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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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3 février 2023 5 03 /02 /février /2023 17:54

 

 

 

Dans le « Figaro » du 31 janvier 2023, le chroniqueur des affaires internationales Renaud Girard pose la question pertinente : « L’Europe est-elle sortie de l’Histoire ? » Il constate en effet : « Personne dans le vaste monde, de Dakar à Nairobi, de Shangaï à Bombay, de Rio à Toronto, ne s’intéresse pas vraiment à ce que peuvent dire les dirigeants européens. »

 

Renaud Girard note que le dernier grand discours d’un Européen qui « a réellement happé l’attention du monde » fut celui de Dominique de Villepin en février 2003 à la tribune des Nations Unies demandant aux Anglo-Saxons de renoncer à envahir l’Irak. Qu’on soit ou non d’accord, il observe que le ministre français a fait preuve « de courage, d’indépendance d’esprit et de vision, trois qualités devenues relativement rares sur le Vieux Continent. » L’adverbe « relativement » semble superflu !

 

Les treize dirigeants européens qui avaient signé le 7 février 1993 le traité de Maastricht qui avait fondé la « nouvelle » Union européenne, avait instauré la monnaie unique sur le modèle de l’ordolibéralisme allemand, décida d’une coopération dans les affaires intérieures, proposa une « politique étrangère et de sécurité commune » (la PESC). Trente ans après, on attend toujours cette fameuse PESC. L’Union européenne s’est alignée sur la politique étasunienne tout en perdant son influence sur les autres continents. Notre économie est de plus en plus dépendante de celle des USA. Ainsi, l’UE n’a pas réussi ou n’a pas voulu réussir à contrecarrer l’extraterritorialité du droit étatsunien, notamment par les traités de libre échange que le pays de l’Oncle Sam a dicté à l’Europe et à une partie du reste du monde. On observe également que les pays de l’Union européenne se désindustrialisent. La crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine pourrait d’ailleurs accentuer cette inquiétante tendance.

 

Vers la Troisième guerre mondiale ?

 

Cette faiblesse de l’Europe nous mène indirectement à la Troisième guerre mondiale comme l’analyse le philosophe anthropologue français Emmanuel Todd dans un livre qui a beaucoup de succès et il accorda un entretien au « Soir » du 28 janvier dernier : « la Troisième Guerre mondiale a commencé. Il est vrai qu’elle a commencé « petitement » et avec deux surprises. On est parti dans cette guerre avec l’idée que l’armée de la Russie était très puissante et que son économie était très faible. On pensait que l’Ukraine allait se faire écraser militairement et que la Russie se ferait écraser économiquement par l’Occident. Or, il s’est passé l’inverse : l’Ukraine n’a pas été écrasée militairement, même si elle a perdu à cette date 16 % de son territoire ; et la Russie n’a pas été écrasée économiquement. Au moment où je vous parle, le rouble a pris 8 % par rapport au dollar et 18 % par rapport à l’euro depuis la veille de l’entrée en guerre. Il y a donc eu une sorte de quiproquo. Mais il est évident que le conflit, en passant d’une guerre territoriale limitée à un affrontement économique global entre l’ensemble de l’Occident, d’une part, et la Russie adossée à la Chine, d’autre part, est devenu une guerre mondiale. Même si les violences militaires sont faibles par rapport à celles des guerres mondiales précédentes. »

 

 

 

L'analyse de l'anthropologue et philosophe Emmanuel Todd est éclairante et sans complaisance.

L'analyse de l'anthropologue et philosophe Emmanuel Todd est éclairante et sans complaisance.

 

 

 

Quand Todd évoque un « affrontement économique global entre l’ensemble de l’Occident d’une part et la Russie adossée à la Chine, d’autre part », il aurait dû ajouter que le fameux Occident, ce sont les USA avec les pays européens comme supplétifs et non plus l’Europe à part entière.

 

On le voit d’ailleurs avec la saga sur la livraison de chars d’assaut à l’Ukraine. Les Européens divisés ont finalement décidé de livrer plusieurs modèles de chars obsolètes. Seul le Léopard II allemand est réellement opérationnel. De plus, les différents états-majors européens ont lancé un cri d’alarme : leurs réserves s’épuisent avec toutes ces livraisons d’armes diverses fournies à l’Ukraine. On peut également se poser une question : sommes-nous disposés à participer à une guerre de positions qui risque de durer fort longtemps ? Il semble bien que oui. Les dirigeants de l’Union européenne se trouvent à Kiev pour une réunion avec Zelenski pour décider de plusieurs modalités dans le déroulement de cette guerre. L’UE, par exemple, a décidé de former des tankistes ukrainiens. Zelenski, de son côté, réclame des avions de combat et des missiles à longue portée. On a inventé un néologisme pour désigner les pays européens dans ce conflit : les cobelligérants ! Est-ce à dire que des pays européens participeront directement aux combats ? On verra. Il est clair cependant qu’on s’installe dans la guerre. Rien n’est fait pour convaincre sinon contraindre les parties russe et ukrainienne de s’asseoir à la table de négociation.

 

 

 

Est-ce vraiment une bonne idée de surarmer l'Ukraine ? Ici le fameux char Léopard 2.

Est-ce vraiment une bonne idée de surarmer l'Ukraine ? Ici le fameux char Léopard 2.

 

D’ailleurs, Todd le dit : « Nous fournissons des armes, quand même. Nous tuons des Russes, même si nous ne nous exposons pas nous-mêmes. Mais il reste vrai que nous, Européens, sommes surtout engagés économiquement. Nous sentons d’ailleurs venir notre véritable entrée en guerre par l’inflation et les pénuries.

 

Poutine a fait une grosse erreur au début, qui présente un immense intérêt sociohistorique. Ceux qui travaillaient sur l’Ukraine à la veille de la guerre considéraient ce pays non comme une démocratie naissante, mais comme une société en décomposition et un « failed state » en devenir. On se demandait si l’Ukraine avait perdu 10 millions ou 15 millions d’habitants depuis son indépendance. On ne peut trancher, parce que l’Ukraine ne fait plus de recensement depuis 2001, signe classique d’une société qui a peur de la réalité. Je pense que le calcul du Kremlin a été que cette société en décomposition s’effondrerait au premier choc, voire dirait « Bienvenue maman » à la sainte Russie. Mais ce que l’on a découvert, à l’opposé, c’est qu’une société en décomposition, si elle est alimentée par des ressources financières et militaires extérieures, peut trouver dans la guerre un type nouveau d’équilibre, et même un horizon, une espérance. Les Russes ne pouvaient pas le prévoir. Personne ne le pouvait. »

 

L’Ukraine « membre de facto de l’OTAN » ?

 

Emmanuel Todd partage l’analyse du géopoliticien américain John Mearsheimer.

 

« Ce dernier faisait le constat suivant : il nous disait que l’Ukraine, dont l’armée avait été prise en main par des militaires de l’Otan (américains, britanniques et polonais) depuis au moins 2014, était donc de facto membre de l’Otan, et que les Russes avaient annoncé qu’ils ne toléreraient jamais une Ukraine membre de l’Otan. Ces Russes font donc (ainsi que Poutine nous l’a dit la veille de l’attaque) une guerre, de leur point de vue, défensive et préventive. Mearsheimer ajoutait que nous n’aurions aucune raison de nous réjouir d’éventuelles difficultés des Russes, parce que, comme il s’agit pour eux d’une question existentielle, plus ça serait dur, plus ils frapperaient fort. L’analyse semble se vérifier. »

 

Le philosophe français ajoute : « Lorsqu’il dit que l’Ukraine était de facto membre de l’Otan, il ne va pas assez loin. L’Allemagne et la France étaient, elles, devenues des partenaires mineurs dans l’Otan et n’étaient pas au courant de ce qui se tramait en Ukraine sur le plan militaire. On a critiqué la naïveté française et allemande, parce que nos gouvernements ne croyaient pas en la possibilité d’une invasion russe, certes, mais aussi parce qu’ils ne savaient pas qu’Américains, Britanniques et Polonais pouvaient permettre à l’Ukraine d’être en mesure de mener une guerre élargie. L’axe fondamental de l’Otan maintenant, c’est Washington-Londres-Varsovie-Kiev. »

 

 

 

Le siège de l'OTAN à Bruxelles. Est-ce bien là que tout se décide ?

Le siège de l'OTAN à Bruxelles. Est-ce bien là que tout se décide ?

 

 

 

En clair, l’Allemagne, la France, les pays méditerranéens, le Benelux et la Scandinavie sont hors-jeu dans cette guerre. Cela explique sans doute la fuite en avant de Ursula von der Leyen et de Charles Michel.

 

 

Un autre aspect est avancé par Todd : l’économie russe ne s’est pas effondrée avec les sanctions occidentales. Elle s’est au contraire renforcée. D’ailleurs, l’embargo a des aspects presque comiques : ainsi le pétrole russe parvient à se vendre en Europe en le mélangeant dans l’oléoduc avec du pétrole d’une autre provenance ! Les Européens se sont tiré une rafale de mitrailleuse dans le pied avec les sanctions qui se retournent contre eux. Par exemple, les USA nous vendent au prix fort du gaz de schiste alors que pour des raisons environnementales évidentes, il est interdit sur le continent !

 

Emmanuel Todd estime qu’à terme, l’économie russe adossée à celle de la Chine pourrait à terme porter préjudice à celle des Etats-Unis. Jusqu’à présent, Xi Jin Ping a campé sur une position prudente. Il vient de s’exprimer : il exhorte Biden à cesser de livrer des armes à l’Ukraine. Cela signifie-t-il que la Chine se range aux côtés de la Russie ? D’autre part, la France est en train de perdre ses positions en Afrique. Des pays africains comme le Mali se rapprochent eux aussi de la Russie. Sans doute, l’isolement, si  cela continue, sera celui de « l’Occident », c’est-à-dire les Etats-Unis et ses supplétifs européens sans compter les risques d’affrontements avec la Chine en mer de Chine.

 

Noam Chomsky, le fameux linguiste américain, l’affirme : « Si la guerre continue, l’Ukraine sera la première victime. Les armes étasuniennes avancées peuvent maintenir une impasse sur le champ de bataille alors que la Russie verse plus de troupes et d’équipements, mais combien la société ukrainienne peut-elle tolérer maintenant que la Russie, après plusieurs mois, s’est tournée vers le style de guerre américano-britannique, attaquant directement les infrastructures, l’énergie, les communications, tout ce qui permet à la société de fonctionner ? L’Ukraine est déjà confrontée à une crise économique et humanitaire majeure. Alors que la guerre persiste, les responsables de la banque centrale ukrainienne craignent que "les gens ne fuient l’Ukraine en masse, emportant leur argent avec eux, ce qui pourrait faire s’effondrer la monnaie nationale alors qu’ils cherchent à échanger leur hryvnia ukrainienne contre des euros ou des dollars".

 

Heureusement, les Ukrainiens de souche qui fuient sont susceptibles d’être acceptés en Occident. Ils sont considérés comme (presque) blancs, contrairement à ceux qui se sont noyés par milliers en Méditerranée en fuyant la destruction de l’Afrique par l’Europe, ou renvoyés de force dans des États terroristes soutenus par les États-Unis. Bien que beaucoup puissent être en mesure de fuir, dans l’état actuel des choses, la destruction d’une société viable en Ukraine est susceptible de poursuivre son horrible chemin. » (voir le Grand Soir https://www.legrandsoir.info/l-armement-avance-des-etats-unis-en-ukraine-maintient-l-impasse-sur-le-champ-de-bataille.html )

 

 

 

Ursula von der Leyen en très bon termes avec Volodimir Zelenski. Qui dupe l'autre ?

Ursula von der Leyen en très bon termes avec Volodimir Zelenski. Qui dupe l'autre ?

 

 

Un autre aspect est avancé par Todd : l’économie russe ne s’est pas effondrée avec les sanctions occidentales. Elle s’est au contraire renforcée. D’ailleurs, l’embargo a des aspects presque comiques : ainsi le pétrole russe parvient à se vendre en Europe en le mélangeant dans l’oléoduc avec du pétrole d’une autre provenance ! Les Européens se sont tiré une rafale de mitrailleuse dans le pied avec les sanctions qui se retournent contre eux. Par exemple, les USA nous vendent au prix fort du gaz de schiste alors que pour des raisons environnementales évidentes, il est interdit sur le continent !

 

Emmanuel Todd estime qu’à terme, l’économie russe adossée à celle de la Chine pourrait à terme porter préjudice à celle des Etats-Unis. Jusqu’à présent, Xi Jin Ping a campé sur une position prudente. Il vient de s’exprimer : il exhorte Biden à cesser de livrer des armes à l’Ukraine. Cela signifie-t-il que la Chine se range aux côtés de la Russie ? D’autre part, la France est en train de perdre ses positions en Afrique. Des pays africains comme le Mali se rapprochent eux aussi de la Russie. Sans doute, l’isolement, si  cela continue, sera celui de « l’Occident », c’est-à-dire les Etats-Unis et ses supplétifs européens sans compter les risques d’affrontements avec la Chine en mer de Chine.

 

 

Noam Chomsky, le fameux linguiste américain, l’affirme : « Si la guerre continue, l’Ukraine sera la première victime. Les armes étasuniennes avancées peuvent maintenir une impasse sur le champ de bataille alors que la Russie verse plus de troupes et d’équipements, mais combien la société ukrainienne peut-elle tolérer maintenant que la Russie, après plusieurs mois, s’est tournée vers le style de guerre américano-britannique, attaquant directement les infrastructures, l’énergie, les communications, tout ce qui permet à la société de fonctionner ? L’Ukraine est déjà confrontée à une crise économique et humanitaire majeure. Alors que la guerre persiste, les responsables de la banque centrale ukrainienne craignent que "les gens ne fuient l’Ukraine en masse, emportant leur argent avec eux, ce qui pourrait faire s’effondrer la monnaie nationale alors qu’ils cherchent à échanger leur hryvnia ukrainienne contre des euros ou des dollars".

 

Heureusement, les Ukrainiens de souche qui fuient sont susceptibles d’être acceptés en Occident. Ils sont considérés comme (presque) blancs, contrairement à ceux qui se sont noyés par milliers en Méditerranée en fuyant la destruction de l’Afrique par l’Europe, ou renvoyés de force dans des États terroristes soutenus par les États-Unis. Bien que beaucoup puissent être en mesure de fuir, dans l’état actuel des choses, la destruction d’une société viable en Ukraine est susceptible de poursuivre son horrible chemin. » (voir le Grand Soir https://www.legrandsoir.info/l-armement-avance-des-etats-unis-en-ukraine-maintient-l-impasse-sur-le-champ-de-bataille.html )

 

 

 

Le linguiste étatsunien Noam Chomsky garde sa fine capacité d'anakyse.

Le linguiste étatsunien Noam Chomsky garde sa fine capacité d'anakyse.

 

 

 

Au secours ! Orwell revient.

 

 

La grande difficulté pour analyser objectivement cette guerre est que l’information est entachée par la propagande des deux côtés. Ainsi, Chomsky explique :

 

« Les discussions sur les armes nucléaires sont presque toutes le fait de l’Occident, bien qu’il soit trop facile de penser à des étapes sur l’échelle d’escalade. Le discours désinvolte sur la guerre nucléaire aux États-Unis est choquant, désastreux.

 

Il en va de même pour la rengaine désormais standard sur une lutte cosmique entre la démocratie et l’autocratie – suscitant le ridicule en dehors des cercles instruits occidentaux. Ailleurs, les gens sont capables de regarder les faits flagrants de l’histoire passée et actuelle et ne sont pas si profondément immergés dans les fabrications doctrinales qu’ils en deviennent aveugles.

 

Il en va de même des récits concoctés dans la propagande occidentale sur les plans de Poutine pour conquérir l’Europe, sinon au-delà, suscitant des craintes qui coexistent facilement avec la jubilation devant la démonstration de l’incompétence militaire de la Russie et de son incapacité même à conquérir des villes à quelques kilomètres de ses frontières. Orwell l’appelait « double pensée » : la capacité de garder à l’esprit deux idées contradictoires et d’y croire fermement. La double pensée occidentale est étayée par l’industrie de la lecture du marc de café qui cherche à pénétrer l’esprit tordu de Poutine, discernant toutes sortes de perversités et de grandes ambitions. Balayant ainsi les découvertes de George W. Bush lorsqu’il a regardé dans les yeux de Poutine, a vu son âme et a reconnu qu’elle était bonne. Et c’est à peu près aussi fondé que les idées de Bush.

 

Vers une guerre nucléaire ?

 

Mais la réalité est tenace. Outre la destruction de l’Ukraine, il y a une possibilité toujours croissante de guerre nucléaire. Des millions de personnes sont confrontées à la famine en raison de la perturbation des expéditions de céréales et d’engrais en provenance de la région de la mer Noire. Des ressources précieuses qui sont désespérément nécessaires pour éviter une catastrophe climatique sont gaspillées dans la destruction et une préparation fortement accrue pour plus. L’Europe en prend un coup, avec sa relation de complémentarité très naturelle avec la Russie brisée, et ses liens avec le système émergent basé sur la Chine sont également mis à mal. C’est une question ouverte de savoir si l’Europe – en particulier le système industriel basé sur l’Allemagne – acceptera de décliner en se subordonnant à Washington, un sujet d’une importance considérable. »

 

La haine de guerre

 

Enfin, le philosophe et sociologue Edgar Morin – 101 ans ! – dans un petit livre décapant « De guerre en guerre – De 1940 à l’Ukraine », éditions de l’Aube, Paris, 2023, dénonce aussi la propagande diffusées des deux côtés. En premier lieu, il fustige le discours de haine de Poutine qui fait des Ukrainiens des nazis en général. Ce qui est faux, même s’il y a un puissant courant d’extrême-droite en Ukraine nostalgique de Bandera et de ses ignominies pendant la Seconde guerre mondiale.

 

 

 

Le sociologue et philosophe Edgar Morin : le centenaire à l'esprit vif

Le sociologue et philosophe Edgar Morin : le centenaire à l'esprit vif

 

 

Morin dénonce aussi « la prohibition de la littérature russe, Pouchkine, Tolstoï, Dostoïevski, Tchekhov, Soljenitsyne compris, et de la musique des compositeurs russes, est un signe très alarmant de la haine de guerre non seulement contre un peuple, mais également contre sa culture. » Et il ajoute : « Nous subissons une propagande de guerre qui nous fait haïr la Russie, admirer inconditionnellement tout ce qui est ukrainien et occulter tout contexte, dont celui de la guerre ininterrompue depuis 2014 [le coup d’Etat de Maidan] entre l’Ukraine et les provinces russophones irrédentistes [le Donbass], ainsi que le rôle des Etats-Unis, qu’il faudra bien un jour examiner en historien. » Et Edgar Morin conclut cette question : « Le caractère remarquable de l’hystérie de guerre et des certitudes intolérantes qu’elle suscite depuis le début de la guerre d’Ukraine en France, c’est que nous demeurons toutefois en paix, sans courir de risque mortel, et que nous voulons y rester, tout en étant des va-t-en-guerre jusqu’au-boutistes par Ukrainiens interposés. ». Oui, tant que nous ne sommes pas entraînés dans cette guerre par « cobelligérance » !

 

Laissons la conclusion – toute provisoire – à Emmanuel Todd :

 

« Existe-t-il des possibilités de diplomatie ? Les États-Unis et le Royaume-Uni, les deux États guerriers traditionnels, insistent toujours sur le fait que la guerre doit être menée pour affaiblir gravement la Russie, donc pas de négociations, mais même dans leurs cercles intimes, il y a un certain relâchement à cet égard.

 

À l’heure actuelle, les positions des deux adversaires semblent irréconciliables, s’étant durcies de manière prévisible à mesure que les hostilités s’intensifient. On ne sait pas s’il est possible de revenir aux positions de mars dernier, lorsque, selon des sources ukrainiennes de gauche, « l’Ukraine avait annoncé publiquement des propositions à la réunion d’Istanbul du 29 mars, qui prévoyaient le retrait des troupes russes sur la ligne le 23 février [2022, le jour du déclenchement de l’offensive russe] et le report des discussions sur la Crimée et le Donbass. Dans le même temps, la partie ukrainienne a insisté pour que tous les différends soient résolus par des référendums transparents organisés sous la supervision d’observateurs internationaux et après le retour de toutes les personnes déplacées de force.

 

Les négociations d’Istanbul ont échoué. La source qui vient d’être citée blâme entièrement la Russie. On sait peu de choses, car la couverture des efforts diplomatiques est si rare. En particulier, nous ne savons pas si un facteur de l’effondrement a été l’opposition de la Grande-Bretagne aux négociations, apparemment soutenue par les États-Unis. Reste-t-il des possibilités ? La seule façon de le savoir est de faciliter les efforts pour essayer. »

 

 

Certes, mais la diplomatie actuelle semble bien impuissante. Et on est bien loin des grands mouvements pour la paix des années 1960-80 dans le Benelux et en Allemagne occidentale qui ont mis dans la rue des centaines de milliers de personnes. Quelques timides initiatives sont prises, mais elles restent marginales.

 

 

Apprêtons-nous dans cette Europe en déliquescence dirigée par de pâles personnalités incapables d’adopter une politique de ferme diplomatie et surtout d’avoir une vision à long terme avec une opinion publique manipulée par la propagande de guerre, à payer longtemps encore l’impôt du sang sans engranger les revenus de la Paix.

 

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

 

 

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13 janvier 2023 5 13 /01 /janvier /2023 10:50

 

 

Il y a bien longtemps, en 1848, Karl Marx publiait à Bruxelles avec son ami Friedrich Engels un petit ouvrage intitulé « Manifeste du Parti communiste »., ouvrage qui a eu un retentissement planétaire. Son premier chapitre « bourgeois et prolétaires » débute par cette sentence fameuse : « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours a été l’histoire de la lutte des classes. » Ensuite, il décrit et explique le développement de la bourgeoisie industrielle et du prolétariat exploité et soumis à un régime quasi militaire au travail, avec une hiérarchie d’officiers et de sous-officiers – les « petits chefs », comme on dit aujourd’hui. Si, bien entendu, depuis 1848, la bourgeoisie et le prolétariat ont évolué, la profonde nature de l’antagonisme de classes est toujours là. Et Marx et Engels concluent : « L'existence et la domination de la classe bourgeoise ont pour condition essentielle l'accumulation de la richesse aux mains des particuliers, la formation et l'accroissement du Capital ; la condition d'existence du capital, c'est le salariat. Le salariat repose exclusivement sur la concurrence des ouvriers entre eux. Le progrès de l’industrie, dont la bourgeoisie est l'agent sans volonté propre et sans résistance, substitue à l'isolement des ouvriers résultant de leur concurrence, leur union révolutionnaire par l'association. Ainsi, le développement de la grande industrie sape, sous les pieds de la bourgeoisie, le terrain même sur lequel elle a établi son système de production et d'appropriation. Avant tout, la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables. »

 

 

 

Karl Marx et Friedrich Engels qui bouleversèrent le monde par leurs analyses sans concessions

Karl Marx et Friedrich Engels qui bouleversèrent le monde par leurs analyses sans concessions

 

 

 

Ce texte est d’une profonde actualité, si on y réfléchit bien. Mais la « victoire du prolétariat » n’est plus inévitable, car la puissance de la bourgeoisie industrielle et financière mondialisée est énorme. Jamais, dans l’histoire, une classe sociale ne disposât de tant de pouvoirs, alors que Marx pensait qu’elle finirait par être affaiblie. C’est là une de ses grandes erreurs.

 

 

Dans un long entretien publié par le journal économique belge « l’Echo », le juge Michel Claise désormais célèbre depuis le fameux « Qatargate », décrit la criminalité financière et propose des moyens pour tenter de l’éradiquer.

 

 

 

Le juge Claise dénonce les moyens insuffisants de la Justice en matière de criminalité financière.

Le juge Claise dénonce les moyens insuffisants de la Justice en matière de criminalité financière.

 

 

 

Tout d’abord, le juge insiste : la criminalité financière est intimement liée à la corruption. Et la Belgique qui abrite, ne l’oublions pas, le siège de l’OTAN et celui des Institutions européennes, sans compter ceux de nombreuses entreprises transnationales, est très mal classée en matière de corruption par le GREco (Groupe d’Etats contre la Corruption), une émanation du Conseil de l’Europe. Claise dénonce en la matière un immobilisme du gouvernement et des autorités belges. « L'incompétence des gouvernants à lutter contre la corruption crée un sentiment d'impunité pour les organisations criminelles. »

 

La corruption est générale. Le magistrat cite ce qu’il se passe au port d’Anvers qui est devenu une véritable passoire pour les trafiquants de drogue à grande échelle. Les trafiquants corrompent des dockers, des policiers. Il cite l’exemple d’un policier des chemins de fer qui a tenté de corrompre des douaniers pour un million d’euros pour laisser passer un container bourré de cocaïne !

 

 

Un vaste programme

 

 

 

Michel Claise fait une série de propositions pour lutter contre le fléau de la criminalité financière qui constitue en définitive un danger majeur pour la société démocratique et aussi pour les travailleurs. En premier lieu, il propose la création d’un Parquet national financier indépendant des autres parquets et même du Parquet fédéral. Il exprime son soutien au Procureur fédéral qu’il considère comme indépendant, mais il considère que les autres procureurs ont chacune et chacun une dette à l’égard du politique et, dès lors, ne peuvent être réellement indépendants. Et, le juge d’instruction ne le dit pas ouvertement, le monde politique est très perméable à la corruption. Il y a dans ce « microcosme » un sentiment d’impunité qui ouvre la porte à toutes les dérives. En second lieu, il souhaite que comme avant, il y ait un secrétaire d’Etat à la lutte contre la criminalité financière qui serait « une interface entre les ministères de la Justice, de l’Intérieur, des Affaires étrangères et des Finances. » On pourrait ainsi faire un état des lieux de la criminalité financière et de son impact sur la société et la démocratie, sans oublier sur les finances publiques en fondant une équipe de spécialistes – des sociologues et des économistes – et aussi faire appel à des institutions internationales comme le FMI, l’OCDE et des ONG comme Transparency International. Claise conclut : « Une fois que les montants de la criminalité financière seront connus, le monde politique ne pourra pas faire marche arrière. » Vaste programme !

 

 

Le juge Claise n’a bien sûr pas dit un mot sur le « Qatargate » (voir « Uranopole » : https://uranopole.over-blog.com/2022/12/d-un-parlement-a-l-autre.html ). C’est normal, ce dossier est en cours d’instruction et il est tenu au secret qui, par ailleurs, facilite son enquête.

 

 

Cependant, on peut se poser une question : le montant de l’argent de la corruption versé en liquide s’élève à 1 500 000 €. C’est peu pour « arroser » une poignée de députés et d’attachés parlementaires indélicats ! Quand on compare avec la centaine de tonnes de cocaïne saisie par les douanes au port d’Anvers, 500 millions d’€, le montant aujourd’hui découvert de la corruption au Parlement européen, est dérisoire ! On se demande aussi comment cet argent a été « donné » en liquide, alors qu’il suffisait d’ouvrir un compte d’une société offshore « bidon » dans un paradis fiscal ! Et cela aurait été ni vu ni connu ! Et puis, il y a un autre volet à cette affaire : l’espionnage pour le Maroc et le Qatar pour lequel Panzeri qui semble de plus en plus être la cheville ouvrière de cette brillante équipe, aurait joué les agents doubles. Sans doute – si c’est avéré – que là, il y aurait beaucoup d’argent bien caché celui-là. Mais, c’est encore à l’état d’hypothèse.

 

 

Nous reparlerons de cette affaire qui aura de graves conséquences pour l’Union européenne et ses institutions gangrénées par le lobbyisme et en outre le seul pouvoir européen démocratique : le Parlement européen.

 

 

C’est d’ailleurs l’affolement : Madame Roberta Matsola, la présidente maltaise du Parlement européen, planche sur un nouveau règlement interne pour qu’il y ait plus de transparence dans les actes de eurodéputés et leurs conséquences. On peut se poser la question : pourquoi cela n’a pas été fait auparavant ? Cela aurait évité une affaire qui flétrit, comme nous l’avons déjà écrit, la seule institution européenne démocratique.  

 

 

 

Il s'en passe des choses au "Caprice des dieux" à Bruxelles.

Il s'en passe des choses au "Caprice des dieux" à Bruxelles.

 

 

 

Il faut ajouter que certains eurodéputés ne respectent même pas le règlement actuel. Ainsi, Marie Arena qui vient de démissionner de la présidence de la sous-commission des Droits humains du Parlement européen, avoue au « Soir » du 12 janvier qu’elle a effectué un voyage de deux jours au Qatar pour assister à un colloque sur les Droits humains au Qatar, tous frais payés par ce pays. Le règlement stipule que même si un député voyage à des fins politiques sans que le Parlement n’intervienne dans les frais, il est tenu de le signaler à la présidence. Arena ne l’a pas fait et accuse son secrétariat ! Entre parenthèses, on aimerait bien lire les actes de ce colloque ultracourt !

 

 

 

 

L'eurodéputée socialiste belge Marie Arena est dans la tourmente

L'eurodéputée socialiste belge Marie Arena est dans la tourmente

 

 

 

La criminalité financière, c’est le capitalisme.

 

 

L’Union européenne depuis le traité de Maastricht de 1992, impose une politique d’austérité aux Etats-membres. Depuis lors, comme l’écrit le professeur Nuccio Ordine dans un petit livre décapant que nous analyserons dans un prochain post, « L’utilité de l’inutile » paru aux éditions les Belles Lettres : « L’Europe ressemble désormais à un théâtre sur la scène duquel vient surtout s’exhiber, chaque jour, des créanciers et des débiteurs. (…) Comme l’ont observé divers économistes, la cure d’austérité, bien loin de guérir le malade, semble devoir inexorablement, semble devoir inexorablement l’affaiblir toujours davantage. Indépendamment de la question de savoir pour quelles raisons les entreprises et les Etats se sont endettés à ce point, on ne peut que s’étonner de voir comment la rigueur épargne la corruption galopante et les rémunérations fabuleuses d’anciens politiciens, de manageurs, de banquiers et de super consultants, et de constater que les nombreux acteurs de la dérive récessionniste ne sont en rien troublés par le fait que ceux qui en paient le prix sont surtout les classes moyennes et les plus faibles, ces millions d’innocents à qui on enlève leur dignité. »

 

 

La criminalité financière s’inscrit dans cette implacable logique. La criminalité financière fait partie intégrante de la criminalité organisée et comme le déclare Madame Francisca Bostyn, administratrice générale ad interim de la Sûreté de l’Etat : « Le crime organisé peut saper les structures de l’Etat. » (« Le Soir » du 13 janvier 2023)

 

 

En définitive, quand on voit le pouvoir croissant des grandes entreprises transnationales comme les fameuses GAFAM ou les grandes banques comme Goldman Sachs aux Etats-Unis et Rothschild à Londres et à Paris, que les Etats ne se dotent pas des moyens pour lutter contre le fléau de la criminalité financière, on ne peut en tirer qu’une conclusion, Monsieur le Juge : la criminalité financière, c’est le capitalisme.

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

 

 

 

 

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3 janvier 2023 2 03 /01 /janvier /2023 10:49

 

 

 

Il ne se passe pas une semaine sans qu’un incident sérieux ébranle les partis se réclamant du socialisme en Belgique. On sait que les socialistes sont divisés entre un parti flamand et un parti francophone wallon-bruxellois.

 

Le dernier accroc émane des déclarations de Conner Rousseau, le jeune président de « Vooruit » (en avant !) le nouveau nom du parti socialiste flamand. Remarquons au passage que le vocable « socialiste » a disparu ! Le beau jeune homme très populaire en Flandre a déclaré qu’il ne se sent plus en Belgique lorsqu’il se promène à Molenbeek. Molenbeek, sans doute la plus célèbre commune de Bruxelles, doit sa réputation au fait qu’y logeaient la plupart des terroristes des attentats de Paris et de Bruxelles en 2015-2016 et aussi que feu Philippe Moureaux, son bourgmestre, menait une politique considérée comme trop ouverte à l’égard des Maghrébins qui y vivent et trop tolérante envers les mosquées qui diffusent des prêches salafistes. Aujourd’hui, c’est sa fille, Catherine Moureaux, qui préside aux destinées de cette commune. Incontestablement, elle mène une politique plus équilibrée, mais cela n’empêche pas des tensions communautaires de plus en plus fortes au sein de la section socialiste locale.

 

 

 

Conner Rousseau, le jeune président des socialistes flamands, en a surpris plus d'un par sas déclarations droitières et sa stratégie de rapprochement avec les nationalistes flamands.

Conner Rousseau, le jeune président des socialistes flamands, en a surpris plus d'un par sas déclarations droitières et sa stratégie de rapprochement avec les nationalistes flamands.

 

 

 

Ces tensions existent depuis longtemps au niveau même de la Fédération socialiste bruxelloise et la présidence d’Ahmed Laaouej n’a fait que les accentuer. Par exemple, il n’a pas supporté qu’Emir Kir, le député bourgmestre de Saint-Josse-ten-Noode, la plus petite commune de la Région bruxelloise et même du Royaume ait soutenu son concurrent Rachid Madrane. Résultat : Kir a été exclu du PS. Certes, on pouvait lui reprocher, étant donné ses origines turques, sa proximité avec Erdogan, mais la conséquence en est la perte d’un député et d’un bourgmestre alors que le PS est en concurrence avec Ecolo pour la première place dans la Région. D’autre part, la section PS locale s’est ralliée à Emir Kir et celui-ci reste très populaire dans sa commune même de la part des non-musulmans.

 

 

 

Emir Kir, bourgmestre de St Josse a été viré par Ahmed Laaouej, président de la Fédération bruxelloise du PS et bourgmestre de Koekelbergh.

Emir Kir, bourgmestre de St Josse a été viré par Ahmed Laaouej, président de la Fédération bruxelloise du PS et bourgmestre de Koekelbergh.

 

 

 

D’autre part, Laaouej avait promis un débat sur la laïcité au sein de la Fédération bruxelloise du PS. Jusqu’à présent, il n’a pas eu lieu alors que le communautarisme se renforce. D’ailleurs, la position de l’actuel président de la Fédération est plus qu’ambigüe en ce domaine. Est-ce par calcul politique ou par indulgence à l’égard d’un Islam de plus en plus « frériste » ? On se rappelle du chef de groupe PS au Parlement bruxellois qui, lors d’une manifestation de solidarité avec la Palestine il y a deux ans, fit le signe des Frères musulmans.

 

Tout cela risque d’avoir une conséquence assez sérieuse : le PS wallon qui a une tout autre position s’éloigne du PS bruxellois. Cela signifie que les socialistes risquent d’être divisés lors de la formation du prochain gouvernement.

 

Et ce n’est pas fini. Il y a l’aspect social qui est en principe l’essence même du mouvement socialiste. Commençons par une anecdote sans grandes conséquences, mais significative. La ministre des Pensions de l’actuel gouvernement dit de la « Vivaldi », la socialiste Karin Lalieux, a donné un chèque de 100 000 € à l’opération caritative organisée annuellement par la RTBF, opération du nom très francophone « Viva for life ». Des syndicalistes et des socialistes exprimèrent à juste titre leur désapprobation : lorsque l’on défend la Sécurité sociale, on ne tombe pas dans le caritatif médiatisé !

 

 

 

Quelle mouche a piqué Karine Lalieux, ministre socialiste des pensions, en versant dans le caritatif ?

Quelle mouche a piqué Karine Lalieux, ministre socialiste des pensions, en versant dans le caritatif ?

 

 

 

Plus grave sont les propos de Conner Rousseau. Après Molenbeek, voilà qu’il s’attaque à l’organisation syndicale de tendance socialiste : la FGTB et à la Sécurité sociale ! « La Sécu, un magasin où les gens viennent voler ! » Quant au syndicat socialiste, le président de Vooruit déclare à La Libre Belgique : « C’est dans leur ADN de toujours en demander plus. » Le politologue Pascal Delwit en tire les conclusions : Quand on lit toute l’interview de Rouseau à Humo, on peine à se dire que c’est un responsable de gauche qui parle. Que ce soit sur Molenbeek, mais aussi sur la FGTB, la Wallonie, les syndicats, il y utilise les mêmes poncifs que le Voka, Unizo (le patronat flamand particulièrement réactionnaire) et Bart De Wever (le leader de la NV-A). » On ne peut dire mieux !

 

Du côté wallon, le président du PS Paul Magnette tient ses troupes en main. Il parvient à défendre ses positions au sein d’un gouvernement dominé par les libéraux avec un Premier ministre connu pour son radicalisme thatchérien. Résultat : le gouvernement plonge dans l’immobilisme. Chaque parti tire la couverture à soi. Il n’y a pas de ligne commune à gauche entre les socialistes et les écologistes – pour autant que l’on classe ces derniers à gauche – ce qui ne fait que servir la branche libérale, bien qu’elle soit aussi divisée. Et puis, il y a le boulet des scandales (le dernier en date, tout récent, (voir « Uranopole » : https://uranopole.overblog.com/2022/12/d-un-parlement-a-l-autre.html ) que traîne depuis des années le PS wallon.

 

Quant au mouvement syndical, ses ripostes aux offensives du capital essentiellement flamand sont spectaculaires, mais sans effets. Les « promenades » régulières à Bruxelles pour s’opposer aux mesures anti-sociales du gouvernement sont sans doute très sympathiques, mais elles n’ont jamais changé quoi que ce soit. Une nouvelle stratégie est indispensable si on veut retrouver le rapport de forces qui, seul, permet d’avancer.

 

Droitisation, immobilisme, communautarisme, scandales à répétition, la gauche socialiste est bien malade. Cela fait évidemment le lit de la gauche radicale avec le Parti du Travail de Belgique (PTB) qui, lui aussi, évolue vers plus de pragmatisme, grâce à son président, le très populaire Raoul Hedebouw. L’immense avantage du PTB : ses militants sont sur le terrain et n’arpentent pas les couloirs des ministères comme les socialistes. Cependant, il n’arrive pas à se débarrasser de sa gangue stalinienne et n’est pas très clair dans ses relations avec la Chine. D’autre part, le PTB ; notamment à Bruxelles, est lui aussi en proie au communautarisme même si c’est moins sensible étant donné que ses mandataires n’ont aucune responsabilité exécutive dans les communes concernées.

 

 

 

Raoul Hedebouw, le très populaire président du PTB prendra-t-il la voie du pragmatisme ?

Raoul Hedebouw, le très populaire président du PTB prendra-t-il la voie du pragmatisme ?

 

 

 

Les nuages s’amoncellent donc. La droite et l’extrême-droite flamandes ont le vent en poupe. Les socialistes flamands de « Vooruit » semblent prendre ce train en marche. La droitisation du MR (libéraux francophones) opérée par le président de ce parti, l’ineffable Georges Louis Bouchez dit GLOUB, peut s’avérer dangereuse, car les éléments d’extrême-droite dispersés dans la partie francophone du pays peuvent s’y retrouver.

 

En ce début d’année 2023, on n’est pas sorti de l’auberge !

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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14 décembre 2022 3 14 /12 /décembre /2022 17:18

 

 

 

C’est à nouveau la saison des scandales. Ils touchent cette fois-ci deux parlements : l’Européen et le Wallon, un continental et un régional !

 

Du côté wallon, c’est une affaire de dépenses inconsidérées et sans contrôle accompagnée d’indélicatesses. L’affaire va déboucher sur quelques démissions et puis – comme d’habitude – ce sera « business as usual… Du côté européen, c’est plutôt chronique d’un scandale annoncé. Des Parlementaires européens socialistes sont mouillés dans un lobbying pour le Qatar. L’affaire, ici, aura probablement de très sérieuses conséquences politiques et diplomatiques et il sera très difficile de l’étouffer.

 

Ces dérives démontrent l’existence d’une grave crise de l’institution parlementaire. Les Parlements dont la fonction est de représenter le peuple face à l’exécutif et donc de défendre l’intérêt général se transforment en assemblées où côtoient des intérêts divers jusqu’à l’intérêt particulier de certains parlementaires.

 

 

 

Deux socialistes : l'eurodéputé Marc Tarabella et l'ex-président du Parlement wallon Jean-Claude Marcourt

Deux socialistes : l'eurodéputé Marc Tarabella et l'ex-président du Parlement wallon Jean-Claude Marcourt

 

 

 

Parlement wallon : les scandales gangrènent-ils la Wallonie au point d’être son image de marque ?

 

 

La dernière affaire qui secoue le Parlement wallon ne sera sans doute pas étouffée comme les innombrables précédentes qui ont défrayé le chronique de la Région wallonne depuis sa fondation en 1980.

 

 

Rappelons-nous. La grande réforme de l’Etat belge de 1980 obligea la Région wallonne et aussi la Communauté française et la Communauté flamande à réorganiser fondamentalement leur administration en reprenant des compétences qui étaient autrefois celles de l’Etat central belge. Cela nécessita une répartition de ces compétences entre ces nouvelles institutions. Aussi, fallut-il tout d’abord constituer la direction de ces administrations. En Wallonie, afin – en principe – d’accélérer les choses, le ministre président de l’époque, Jean-Maurice Dehousse, recourut à l’usage que beaucoup ont considéré comme abusif de ce qu’on appelait « l’article 18 ». Cette disposition administrative permet aux ministres de nommer sans passer par la procédure normale des hauts fonctionnaires « à la tête du client ». Ainsi, des personnages qui ne faisaient pas partie de l’administration furent en un tour de cuiller à pot propulsés au sommet des ministères wallons, d’autres qui étaient fonctionnaires furent promus sans passer par les étapes réglementaires. Cela provoqua évidemment un profond malaise au sein de cette nouvelle administration. Elle en subit les conséquences dans son efficacité et aussi dans son contrôle interne, ce qui la rendit perméable à toute sorte de dérives.

 

 

Pendant plusieurs années, la Cour des comptes dénonça le manque de rigueur dans la gestion des compétences de la Région wallonne, comme le non-respect des règles sur les marchés publics et des « arrangements » dans le budget. Tout cela n’eut aucun effet.

 

 

 

À la fin de la décennie 1980 éclatèrent ce qu’on a appelé les affaires de Liège qui éclaboussèrent en premier lieu le principal parti de la région, le Parti Socialiste. Et ce fut la catastrophe le 18 juillet 1991 : André Cools, ancien Président du PS, ancien ministre est assassiné. Très vite les soupçons portent sur des éléments du cabinet du ministre liégeois Alain Van der Biest. Ce sont des personnages d’origine italienne qu’on subodore appartenir à la Mafia. Il est désormais clair que l’assassinat de Cools est étroitement lié aux affaires liégeoises. D’ailleurs, plusieurs membres du cabinet Van der Biest furent arrêtés et le ministre lui-même fut inquiété et condamné pour la gestion de son cabinet et des marchés bidons. Finalement, Van der Biest a été retrouvé mort près de son domicile. On a conclu un peu vite à un suicide…

 

 

 

André Cools alors ministre du budget en 1971 : une brillante et mouvementée carrière pour la Wallonie et le Socialisme, assassiné vingt ans plus tard

André Cools alors ministre du budget en 1971 : une brillante et mouvementée carrière pour la Wallonie et le Socialisme, assassiné vingt ans plus tard

 

 

 

Tout cela a indirectement déclenché un autre scandale : l’affaire Agusta-Dassault d’achat d’hélicoptères pour l’armée belge accompagné de pots de vin perçus par des leaders socialistes dont le successeur de Cools à la tête du PS, l’ancien ministre Guy Spitaels et l’ancien secrétaire général de l’OTAN et ancien ministre socialiste flamand, Willy Claes. Un ancien chef de cabinet, Merry Hermanus, le lampiste de service, fut aussi inculpé dans cette affaire. Tous furent condamnés par la Cour de cassation, seule habilitée en Belgique à juger des ministres à des peines de prison avec sursis.

 

 

Cette succession « d’affaires » n’eut cependant pas d’importantes conséquences sur le poids électoral du PS et donc, son influence politique. Pourtant, quelques années plus tard, d’autres scandales éclatèrent, mais à Charleroi, cette fois-ci. Il s’agit essentiellement de marchés publics traficotés et de détournements de fonds publics. Tout cela se termina en eau de boudin, il y a peu : tous les protagonistes à l’exception d’un seul furent blanchis. Mais là, les Socialistes carolos furent affaiblis.

 

 

Elio Di Rupo qui était président du PS à l’époque prononça cette fameuse sentence : « J’en ai marre des parvenus ! » Cela fit plutôt sourire dans les chaumières ! Di Rupo n’a jamais réussi à dominer les deux importantes fédérations d’arrondissement du PS : celle de Liège et celle de Charleroi.

 

 

 

Elio Di Rupo en 2005 : J'en ai marre des parvenus !

Elio Di Rupo en 2005 : J'en ai marre des parvenus !

 

 

 

Di Rupo céda la présidence au Carolo Paul Magnette qui, enfin, tenta de montrer une certaine rigueur dans la gestion du Parti. Et il y a réussi en grande partie. Mais voilà qu’éclate un nouveau scandale : celui du greffier du Parlement wallon, Frédéric Janssens. Dans un parlement, le greffier est le patron du personnel, le gestionnaire des dépenses, l’organisateur avec le Président du Parlement, en l’occurrence le Socialiste liégeois Jean-Claude Marcourt, des travaux du Parlement. Bref, Janssens est la cheville ouvrière de cette institution. Récemment, on a constaté que les dépenses effectuées par le greffier sont exorbitantes. Ainsi, un tunnel qui devait relier le parking du Grognon – le lieu-dit à Namur où se situe le Parlement wallon – a coûté trois fois plus que prévu. Notons au passage que ce tunnel est destiné à permettre aux Parlementaires de circuler sans être vus entre le Parlement et la Maison des Parlementaires. Ainsi, les représentants du peuple s’éloignent de plus en plus de celui-ci ! En plus, on a constaté une gestion tyrannique du personnel et d’autres dépenses somptuaires. C’en est trop : le Bureau du Parlement wallon décide de suspendre François Janssens pour une durée de six mois avec… traitement plein ! Bien curieuse sanction qui dénote une culture laxiste par rapport aux dérives évidentes et suffisamment graves pour alerter la Justice.

 

 

En outre, c’est une affaire à rallonge : en épluchant les comptes de la gestion du greffier, on note qu’il s’est payé aux frais du Parlement wallon des voyages luxueux un peu partout dans le monde, mais celui qui attire le plus l’attention, c’est une escapade de quelques jours dans des hôtels de luxe à Dubaï en 2021 avec le Président du Parlement, le Socialiste liégeois Jean-Claude Marcourt « himself » ! Dont coût : près de 50 000 € ! Le motif de cette escapade ressemble plus à une petite virée aux frais de la « Princesse » qu’à une mission parlementaire !

 

 

Ici, les choses prennent une autre tournure. Le comportement du greffier et du Président du Parlement est inacceptable. Aussi, les médias s’en sont emparés et le Parlement est bien contraint de réagir.

 

 

 

Jean-Claude Marcour avec le président du PS Paul Magnette

Jean-Claude Marcour avec le président du PS Paul Magnette

 

 

 

Tout d’abord, « on » tente de minimiser l’affaire, mais très vite cela déclenche un scandale. Le Président du PS Paul Magnette a tenté de calmer le jeu, mais il fut contraint dès le lendemain d’exiger la démission de Jean-Claude Marcourt qui a d’abord tergiversé quelque peu et s’est enfin décidé lundi 12 décembre. Une partie du bureau a suivi. On attend le prochain épisode.

 

 

Une fois de plus, le comportement de hauts fonctionnaires wallons et de mandataires socialistes est montré du doigt. Cette affaire rappelle qu’il est indispensable de réformer de fond en comble les institutions wallonnes, car cette Région va à la dérive : ses déficits et son endettement commencent à prendre de très inquiétantes proportions et pourraient à terme la mettre sous tutelle soit de l’Union européenne, soit du FMI. La Wallonie sera-t-elle une nouvelle Grèce ?

 

 

Qatar : l’Union européenne touchée en plein cœur

 

 

Lorsqu’il fut décidé de désigner le Qatar comme pays organisateur de la Coupe du monde de football, tout le monde devina qu’il y avait anguille sous roche, que le dieu argent présidait ce choix assez étrange, par ailleurs : le climat désertique du Qatar n’est pas propice à y organiser des matches de foot, ce pays n’est pas une nation football, il n’est pas connu non plus pour l’organisation d’événements à l’échelle mondiale. Et il n’est pas un exemple de démocratie ! En revanche, cet Emirat est réputé pour ses mœurs corruptrices et son intégrisme religieux. Voilà donc une Coupe à forte odeur de gaz et de dollars !

 

 

« Mediapart » a révélé il y a peu comment s’est déroulée l’attribution de la Coupe au Qatar. Tout cela est très bien rendu dans un petit film en dessin animé élaboré par le journal en ligne. On y retrouve d’ailleurs une vieille connaissance : M. Platini ! (voir https://uranopole.over-blog.com/2014/04/aux-ordres-de-michel-platini.html )

 

 

 

 

 

 

 

Le drame de toute cette affaire porte un nom : la tricherie. Tout est faux dans cette histoire, tous les protagonistes se sont servis et surtout, il fallait se rallier les « décideurs » qui risquaient de trouver curieux le choix du Qatar pour la Coupe 2022. Ce sont évidemment les Qataris qui se sont chargés de « convaincre » les sceptiques. Et apparemment, ce fut assez facile.

 

 

Cependant, il fallait aussi museler les opposants qui étaient assez nombreux et influents. Les conditions abominables dans lesquelles des milliers de travailleurs migrants ont travaillé à la construction des stades au Qatar ont profondément ému et indigné aussi bien les associations de défense des droits humains comme les organisations syndicales internationales. Rappelons que les travailleurs engagés par le Qatar provenaient du Pakistan, d’Inde, de plusieurs pays du Moyen-Orient. Lorsqu’ils pénétraient au Qatar, leurs passeports étaient confisqués et ils furent logés dans des conditions indignes auprès des chantiers. Ils travaillaient près de quinze heures par jour sans aucune sécurité et, dans bien des cas, n’étaient même pas payés ! Ce régime porte un nom : l’esclavage !

 

 

Jean-Pierre Page, un observateur du monde syndical, explique très bien ce scandale – car il n’y a pas d’autres mots ! – sur le site « Le Grand Soir » du 11 décembre.

 

« Mais dans ce cas, sa particularité est qu’elle est liée au Mondial de Football qui se tient au Qatar. Ce n’est pas innocent ! Car dans les conditions scandaleuses que l’on sait, entre autre les plus de 6 000 morts officiels sur les chantiers de constructions des infrastructures sportives dont les entreprises nord-américaines furent les grands bénéficiaires dont AECOM (AECOM Technology Corporation), il faut bien reconnaître que la CSI et la CES ont laissé faire et qu’elles portent avec leurs affiliés une responsabilité dans l’immobilisme et l’impuissance de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) comme dans la non-interpellation des autorités qataris et internationales. Bien avant cet événement, j’avais personnellement dans mon livre CGT : pour que les choses soient dites mis en question cette corruption dans les rangs du mouvement syndical et j’avais également contesté le rapport en 2019 d’une mission au Qatar de la CSI (CISL) et d’administrateurs de l’OIT dont l’ancien secrétaire général de la CGT ou dans la perspective du Mondial de foot, l’on se congratulait devant les progrès sociaux enregistrés par cette pétromonarchie. On y annonçait même la reconnaissance du droit syndical pour bientôt. La réalité était et est tout autre. Les travailleurs migrants y sont toujours soumis à des conditions de travail de quasi esclavage, des journées de 14 et 16h, 7 jours sur 7, sans congés, de promiscuité, sans regroupement familial, de pressions et de violences dont la pratique de la kafala, c’est à dire la détention par l’employeur des tous les documents d’identité des travailleurs est un des exemples les plus accablants. La question se pose donc de savoir si cette affaire de corruption n’est pas en fait le prix du silence payé par des syndicalistes complices et sans honneur. »

 

Et il n’y a pas que les travailleurs. le Qatar se signale aussi par son manque de considération pour les droits humains, en particulier ceux des femmes et des LGBTQI+. Bref, un pays exemplaire !

 

Au départ, bon nombre de députés européens de gauche, dont le socialiste belge Marc Tarabella, se sont mobilisés contre ces conditions épouvantables et ces pratiques esclavagistes et criminelles. Et puis, tout à coup, virage à 180° ! Le Belge plaide pour le Qatar qui ferait des efforts substantiels pour améliorer la condition des travailleurs sur les chantiers du Mondial et prétend que l’émirat est prêt à donner un statut aux travailleurs, sans apporter aucune preuve, évidemment ! Et Tarabella n’est pas le seul. La Grecque Eva Kaili, socialiste aussi, une des quatorze vice-présidentes du Parlement européen chargée des relations avec le monde arabe, a tenu des propos similaires. Il faut dire qu’elle s’est rendue à de nombreuses reprises au Qatar !

 

 

 

Eva Kaili avec le ministre du Travail du Qatar

Eva Kaili avec le ministre du Travail du Qatar

 

 

 

L’affaire éclate le 11 décembre à Bruxelles en plein Mondial ! Le juge d’instruction Michel Claise, chargé de la lutte contre la criminalité financière, ordonne des perquisitions dans les bureaux et aux domiciles de Eva Kaili   de son compagnon Francesco Giorgi et de 15 autres endroits dont le domicile du député européen Marc Tarabella.

 

La Libre Belgique écrit : « Le paquet fédéral soupçonne que des personnes en position d’influencer les décisions du Parlement ont reçu d’importantes sommes d’argent ou des cadeaux significatifs. De qui ? Des sources judiciaires évoquent, sans le nommer, “un pays du Golfe” arabique, que Le Soir et Knack identifiaient vendredi comme étant le Qatar, pays organisateur controversé de la Coupe du monde de football, qui s’y déroule jusqu’au 18 décembre. »

 

Quelques heures après, le juge Claise inculpe quatre personnes et les fait incarcérer, dont la vice-présidente Eva Kaili et le nouveau président de la CSI Luca Visentini qui sera libéré le lendemain. Chez elle, les policiers découvrent un sac de billets de banque pour la somme de quelque 600 000 € !  C’est du jamais vu ! Ils visitent aussi la résidence bruxelloise de l’ex-eurodéputé Pier Antonio Panzeri qui est président d’une ONG appelée Fight impunity – tout un programme – qui intéresse particulièrement les enquêteurs. Et là aussi, ils trouvent quelque 600 000 € en cash ! Panzeri est soupçonné de diriger une organisation criminelle financée par le Qatar destinée à influencer par cadeaux et monnaies en espèce sonnante et trébuchante.

 

 

 

Le juge Michel Claise a accroché un fameux tableau de chasse, cette fois-ci !

Le juge Michel Claise a accroché un fameux tableau de chasse, cette fois-ci !

 

 

 

Ces personnages ne sont pas les seuls dans le collimateur de la Justice belge. Les policiers ont perquisitionné au Parlement et en plusieurs domiciles d’assistants parlementaires, tous liés au groupe S&D, sociaux-démocrates. Les assistants des deux eurodéputés socialistes belges, Marc Tarabella et Marie Arena ont été aussi visés. L’assistant de cette dernière a travaillé pour Fight impunity. Le monde est petit ! Ils s’intéressent aussi au beau-père de Francesco Giorgi qui transporte une valise bourrée de billets de 50 € ! Le Parquet fédéral communiquera plus tard qu'il a saisi pour 1 500 000 € de cash !

 

Cette fois-ci, Michel Claise accompagne les policiers à la résidence d’Eva Kaili et y découvrent des sacs d’argent liquide. Des sacs à main et des sacs de voyage de luxe étaient bourrés d’argent ! Enfin, une dernière opération est en préparation : perquisitionner le domicile du député socialiste Marc Tarabella Mais il faut la présence de la Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola. Elle revient dare dare de son pays, Malte, et arrive juste à temps pour assister à la perquisition. Il faut dire que l’attitude de Tarabella est pour le moins étrange, comme on l’a vu ci-avant.

 

 

 

L'eurodéputé socialiste belge Marc Tarabella est dans de sales draps.

L'eurodéputé socialiste belge Marc Tarabella est dans de sales draps.

 

 

 

Sur le plan politique, Marc Tarabella est suspendu du groupe S&D du Parlement européen et de sa qualité de membre du PS belge durant la durée de la procédure judiciaire. Marie Arena n’est pas inquiétée mais a démissionné de la vice-présidence de la Commission des Droits de l’Homme du Parlement européen « pour garantir la sérénité de ses travaux ». Elle a cependant rencontré récemment le ministre du Travail du Qatar qui est, décidément, un homme fort demandé ces temps-ci !

 

 

Something wrong in kingdom of Denmark ! Cette fameuse sentence du Hamlet de Shakespeare s’applique aux institutions parlementaires, qu’elles soient nationales, régionales, ou européenne. Il faut dresser un constat évident : le rôle du représentant politique a profondément changé. Il ne représente plus le peuple, mais des intérêts privés de toutes sortes. Certains, comme Tarabella, balayant leurs principes fondamentaux ! Un socialiste défendant un émirat totalitaire, dominé par la charia islamique et pratiquant la corruption à grande échelle. Même s’il est plus tard blanchi des soupçons de corruption, l’eurodéputé belge est définitivement démonétisé. Quant à Marcourt, il y a longtemps qu’on le soupçonne de malversations diverses. Le socialisme est bien malade.

 

 

Quant aux institutions européennes, nous l’avons déjà évoqué sur « Uranopole », elles sont gangrénées, que ce soit au niveau de la Commission, du Conseil et du Parlement, par le lobbying qui finit par s’installer comme réel décideur au niveau européen. (voir « Uranopole » 2008 : https://uranopole.over-blog.com/article-27943203.html )

 

 

Le rêve de la démocratie européenne à laquelle nous avons cru et milité durant des années se transforme en cauchemar !

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

 

Post scriptum

 

Julian Assange : cela bouge.

 

 

 

Julian Assange : y a-t-il enfin un espoir ?

Julian Assange : y a-t-il enfin un espoir ?

 

 

 

On lit dans la Lettre d’info n° 30 du Comité Free Assange Belgium :

 

« Cinq grands quotidiens, le Monde, the Guardian, the New York Times, Der Siegel et El Païs, publient un appel commun pour que les Etats-Unis stoppent les poursuites à l’égard de Julian Assange. Une importante étape, avec cependant des accents parfois ambigus.

Une prise de position très importante aussi, politique celle-là : le Premier ministre australien Tony Albanese demande publiquement au Président Biden et à son gouvernement d’arrêter les poursuites. Ce n’est hélas toujours pas le cas des pouvoirs politiques en Europe, discrets jusqu’à la lâcheté, alors que les mobilisations et soutiens se poursuivent à travers le monde, .

 

On se rapproche de la décision de la Cour d’appel d’accepter ou non, ou partiellement, d’examiner l’appel introduit par Julian Assange. »

 

Les choses bougent, en effet. Le Premier ministre travailliste australien qui, depuis son entrée en fonction, n’a pas voulu s’occuper d’Assange qui est, ne l’oublions pas, citoyen australien, se mobilise tout à coup pour sa libération. Les « grands » de la presse mainstream se soucient maintenant du sort de l’éditeur – journaliste qui est un de leurs confrères, après tout.

 

Certes, ce sont d’excellentes nouvelles. Et on espère qu’elles seront suivies d’effets. On peut cependant se poser la question de savoir la raison de ce soudain revirement après tant d’années ? Nous l’examinerons bientôt de manière plus approfondie.

 

 

 

 

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1 décembre 2022 4 01 /12 /décembre /2022 11:12

 

 

La guerre en Ukraine a réveillé un ancien clivage : internationalistes contre atlantistes.

 

L’Union européenne s’est rangée à l’exception d’un ou deux pays ouvertement derrière la position belliciste étatsunienne. Les différents Etats-membres ont livré des armes à l’Ukraine au point que des chefs d’état-major tirent la sonnette d’alarme : leurs stocks s’épuisent et ils ne disposent pas de la capacité de renouvellement, ce qui affaiblit encore plus les armées européennes qui n’avaient pas besoin de ça.

 

Des sanctions ont été décrétées contre la Russie sous la pression de la Commission européenne, sanctions qui sont à l’origine de la grave crise énergétique que nous subissons et qui rendent l’ensemble des Etats-membres de l’Union européenne encore plus dépendants des monarchies pétrolières et des Etats-Unis qui vont nous vendre au prix fort leur GNL issu du très polluant gaz de schiste.

 

 

La guerre s’est intensifiée. L’armée russe s’est rapidement trouvée dans l’incapacité d’atteindre ses objectifs. Poutine a été obligé de décider d’une nouvelle mobilisation, ce qui a provoqué des troubles au sein de la Russie même. Si l’Ukraine a pu opposer une telle résistance à l’offensive russe, c’est grâce à l’appui massif de l’UE et de l’OTAN en armes et en « conseillers » - on s’est retrouvé aux pires moments de la guerre du Vietnam, il y a plus de cinquante ans ! – et avec des pressions sur Moscou qui entravent tout dialogue. Aujourd’hui, le pouvoir de Poutine semble ébranlé, mais il ne faut guère se faire d’illusions : au cas où il serait renversé, ce serait une clique plus extrémiste que lui qui prendrait le pouvoir à Moscou.

 

 

D’autre part, et c’est l’avis de l’Amiral chef d’état-major de l’armée belge (voir « Le Soir » du 25 novembre), l’objectif de l’Ukraine est de reconquérir la Crimée, ce qu’évidemment la Russie n’accepterait en aucun cas. Cela signifie que la guerre pourrait encore s’intensifier. La Russie a déjà commencé en se livrant à des bombardements sur des villes d’Ukraine et aussi visant des centrales électriques afin que les Ukrainiens n’aient plus de courant pendant l’hiver qui s’annonce.

 

Les Etatsuniens, Joe Biden en tête, poussent à la guerre à outrance. Rappelons-nous les déclarations de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui s’oppose à tout cessez-le-feu et voici que le Premier ministre belge, le libéral thatchérien Alexander De Croo s’y met aussi. Il vient de se rendre en Ukraine accompagné de la nouvelle ministre des Affaires étrangères, la tout aussi libérale Hadja Lahbib pour soutenir Zelensky, apporter des générateurs électriques et des drones.

 

Ils furent accueillis chaleureusement par le président ukrainien et De Croo revêtit l’uniforme ukrainien pour afficher son soutien ! Il est plutôt surprenant qu’un Premier ministre étranger revêtisse l’uniforme de l’armée du pays qu’il visite… Mais, ce n’est pas tout. Il a déclaré que seule la guerre apportera la solution à ce conflit.

 

 

 

 

Alexander De Croo et Volodymir Zelensky revêtus de l'uniforme de l'armée ukrainienne

Alexander De Croo et Volodymir Zelensky revêtus de l'uniforme de l'armée ukrainienne

 

 

 

Quand on sait – et De Croo s’en est aperçu sur place – les horreurs provoquées par la guerre dans les deux camps, quand on lit l’histoire de toutes les guerres depuis la Seconde guerre mondiale, nulle n’a jamais apporté une solution acceptable pour les parties. Non, Monsieur le Premier ministre, la guerre n’est pas une solution.

 

 

 

Alexander De Croo et Hadja Lahbib visitant les ruines de Boronianka. L'horreur de la guerre !

Alexander De Croo et Hadja Lahbib visitant les ruines de Boronianka. L'horreur de la guerre !

 

 

 

Pierre Galand, ancien Sénateur, figure emblématique du Mouvement de la Paix, ancien Président d’OXFAM Belgique, altermondialiste, internationaliste jusqu’au bout des ongles, a réagi aux déclarations d’Alexander de Croo et à sa prise de position en Ukraine dans une lettre ouverte datée du 29 novembre 2022.

 

 

 

Pierre Galand ne l'envoie pas dire au Premier ministre belge.

Pierre Galand ne l'envoie pas dire au Premier ministre belge.

 

 

 

Monsieur le Premier ministre,

 

Vous vous êtes rendu à Kiev avec Mme Hadja Lahbib et vous aviez raison d’entreprendre cette démarche.

 

Il était de votre devoir de plaider, comme vous l’avez fait, pour le respect des droits du peuple ukrainien à son intégrité territoriale et aux protections indispensables des populations, de condamner l’invasion armée russe et d’exiger le retrait des troupes russes.

 

Par contre, vous y avez revêtu des vêtements, ceux des combattants, et vous y avez tenu un discours belliciste, va-t-en-guerre, qui est décevant.

 

Membre actif des Nations Unies et de l’OSCE, notre pays se doit de tout entreprendre pour contribuer à la fin des hostilités et obtenir un cessez-le-feu. Pour ce faire, il doit se mobiliser en vue d’obtenir les négociations pour une paix juste et durable, respectueuse des frontières ukrainiennes, des droits des minorités russophones et des besoins sécuritaires russes, en ce compris l’accès de la Russie aux mers chaudes.

 

C’est la seule manière d’aboutir à une nouvelle coexistence et à la sécurité des peuples européens, en ce compris le peuple russe. Or, tant l’OTAN que les USA ne réfléchissent actuellement qu’en terme de rapport de forces, ce qui est leur seul storyboard.

 

Vous devez savoir que nos populations sont majoritairement pour l’arrêt de cette guerre.

 

Vous-même et Mme Hadja Lahbib sortiriez grandis aux yeux de l’histoire en faisant oeuvre de paix. Cela consiste à ouvrir des pistes pour que cesse cet horrible et dangereux conflit, pour que des négociations s’engagent sous les hospices du S.G. des N.U. et de l’OSCE car c’est la seule issue honorable, mettant fin aux souffrances du peuple ukrainien. Ce sera un renouveau pour les Nations Unies dont nous avons tant besoin en ces temps de grandes turbulences. Ce sera aussi une occasion pour l’Europe d’accueillir l’Ukraine et de témoigner de sa vocation de construire la Paix.

 

Croyez, Monsieur le Premier ministre, en l’assurance de ma parfaite considération.

 

Pierre Galand

Ancien Sénateur, militant de la paix

 

C’est donc dans un esprit véritablement internationaliste que Pierre Galand s’adresse à Alexander De Croo, en proposant une négociation dans le cadre de l’ONU sous la direction de son Secrétaire Général et de l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) qui a été bien négligée pendant cette guerre, alors que les dirigeants de l’UE et de ses Etats-membres raisonnent en atlantistes en se basant sur l’OTAN.

 

Le véritable clivage en matière de relations internationales est donc là : l’internationalisme contre l’atlantisme ou autrement dit, l’association de toutes les nations pour négocier une paix durable contre l’affrontement entre les blocs.

 

Dans le numéro de décembre 2022 du « Monde diplomatique », Serge Halimi dénonce aussi dans son éditorial la fausse naïveté de la « gauche atlantiste » à l’égard du bellicisme US.

 

 

« La coexistence d’un Sénat contrôlé par les démocrates et d’une Chambre des représentants où les républicains seront majoritaires ne bouleversera pas la politique étrangère des États-Unis. Elle pourrait même révéler à ceux qui l’ignorent une convergence entre le militarisme néoconservateur de la plupart des élus républicains et le néo-impérialisme moral d’un nombre croissant de démocrates. (…)

 

La présence d’un démocrate à la Maison Blanche tend à faciliter le maquillage de l’hégémonisme impérial en combat pour la démocratie. Même face à un adversaire aussi rebutant que le président Vladimir Poutine, la gauche atlantiste eût sans doute rechigné si elle avait dû mobiliser ses ouailles derrière Richard Nixon ou MM. George W. Bush et Donald Trump. En son temps, la colonisation française avait également été présentée comme l’accomplissement d’une mission civilisatrice inspirée par les Lumières, ce qui lui valut le soutien d’une partie de l’intelligentsia progressiste. Dorénavant, le combat contre l’autoritarisme russe, iranien, chinois permet de réarmer moralement l’Occident.

 

Le 24 octobre dernier, une lettre de trente parlementaires démocrates a salué la politique ukrainienne du président Joseph Biden tout en réclamant que des négociations concluent la guerre. Ce plaidoyer assez banal déclencha un tel hourvari belliciste sur Twitter que la plupart des courageux signataires se rétractèrent sur-le-champ. L’un d’eux, M. Jamie Raskin, démontra sa virtuosité dans l’exercice d’aplatissement général qui caractérise les périodes d’intimidation intellectuelle : « Moscou est le centre mondial de la haine antiféministe, antigay, antitrans, et le refuge de la théorie du “grand remplacement”. En soutenant l’Ukraine, nous nous opposons à ces conceptions fascistes. » Bien qu’il y manque encore la lutte contre le réchauffement climatique, une redéfinition aussi trompeuse des buts de guerre américains constitue le cousu-main de la gauche impérialiste qui vient. »

 

Tout cela montre une fois de plus l’urgence d’une remise en question et d’une analyse claire et sans complaisance dans la mouvance du progrès si elle ne veut se faire absorber par la droite la plus réactionnaire avec les conséquences tragiques dont on perçoit déjà les signes avant-coureurs : appauvrissement, climat de guerre, laissés pour compte de plus en plus nombreux comme les réfugiés sans abris, luttes sociales de plus en plus dures, etc.

 

Réveillons-nous !

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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13 novembre 2022 7 13 /11 /novembre /2022 20:43

 

 

 

La victoire de Fratelli Italia, l’important groupe Rassemblent National à l’Assemblée nationale française, les deux partis nationalistes flamands en Belgique qui sont crédités ensemble de la majorité absolue en Flandre, la montée de l’extrême-droite en Suède sans oublier l’Autriche, la Hongrie et la Pologne laissent présager une résurgence du fascisme sous différentes formes en Europe.

 

Hors d’Europe, la courte victoire de Lula au Brésil alors que les sondages prévoyaient un raz de marée balayant Bolsonaro montre que le courant qu’il représente est encore très puissant. Le Japon est dominé par les nationalistes, l’Inde tombe sous la coupe du nationalisme hindou, sans compter les régimes islamiques de la Péninsule arabique et la tendance au totalitarisme en Tunisie. Aux Etats-Unis, certains Républicains ne verraient pas d’un mauvais œil un pouvoir fort, mais peut-on assimiler cela à du fascisme ?

 

Après tout, première question : qu’est-ce que le fascisme ?

 

Quand on pose cette question, les réponses divergent et se contredisent selon sa tendance politique. Donc, une définition claire et admise par tous est quasi impossible. Aussi, prenons une référence : Umberto Eco. Dans un petit livre intitulé en français « Reconnaître le fascisme », paru d’abord en italien en 1997 et puis traduit en français et publié chez Grasset juste après la mort de l’auteur en 2017, Eco tente d’expliquer ce qu’est le fascisme.

 

 

 

Umberto Eco, un des plus grands penseurs de notre temps récemment disparu.

Umberto Eco, un des plus grands penseurs de notre temps récemment disparu.

 

 

 

Il décrit d’abord le fascisme italien comme étant un « totalitarisme fuzzi », c’est-à-dire flou. L’auteur constate qu’il n’y a pas de philosophie fasciste contrairement au nazisme qui se basait sur la race, l’ubermensch, la volonté de puissance. « Le fascisme n’avait rien d’une idéologie monolithique, c’était un collage de diverses idées politiques et philosophiques, fourmillant de contradictions. » Umberto Eco démontre la pauvreté intellectuelle de la pensée fasciste, ce qui a laissé une certaine liberté de critique dans les universités, les fascistes n’ayant pas le bagage intellectuel suffisant pour détecter les contradictions. Cela n’a pas empêché le Duce d’emprisonner Gramsci jusqu’à ce que mort s’ensuive, un des plus brillants intellectuels italiens de l’époque ! Il ajoute que Mussolini est dénué de toute culture philosophique, c’est un as de la rhétorique tout simplement mais sans idées !

 

 

 

Benito Mussolini et Adolf Hitler, le chef fasciste et le führer nazi, alliés mais n'ayant pas des pensées identiques : les deux totalitarismes, fascisme et nazisme sont différents.

Benito Mussolini et Adolf Hitler, le chef fasciste et le führer nazi, alliés mais n'ayant pas des pensées identiques : les deux totalitarismes, fascisme et nazisme sont différents.

 

 

 

On observe ce phénomène dans certaines formations d’extrême-droite actuelle. Ainsi, en France, le Rassemblement National n’a pas de programme cohérent. Il est tantôt néolibéral, tantôt étatiste, selon les circonstances. La Nouvelle droite a tenté de donner un corpus idéologique à l’extrême-droite. Elle a échoué. En Flandre belge, en revanche, la N-VA (parti nationaliste flamand) a un programme nationaliste relativement cohérent et s’est rallié sur le plan économique au néolibéralisme. Son rival, le Vlaams Belang, (bloc flamand) a quant à lui un programme carrément néonazi. En Italie, l’extrême droite est divisée entre la tendance Meloni se donnant l’apparence d’une droite classique et le courant Salvini plus radical.

 

 

 

Les deux fascismes italiens : Salvini et Meloni... Je t'aime moi non plus.

Les deux fascismes italiens : Salvini et Meloni... Je t'aime moi non plus.

 

 

 

En plus, Umberto Eco écrit qu’il ne faut pas confondre nazisme et fascisme. « Il y eut un seul nazisme, et l’on ne peut nommer nazisme le phalangisme hypercatholique de Franco, puisque le nazisme est fondamentalement païen, polythéiste et antichrétien, sinon ce n’est pas du nazisme. » Ajoutons que le propagandiste du nazisme, Joseph Goebbels, insistait sur le fait que le national-socialisme n’est pas un « produit d’exportation ». D’ailleurs, pendant l’occupation, les nazis allemands considéraient les groupuscules se réclamant du nazisme comme de dangereux farfelus.

 

 

Ainsi, pour Eco, le fascisme est divers. « Les » fascismes ont tous des points communs, mais divergent sur d’autres points en fonction des pays, des personnalités, etc. Ainsi, par exemple, un Jean-Marie Le Pen n’est pas un Mattteo Salvini, une Giorgia Meloni n’est pas une Marine Le Pen, etc.  « Les » fascismes ont en commun le nationalisme, la xénophobie et le totalitarisme. On le voit avec la toute récente affaire de l’Ocean Viking : Meloni et Le Pen expriment toutes deux leur nationalisme et leur xénophobie.

 

 

 

Giorgia Meloni et Marine Le Pen, la même xénophobie, mais des relations plutôt tendues

Giorgia Meloni et Marine Le Pen, la même xénophobie, mais des relations plutôt tendues

 

 

 

Face à cet imbroglio, Umberto Eco dresse une liste des caractéristiques communes à tous les fascismes, qu’il appelle « l’Ur-fascisme », c’est-à-dire « le fascisme primitif et éternel ». Ainsi, pourra-t-on mieux les détecter. L’auteur distingue 14 caractéristiques de l’Ur-fascisme.

 

La première c’est le culte de la tradition non pas dans son caractère de conservation d’acquis du passé – toutes les pensées politiques se basent sur des traditions – mais dans une sorte de monde figé sur un passé par définition meilleur que le présent. C’est en réalité le refus du progrès. « Conséquence : il ne peut y avoir d’avancée du savoir. La vérité a été déjà énoncée une fois pour toutes. »

 

La deuxième caractéristique est consécutive de cela :  d’être fascinés par les technologies. « Le refus du monde moderne était camouflé sous la condamnation du mode de vie capitaliste, mais il recouvrait surtout le rejet de l’esprit de 1789 (…) : le siècle des Lumières, l’Âge de la raison conçus comme le début de la dépravation moderne. »

 

Observons que les représentants des ligues fascistes présents au pouvoir et dans les assemblées parlementaires sont mal à l’aise au sein de ces institutions. Ils n’en respectent pas les règles et sont incapables de prendre des décisions résolvant les problèmes ou faisant avancer les choses. Le dernier exemple en date est le non-respect par Giorgia Meloni des règles de l’Union européenne sur les migrations. Malheureusement, il faut constater qu’une large part de l’opinion publique italienne approuve la fermeté de la nouvelle Présidente du Conseil de Rome.

 

Donc, « l’Ur-fascisme » est irrationnel.

 

En troisième lieu, ce caractère irrationnel est le culte de l’action pour l’action qui implique le rejet de la culture, des intellectuels, de toute démarche universitaire.

 

Cela implique une quatrième caractéristique est de combattre l’esprit critique. En effet, dans la démarche scientifique, le désaccord est source de progrès, car il implique des discussions qui aboutissent à un résultat. Il n’est pas question de « désaccord » dans l’Ur-fascisme, d’où -cinquième caractéristique – le rejet de toute diversité.

 

Sixièmement, l’Ur-fascisme naît de la frustration individuelle et sociale. Les classes moyennes sont manifestement en graves difficultés à la suite des mesures unilatérales de l’ultralibéralisme européen et national qui ont sur elles de sérieuses conséquences matérielles, sociales et culturelles.

 

Ajoutons que le fascisme n’apparaît pas par génération spontanée il est généré par l’incapacité des gouvernants à apporter des solutions à ces graves frustrations. La responsabilité de la montée des fascismes incombe aux pouvoirs actuels qui se targuent de démocratie, mais qui sont caractérisées par le refus du débat, l’immobilisme et des décisions aux conséquences néfastes.

 

En septième lieu, l’Ur-fascisme se base sur le nationalisme et donc le rejet de tout ce qui est « étranger », parce qu’ennemi par définition. Cela entraîne la xénophobie et le complotisme : nous sommes agressés par les forces occultes à la solde de l’étranger ! Au XXe siècle, on parlait du « complot judéo-maçonnique ». On a vu ce que cela a donné ! Cela entraîne – huitième critère – la haine de certains peuples – notamment les Juifs – qui étalent indécemment leur richesse provoquant ainsi l’appauvrissement de la nation et de son peuple. « Ainsi, par un continuel déplacement de registre rhétorique, les ennemis sont à la fois trop forts et trop faibles. Les fascismes sont condamnés à perdre leurs guerres parce qu’ils sont dans l’incapacité constitutionnelle d’évaluer objectivement la force de l’ennemi. »

 

Neuvième caractéristique : pour l’Ur-fascisme on ne lutte pas pour la vie, mais on vit pour la lutte. Il est anti-pacifiste, car la vie est une guerre permanente. Cependant, il y a une contradiction : après avoir éliminé l’ennemi dans une ultime bataille – la solution finale – surviendra une sorte d’Âge d’or où règnera l’harmonie.

 

Le dixième critère : l’élitisme. Non pas l’élitisme aristocratique, mais l’élitisme populaire. Cela implique un mépris pour les « faibles ». L’élite est composée des membres du parti. Comme le pouvoir du dominateur a été obtenu par la force, il doit assurer le contrôle de la masse des « faibles ». La hiérarchie est organisée militairement : le supérieur mépris le subordonné à tous les niveaux, lesquels méprisent à leur tour leurs inférieurs.

 

Aussi – onzième caractéristique – chacun est éduqué pour devenir un héros. Le culte de l’héroïsme est aussi lié à celui de la mort. « Le héros Ur-fasciste, lui, aspire à la mort, annoncée comme la plus belle récompense d’une vie héroïque. Le héros Ur-fasciste est impatient de mourir. Entre nous soit dit, dans son impatience, il lui arrive plus souvent de faire mourir les autres. »

 

En douzième lieu, étant donné la guerre permanente et l’héroïsme qui sont difficiles à jouer, « l’Ur-fascisme transfère sa volonté de puissance sur des questions sexuelles. Là est l’origine du machisme. » et aussi le mépris pour les femmes, la condamnation des homosexuels, de la chasteté et de toute forme de sexualité « anormale ».

 

Le treizième point concerne le populisme « qualitatif ». Dans une démocratie, l’individu est libre mais ne jouit que de droits politiques quantitatifs. Chaque citoyen dispose d’une voix et c’est la majorité des voix qui mène au pouvoir. Pour l’Ur-fascisme, le citoyen n’a aucun droit individuel. C’est le peuple qui, comme entité monolithique, exprime la volonté commune.

 

Umberto Eco avertit : « Notre avenir voit se profiler un populisme qualitatif télé ou Internet, où la réponse émotive d’un groupe sélectionné de citoyens peut être présentée et acceptée par la voix du peuple. » Il faut dire que ce n’est pas propre à l’Ur-fascisme. Les sondages avec « échantillon représentatif » donnant ainsi la ligne de gouvernance ou l’idée de délégation par tirage au sort de citoyens pour assister le pouvoir sont des méthodes typiquement néolibérales. Mais certains n’hésitent pas à dire que néolibéralisme et fascisme ont des points communs.

 

Enfin, le quatorzième et dernier point soulevé par le brillant intellectuel italien est relatif à la « novlangue » dénoncée par Orwell, qui est caractéristique des régimes totalitaires ou en voie de l’être, comme le néolibéralisme et ses ersatz comme le « wokisme » dont nous avons déjà parlé et que nous évoquerons encore.

 

Par la faiblesse des démocraties actuelles, que ce soit dans les pays européens ou au niveau des institutions européennes, l’immobilisme des pouvoirs, la distanciation des élites du « peuple », l’appauvrissement dû aux politiques économiques ultralibérales, les fascismes dont Umberto Eco a eu l’intelligence et le courage d’en définir les caractéristiques, risque de s’imposer dans une grande partie du sous-continent européen dominé par les Etats-Unis qui, eux aussi, connaissent une grave crise démocratique.

 

Il est plus que temps de s’éveiller.

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

Post-scriptum

 

 

Georges-Louis Bouchez se rapproche-t-il des fascismes ?

 

 

L’actuel président des libéraux francophones belges regroupés en une formation politique appelée MR (Mouvement Réformateur) actuellement au pouvoir au gouvernement fédéral, dans celui de la Région wallonne et au sein du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles en partenariat avec les Socialistes et les Ecolos, ne cesse de faire parler de lui via ses déclarations tonitruantes dans les réseaux sociaux.

 

 

 

Georges-Louis Bouchez un "démocrate" qui vire à l'extrême-droite ?

Georges-Louis Bouchez un "démocrate" qui vire à l'extrême-droite ?

 

 

 

Ses tweets et ses posts attaquent systématiquement la gauche du gouvernement, particulièrement les Ecolos et le PS. Son rêve est de reconstituer la « Suédoise », le gouvernement le plus à droite que la Belgique ait connu depuis la seconde guerre mondiale, le gouvernement de Charles Michel qui a été un des mentors de Bouchez dit GLOUB. Fort souvent, les arguments qu’il utilise sont fort proches de ceux de l’extrême-droite.

 

GLOUB a eu un parcours politique assez chaotique. Il suffit de voir sa biographie sur Wikipédia. Au début, il montra le visage du jeune politicien qui monte en prenant des positions assez droitières mais relativement modérées. Il travailla pour les deux ténors du MR de l’époque, Didier Reynders et Louis Michel (le père de Charles). Le parti se divisa en deux : le clan Reynders et le clan Michel. GLOUB habilement choisit ce dernier tout en ne se mettant pas en avant dans ce « combat de coqs ». Grâce à cela, il parvint à se faire élire président du MR en 2018.

 

 

 

Charles Michel, ancien Premier ministre de Belgique et actuel Président du Conseil européen mentor de Georges-Louis Bouchez

Charles Michel, ancien Premier ministre de Belgique et actuel Président du Conseil européen mentor de Georges-Louis Bouchez

 

 

 

Dès le départ, il prit des décisions qui frustrèrent pas mal de pontes du MR notamment en procédant à des choix arbitraires dans la nomination des ministres libéraux au gouvernement De Croo dit la « Vivaldi ». Ses rodomontades firent en sorte qu’il devait être « secondé » par un panel de dirigeants du MR. Cela ne fonctionna jamais et GLOUB réussit à s’imposer à tel point qu’il fit destituer de Ministre wallon du Budget, le libéral démocrate Jean-Luc Crucke, un libéral démocrate, qui était coupable d’un projet de décret sur la fiscalité qui gênait le poujadisme de M. Bouchez.

 

En effet, il y a une dimension importante dans l’attitude du président actuel du MR, c’est son anti-fiscalisme primaire ! En cela, GLOUB rejoint les poujadistes des années 1950 qui, par leur rejet viscéral de l’Etat, rejoignent les fascismes. Jean-Marie Le Pen est issu du mouvement poujadiste. Cet aspect là n'a pas été abordé par Umberto Eco dans son analyse.

 

Finalement, le président Bouchez a réussi à se débarrasser de la tutelle de ses pairs. Ainsi, il est libre de se défouler, ce qu’il ne manque pas de faire. Le journaliste Michel Henrion a observé que ses tweets quotidiens reprenaient régulièrement des propos d’extrême-droite, même certains du « bloc identitaire » français !

 

 

Alors, Bouchez fasciste ? Ce serait aller trop vite en besogne. Néanmoins, de par ses attitudes comme ses visites en Flandre au groupe des étudiants nationalistes flamands qui constituent la pépinière des cadres de la NV-A et du Vlaams Belang et son débat télévisé (GLOUB ne connaît pas le flamand !) avec le président de cette dernière formation alors qu’il y a un accord de tous les partis démocratiques dont le MR pour appliquer le « cordon sanitaire », soit le refus de dialogue avec cette formation. Ce fut un tollé, mais GLOUB n’en a que faire.

 

 

Disons – et c’est sans doute le plus dangereux – que Georges-Louis Bouchez s’éloigne de la démocratie, sans que les membres de son parti ne réagissent et que Louis Michel, celui qui a refusé de participer à la guerre en Irak et qui a lutté par après au Parlement européen contre l’extrême-droite, ne tarit pas d’éloges envers Bouchez. C’est cela le plus inquiétant.

 

 

P.V.

 

 

 

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26 octobre 2022 3 26 /10 /octobre /2022 16:32

 

 

 

La situation de Julian Assange incarcéré depuis trois ans à la prison de haute sécurité de Belmarsch à l’Est de Londres, surnommée le « Guantanamo britannique » ne cesse de se dégrader au point que l’on craint aujourd’hui pour sa vie.

 

Rappelons qu’après le jugement de première instance qui donnait raison sur le fond à la partie étatsunienne mais qui interdisait son extradition vers un établissement de mesure administrative spéciale vers les USA, qui consiste en un régime draconien d'isolement complet décrit par les groupes de défense des droits humains comme le "coin le plus sombre" des pénitenciers américains. Les Américains interjetèrent appel de cette décision auprès de la Haute Cour britannique, équivalent de notre Cour d'appel, qui finit par lui donner raison. Ensuite, un recours des avocats d’Assange à la Cour suprême fut refusé par la même Haute Cour, celle-ci ayant reçu des « assurances » de la partie US qui ne valent même pas le papier sur lesquelles elles sont écrites !  Aussi, tout était prêt pour procéder à l’extradition du fondateur de Wikileaks. Il reste cependant un recours possible : un appel sur le fond de l’affaire – la légalité de son extradition plus que contestable, entre autres – auprès de la même Haute Cour. Cependant, elle a aussi le pouvoir de déterminer si cet appel est recevable ! Elle devait se réunir en septembre dernier pour trancher. Depuis plus rien. La crise politique qui secoue la Grande Bretagne et qui est loin d’être terminée malgré la récente nomination d’un nouveau Premier ministre, retarde encore toute décision.

 

La force de l’amour

 

Pendant ce temps, la santé de Julian Assange pose de plus en plus de problèmes. Il a été victime d’un léger AVC, il y a quelques semaines. De plus, Assange a été testé positif au Covid – 19. Au lieu d’être hospitalisé, il a été isolé dans sa cellule 24 h sur 24 pendant une dizaine de jours. On a procédé à un nouveau test qui s’est révélé négatif, ce qui permet à son épouse, l’admirable Stella Morris Assange, de lui rendre visite une fois par semaine, ce qui malgré tout lui assure un soutien vital par la force de l’amour.

 

 

 

 

Stella Morris d'abord avocate de Julian Assange, ensuite mère de ses deux garçons et aujourd'hui son épouse se bat sans relâche pour sa libération.

Stella Morris d'abord avocate de Julian Assange, ensuite mère de ses deux garçons et aujourd'hui son épouse se bat sans relâche pour sa libération.

 

 

 

Dans son ouvrage « L’affaire Assange » paru en français en septembre 2022 aux éditions Critiques, Nils Melzer, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 2016 à 2022, relate le rapport du Docteur Sondra Crosby, professeure à l’Université de Boston et spécialisée dans l’examen des réfugiés et des victimes de tortures. Melzer fit appel à elle pour examiner Assange lorsqu’il se trouvait encore à l’ambassade d’Equateur d’autant plus que Madame Crosby ne faisait pas partie du camp de ses soutiens. C’était en février 2019 après que le régime équatorien avait changé. Raphael Correa indépendantiste ayant accordé l’asile et puis la nationalité équatorienne à Assange a été renversé par Moreno fort proche des Etats-uniens. Le rapport Crosby qui a fuité sur Internet est accablant ! Il « décrit un homme acculé dont les forces s’épuisent après sept ans de détention. Mal équipée pour un hébergement de longue durée, l’ambassade était devenue un environnement de plus en plus hostile et intimidant pour Assange, avec de graves conséquences pour sa santé mentale et physique. » L’experte dénonce l’exiguïté des locaux dans lesquels Assange est enfermé ainsi que l’isolement social auquel il est soumis avec interdiction de visite, d’usage d’Internet, etc. Crosby dénonce aussi la surveillance de plus en plus étroite qui l’accable. Elle raconte qu’il a fallu mettre au plus haut le volume d’une radio pour couvrir la conversation médicale avec Assange qui pouvait être enregistrée par les caméras, en violation du secret médical. D’ailleurs, ayant dû s’absenter brièvement, ses notes médicales confidentielles ont été subtilisées. Elle les a retrouvées au local des gardiens d’Assange ! Aussi, ses conclusions sont sans équivoque : « Mon avis professionnel est que l’effet synergique et cumulatif des épreuves et de la souffrance infligées à M. Assange – tant physiques que psychologiques – viole les articles1 et 16 de la Convention de 1984 contre la torture. Je pense que les séquelles psychologiques, physiques et sociales seront durables et sévères. »

 

 

 

 

La traduction française de Hacking Justice de Nils Melzer parue en septembre dernier.

La traduction française de Hacking Justice de Nils Melzer parue en septembre dernier.

 

 

 

Et ses conditions se sont encore plus dégradées après sa violente expulsion de l’ambassade et son transfert à Belmarsch. Assange est mal soigné et surtout subit des soins non appropriés. Tout se passe comme si on le laissait mourir à petit feu. Et en définitive, on peut légitimement se poser la question : n’est-ce pas ce qu’on veut ?

 

 

 

Julian Assange violemment expulsé de l'ambassade d'Equateur. On a volontairement voulu montrer de lui une image hirsute alors qu'il mettait un point d'honneur d'être en tenue impeccable, en lui confisquant son nécessaire de toilete !

Julian Assange violemment expulsé de l'ambassade d'Equateur. On a volontairement voulu montrer de lui une image hirsute alors qu'il mettait un point d'honneur d'être en tenue impeccable, en lui confisquant son nécessaire de toilete !

 

 

 

Un décès « inopiné » arrangerait « tout-le-monde »…

 

 

Depuis l’acceptation de l’appel des Etats-Unis auprès de la Haute Cour de Londres, plus rien n’a bougé. Le recours des avocats de Julian Assange devant cette même Haute Cour n’a toujours pas été programmé alors qu’il était prévu en septembre. Tout se passe comme si « on » voulait retarder l’extradition.

 

Il y a dès lors une hypothèse et elle est plausible. On attend qu’Assange décède dans sa prison. Sa santé s’est tellement dégradée qu’il est à la merci du moindre accident.

 

Après tout, un décès « inopiné » arrangerait pas mal de monde. Les Anglais d’abord qui n’auraient pas à extrader le fondateur de Wikileaks en ces moments de crise politique et aussi les Etasuniens qui éviteraient un procès sur la base du contestables Espionnage Act en une période politique et une situation internationale également difficiles.  Ainsi, l’affaire serait clôturée !

 

Mais, rappelons-le : ce n’est qu’une hypothèse et j’espère me tromper !

 

En tout cas, elle est belle la démocratie occidentale !

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

 

 

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21 octobre 2022 5 21 /10 /octobre /2022 15:56

 

 

 

La livraison d’octobre 2022 du Monde diplomatique contient une analyse fine et très documentée des enjeux de la guerre en Ukraine. Selon l’auteur, Pierre Rimbert, la mondialisation néolibérale à l’anglo-saxonne a changé de nature. Jusqu’à 2012, elle était inclusive : la Chine et la Russie y étaient associées via l’OMC. Depuis que les tensions ont monté entre la Russie et « l’Occident », il a été question de ne plus étendre le concept de mondialisation qu’aux pays « amis ». « Les délocalisations, oui, mais entre amis. » Cela a évidemment modifié les relations dans le monde industriel. Les blocs qui n’avaient jamais totalement disparu, se sont reconstitués et consolidés.

 

 

 

Les bombardements terroristes de Kiev reprennent. Cette fois-ci avec des drones kamikaze iraniens. (AFP)

Les bombardements terroristes de Kiev reprennent. Cette fois-ci avec des drones kamikaze iraniens. (AFP)

 

 

 

La mondialisation « régionalisée »

 

 

La mondialisation ou la globalisation anglo-saxonne s’est donc « régionalisée ». Auparavant, elle ne tenait pas compte de la situation géopolitique. Deux pays qui « hébergent chacun un Mc Donald’s ne se font pas la guerre » disait un essayiste du nom de Thomas Friedman – rien à voir avec feu l’économiste monétariste et ultralibéral Milton Friedman – Eh bien, non ! Il s’est trompé : les Mc Donald’s ne sont pas garants de la paix ! Aussi, notamment sous l’influence de Christine Lagarde, alors Directrice générale du FMI, on ne globalisera plus qu’entre « amis » ou plutôt entre les USA et leurs dévoués vassaux. C’est une des premières causes du conflit en Ukraine qui dépasse de loin le théâtre des combats. L’Occident – c’est-à-dire les USA et les pays anglo-saxons, l’Union européenne, le Japon, la Corée du Sud et quelques pays africains, du Sud-Est asiatique et d’Amérique latine – s’isole de plus en plus. Pour preuve, le vote de l’Assemblée générale des Nations Unies sur les sanctions à l’égard de la Russie. À l’exception des quelques pays comme la Chine, la Russie, la Corée du Nord qui ont voté contre les sanctions, la plupart des autres pays non occidentaux se sont abstenus. Ils représentent tous l’immense majorité de la population mondiale.

 

 

 

 

Vote de l'Assemblée générale de l'ONU du 3 mars 2022 condamnant l'agression russe en Ukrain. Une majorité de pays condamnent la Russie, mais les grands pays du Tiers-monde comme l'Inde, l'Afrique du Sud entre autres s'abstiennent. Tous les pays s'étant abstenus représentent les 2/3 de la population mondiale.de pays

Vote de l'Assemblée générale de l'ONU du 3 mars 2022 condamnant l'agression russe en Ukrain. Une majorité de pays condamnent la Russie, mais les grands pays du Tiers-monde comme l'Inde, l'Afrique du Sud entre autres s'abstiennent. Tous les pays s'étant abstenus représentent les 2/3 de la population mondiale.de pays

Carte des pays ayant appliqué des sanctions contre la Russie. Seuls les pays membres de l'OTAN moins la Turquie, le Japon et les pays anglo-saxons du Pacifique les appliquent.

Carte des pays ayant appliqué des sanctions contre la Russie. Seuls les pays membres de l'OTAN moins la Turquie, le Japon et les pays anglo-saxons du Pacifique les appliquent.

 

 

 

Certes, le récent vote des Nations Unies sur l’annexion illégale par la Russie des provinces du Donbass a été plus en défaveur de Moscou, mais on constate que les principaux pays du Tiers-monde se sont aussi abstenus.

 

 

 

 

Vote de la résolution de  l'Assemblée générale des Nations Unies condamnant l'annexion des provinces du Donbass par la Russie. Une majorité de pays ont voté la résolution, mais les grands pays du Tiers-monde se sont abstenus.

Vote de la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies condamnant l'annexion des provinces du Donbass par la Russie. Une majorité de pays ont voté la résolution, mais les grands pays du Tiers-monde se sont abstenus.

 

 

 

C’est le signe d’un changement fondamental : l’Occident n’est plus le maître du jeu. Les Etats-uniens veulent isoler la Russie, ils n’y arrivent pas. C’est le contraire qui se passe !

 

 

D’ailleurs, les exigences de la globalisation anglo-saxonne rendent impossibles des accords avec un pays comme la Russie qui ambitionne d’être une grande nation politiquement et économiquement indépendante. Il suffit de s’en convaincre quand on lit les règles imposées par l’Union européenne dans l’accord de libre-échange avec l’Ukraine. Cet accord a été pris sous l’impulsion de la Pologne. Et il faut dire qu’il représente un avantage certain pour l’Union européenne : il permet de délocaliser les industries dans un pays proche avec une main d’œuvre à bon marché. C’est depuis 2009, à l’époque de la guerre russo-géorgienne que la Pologne pousse à un accord avec l’Ukraine qui pourrait aboutir à son adhésion pure et simple à l’UE. En clair, la Pologne veut faire un barrage entre l’Europe et la Russie. Cela se comprend sur le plan historique, mais c’est une grave erreur sur le plan géopolitique. On ne bâtit pas l’avenir sur les seules bases du passé !

 

Ce projet d’accord est à l’origine du conflit que nous connaissons aujourd’hui. Le gouvernement ukrainien Ianoukovitch, plutôt proche de la Russie, négocia cet accord dès 2010. Moscou fit pression sur les Ukrainiens pour qu’ils rompent cet accord. En 2013, l’Ukraine est contrainte d’y renoncer. Cependant, Ianoukovitch que la presse mainstream a accusé de tous les péchés souhaitait que l’Ukraine soit un pont entre l’Union européenne et la Russie. C’est évidemment à la suite de cette rupture qu’eut lieu la « révolution » de Maidan en 2014 qui est en réalité un coup d’Etat fomenté par les Occidentaux.

 

 

Un traité d’annexion

 

 

Les dispositions de cet accord finalement adopté en 2017 sont révélatrices de la volonté géopolitique de l’UE. Il ne s’agit pas d’un classique accord de partenariat. L’UE y impose ses propres règles. C’est « un accord de libre-échange approfondi et complet ».

 

Pierre Rimbert analyse ainsi ce traité : « Combien d’Européens ont lu ses 2 135 pages ou — à l’impossible nul n’étant tenu — franchi les ponts aux ânes introductifs sur la paix, le développement durable, la transparence, la société civile et le « dialogue interculturel » ? Gratter cette gangue, c’est découvrir ce qu’il faut bien appeler un traité d’annexion volontaire. Il se compose en premier lieu d’un « accord de libre-échange approfondi et complet » calqué sur l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994. »

 

On y lit des dispositions typiques de la politique ultralibérale de l’Union européenne comme la sacro-sainte « libre concurrence non faussée » et : « afin d’instaurer des « relations fondées sur les principes de l’économie de marché libre » (article 3), l’Ukraine « met tout en œuvre (…) pour rapprocher progressivement ses politiques de celles de l’Union européenne, conformément aux principes directeurs de stabilité macroéconomique, de situation saine des finances publiques et de viabilité de la balance des paiements » (art. 343). En somme, la seule option autorisée sera l’austérité. Kiev « procède aux réformes administratives et institutionnelles nécessaires à la mise en œuvre du présent accord » et « met en place l’appareil administratif efficace et transparent nécessaire » (art. 56). »

 

 

En somme, c’est un traité de Maastricht à la sauce ukrainienne !

 

 

Pierre Rimbert fait d’ailleurs remarquer qu’une adhésion éventuelle de l’Ukraine à l’Union européenne n’était pas à l’ordre du jour en 2017. Or, ce traité impose à l’Ukraine de modifier sa législation pour l’adapter aux règles communes de l’UE. D’autre part, il y a un aspect stratégique dans ce document : « Inutile d’être fin stratège pour discerner l’intention géopolitique du texte : évoquer la « convergence progressive dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité, y compris la politique de sécurité et de défense commune » (art. 7), encourager la « coopération dans le domaine de l’énergie, y compris le nucléaire », recommander de « diversifier les sources, les fournisseurs, les voies d’acheminement et les méthodes de transport de l’énergie » (art. 337) à un pays largement dépendant de la Russie sonne comme un défi lancé à Moscou. D’autres articles se montrent plus offensifs encore : « L’Ukraine transpose progressivement le corpus de normes européennes (EN) en tant que normes nationales. (…) Parallèlement à cette transposition, l’Ukraine révoque toute norme nationale contraire et cesse notamment d’appliquer sur son territoire les normes inter-États (GOST) élaborées avant 1992 » (art. 56-8), soit l’ensemble des normes héritées du bloc de l’Est. Dit autrement, Bruxelles met Kiev en demeure de « dérussiser » son économie. »

 

 

Cela était évidemment inacceptable pour Moscou. Ainsi, il est clair que ce traité entre l’Union européenne et l’Ukraine est à l’origine de la guerre actuelle. Depuis le 9 novembre 1989, les Occidentaux, ou les Atlantistes veulent redessiner la carte de l’Europe en repoussant la Russie vers l’Est. L’idée de « maison commune » du dernier président de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev ne convenait pas au camp occidental et il y eut un chantage contre le président soviétique, chantage qui contribua à l’éliminer politiquement. Dès lors, la Russie se trouva isolée et se sentit encerclée.

 

 

D’autre part – et c’est sans doute l’aspect le plus important – ce traité au lieu d’unir, génère une division : il sépare définitivement l’Europe de l’Asie. La « maison commune » eurasiatique est morte.

 

 

 

Un esprit colonial

 

 

 

Rappelez-vous ces débats sans issue qui se déroulèrent de temps à autre au sein des instances européennes consacrés à la fixation des frontières de l’Europe. Aujourd’hui, c’est tranché : l’Europe se limite à la frontière russe. Nous l’avons vu dans notre dernier billet (https://uranopole.over-blog.com/2022/09/connaissez-vous-ursula-von-der-leyen.html ) où le chancelier Scholtz promet d’élargir l’Union européenne aux micro-Etats du Balkan, à la Moldavie, à l’Ukraine et plus tard à la Géorgie. Cela ressemble au drang nach osten de sinistre mémoire !

 

 

En plus, l’Union européenne veut imposer ses règles ultralibérales à tous ces pays qui restent encore peu développés par rapport à ceux d’Europe occidentale. C’est évidemment une source de conflits comme on l’a vu en 2015 en Grèce. Comme le rappelle Pierre Imbert : « Ces accords d’association reflètent en quelque sorte un esprit colonial », avait reconnu en 2013 un diplomate occidental en poste à Kiev ».

 

 

Pour en revenir à la guerre, les Occidentaux en inondant l’Ukraine d’armes ne font que l’entretenir. Les déclarations bellicistes d’Ursula von der Leyen opposée à tout cessez-le-feu et celles de l’argentier de Macron, Bruno Lemaire, qui veut ruiner l’économie russe sont irresponsables et traduisent une volonté d’affrontement. Or, on sait très bien que personne ne gagnera cette guerre. Alors, pourquoi continuer ? La raison l’emportera-t-elle un jour ? On peut en douter en voyant l’attitude des dirigeants des deux côtés. On peut raisonnablement penser que l’impasse est volontairement entretenue à Moscou, Kiev, Bruxelles et Washington.

 

 

 

 

 

 

Rencontre avant la guerre entre Zelensky et Poutine adulés par Macron. Ni le "Bon", ni le "Diable"...

Rencontre avant la guerre entre Zelensky et Poutine adulés par Macron. Ni le "Bon", ni le "Diable"...

 

 

 

Non, cette guerre aussi absurde qu’atroce n’oppose pas le « Bien » contre le « Mal », David contre Goliath, comme tentent de la faire accroire les médias occidentaux. Cette guerre est l’affrontement par peuples russe, ukrainien et indirectement européen interposés, entre deux empires déclinants : l’Occident globalisé et l’autocratie russe comme ukrainienne toutes deux maîtres d’une oligarchie ayant pillé ces immenses pays à leurs seuls profits. Les vraies sanctions consisteraient à confisquer les biens de tous ces oligarques russes comme ukrainiens à la côte d’Azur française, en Toscane italienne, dans les paradis fiscaux et de les restituer aux Trésors russe et ukrainien afin qu’ils les redistribuent aux deux peuples ! Utopie, évidemment ! Rien n’est fait pour écarter une fois pour toutes Poutine et Zelensky qui ne sont ni le « diable » ni le « héros » que la propagande de l’Ouest nous présente, mais qui sont chacun à la tête d’un régime dangereux : celui des oligarques et de la corruption. Zelensky comme Poutine interdisent tout parti d’opposition. Il y a de part et d’autre des prisonniers politiques. Le prix Sakharov attribué à Zelensky aurait dû l’être à Julian Assange.  

 

 

Cependant, dans l’état actuel des choses, qui les remplacerait sinon des hommes encore plus dangereux ?

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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30 septembre 2022 5 30 /09 /septembre /2022 10:17

 

 

 

Notre ami Bernard Gensane nous a autorisé à partager son article retraçant le parcours d’Ursula von der Leyen paru sur son blog (http://bernard-gensane.over-blog.com/), femme issue de la haute société germanique plongée dès son enfance dans le microcosme bruxellois des Institutions européennes à Bruxelles, son père étant à l’époque haut fonctionnaire à la Commission. Cela explique pas mal de choses. Elle est incontestablement une femme brillante, bien que son cursus universitaire où elle obtint un diplôme en économie et par après un en médecine fut malheureusement entaché d’un soupçon de plagiat.  

 

 

 

Ursula von der Leyen, la première femme présidente de la Commission européenne, est incontestablement une personnalité hors du commun...

Ursula von der Leyen, la première femme présidente de la Commission européenne, est incontestablement une personnalité hors du commun...

 

 

 

Le mystère Ursula von der Leyen

 

 

Il y a un mystère Ursula von der Leyen, l’actuelle présidente de la Commission européenne. Cette femme à la beauté froide, à la coiffure vintage et à l’élégance stricte typique des hauts technocrates des Institutions européennes a dès le départ montré une détermination peu coutumière chez les dirigeants de l’Union européenne.

 

 

Dès le déclenchement de la guerre en Ukraine, elle s’est engagée à fond outrepassant à plusieurs reprises ses compétences en cette tragédie. Ainsi, elle a décrété l’interdiction des organes de presse russes comme Sputnik et Russia Today et plus récemment, s’est farouchement opposée à l’idée d’un cessez-le-feu entre les parties belligérantes. Elle démontre ainsi un alignement systématique sur la politique étatsunienne.

 

 

On se souvient de l’incident dit « Sofagate » à Ankara où Ursula von der Leyen a déclenché un mini-scandale parce qu’elle a considéré que le siège qui lui était attribué lors de l’entretien avec Erdogan était trop éloigné de celui du président du Conseil, Charles Michel. Réaction très astucieuse de sa part : elle s’attira les félicitations des féministes et mit en porte-à-faux Charles Michel qui lui faisait de l’ombre.

 

 

 

 

En provoquant le fameux Sofagate, Ursula von der Leyen a piégé Charles Michel, le Président du Conseil européen !

En provoquant le fameux Sofagate, Ursula von der Leyen a piégé Charles Michel, le Président du Conseil européen !

 

 

Une des grandes faiblesses des Institutions européennes est sa direction bicéphale et Ursula von der Leyen sait en user de main de maître en ramenant à elle tous les pouvoirs passant outre les traités européens qui sont selon son prédécesseur, le Luxembourgeois Claude Juncker, la quintessence de la démocratie.

 

 

Son autoritarisme a surpris tout le monde. Elle en use à l’envi. Cela dit, et Charles Michel l’avait rappelé (voir « règlement de comptes à OK Berlaymont » https://uranopole.over-blog.com/2022/09/morceaux-d-humeur-du-4-septembre-2022.html ), sa fuite en avant ne lui permet pas de prendre les décisions qui s’imposent en matière d’inflation et de crise énergétique. Les organisations syndicales l’ont rappelé récemment à Bruxelles et – ce qui aura sans doute plus d’effet – le patronat commence à s’énerver. Et on ne voit rien venir du côté de la Commission.

 

 

Deuxième pierre dans le jardin d’Ursula Albrecht – von der Leyen : la victoire de l’extrême-droite en Italie qui pourrait faire tache d’huile dans d’autres Etats-membres de l’UE. Un groupe de 89 députés Lepénistes en France, la majorité absolue promise aux nationalistes flamands en Belgique dont la plus importante formation est le néo-nazi Vlaams Belang (Bloc flamand).

 

La guerre en Ukraine où elle pousse à un élargissement rapide de l’UE, l’atlantisme forcené de la présidente de la Commission, son inaction face à la crise inflationniste et à la crise énergétique sont des signes très inquiétants. On peut se poser une question : que cherche Ursula ?

 

 

Un discours révélateur

 

La réponse se trouve peut-être dans le discours prononcé à Prague le 29 août dernier par le chancelier allemand social-démocrate Olaf Scholz. Il a appelé à bâtir une Union européenne élargie et militarisée sous l’impulsion de l’Allemagne. Il a affirmé que l’opération russe en Ukraine soulevait la question de savoir "où sera la ligne de démarcation à l’avenir entre cette Europe libre et une autocratie néo-impériale". Nous ne pouvons pas nous contenter de regarder, a-t-il dit, « des pays libres être rayés de la carte et disparaître derrière des murs ou des rideaux de fer. » (voir Diana Johnstone – Le spectre de l’Allemagne se lève (Consortium News) – Le Grand Soir - https://www.legrandsoir.info/le-spectre-de-l-allemagne-se-leve-consortium-news.html )

 

 

Le chancelier Sholz veut remilitariser l'Allemagne et l'Union européenne tout en l'élargissant de 27 à 36 membres !

Le chancelier Sholz veut remilitariser l'Allemagne et l'Union européenne tout en l'élargissant de 27 à 36 membres !

 

 

 

Scholz a déclaré à son auditoire européen dans la capitale tchèque : "Je m’engage à élargir l’Union européenne aux États des Balkans occidentaux, à l’Ukraine, à la Moldavie et, à long terme, à la Géorgie". Il est un peu étrange de s’inquiéter du déplacement de la ligne de démarcation vers l’ouest par la Russie alors que l’on prévoit d’intégrer trois anciens États soviétiques, dont l’un (la Géorgie) est géographiquement et culturellement très éloigné de l’Europe mais aux portes de la Russie.

 

Dans les "Balkans occidentaux", l’Albanie et quatre petits États extrêmement faibles issus de l’ex-Yougoslavie (Macédoine du Nord, Monténégro, Bosnie-Herzégovine et Kosovo largement non reconnu) produisent principalement des émigrants et sont loin des normes économiques et sociales de l’UE. Le Kosovo et la Bosnie sont des protectorats de facto de l’OTAN, occupés militairement. La Serbie, plus solide que les autres, ne montre aucun signe de renoncement à ses relations spécifiques avec la Russie et la Chine, et l’enthousiasme populaire pour « l’Europe » parmi les Serbes s’est estompé. Cependant, la Serbie se trouvera isolée.

 

L’ajout de ces États membres permettra de réaliser « une Union européenne plus forte, plus souveraine et plus géopolitique », a déclaré M. Scholz. Une « Allemagne plus géopolitique », plutôt. Alors que l’UE s’élargit vers l’est, l’Allemagne se trouve « au centre » et fera tout pour les rassembler. Ainsi, outre l’élargissement, M. Scholz appelle à « un passage progressif aux décisions à la majorité en matière de politique étrangère commune » pour remplacer l’unanimité requise aujourd’hui. Cela signifie que plus personnes ne pourra s’opposer à cette politique étrangère dictée par l’Allemagne avec la bénédiction de Washington !

 

Scholz ajoute qu’il ne veut pas d’une « UE d’États ou de directorats exclusifs ». Avec une UE de 30 ou 36 États, note-t-il, « une action rapide et pragmatique est nécessaire. » Et il peut être sûr que l’influence allemande sur la plupart de ces nouveaux États membres pauvres, endettés et souvent corrompus produira la majorité nécessaire.

 

« Chaque amélioration, chaque unification des structures de défense européennes dans le cadre de l’UE renforce l’OTAN », a déclaré Scholz. « Avec d’autres partenaires de l’UE, l’Allemagne veillera donc à ce que la force de réaction rapide prévue par l’UE soit opérationnelle en 2025 et fournira alors également son noyau.

 

Cela nécessite une structure de commandement claire. L’Allemagne assumera cette responsabilité lorsque nous dirigerons la force de réaction rapide en 2025 », a conclu le chancelier. Il a déjà été décidé que l’Allemagne soutiendrait la Lituanie avec une brigade rapidement déployable et l’OTAN avec d’autres forces en état de préparation élevé.

 

La fin de l’idée européenne

 

Une chose est claire en tout cas, l’actuelle fuite en avant d’Ursula von der Leyen dans le dossier de la guerre en Ukraine s’inscrit clairement dans ce projet dessiné par le chancelier fédéral allemand !

 

 

 

Altiero Spinelli ancien résistant antifasciste, fondateur de l'Union européenne est bien oublié aujourd'hui (photo CVCE.eu)

Altiero Spinelli ancien résistant antifasciste, fondateur de l'Union européenne est bien oublié aujourd'hui (photo CVCE.eu)

 

 

 

 Cela correspond-il au vieux rêve d’union européenne des pères fondateurs comme Altiero Spinelli ? (voir Uranopole : https://uranopole.over-blog.com/article-l-union-europeenne-un-danger-pour-la-democratie-118844356.html ). Non, elle est morte l’idée d’une Europe fédérale et démocratique telle que l’avaient voulu ces hommes issus de la Résistance contre le fascisme comme Spinelli en Italie, Camus en France, Orwell en Grande Bretagne.

 

Il est loin le manifeste de Ventotene !

 

Pierre Verhas

 

 

 

Connaissez-vous Ursula von der Leyen ?

 

 

 

Il faut reconnaître à la présidente de la Commission européenne deux qualités : en politique, elle n’a pas besoin de boussole. Á droite toute – mais attachée à un certain progrès social – le regard vers les États-Unis. Et puis cette atlantiste forcenée est aimée de notre banquier jet-skieur. C’est lui qui l’a imposée – on ne sait pourquoi officiellement – à Angela Merkel, contre la volonté de la classe politique allemande. Un tour de force d’autant plus exceptionnel qu’Ursula n’avait jamais été élue nulle part. Le SPD a évoqué un « exemple sans précédent de tricherie politique qui rend absurde le processus de démocratisation de l’Union européenne ».

 

 

Ursula est la fille d’Ernst Albrecht qui fut vice-président fédéral de la CDU et ministre-président (de droite) de Basse Saxe de 1976 à 1990. Elle naquit à Bruxelles car son père y était alors fonctionnaire européen (avant de devenir PDG de Bahlsen). C’est là qu’elle passa son enfance où elle fréquenta l’École européenne et devint une cavalière de compétition. Avec les Albrecht, nous sommes dans une famille de négociants patriciens de la grande bourgeoisie allemande, avec des connexions aristocratiques depuis le XVIIe siècle. On connaît le café Albrecht et les magasins Aldi. Ursula a également une arrière-grand-mère étasunienne et des ancêtres français et italiens. On trouve dans son ascendance paternelle des juristes, des médecins, des universitaires, de très riches négociants.

 

 

 Au moment où l’esclavage fut aboli aux États-Unis, son ancêtre James H. Ladson possédait 200 esclaves. La mère d’Ursula était également bien née. Elle mourut malheureusement d’un cancer et de la maladie d’Alzheimer en 2002, mais celle-ci ne fut révélée par sa fille qu’en 2008.

 

 

Ursula passa un baccalauréat en mathématiques et en sciences, puis étudia les sciences économiques aux universités de Göttingen et Münster avant de fréquenter la London School of Economics sous un nom d’emprunt, protégée par Scotland Yard, son père étant menacé par la Fraction armée rouge. Elle entreprit par la suite des études de médecine et obtint le titre de docteur en 1991, avant de rejoindre pour quatre ans l’université Stanford où elle suivit des cours d’économie, mais sans suivre un cursus formel. Sa thèse de médecine fera l’objet d’une longue controverse en 2015 : un site anti-plagiat déclarera avoir trouvé 27 pages suspectes. L’université ouvrira une procédure formelle à la fin de laquelle il sera décidé de ne pas lui retirer son titre. Plusieurs experts afficheront leur désaccord.

 

 

En 1986, Ursula épouse le médecin Heiko von der Leyen, issu d’une famille qui a fait fortune dans la soie.

 

 

Ursula est nommée par Angela Merkel en 2005 ministre de la Famille. Elle met en œuvre une politique sociale : elle institue un salaire parental de deux mois pour les pères et augmente le nombre de crèches. Elle se prononce contre les sites pédopornographiques, écopant du sobriquet Zensursula (censursula). Elle soutient l’instauration d’un salaire minimum, ainsi que des quotas pour les femmes au sein des conseils d’administration. Elle est nommée ministre du Travail en 2009, puis ministre de la Défense en 2013, première femme à occuper cette fonction régalienne. Elle est reconduite en 2018 mais est nommée présidente de la Commission européenne en 2019. Avant cela, en 2014, elle milite pour une politique étrangère plus ferme de l’Allemagne. Elle valide l’envoi d’armes aux forces armées kurdes et irakiennes, ce qui rompt la tradition allemande de ne jamais exporter d’armes vers une zone de conflit.

 

 

En tant que responsable européenne, Ursula von der Leyen ne risque pas de faire contre-poids à la puissance des États-Unis. Elle s’aligne complètement sur les positions étasuniennes en matière de géopolitique et militaire. Déjà lorsqu’elle était ministre allemande de la Défense, elle avait obtenu une hausse de 35% des dotations de l’Allemagne à l’OTAN (l’Allemagne est aujourd’hui le second contributeur après les EU) et avait obtenu que le général allemand Jürgen Weigt soit nommé commandant en chef de l’Eurocorps. La servilité d’Ursula vis-à-vis des États-Unis n’est sûrement pas sans rapport avec sa promotion inattendue et ultra-rapide à la présidence de la Commission européenne.

 

 

Lorsqu’elle est nommée le 16 juillet 2019 présidente de la Commission, sans l’appui d’Angela Merkel (elle obtient 51% des voix, élue grâce aux suffrages d’extrême droite des Polonais de Droit justice et de ceux ambigus du Mouvement 5 étoiles), elle est auditionnée par les groupes du Parlement européen. Á noter qu’elle prononce son premier grand discours en anglais, qui n’est que la seconde langue de la République d’Irlande. Selon Le Point, elle en reste à des généralités qui ne mangent pas de pain. Elle permet aux Britanniques de négocier leur Brexit pendant le temps qu’ils voudront, ce qui a le don d’irriter notre banquier jet-skieur. Elle se dit favorable à un salaire minimum, mais également à l’entrée de la Moldavie où le smic est à 42 euros par mois… Ursula est bien au-dessus de ses considérations, elle qui emprunte à tour de bras des avions privés sur des petites distances.

 

 

 

Ursula est favorable à des « États-Unis d’Europe », sur le modèle de l’État suisse, de l’Allemagne ou des États-Unis. Elle vise en fait une harmonisation des questions financières, de la fiscalité et de la politique économique.

 

 

 

En janvier 2022, une enquête menée par un organisme de surveillance de l’UE sur les SMS envoyés par Ursula von der Leyen au PDG de Pfizer a conclu que l’UE était coupable de « mauvaise administration ». L’eurodéputée néerlandaise Sophie in’ t Veld déclara que la Commission était devenue moins transparente avec von der Leyen. Selon The Guardian, Pfizer a signé plusieurs contrats avec la Commission pour son vaccin qui a été critiqué pour les prix élevés négociés pour les vaccins à ARNm Covid .

 

 

Bernard Gensane

 

 

 

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3 septembre 2022 6 03 /09 /septembre /2022 20:07

 

 

 

Règlements de comptes à OK Berlaymont (1)

 

Le Président du Conseil européen, l’ancien Premier ministre belge Charles Michel, voudrait-il la peau de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen ? On pourrait le penser à la lecture de l’interview qu’il a donné au quotidien bruxellois « Le Soir » de ce week-end.

 

Il faut bien dire qu’il y a de quoi. Depuis le début de la guerre en Ukraine, Ursula s’est déchaînée. Elle a même outrepassé ses compétences en décrétant l’interdiction des organes de presse russes, la radio Russia Today et l’agence Sputnik, en faisant pression pour un embargo total sur le gaz russe, en prenant une série de décisions sans consulter le Conseil et les Etats-membres. Depuis qu’ils sont aux affaires européennes, Charles Michel et Ursula von der Leyen s’étripent à qui mieux mieux. Il n’y a pas eu que le fameux « Sofagate » où Erdogan a humilié la présidente de la Commission en présence de Charles Michel qui s’est laissé berner comme un bleu (qu’il est politiquement…) ! Pour reprendre une vieille expression : tous deux sont d’accord pour dire qu’ils ne sont d’accord sur rien !

 

 

 

Le Belge Charles Michel, le Président du Conseil européen et l'Allemande Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne : "Je t'aime moi non plus !"

Le Belge Charles Michel, le Président du Conseil européen et l'Allemande Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne : "Je t'aime moi non plus !"

 

 

 

Aujourd’hui, concernant l’énergie, le quotidien bruxellois relate :

 

« Concrètement, Charles Michel n’apprécie guère l’intention, que l’on prête à la présidente de la Commission européenne, de réserver les scénarios pour contrer la flambée des prix pour le 14 septembre, lorsqu’elle prononcera son discours sur l’état de l’Union devant le Parlement européen, à Strasbourg : « On ne peut pas attendre jusque-là. » Pas plus qu’il ne goûte les fuites de documents de travail circulant au sein de l’exécutif communautaire, qu’il refuse d’ailleurs de commenter. « Pour l’instant, la Commission ne propose rien sur le sujet. Ce que je souhaiterais, c’est qu’il y ait, le plus vite possible, des propositions transparentes exprimées par la Commission. C’est le principe de la transparence démocratique que l’Union européenne doit incarner. Et, pour rappel, il y a une réunion des ministres de l’Energie le 9 septembre. »

 

Assez piquant qu’un libéral pur jus critique une politique libérale… Mais ce n’est pas tout :

 

« C’est une situation qu’on ne découvre pas aujourd’hui, elle date même d’avant la guerre en Ukraine », insiste le président du Conseil européen. Egrenant les conclusions des Sommets de mars, mai et juin, au cours desquels l’énergie était au cœur des débats entre chefs d’Etat et de gouvernement. La preuve par les conclusions. « De manière unanime, nous avons invité la Commission à faire des propositions sur les trois sujets clés en matière énergétique. Pour la consommation, il était très judicieux que la Commission émette, en juillet, des recommandations pour réduire de 15 % la consommation de gaz. Mais je pense qu’on doit aller plus loin et qu’il serait utile que la Commission fasse aussi rapidement des recommandations pour réduire la consommation d’électricité. »

 

Enfin :

 

« Reste le troisième élément du débat, le plus criant en cette rentrée : la flambée des prix. « Là je suis très ferme. Depuis de très nombreux mois, les chefs d’Etat et de gouvernement ont invité la Commission à travailler sur cette question. Pour être clair, sur le plafonnement des prix et sur le probable nécessité de réformer le marché de l’électricité. Il est certain qu’il n’y avait pas de consensus sur le type de décision qu’on devait prendre, mais il y avait un consensus pour inviter la Commission à venir avec des propositions précises. » Une critique en règle ? « Ce n’est pas une critique, c’est un appel ! Pas de Charles Michel mais des chefs d’Etat et de gouvernement. Il y a une impression que la Commission a perdu du temps, et c’est regrettable. (…) Un retard imputable, peut-être, à la technicité et la difficulté (au risque, disent certains) d’une réforme du marché de l’électricité ? « Les difficultés techniques c’est le quotidien de l’Union européenne, balaie le président du Conseil européen. Je ne peux pas accepter que ce soit un frein. Aujourd’hui, avec des prix du gaz multipliés par dix ou douze, le système déraille. Les prix de l’électricité augmentent. Et des entreprises ont des profits démesurés. Avant l’été, dans une certaine bureaucratie bruxelloise, vivait l’idée que, finalement ce n’était pas si mal que cela. Parce que ces entreprises allaient probablement réinvestir massivement dans la transition énergétique. Un état d’esprit déconnecté des réalités politiques, démocratiques. Je pense qu’en septembre, les ministres doivent ramener la dynamique démocratique politique dans tous les esprits. »

 

Et Charles Michel tire le signal d’alarme.

 

« Les Etats sont en train de s’appauvrir : 280 milliards d’euros ont été mobilisés, selon le think thank Bruegel, par les Etats, pour atténuer les effets de la crise énergétique sur les entreprises et sur les citoyens. Les citoyens souffrent, les entreprises souffrent, les Etats souffrent et quelques entreprises qui produisent de l’énergie font des superprofits. Je ne nie pas que le sujet est complexe. Mais il est inacceptable de rester les bras ballants. Et c’est difficile à expliquer que, depuis mars, il n’y a pas eu de propositions opérationnelles un peu sérieuses sur la table. »

Un plaidoyer dicté, aussi, par la crainte de tensions sociales ? « Oui, c’est pour ça que je plaide pour que l’on prenne rapidement des décisions. On doit tout faire pour garantir la cohésion de nos sociétés. Nous sommes dans un cercle vicieux qu’il faut briser. Les prix de l’énergie, bien plus élevés en Europe que partout ailleurs dans le monde, alimentent l’inflation, qui alimente la pauvreté, réduit la croissance et menace l’emploi. » Sans compter les menaces pour la démocratie. « Les autocraties, la Russie en premier lieu, mais pas seulement, sont obsédées par cette idée de faire la démonstration que le modèle démocratique ne peut pas produire du succès, du bien-être. L’un de leurs objectifs stratégiques, c’est d’essayer de créer des tensions sociales majeure. »

 

Autrement dit c’est la panique ! On dit que la peur est mauvaise conseillère. Ici, c’est plutôt l’inverse. Les craintes exprimées par le Président Michel sont tout à fait justifiées. Et il pointe du doigt les énormes défauts des institutions européennes.

 

 

 

Jean-Pierre Hansen ancien patron d'Electrabel absorbé par Engies

Jean-Pierre Hansen ancien patron d'Electrabel absorbé par Engies

 

 

 

La technocratie européenne vit depuis des années dans sa tour d’ivoire et se refuse à voir la réalité. Tout est dicté par l’idéologie du « tout au marché ». Comme l’a dit au « Soir » de ce jour Jean-Pierre Hansen, ancien patron d’Electrabel absorbé depuis par Engies : « L’Europe regarde l’électricité comme elle regarde un tube de dentifrice ». Donc quel que soit le produit ou le service, il doit répondre à la même loi absolue qui s’applique à tout ! Dès lors, il n’y a plus d’esprit démocratique au sein des institutions de Bruxelles. Elles sont au service des lobbies – dont les lobbies énergétiques – qui gangrènent les institutions dont la caractéristique est l’opacité la plus complète. Les décisions prises par la Commission consistent en des diktats assortis de sanctions à l’égard des Etats-membres. Par exemple, il est assez piquant de voir les pressions exercées sur la Pologne et la Hongrie pour « illibéralisme », alors que la Commission elle-même n’a aucun respect pour les règles démocratiques les plus élémentaires.

 

Cette intransigeance de Bruxelles cache mal une inquiétante faiblesse. Charles Michel le dénonce en reprochant à la Commission sa passivité dans cette grave crise énergétique qui aura sous peu des conséquences dramatiques si on ne prend pas des décisions fermes de réforme du marché de l’énergie – gaz comme électricité – de plafonnement des prix.

 

Il est aussi indispensable de négocier sérieusement une stabilisation des prix avec les fournisseurs d’énergie ainsi qu’une sécurité d’approvisionnement, y compris avec la Russie de Poutine, d’autant plus que Gazprom vient de couper toutes ses fournitures de gaz à l’Europe ! On négocie bien avec Mohammed Ben Salman mis jusqu’il y a peu au ban de la « communauté » internationale pour l’assassinat d’un journaliste ! Cela implique une autre attitude géopolitique que l’alignement systématique sur celle des Etats-Unis. Si, déjà, l’Europe donne des signes d’indépendance à l’égard de la puissance étatsunienne, elle sera plus forte. Mais, cela tient du wishfull thinking.

 

En plus de l’énergie, ne perdons pas de vue le danger d’une crise alimentaire mondiale due à la guerre en Ukraine qui bloque l’exportation de céréales et d’autres produits agricoles comme l’huile de tournesol vers des pays, comme ceux du Maghreb, qui en ont un besoin vital et qui a déjà des conséquences en Europe par l’inflation galopante résultant de cette guerre et de la passivité des autorités européennes nationales comme européennes.

 

À propos de passivité, l’économiste belge Bruno Colmant, lui aussi, lance un signal d’alarme pas plus tard qu’aujourd’hui via Twitter :

 

 

 

Bruno Colmant se montre très inquiet, à juste titre, pour l'avenir proche. (cliché l'Echo)

Bruno Colmant se montre très inquiet, à juste titre, pour l'avenir proche. (cliché l'Echo)

 

 

 

« Si 20 % des Belges rencontrent un des trois critères de pauvreté, ce pourcentage passera à 35-40 %. Les banques alimentaires voient une augmentation de 15 % des demandes, les CPAS vont imploser. Mais il y a autre chose de plus profond, et dont le sentiment et l’intuition m’avaient traversé en 2020 lors des premiers lock-downs liés au Covid. C’est la perte de lien d’obéissance (je sais le terme mal choisi et je devrais plutôt parler de coopération). Il y a, de plus en plus, une rupture du respect à l’État, à l‘employeur, à la citoyenneté, etc. Si cette intuition se confirme, alors un mouvement de rébellion silencieuse pourrait apparaître qui conduit les ménages à ne plus payer, par impossibilité financière, mais aussi par affront, leurs impôts et leurs factures énergétiques. Si cette réalité, que j’espère voir éviter, se concrétise, alors ce seront les distributeurs d’énergies, et ensuite les banques et l’État qui en seront les victimes. Je crois que la paix et l’ordre sociaux sont infiniment plus fragiles qu’on ne le postule.   

L’humaniste français de la Renaissance François Rabelais (1494-1553) écrivait que : « La moitié du monde ne sait comment l’autre vit ». En 2023, il ajouterait aujourd’hui qu’un tiers de la population est devenue invisible. Mais cela ne va pas durer.
 »

 

Charles Michel comme Bruno Colmant ont raison de tirer le signal d’alarme, mais les dirigeants européens sont-ils capables de définir une politique cohérente et forte pour sortir de cette crise majeure pour l’ensemble du continent européen, avant que la poudrière n’éclate ?  Wait and see.

 

 

PV

  1. Le Berlaymont est le siège bruxellois de la Commission européenne.

 

 

 

Exit Mikhail Gorbatchev

 

 

Le dernier Grand du XXe siècle vient de disparaître à Moscou à l’âge de 91 ans. Il n’est pas reconnu par ses successeurs, il n’a même pas eu droit à des funérailles nationales. Il est vrai que l’actuel président russe n’a guère l’envergure de celui qui réforma fondamentalement l’Europe et la Russie qui était encore l’URSS, qui arrêta la folle course aux armements, qui libéra tous les prisonniers politiques, qui chercha à installer une social-démocratie à la scandinave dans son immense pays.

 

Dès son accession au pouvoir en 1985, Gorbatchev savait que la situation de son pays continent était catastrophique. C’est la raison pour laquelle il lança la fameuse perestroïka – restructuration – qui consista à libéraliser l’économie soviétique paralysée par la nomenklatura. Il est vrai que cela n’alla pas tout seul et que cette réforme était mal préparée, ce qui ouvrit le chemin aux oligarques – beaucoup d’entre eux faisant partie de la nomenklatura – et provoqua de sérieux trouble sociaux. Il lança également la glasnost ; réforme politique destinée à favoriser le passage vers un régime démocratique. Il fit également libérer les prisonniers politiques qui croupissaient dans le Goulag.

 

 

 

Mikhail Gorbatchev, le dernier Grand du XXe siècle

Mikhail Gorbatchev, le dernier Grand du XXe siècle

 

 

 

Sur le plan international, il négocia pour arrêter la folle course aux armements dont les conséquences étaient dramatiques pour l’économie soviétique et consistaient en un danger majeur pour le monde. Ce changement fondamental de politique eut un grand retentissement dans le glacis de l’Europe centrale. C’est la Tchécoslovaquie qui lança le mouvement en ouvrant sa frontière avec l’Autriche. Ainsi, les Trabans – ces petites voitures à moteur deux temps fabriquées en Allemagne de l’Est – déferlèrent sur l’Europe occidentale. Le mouvement était dès lors irréversible. La ville de Leipzig connut un soulèvement populaire qui s’étendit à toute la RDA et particulièrement à Berlin Est. Le 9 novembre 1989, le Mur tomba. La réunification allemande était désormais irréversible. Suivit la Roumanie de Ceausescu et tous les autres pays d’Europe centrale. Et Gorbatchev ne fit rien pour entraver ce mouvement. Ce fut un bouleversement considérable : à l’époque, il était inimaginable que le bloc de l’Est comme on l’appelait, puisse s’effondrer aussi rapidement et quasi pacifiquement.

 

Mikhail Gorbatchev souhaitait un rapprochement entre l’URSS et l’Europe. Il parlait de « maison commune ». Mais il se heurta à un silence poli de la part des Occidentaux. Les USA étaient farouchement opposés à un rapprochement entre l’Europe et la Russie. Ils le sont d’ailleurs toujours. C’est une des causes de l’actuelle guerre en Ukraine.

 

Le secrétaire général soviétique fut invité au G7 à Londres. Il espérait une aide des Occidentaux pour mener à bien son projet de démocratisation. Au contraire, il reçut une volée de bois vert. Il était exigé qu’il mène une politique ultralibérale de privatisation, d’ouverture des frontières au libre-échange, de démantèlement des mesures sociales. Gorbatchev fut contraint de s’incliner. C’est sans doute à partir de ce moment là que les relations entre la Russie et l’Occident se détériorèrent définitivement.

 

On connaît la suite. Un putsch militaire tenta de renverser le secrétaire général. Le maire de Moscou de l’époque, Boris Eltsine, s’imposa. Gorbatchev était définitivement affaibli. Il démissionna en 1991. Eltsine dissout l’Union Soviétique, accorda l’indépendance à l’Ukraine, à la Géorgie et à la Biélorussie. La guerre se déclencha en Tchétchénie. Bref, l’empire était disloqué. Ses restes revinrent aux mains des oligarques. Eltsine miné par l’alcool et sans aucun appui dut s’en aller. Ce fut le tour de Poutine, ancien agent du KGB et représentant une partie de l’oligarchie.

 

Aujourd’hui, trop tard comme toujours, on se rend à l’évidence : on aurait dû écouter Mikhail Gorbatchev.

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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