020 5 24 /07 /juillet /2020 19:36

 

 

 

La laïcité en Belgique a subi coup sur coup deux échecs d’importance. Sur le plan dit éthique, elle vient de perdre la bataille de la dépénalisation totale de l’IVG. Même si les méthodes utilisées par les adversaires de cette proposition de loi sont détestables, c’est un échec et il faut en tirer les leçons. Sur le plan de la vie en société, les laïques ont échoué sur l’interdiction du port du voile dans les établissements d’enseignement supérieur à Bruxelles. Et ce dernier revers provient de formations politiques censées défendre les principes de l’universalisme laïque.

 

 

 

La députée PS de Namur, Eliane Tillieux s'est battue jusqu'au bout mais en vain pour obtenir la dépénalisation totale de l'IVG.

La députée PS de Namur, Eliane Tillieux s'est battue jusqu'au bout mais en vain pour obtenir la dépénalisation totale de l'IVG.

 

 

 

Quelles sont les causes de ce déclin de l’influence laïque dans la société belge ? On pourrait parler de l’Europe, mais la situation diffère d’un pays à l’autre. La Belgique qui a une structure et une situation particulières est cependant un sujet intéressant. Ses différents clivages permettent de mieux analyser l’évolution des choses.

 

Quant à la laïcité en Belgique, le débat était relativement simple depuis l’indépendance en 1831 jusqu’au début des années 1970 – notons au passage que ce courant de pensée ne s’est pas toujours appelé « laïcité ».

 

C’était plus simple quand il y avait deux « camps » !

 

Il existait alors deux « camps » qui s’affrontaient : d’un côté l’Eglise catholique qui a toujours exercé une influence prépondérante en ce Royaume et de l’autre, ce qu’on a appelé les libres penseurs qui avaient comme relais politiques les libéraux et les socialistes, surtout dans la partie méridionale du pays, à Bruxelles et aussi à Gand et à Anvers. Bref, essentiellement dans les zones urbaines. La Belgique connaît dans une sorte de concordat pluraliste où l’Eglise catholique se taille la part du lion. Le champ de bataille initial a été essentiellement l’enseignement. Le camp de la libre pensée a obtenu quelques belles victoires : l’instruction gratuite et obligatoire, la primeur à l’enseignement officiel jusqu’à la « guerre scolaire » de 1959 qui s’est terminée par un compromis boiteux dont on subit toujours les conséquences : le Pacte scolaire a empêché la concrétisation d’un projet moderne émanant des libres penseurs et même de certains catholiques : l’école pluraliste sous le contrôle de l’Etat. Un autre combat fut celui de l’égalité hommes-femmes. C’est seulement en 1958 que les femmes obtinrent des droits civils égaux à ceux des hommes. Par exemple, auparavant, elles ne pouvaient ouvrir un compte en banque ou fonder une société commerciale sans l’autorisation de leur mari.

 

 

 

Le Docteur Willy Peers arrêté et incarcéré à Namur le 18 janvier 1973 accusé d"avoir procédé à des avortements dans sa clinique. Il devint le symbole à la fois de la libération de la femme et de la laïcité.

Le Docteur Willy Peers arrêté et incarcéré à Namur le 18 janvier 1973 accusé d"avoir procédé à des avortements dans sa clinique. Il devint le symbole à la fois de la libération de la femme et de la laïcité.

 

 

 

Un second semi-échec fut la bataille pour la dépénalisation de l’IVG. Elle débuta en 1973 à la suite de l’emprisonnement du Dr Willy Peers qui avait pratiqué des avortements dans sa clinique gynécologique à Namur et s’acheva par une loi hybride dépénalisant « partiellement » l’IVG en 1990, en provoquant par ailleurs une crise royale – dix-sept années d’opiniâtre combat, alors que la France dépénalisa l’avortement dès 1974 ! Cependant, l’essentiel est que l’avortement ne soit plus interdit. Deux autres batailles éthiques furent elle aussi emportées sans trop de difficultés : celle de l’euthanasie et celle du « mariage pour tous » dans les années 1990. Mais depuis, la laïcité semble en léthargie.

 

 

Notre société a évolué plus vite que la laïcité organisée. Et c’est à la fois sa chance et son drame ! Avec la décolonisation fort évoquée ces temps-ci, l’ouverture des frontières et l’immigration, la société belge et européenne en général a été profondément bouleversée. Les institutions - partis, syndicats, laïcité – élaborées pour une société relativement homogène, ont été désarçonnées. Je l’ai personnellement vécu lors de ma période syndicaliste dans le secteur privé dans la décennie 1970-80. Des dirigeants syndicaux plus lucides, plus ouverts et ayant un esprit fondamentalement internationaliste se sont vite aperçus de la nécessité d’œuvrer pour que les travailleurs maghrébins et turcs – notamment dans le secteur de la construction où je travaillais comme informaticien – soient traités au même régime que leurs collègues belges : salaires, sécurité sociale, représentation dans les instances syndicales, etc. Ce fut un combat difficile : la réticence du patronat voyait en ces « nouveaux » travailleurs une main d’œuvre à bon marché et bon nombre de syndicalistes de terrain n’étaient pas prêts à accueillir ces nouveaux venus qu’ils considéraient comme des concurrents, voire des ennemis. Le racisme existe aussi dans le monde du travail !

 

 

 

Philippe Moureaux fut le premier à imposer l'antiracisme au PS après avoir fait voter la loi réprimant les actes de racisme et de xénophobie en 1981.

Philippe Moureaux fut le premier à imposer l'antiracisme au PS après avoir fait voter la loi réprimant les actes de racisme et de xénophobie en 1981.

 

 

 

Sur le plan politique, ce fut pareil. À la Fédération bruxelloise du PS, il a fallu la poigne d’une personnalité comme Philippe Moureaux pour que les choses évoluent vers plus de solidarité à l’égard des populations immigrées maghrébines et turques qui s’installaient dans les quartiers populaires de Bruxelles le long du canal et aussi dans les environs de la gare du Midi et de la gare du Nord. Je me souviens d’une AG de la section du PS de Saint-Gilles en 1983 présidée par Charles Picqué où ce fut un défouloir raciste de vieux socialistes dont certains avaient été des Résistants pendant la Seconde guerre mondiale. Là, je me suis rendu compte que la question était loin d’être marginale. Désormais, nous ne vivrons plus jamais dans une société homogène.

 

Et là, plusieurs dérivèrent. Les uns s’enlisèrent dans le rejet de l’Autre, d’autres poussèrent la tolérance jusqu’au renoncement à leurs propres valeurs. Ces deux comportements extrêmes ont pourri le débat, ont empêché tout progrès vers une société de rencontre. Il y a cependant une chose à retenir : la philosophie judéo-chrétienne qui présidait à notre société n’est plus de mise aujourd’hui. Mais, c’est plus tard que la question religieuse est apparue.

 

 

La laïcité a été incapable d’intégrer la culture musulmane.

 

 

La laïcité a été confrontée à la montée de l’Islam après la révolution khomeyniste de 1979. C’est à partir de ce moment que s’est répandu le port du voile islamique en Europe occidentale. Indice visible d’un changement ! En 1989, un groupe de féministes laïques françaises dirigé par Elisabeth Badinter avertit le ministre de l’Education nationale de l’époque, Lionel Jospin, de la menace que représentait pour elles le port généralisé du voile dans les écoles de la République. Cette démarche se solda par un échec, mais la controverse était désormais sur le terrain et ne s’arrêta plus. On vota des lois inapplicables, on prit des mesures tout aussi inefficaces. Notre société se montre incapable de répondre au défi d’un pluralisme culturel.

 

 

 

Le hidjab est devenu une coutume. Pourquoi dès lors l'interdire ?

Le hidjab est devenu une coutume. Pourquoi dès lors l'interdire ?

 

 

 

Aujourd’hui, un collectif « Laïcité Yallah » composé de Musulmans se réclamant de la laïcité vient d’exprimer son inquiétude face à ce qu’il considère comme un renoncement de la part des autorités communales de Molenbeek – commune combien symbolique depuis les attentats islamistes de 2016 ! – à la neutralité de l’enseignement en étant soupçonnée d’accepter le port du voile dans les écoles molenbeekoises. Ce collectif déclare :

 

« Si la question du voile alimente toujours (encore) le débat public, elle a, néanmoins, subi une transformation en profondeur avec une nouvelle génération de militantes et militants qui prétend agir au nom des droits humains et de la lutte contre le racisme. Leur interprétation de l'ouverture et leur lecture de la diversité et de l'inclusion les amènent à légitimer une injonction religieuse qui découle d'une culture islamique rigoriste et d'une contextualisation de la religion au-delà de la sphère spirituelle. »

 

Soyons plus nuancés. Si, en effet, les groupes islamistes se servent du voile comme arme, c’est dû à l’erreur de stratégie du mouvement laïque qui n’a trouvé comme réponses que l’interdiction et l’exclusion. Et on continue ! Ce collectif argue en outre :

 

« Ces militantes et militants pro-voiles qui prétendent afficher, par ailleurs, une grande ouverture sur le monde, ne portent aucune considération à la lutte des femmes en Iran ou au sort des libres-penseurs et des homosexuels dans le monde musulman. Ont-ils un jour entendu parler de Raif Badawi ou de Nasrine Sotoudeh qui croupissent dans les pires geôles, l'une saoudienne et l'autre iranienne ? La seule question, qui trouve grâce à leurs yeux, est celle du voile vue sous l'angle de la liberté individuelle. Cet activisme politique crée de la confusion et des malentendus. Ajoutons à cela une croisade contre la laïcité ... qui ne dit pas son nom. »

 

« Croisade » ! Le mot est lâché ! Il y a une double question : quelle est la signification du voile et surtout, constitue-t-il une menace pour les fondamentaux de notre société occidentale ?

 

On ne réglemente pas sur une interprétation !

 

D’après certains analystes, le hijab est le principe de séparation chargé de soustraire de la vue une chose ou un être. Il serait aussi et tout simplement un moyen d’échapper à la « police religieuse » composée surtout de jeunes hommes désœuvrés qui veulent dominer la rue !  D’autres considèrent que le hijab n’est qu’un simple « signe », un bout de tissu comme n’importe quel pendentif ou fichu. Aussi, interdire d’arborer un « signe » serait une entrave à la liberté.

 

Quelle est donc la bonne interprétation ? Le « signe » ou l’obligation « divine » de séparation des sexes ? C’est très difficile à trancher. Aussi, on ne peut édicter une règle d’interdiction sur la base d’une interprétation ! Ce serait une lourde erreur stratégique.

 

Et c’est justement à cause de cette erreur stratégique que la laïcité est attaquée de la sorte ! Tout d’abord la laïcité qui a pour piliers le triptyque « liberté égalité fraternité », s’accommode mal d’interdits. Ensuite ce combat contre le voile risque d’être assimilé à un rejet de la femme musulmane pouvant s’apparenter à du racisme et à du sexisme. Bien sûr, c’était tout le contraire : les protagonistes laïques voient en cette lutte la libération de la femme musulmane en rétablissant l’égalité hommes-femmes et aussi le refus de voir une religion dogmatique s’imposer dans l’espace scolaire. Cependant, les apparences sont contre les laïques notamment suite à des prises de position et de déclarations trop radicales de la part de certains de leurs dirigeants. Aussi, une partie significative de la mouvance progressiste s’est insurgée contre ce qu’elle considère comme de l’intolérance. Et puis, on ne libère pas les gens malgré eux !

 

Résultat : la laïcité est isolée. On voit même l’extrême-droite se réclamer de la laïcité avec cette affaire du voile ! De l’autre côté, le voile est devenu le symbole de la résistance de l’Islam face à un « Occident envahisseur ». Désormais, la laïcité durement attaquée sur ses propres bases, est sur la défensive. Et elle le restera tant qu’elle n’adoptera pas une autre stratégie tenant compte de l’hétérogénéité de notre société.

 

 

 

La blogeuse tunisienne Emna Chargui vient d'être condamnée à six mois de prison pour s'être moquée de al religion musulmane sur les réseaux sociaux !

La blogeuse tunisienne Emna Chargui vient d'être condamnée à six mois de prison pour s'être moquée de al religion musulmane sur les réseaux sociaux !

 

 

 

Un danger bien plus sérieux

 

En outre, cette affaire du voile cache un autre danger bien plus sérieux, celui-là : les attaques contre la liberté de critique à l’égard de l’Islam depuis l’affaire Salman Rushdie  jusqu’à aujourd’hui. La récente condamnation d’une jeune blogueuse tunisienne Emna Chargui à six mois de prison pour avoir lancé sur Facebook des plaisanteries sur la religion constitue une menace sérieuse pour les libertés fondamentales dans un pays comme la Tunisie qui vient de restaurer la démocratie après le fameux « Printemps arabe ». Il s’agit d’ailleurs du seul pays du Maghreb qu’on peut qualifier de démocratique. Mais il est sérieusement menacé ! Et là, nous devons être solidaires, car c’est aussi un danger pour l’évolution de ces pays du Sud Méditerranéen qui ont un potentiel formidable. Là, le progrès est menacé. Et cette menace peut nous atteindre. Déjà, dans certains milieux religieux, sans compter la mouvance antiraciste dite intersectionnelle, l’idée de restaurer le délit de blasphème fait son chemin. Et cela s’ajoute aux velléités des pouvoirs ultralibéraux de restreindre le champ de la liberté d’expression ! Ici, il faut prendre garde !

 

Les Lumières sont en danger. Et ce n’est pas en se barricadant dans une forteresse qu’on les préservera. Aucune forteresse n’a tenu dans l’histoire. Il faudra y penser à la rentrée.

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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22 juillet 2020 3 22 /07 /juillet /2020 16:45

 

 

 

La crise sanitaire a fait oublier pendant un gros trimestre la crise politique qui sévit en Belgique depuis la chute du gouvernement de Charles Michel en 2019 et les élections qui suivirent. Elles virent la défaite des partis traditionnels (libéraux, socialistes et catholiques) et des nationalistes flamands de la NV-A (extrême-droite « douce ») et la victoire des Ecologistes, du PTB (gauche radicale) et des nationalistes flamands du Vlaams Belang (extrême-droite « dure »). Les dirigeants des partis traditionnels se sont échinés à trouver des formules de gouvernement qui ont échoué les unes après les autres. Pourquoi ? Parce que la NV-A, même si elle a laissé des plumes aux dernières élections, reste incontournable si l’on veut une majorité suffisante à la Chambre.

 

 

C’est un dilemme pour les Socialistes. D’un côté, comme le PS est le premier parti de la partie francophone de la Belgique et comme la NV-A est la première formation politique flamande, il eût été logique qu’ils s’associent pour former un gouvernement en y associant l’un ou l’autre parti pour disposer d’une majorité solide. Cependant, une telle coalition serait l’alliance de l’eau et du feu et surtout ferait perdre leur âme aux Socialistes.

 

 

 

L'ancien président du PS Elio Di Rupo et le nouveau, Paul Magnette. Il semble bien que l'ancien tienne toujours les manettes.

L'ancien président du PS Elio Di Rupo et le nouveau, Paul Magnette. Il semble bien que l'ancien tienne toujours les manettes.

 

 

 

La social-démocratie a perdu son âme.

 

 

 

En réalité, la social-démocratie d’Europe occidentale a perdu son âme depuis longtemps. Elle s’est inclinée sinon ralliée à la politique néolibérale lancée par Thatcher et Reagan au début des années 1980. Elle a tenu vis-à-vis de son électorat un double langage. D’un côté, très critique à l’égard du nouveau capitalisme anglo-saxon, tout en affirmant qu’il était impossible de s’y opposer et que son rôle consistait à limiter les dégâts sociaux, le fameux « Sans nous, ce serait pire ! ». On a vu le résultat ! En politique internationale, la social-démocratie européenne est le meilleur soutien de l’atlantisme et de la politique belliciste des USA au Moyen-Orient.

 

Où est l’internationalisme d’antan ? Où se trouve la solidarité avec le monde du travail ? Même sur le plan sociétal qui était devenu son créneau durant cette funeste décennie 1980-90, la social-démocratie tergiverse. Comme on avait dit à l’époque de François Mitterrand : le matin, on manifeste avec SOS Racisme, le soir on écoute Le Pen à la télé ! Sur le plan communautaire, les Socialistes sont aussi divisés. Une partie se rallie au communautarisme et l’autre campe sur une position laïque pure et dure (voir plus haut). Une fois de plus, tout cela n’est pas le fruit d’une réflexion approfondie. C’est la navigation à vue !

 

 

 

Michel Rocard et François Mitterrabnd, les deux faces de la social-démocratie française des années 1980-90.

Michel Rocard et François Mitterrabnd, les deux faces de la social-démocratie française des années 1980-90.

 

 

 

Revenons en Belgique. Cela n’est pas simple, comme toujours !

 

L’actuel président du PS, Paul Magnette qui a succédé à l’ancien Premier ministre Elio Di Rupo a d’abord juré ses grands dieux qu’il ne négocierait jamais avec la NV-A et laissa les partis de droite s’emberlificoter dans des négociations sans issue : impossible d’avoir une majorité solide sans un des deux poids lourds – NV-A ou PS – et tout cela mena à l’impasse. Les milieux économiques déjà secoués par la crise sanitaire firent pression sur ces deux partis pour qu’ils négocient enfin la formation d’un gouvernement. Magnette commença à faire volteface en acceptant le principe de la négociation avec la NV-A. On savait d’ailleurs qu’il avait déjà négocié en secret sans en informer ses instances politiques, ce qui lui valut une volée de bois vert de la part de plusieurs caciques du PS. Le 20 juillet, à la veille de la fête nationale, c’est chose faite : le roi a donné à Paul Magnette et à Bart De Wever, le patron de la NV-A, la mission de « préformer » un nouveau gouvernement avec une majorité solide. Finies les pauses de matamore !

 

 

 

 

Bart De Wever et Magnette se saluent sous le regard de Di Rupo. Qui manipule qui ?

Bart De Wever et Magnette se saluent sous le regard de Di Rupo. Qui manipule qui ?

 

 

 

La compliquée histoire belge

 

Pour bien comprendre, faisons un peu d’histoire. En 2010, les deux vainqueurs des élections étaient le PS et la NV-A – l’inverse d’aujourd’hui. Son président, Elio Di Rupo tenta de négocier avec les nationalistes flamands en excluant les libéraux. Cependant, les Socialistes n’étaient pas en position de force et les exigences de la NV-A étaient inacceptables. Aussi, au bout de quelque 500 jours de palabres, il a bien fallu que les Socialistes se tournent vers les libéraux qui étaient dès lors en position de force. Di Rupo fut nommé Premier ministre tout en gardant la présidence du PS dont il donna les fonctions à Paul Magnette. Les libéraux occupent les postes clés et exigent des mesures anti-sociales comme la dégressivité des allocations de chômage qui ont coûté électoralement très cher au Parti socialiste. De l’autre côté, sous la pression des partis flamands fut entamée une sixième réforme de l’Etat qui réforma le Sénat, qui transféra plusieurs compétences fédérales vers les régions et les communautés, mais surtout qui régionalisa les allocations familiales et une partie des soins de santé. Cela équivalait à une première étape de la scission de la Sécurité sociale, sujet tabou pour les organisations syndicales et le monde du travail. Face à tout cela, il n’était évidemment plus possible de faire confiance à la gauche sociale-démocrate.

 

Aux élections de 2014, cela fut donc un échec colossal pour les Socialistes même s’ils maintinrent de justesse leur position dominante en Wallonie et à Bruxelles, les libéraux reprirent des couleurs et la NV-A devint le premier parti de Flandres et même du pays ! Un gouvernement dirigé par le libéral francophone Charles Michel – actuel président du Conseil européen – avec la NV-A qui occupa les postes clés et les libéraux et les sociaux-chrétiens flamands fut rapidement formé. Il mena une politique anti-sociale très dure, notamment avec le saut d’index, une réforme drastique des pensions et la diminution des allocations sociales. En dépit de fortes mobilisations syndicales, le gouvernement Michel n’infléchit en rien sa politique. Cependant, le parti du Premier ministre, les libéraux francophones, avalait les couleuvres d’une NV-A qui faisait la pluie et le beau temps au sein de ce gouvernement. Elle impose, par l’intermédiaire d’un secrétaire d’Etat qui affiche ouvertement ses « idées » néonazies, une politique drastique à l’égard des migrants.

 

 

 

Malgré les coups qu'il a subi, le très néolibéral Charles Michel a tenu bon jusqu'à ce que son "partenaire" NV-A le lâche.

Malgré les coups qu'il a subi, le très néolibéral Charles Michel a tenu bon jusqu'à ce que son "partenaire" NV-A le lâche.

 

 

 

Cependant, l’objectif premier de la NV-A soutenue par le patronat flamand est le confédéralisme, c’est-à-dire le transfert d’un maximum de compétences du fédéral aux régions de manière à faire de l’Etat fédéral une coquille vide. D’autre part, les nationalistes et libéraux flamands installent une politique économique et sociale ultralibérale dure. Et en ce domaine, la NV-A campe toujours sur ses positions.

 

 

Voilà donc le paysage politique en Belgique aujourd’hui : la NV-A est toujours maître du jeu. Le PS est le « premier » en Wallonie et à Bruxelles, mais peut être écarté si toutes les formations de droite s’allient avec… les Socialistes flamands ! Cela n’a pas marché et le roi a fini par donner au leader socialiste wallon Paul Magnette et au nationaliste flamand Bart De Wever la mission de former un gouvernement. Ils ont cinquante jours !

 

 

 

 

Le roi Philippe a chargé les deux ennemis de former un gouvernement ce 20 juillet 2020..

Le roi Philippe a chargé les deux ennemis de former un gouvernement ce 20 juillet 2020..

 

 

Les Socialistes vont-ils renoncer à leurs fondamentaux ?

 

De deux choses l’une. Ou bien les Socialistes renoncent à leurs fondamentaux – sécurité sociale fédérale, maintien du budget de la même Sécu, institutions démocratiques, antiracisme, etc. – ou bien, pour accéder au pouvoir, ils cèdent aux exigences des nationalistes. Les militants socialistes sont divisés. Les uns estiment que le PS ne peut agir que s’il est au pouvoir, les autres pensent que le rapport de forces est loin d’être favorable aux Socialistes et le prix d’un renoncement serait bien trop élevé. Le PS est d’ailleurs affaibli par ses divisions internes. Un député-bourgmestre accusé d’être trop communautariste a été exclu il y a quelques mois et une députée-bourgmestre incapable de se dépêtrer de querelles personnelles avec un de ses échevins est également menacée d’exclusion. Perdre deux sièges à la Chambre des représentants alors qu’on est en état de faiblesse n’est pas la meilleure manière pour gagner des négociations !

 

La social-démocratie est en crise profonde partout en Europe. Ainsi, en France, des intellectuels parisiens ont tenté de la rafistoler : Raphaël Glucksmann et maintenant l’ex-journaliste Laurent Joffrin croient pouvoir lui donner un nouveau souffle, alors qu’ils sont eux-mêmes des « has been ». 

 

 

 

 

Laurent Joffrin s'est donné pour mission de renouveler la social-démocratie en France. Bien du plaisir !

Laurent Joffrin s'est donné pour mission de renouveler la social-démocratie en France. Bien du plaisir !

 

 

 

Pour un renouveau théorique : commencer par relire Marx, Engels, Rosa Luxemburg avec le regard de notre époque.

 

La social-démocratie n’est plus la force dynamique qu’elle a été entre les deux-guerres et dans l’immédiate après-seconde guerre mondiale. Elle n’a plus la capacité d’œuvrer pour un projet de renouveau, ni même d’en élaborer un. Sa base s’effrite. Elle est en voie de disparition et on en est arrivé au point de considérer qu’il serait nuisible de tenter de la sauver.

 

 

 

Rosa Luxemburg redevient d'actualité. Sa pensée économique intéresse à nouveau les économistes qui y détectent une grande modernité.

Rosa Luxemburg redevient d'actualité. Sa pensée économique intéresse à nouveau les économistes qui y détectent une grande modernité.

 

 

 

Si on veut voir surgir de nouvelles forces de progrès, il serait temps de penser un autre monde et ne plus se baser uniquement sur les canons de l’ancien. Une recherche théorique est donc indispensable en ces premières décennies du XXIe siècle. Par exemple, relire Marx, Engels, Rosa Luxemburg avec le regard de notre époque pourrait être un bon début. C’est un travail colossal, mais il faut s’y atteler.

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

 

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