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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 21:25

Après Dexia, il est intéressant de lire et d’écouter l’analyse des économistes atterrés – ce groupe d’économistes français de gauche qui dénoncent l’absence de changement idéologique et politique depuis la crise financière de 2008 – qui expriment des avis circonstanciés sur les graves événements que nous vivons. Ce très intéressant débat a été organisé par le journal quotidien de gauche sur Internet Mediapart, qui est cité régulièrement sur ce blog.

 

Ils refusent qu’on nous laisse aller au mur. La mascarade de Dexia, le drame de la Grèce, la menace sur notre bien être et la misère qui s’installe sont des maux qu’il faut éradiquer.

 

Il est temps de comprendre pour faire une autre politique et renverser la vapeur.

 

C’est long à écouter, mais cela vaut la peine que vous preniez un peu de votre temps.

 

Bonne lecture et bonne écoute !

 

Pierre Verhas

| Par La rédaction de Mediapart - Mediapart.fr
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9 octobre 2011 7 09 /10 /octobre /2011 15:45

La saga Dexia est un véritable thriller digne des plus grandes productions hollywoodiennes. Toutes les « ingrédients » s’y retrouvent : deux petites banques qu’on décide de marier pour le meilleur – elles connaîtront le pire –, une nouvelle monnaie qui ouvre un marché jamais égalé de 300 millions de personnes, des managers jeunes et ambitieux voulant transformer le nain en géant. Et, bien sûr, tous les moyens sont bons. Cependant, ils ont oublié la fable de la grenouille plus grosse que le bœuf. Tout cela serait risible, si cela ne provoquait des drames sociaux et l’éventuelle faillite des pouvoirs régionaux et locaux français et belges.

 

Dexia est exemplaire de la faillite du néolibéralisme.

 

Dexia est un enfant de l’Europe néolibérale. Elle fut fondée par un haut fonctionnaire français du nom de Pierre Richard (à ne pas confondre avec l’acteur…) bardé de diplômes, cabinetard sous les gouvernements Chirac puis Balladur, irrésistiblement attiré par les sirènes du privé, bref, le parfait petit soldat du capitalisme triomphant.

 

 Pierre_Richard.jpg

Pierre Richard ou la folie des grandeurs

 

Pierre Richard commença sa « carrière » de banquier au Crédit local de France qu'il avait créé en 1986 en le séparant de la Caisse de dépôts et de consignation. En octobre 1987 il en fut président du directoire, puis PDG en décembre 1993, à la suite de la privatisation dont il fut le maître d’œuvre, sous Balladur.

 

Privatisation ? 1993 ? Il y a un lien : les débuts de l’Acte unique, la fameuse « Europe 1992 » lancée par le président de la Commission européenne de l’époque, Jacques Delors (père de Martine Aubry), qui instaura la libéralisation par la fin des barrières douanières, la libre circulation des capitaux, des biens et des services et, dans une moindre mesure, des hommes.

 

 jacques-delors.jpg

Jacques Delors : le père de l'Acte unique ou de l'Europe néo-libérale

 

Une vague de privatisations envahit toute l’Europe. Le grand marché fondé par l’Acte unique suscite toutes les convoitises et particulièrement celles des banques. Dans l’Europe d’alors qui ne comptait pas encore les pays de l’Est, il fut procédé à la privatisation de toutes les banques par la suppression du secteur public de crédit. Ensuite, les grands groupes bancaires lancèrent des OPA sur les banques privatisées qui étaient bien entendu de trop petite taille pour s’imposer dans le marché unique. Les banques qui avaient choisi le « stand alone » connurent très vite des déboires.

 

Dexia est née de l’alliance en 1996 du Crédit communal de Belgique (CCB) et du Crédit local de France (CLF). En outre, le CCB et le CLF, bien que désormais banques privées, finançaient toujours les pouvoirs locaux. Une banque privée qui gère l’argent public !

 

Il y avait une différence fondamentale entre le CCB et le CLF. Le CCB, avec son nombreux réseau d’agences en Belgique, était une banque de dépôts provenant des entreprises et des particuliers, qui prêtait aux communes pour leurs investissements. Le CLF empruntait sur le marché financier pour ensuite prêter aux communes. Cette pratique a été étendue avec la création de Dexia et sous la férule de Pierre Richard.

 

Un "11 septembre" bancaire

 

Vint ensuite la mégalomanie. Richard voulut transformer sa banque franco-belge en une grande institution financière internationale. Il déclara à l’époque, juste avant l’introduction de l’Euro (le Monde du 6 octobre 2011) : « L’euro sera un tremblement de terre pour les banques. Les établissements de taille moyenne vont disparaître et on va assister à de gigantesques restructurations. »

 

 Dexia_siege_1.jpg

Dexia : un "11 septembre" bancaire ?

 

Le séisme a eu des effets bien plus destructeurs que ce que prévoyait Pierre Richard !

 

Il fit racheter par Dexia de petites banques étrangères, notamment en Turquie et aux Etats-Unis. De plus, il ajouta au groupe Dexia l’activité de banque commerciale et la gestion d’actifs. Tout cela pour un coût de 8 milliards.  D’autre part, les régions et les municipalités furent « invitées » à souscrire à des produits « structurés », c’est-à-dire des crédits aléatoires purement spéculatifs, ce qu’on appelle des « actifs toxiques ». En Belgique, Dexia alla même jusqu’à promettre des taux de 13 % sur ces fameux actifs. C’est l’euphorie : Dexia qui pesait 5 milliards d’euros en Bourse en 1996 passe à 17 milliards en octobre 2000. Mais il y a un hic…

 

Il faut recapitaliser. Là, la partie belge commence à rechigner. Cela va trop loin. Richard est remplacé par le Belge Axel Miller, mais reste toujours au Conseil d'administration.

 

 Axel_Miller.jpg

Axel Miller ne plaisait pas aux Français.

 

Arrive la crise des subprimes en 2008.  Les gouvernements belge et français ont dû puiser 3 milliards d’Euros chacun dans la caisse et donner des garanties pour sauver et puis maintenir Dexia à flot. Axel Miller passe à la trappe – Sarkozy voulait sa peau – et est remplacé par le duo composé du Français Pierre Mariani, comme administrateur délégué et de l’ancien Premier ministre belge, Jean-Luc Dehaene, nommé Président du Conseil d’administration.

 

Le clan Sarkozy

 

 

 mariani_Dehaene.jpg

Le tandem Mariani - Dehaene est mené par Mariani.

 

Pierre Mariani est un proche de Sarkozy. Il fut son directeur de cabinet lorsqu’il était ministre du budget sou Balladur. C’est donc un homme de la « caste ». Tout va pour le mieux dans la meilleure Sarkozie … A part qu’en réalité, Dexia a besoin de 260 milliards d’euros. Tout cela n’empêche cependant pas Dexia de poursuivre sa dérive. Dehaene a vieilli. Il est député européen, administrateur de plusieurs sociétés, entre autres le brasseur belgo-brésilien INBEV, etc, en plus de Dexia. C’est beaucoup pour un seul homme. Il se laisse manifestement manipuler par Mariani qui fait la pluie et le beau temps. Les Belges comptent pour du beurre. Il est vrai que les Français ne leur pardonnent pas l’éviction de Richard… L’Europe se construit ! Cependant, comme l’écrit Mediapart : « La nouvelle direction, co-détenue par le Belge Jean-Luc Dehaene et le Français Pierre Mariani, n'a eu, tout ce temps, que le rôle de syndic de faillite, chargé d'éteindre en douceur toutes les dérives du passé. Comme toutes les autres banques, comme les Etats européens, elle a cherché à s'acheter du temps. Les marchés boursiers, longtemps aveugles sur l'état de santé réelle de la banque, ne s'y sont pas trompés. Depuis 2008, l'action Dexia n'a jamais dépassé les 5 euros. »

 

 

 Dehaene.jpg

Jean-Luc Dehaene : Dexia, le mandat de trop ?

 

2008 n’est pas encore terminé qu’une autre crise se profile à l’horizon : celle des dettes souveraines et particulièrement celle de la Grèce. Et, cela va sans dire, Dexia se retrouve dans la tourmente. Et, bien entendu, comme l’Europe n’a édicté aucune règle pouvant servir de garde-fous, les banques ont continué à faire n’importe quoi et Dexia en particulier. Résultat : la crise bancaire est toujours là. Tout cela a fini par inquiéter les dirigeants européens. Aussi, ont-ils décidé de faire un audit de la situation des banques en juillet 2011. La Commission européenne a imposé ce qu’on a appelé les « stress tests », c’est-à-dire un test de solvabilité, à toutes les banques de la zone Euro. Le résultat est risible. Il ne manque que 2,5 milliards d’euros répartis entre neuf banques européennes pour leur permettre de faire face à une situation économique plus grave. Dexia, bien entendu, a passé ce « grand oral » haut la main : avec un ratio de plus de 11% de fonds propres, elle paraissait même être une des mieux capitalisées du système bancaire européen. Sinistre plaisanterie. On peut même se poser la question de l’honnêteté et de l’objectivité de cette mascarade.

 

Cependant, la facture est là. Dexia se trouve être insolvable. « Libération » dénonce le 17 septembre la pratique des prêts à risques aux collectivités locales. Dexia n’a en rien freiné ses recours à des produits « dérivés » ou « actifs toxiques. Dès lors, comme le dénonce ATTAC France, le problème central est le devenir de ces actifs toxiques de Dexia.  Alors, où va-t-on ? C’est le démantèlement de Dexia qui est à l’ordre du jour. Le gouvernement français essaye de refiler Dexia France à la Banque postale et à la Caisse de dépôt et de consignation de reprendre les actifs. Celles-ci refusent. Du côté belge, il a été décidé de nationaliser Dexia banque. Bref, on en revient à l’ancien Crédit communal de Belgique…

 

Quant aux actifs toxiques, c’est la bouteille à encre. L’idée est de les séparer des actifs « sains » et de les mettre dans une banque résiduelle ou « bad bank » (chaque crise génère son néologisme). Dexia s’est débarrassé d’une partie de ces « pommes pourries » après 2008, mais en a ajouté d’autres en achetant, entre autres des obligations d’Etat grecques en grande quantité, puisqu’elles assuraient un rendement plus important que les autres. Autrement dit, que ce soit avec les produits dérivés ou les titres de dettes souveraines, Dexia a poursuivi sa stratégie spéculative envers et contre tout.

 

Finalement (jusqu'à quand ?), un accord est intervenu dimanche 9 octobre entre Fillon et Leterme. La Belgique rachète Dexia banque Belgique pour 4 milliards d'Euros, le gouvernement français crée Dexia - agence municipale pour 0,7 milliards d'Euros qui sera sans doute reprise par La Caisse des Dépôts et des Consignations et la Banque Postale. Enfin, des garanties pour 90 milliards d'Euros (!) sont données pour la «bad bank», dont la Belgique assurera 60,5 %. Sarkozy s'en tire à bon compte : en principe, ce serait aux Français à garantir ce qu'ils ont généré : en effet, les actifs toxiques ont été décidés et achetés au niveau français. Les administrateurs belges étaient aux abonnés absents... ou n'ont rien voulu voir, ou se sont faits tout simplement rouler. Le lendemain de l'accord, Dehaene démissionne. Cela commence bien pour le futur (?) gouvernement Di Rupo... Faire passer l'austérité après cette sinistre plaisanterie sera quelque peu difficile !

 

 

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 Yves Leterme et Didier Reynders se sont faits rouler !

 

Tout cela prouve l’échec du « grand marché » tel qu’il a été conçu. L'écroulement de Dexia, qui se targuait d'incarner la grande Europe en construction, celle du marché unique et du marché tout court, pourrait marquer la même rupture. Sa faillite renvoie à l'aveuglement et au déni des autorités européennes depuis le début de la crise de 2008. Les Etats européens, qui n'ont cessé de temporiser, sont rattrapés par la réalité. Il leur faut maintenant trouver une réponse dans l'urgence.

 

Le fameux adage « too big to fail » est désormais démenti avec Dexia. La folie des grandeurs de Pierre Richard et de ses successeurs a conduit Dexia à sa perte. C’est la faillite, il n’y a pas d’autre mot.

 

Pour un secteur public européen du crédit

 

Nationaliser Dexia banque, comme vient de le faire la Belgique, et sans doute d’autres organismes financier – car on peut être certains que d’autres banques vont suivre – ne suffit pas. Cela revient à socialiser les pertes pour privatiser ensuite les bénéfices lorsque les choses seront quelque peu redressées.

 

Il est indispensable d’organiser un secteur public européen du crédit. C’est la seule manière de contrôler ces géants aux pieds d’argile. Et, en passant, sanctionner sévèrement les responsables de ce gâchis qui ruinent les Etats, l’économie et génèrent la misère. Les banquiers ont diversifié leur métier : ils sont devenus assureurs, investisseurs, spéculateurs. Qu’ils en reviennent à leur métier de base : la banque et qu’ils le fassent convenablement. Il est indispensable d’organiser un contrôle public et strict des activités bancaires et boursières en faisant de la Commission bancaire et de la Commission de la Bourse de véritables polices avec des magistrats spécialisés. Et enfin, on commence à l'évoquer, séparer une fois pour toutes les activités de banques de dépôt, des activités commerciales et spéculatives. En clair, sauver l'économie réelle en rejetant une fois pour toutes la financiarisation.

 

Mais, tout cela ne suffit pas. C’est un système qu’il faut revoir. Il sera évoqué dans un prochain article.

 

Pierre Verhas

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16 septembre 2011 5 16 /09 /septembre /2011 13:11

il revient au galop ! Un ami, ancien professeur à l’ULB, me faisait remarquer, à la lecture de l’article paru sur « Uranopole » consacré à la démission surprise du Docteur Brotchi (http://uranopole.over-blog.com/article-vous-avez-commis-une-erreur-m-brotchi-79830693.html) de ses charges en cette Université, que la vie y est devenue impossible pour les étudiants juifs et spécialement les étudiantes.

 

Autant, il convient de dénoncer toute accusation d’antisémitisme à l’égard des critiques de la politique agressive, voire belliciste, de l’actuel gouvernement de droite à Jérusalem, autant il est inacceptable de prendre prétexte des injustices à l’égard du peuple palestinien, pour pratiquer un antisémitisme tout aussi larvé que réel. Il se manifeste de toutes les façons jusque dans le commerce ! Ainsi, un logiciel antisémite a été programmé sur le portable d’Apple, Iphone. Cela consiste à taper le nom d’une personnalité et le programme répond sur son appartenance ou non à la communauté juive. Suite à une énorme vague de protestations, la société de Steve Jobs a déprogrammé ce logiciel. Un autre exemple : tapez le nom d’une personnalité politique ou culturelle sur Google, dans certains cas, apparaît dans les réponses le nom de la personnalité accompagné du qualificatif « juif ».

 

 

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Le programme «juif» sur Iphone : l'étoile jaune électronique ?

 

Il y a une tendance dans certains milieux de gauche qui est aussi stupide qu’inquiétante. Au nom de l’anti-impérialisme, on soutient les dictatures arabes « laïques » (il n’en reste plus beaucoup…), le Hezbollah libanais et le régime islamiste – et surtout fasciste – d’Iran. Ce soutien est accompagné de critiques virulentes  à l’égard de tout ce qui est juif. Que ce soit au niveau culturel, en politique, dans les finances, ces gens font porter le « chapeau » des bouleversements sociaux et économiques que nous vivons, aux seuls Juifs. C’est faux, c’est odieux et cela ne va pas !

 

Sur un plan dialectique, cet antisémitisme ne tient pas la route. En effet, s’il est vrai que les néoconservateurs américains qui tiennent encore le haut du pavé, considère qu’Israël est une sorte de « poste avancé » de l’Occident dans le monde musulman, dans le cadre de la philosophie du « choc des civilisations » et… du contrôle des ressources pétrolières, il est évident que la plupart des Israéliens ne voient pas les choses ainsi et souhaitent vivre en paix avec leurs voisins, une fois que les tensions se seront apaisées. Ce n’est donc pas une problématique de géopolitique mondiale, mais un conflit local que certains – dans les deux camps – souhaitent à tout prix internationaliser. Et c’est encore moins le problème de tous les Juifs dans le monde, même si certains d’entre eux manifestent un soutien indéfectible à la politique israélienne.

 

 

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Bombardement de Gaza lors de l'opération «plomb durci» : une riposte meurtrière qui ne fait qu'attiser la haine.

 

L’exemple du blocus de Gaza est révélateur de ce climat. L'embargo israélien sur la bande de Gaza a été décrété unilatéralement par le gouvernement israélien au cours de l'été 2006, après l'enlèvement du soldat Gilad Shalit par le mouvement Hamas. Il a été renforcé en octobre 2007, après que le Hamas ait chassé les forces de sécurité fidèles au président de l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas et pris le contrôle du territoire. Israël a alors imposé un blocus quasi total à Gaza, décrété « entité ennemie », tandis que l'Egypte fermait sa frontière et que l'Union européenne gelait son aide. Il s’agit donc d’une action unilatérale qui a d’ailleurs été critiquée par l’ONU. Fin 2008, le même gouvernement israélien lance une vaste opération militaire dite « plomb durci », officiellement pour mettre fin aux tirs de roquettes « Qassam » sur le Sud d’Israël, avec des bombardements particulièrement meurtriers, qui se termina par une offensive terrestre mi-janvier 2009. Encore une décision unilatérale du pouvoir israélien.

 

Si la plupart des Juifs – et pas mal de non Juifs – considéraient qu’il fallait mettre fin aux tirs de « Qassam », plusieurs personnalités du monde de la diaspora juive ont fortement critiqué la violence injustifiée de l’opération « plomb durci ». La réprobation de certains Juifs a même été très dure. Par exemple, la journaliste canadienne Naomi Klein anime un comité pour le boycott des produits en provenance des colonies israéliennes dans les territoires.

 

En Europe, cette gauche assimile les Juifs aux affaires financières et donc au capitalisme. Ce n’est qu’un calque du vieil antisémitisme de gauche de la fin du XIXe siècle. Or, si les hautes directions du secteur bancaire comptent des Juifs, ils sont loin d’être majoritaires. Sur le plan de l’Eglise catholique, l’on revoit un regain d’antisémitisme religieux, même s’il est désapprouvé par la haute hiérarchie ecclésiastique. Enfin, et c’est nouveau, l’extrême-droite qui s’est fortement développée en Europe a troqué son traditionnel antisémitisme contre l’islamophobie, et tente même de rallier des Juifs à leur « cause ».

 

 

Voici un exemple d’antisémitisme intello parisien. Un infographiste au pseudonyme significatif de Joe Lecorbeau  a ouvert un site où il s’attaque spécialement à BHL ([1]). Une caricature particulièrement odieuse, parmi d’autres, illustre ce site. C’est la reproduction d’une affiche de propagande national-socialiste représentant un Hitler conquérant brandissant un drapeau à croix gammée. Le portrait d’Hitler est remplacé par celui de BHL et la croix gammée fait place à l’étoile de David israélienne. Le texte explicatif est révélateur : « (…) Cette caricature pour exprimer que seul (sic) les couleurs du drapeau change, car le régime sioniste présente les mêmes ambitions que leur prédécesseurs nazis, dont l’alliance n’est d’ailleurs plus un secret.

 

 

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 Odieuse caricature de BHL : l'antisémtisme ordinaire !

 

Le besoin d’espace vitale (resic) et ce désir d’expansion, le sentiment de supériorité d’une civilisation sur une autre, la race supérieure et le peuple élu ne font qu’un, et promeuvent un choc de civilisation dans l’optique d’un gain de pouvoir pour ces élites sionistes dont les richesses ne sont aujourd’hui plus qu’une abstraction.

Le symbole Franc Maçon d’où jaillit la lumière en lieu et place de l’aigle impérial nazi, observe et accompagne ce mouvement. »

 

 

Ce texte délirant est révélateur de tous les amalgames et obsessions qui alimentent l’antisémitisme « ordinaire » qui renaît de ses cendres : l’assimilation du sionisme au nazisme, la conquête du pouvoir « mondial », la collusion entre les Juifs et les Francs maçons. Tout y est en quelques lignes. Le « Protocole des Sages de Sion » a encore de fidèles adeptes…

 

Cependant, il faut objectivement reconnaître que l’antisémitisme dans les pays d’Europe occidentale reste un phénomène relativement marginal. Un personnage comme ce caricaturiste « Lecorbeau » est quasi inconnu. C’est le copain d’un autre intellectuel antisémite, Etienne Blanrue, qui reste un marginal.  Il n’en est pas de même dans les relations entre les communautés musulmanes et les Juifs. La plupart des manifestations violentes d’antisémitisme sont le fait de musulmans fanatisés. On le voit à l’ULB : des étudiants d’origine musulmane s’attaquent ouvertement à des étudiants juifs. De sérieux incidents se produisent régulièrement lors des débats sur la question du Proche Orient, où les Juifs sont méchamment fustigés sans que le rectorat ne trouve à redire.

 

Le drame du rectorat, comme d’autres autorités, est d’être paralysé par la peur. Des insultes antisémites sont proférées, les autorités académiques se refusent à les dénoncer ou à les sanctionner par crainte d’être taxées de racisme anti arabe ! On n’en sort pas !

 

Cet antisémitisme agressif des extrémistes islamistes, minoritaires mais très actifs, génère la peur. Et les réactions de certains intellectuels juifs, dont BHL, sont inopportunes et maladroites : ils voient l’antisémitisme partout ; tout qui émet une critique à l’égard de la politique israélienne, voire américaine, est catalogué comme antisémite. Ils installent un terrorisme intellectuel qui est insupportable. Ainsi, les gens qui critiquent la version officielle sur les attaques du 11 septembre 2001 sont traités de « négationnistes » ([2]) ! Tout cela crée un climat des plus nuisibles pour une liberté fondamentale : la liberté de pensée.

 

C’est justement cette peur qui alimente le communautarisme et le racisme qui sont souvent liés. Le seul moyen d’en sortir est d’avoir le courage de défendre les valeurs universelles issues des Lumières. Il ne faut surtout pas en faire une idéologie purement « occidentale ». Le caractère universel des idées des Lumières doit être mis en avant. Défendre les idées des Lumières implique des mesures coercitives : sanctionner rigoureusement les actes et propos racistes et antisémites, interdire certains types de manifestations comme les prières de rue de certains musulmans et les défilés agressifs de Juifs orthodoxes dans les quartiers juifs de Paris et d’Anvers, par exemple, bref toute expression collective de fanatisme religieux. D’un autre côté, il faut tout faire pour protéger les lieux de culte musulmans et juifs et punir d’éventuels prédateurs.

 

 

 

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Prières de rue à Paris Barbès : on ne peut pas tolérer ces excès.

 

Défendre les idées des Lumières implique aussi l’éducation et cette éducation doit être faite en priorité dans les quartiers dits difficiles. La Liberté, cela s’apprend. Et pour apprendre, il faut du courage et des moyens. Ce sera la manière la plus efficace d’écraser l’antisémitisme.

 

Mais, des moyens, il faut avoir la volonté de les trouver. Les politiques d’austérité ne doivent pas servir d’excuses à ne rien faire. « Cinq minutes de courage », Mesdames et Messieurs les « responsables », est-ce trop demander ?

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

 

 



[1] Les fidèles lecteurs d’Uranopole savent que nous sommes farouchement opposés à la philosophie et à l’action de M. Bernard Henri Lévy, mais il est inacceptable d’exploiter sa qualité de Juif pour le critiquer.

[2]N’oublions pas que le négationnisme concerne la négation de l’existence des chambres à gaz dans les camps de concentration nazis et son expression est sévèrement condamnée par la loi. Cela n’a rien à voir avec les critiques sur les événements du « 9/11 ».

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11 septembre 2011 7 11 /09 /septembre /2011 10:42

Pourquoi des 11 septembre ? Parce que, chaque 11 septembre célèbre la commémoration de deux catastrophes qui ont marqué l’histoire mondiale de ces quarante dernières années. Le 11 septembre 2011, il y a trente sept années après l’assaut de la Moneda – le palais présidentiel de Santiago de Chile – par l’armée chilienne et l’assassinat du Président socialiste élu Salvador Allende. Le 11 septembre 2011, il y a dix années que trois avions se sont écrasés sur les deux tours du symbole du capitalisme, le World Trade Center à Manhattan et sur le centre nerveux de la plus puissante armée du monde, le Pentagone à Washington, faisant environ 4.000 victimes.

 

 11sep005.jpg   Allende.jpg

Les 11 septembre : les attaques contre l'Amérique de 2001, le coup d'Etat au Chili de 1973

 

En dehors de la coïncidence des dates, y a-t-il un lien historique entre ces deux événements ? Oui et il est évident. Dans les deux événements, il y a une intervention majeure des services secrets américains et des néoconservateurs dans le but évident de créer un « nouvel ordre mondial » capitaliste qui s’imposerait partout et marquerait ainsi « la fin de l’histoire ». Effroyable perspective !

 

Dans les deux cas, on a essayé de déformer la réalité. Tout récemment, il a été confirmé que Salvador Allende s’était suicidé après avoir combattu les putschistes. Cette enquête a été générée pour salir sa mémoire et ainsi tenter de réhabiliter Pinochet et ses sbires. Peine perdue ! Le corps d’Allende fut exhumé. Une autopsie fut pratiquée et confirma la thèse du suicide.

  

  

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Salvador Allende s'est bien suicidé le 11 septembre 1973.

  

En ce qui concerne les attentats de Manhattan et de Washington, trop de questions se posent sur le déroulement des événements pour accepter sans sourciller la version officielle tant défendue par les médias occidentaux. Il est assez paradoxal de voir les mêmes intellectuels médiatiques (nous ne parlons pas ici de l’ami BHL) fustiger George W Bush et sa politique, tout en défendant bec et ongle la thèse officielle sur le « 9/11 ».

 

Au passage, il y a un autre aspect : les victimes oubliées du World Trade Center, essentiellement des pompiers de New York présentés comme des héros par les médias et les officiels étatsuniens. Bien sûr, on parle des centaines des pompiers morts suite à l’effondrement des deux tours, mais le sort de nombreux travailleurs – pompiers, ouvriers de la construction, agents municipaux, concierges d’immeubles, nettoyeurs de toutes sortes – fut scellé dès le lendemain 12 septembre. Les poussières toxiques générées par l’écroulement des tours flottaient encore dans l’air de Manhattan quand on donna l’ordre au niveau de la mairie de New York comme des entreprises privées de nettoyer le quartier environnant. Ces travailleurs furent gravement intoxiqués et il semble établi qu’un quart d’entre eux ont été atteints d’un cancer ou en sont décédés. Le 19 septembre, Wall Street rouvrit alors que l’air environnant n’était toujours pas purifié. Il y eut évidemment encore plus de pathologies graves parmi les travailleurs de Manhattan. Mais business as usual est bien plus important que la vie de centaines de travailleurs. Il a fallu cinq ans de bataille juridique pour obtenir une indemnisation des malades du 11 septembre et les victimes de cancers ne sont pas concernées, car il n’existe soi-disant pas de preuves d’un lien entre ces pathologies et la pollution toxique qui a envahi Manhattan. ([1])

 

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Pas de couverture maladie pour les héros du 11 septembre

 

« Si de nombreuses théories du complot se sont développées depuis les attaques du 11-Septembre, c'est que de nombreuses zones d'ombre, nourries par les silences et les ambiguïtés du gouvernement américain au lendemain de l'attentat, demeurent. Le rapport de la commission nationale sur les attaques terroristes contre les Etats-Unis, publié le 22 juillet 2004, considéré comme bâclé par beaucoup de familles de victimes, n'a pas répondu aux questions de ceux qui s'interrogent encore sur le déroulé de cette journée. Cet excès de secret et le manque de communication de l'administration Bush n'est pas parvenu non plus à avoir raison de l'obstination des adeptes des contre-théories. » Est-ce un conspirationniste qui a écrit ce texte, ou un adepte de la théorie du complot,  ou un « négationniste », ou un partisan d’Al Qaeda ?  Non, c’est la journaliste Sarah Diffalah dans le Nouvel Observateur du 7 septembre.

 

Il est interdit de critiquer.

 

Depuis que Thierry Meyssan a publié un ouvrage appelé « L’effroyable imposture », où il considère que le Pentagone n’aurait pas été attaqué par un avion civil détourné, démentant la version officielle. Cela déclencha une terrible polémique. Sa théorie a des partisans un peu partout, même parmi plusieurs spécialistes de l’aviation civile (ingénieurs aéronautiques et commandants de bord de Boeings ou d’Airbus). Cependant, Meyssan est un personnage sulfureux. Issu des milieux de gauche gays, il fut exclu pour des raisons encore non élucidées de la Faculté de Sciences politiques de Paris, il fonda le réseau Voltaire pour la liberté d’expression et la laïcité, réseau qui dénonça entre autres l’Opus Dei, le service d’ordre du Front national, etc, mais qui s’est enferré après dans le soutien aux dictatures arabes « laïques » comme islamistes, au nom de « l’anti-impérialisme ». Sa dérive vers le Hezbollah libanais et le régime fasciste iranien permit aux tenants de la version officielle de stigmatiser tout qui émet le plus petit doute sur les événements du 11 septembre 2001.

 

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Thierry Meyssan : un personnage sulfureux qui pose les bonnes questions.

 

Mais est-ce l’auteur ou son œuvre qu’il faut juger ? L’ouvrage de Meyssan a un intérêt : personne n’a répondu sérieusement aux arguments avancés et il pose des questions sur les événements du 11 septembre 2001, leurs origines, leur déroulement, leurs conséquences.

 

Il faut partir d’une évidence : à l’heure actuelle, il est impossible d’avoir une quelconque certitude sur cette tragédie, car de nombreuses informations fondamentales restent encore inaccessibles aujourd’hui et la commission d’enquête sur les attaques du 11 septembre a fait un travail bâclé. Elle ne disposa d’ailleurs pas des moyens suffisants pour faire une enquête approfondie. Aussi, il est inadmissible de traiter de « négationniste » tous ceux – de plus en plus nombreux, d’ailleurs – qui émettent des doutes sur l’origine et le déroulement de ces événements.

 

Mais au-delà de l’aspect factuel qui ne sera pas traité ici, il y a une question fondamentale : pourquoi ces attaques ? Les 11 septembre ne doivent pas être analysés en dehors de leur contexte historique. C’est sans doute cela que veulent éviter les tenants de la thèse officielle en stigmatisant toutes les critiques. La thèse d’un Ben Laden, qui aurait commandé de sa grotte dissimulée dans la « zone tribale » à la frontière afghane, une opération aussi complexe que les attaques de New York et de Washington, relève du mauvais roman. Il est assez piquant de voir les mêmes personnages traiter de « conspirationnistes » et d’adeptes de la théorie du complot, tout qui manifeste son esprit critique en l’occurrence.

 

L’émergence de « l’Etat profond »

 

Mais quel est ce contexte historique ?

 

 

Un livre est particulièrement interpellant. Son auteur est peu connu de ce côté-ci de l’Atlantique. Il se nomme Peter Dale Scott. Il est canadien et vit aux Etats-Unis. Docteur en sciences politiques, il fut diplomate, professeur d’anglais à l’Université de Berkeley et prit conscience très rapidement des enjeux internationaux de la politique américaine. Son livre est intitulé « La route vers le nouveau désordre mondial ». Scott n’est pas un extrémiste. C’est un libéral de gauche tout en n’étant pas engagé en politique.

 

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 Peter Dale Scott : l'inventeur du concept d'Etat profond

 

Scott pose l’hypothèse suivante : il existe deux formes d’Etat dans plusieurs pays du monde et particulièrement aux Etats-Unis : le premier connu de tous est l’Etat public, c’est-à-dire le gouvernement, l’administration, le pouvoir judiciaire, le parlement, le second est ce que Scott appelle « l’Etat profond » qui sert avant tout des intérêts comme ceux des compagnies pétrolières et des grandes multinationales. Cet Etat profond qui représente un danger mortel pour l’Etat public est composé de différents services secrets, comme le plus connu d’entre eux, la CIA qui a été fondée en 1948 initialement pour lutter clandestinement contre le bloc soviétique. Par après, cet organisme échappa au contrôle légal (ou celui de l’Etat public) pour s’intégrer totalement dans l’Etat profond. Il s’agit aussi du fameux complexe militaro-industriel dénoncé par le Président Eisenhower à la fin de son mandat présidentiel en 1960. Rien que cela est une sérieuse épine dans les pieds des partisans de la théorie officielle ([2]).

 

 

Peter Dale Scott explique que tout a commencé au début des années 1960 par la guerre du Vietnam à laquelle il fut un opposant radical. Voici la critique de Bernard Norlain, général aviateur français, ancien chef de cabinet de Michel Rocard, parue dans la revue française de la Défense nationale qui résume bien la thèse de Peter Dale Scott :

 

 

« Partant d’une réflexion sur les États-Unis où les inégalités sociales, la faiblesse de la société civile au niveau fédéral, la puissance des intérêts particuliers, l’auteur, qui n’est pas particulièrement un néoconservateur, mais plutôt un libéral, tendance gauche, dresse un tableau saisissant de ce qu’il appelle l’État profond et de son processus historique où les pouvoirs secrets verticaux se sont emparés de la conduite de l’action publique, et où la prise de décision politique à huis clos accorde la priorité à la sécurité et à la préservation d’intérêts privés particulièrement ceux des exportateurs d’armements et des firmes pétrolières.

 

 

Son analyse est particulièrement pertinente et convaincante dans sa description de la politique du trio Nixon-Kissinger-Rockefeller, censée contrer les progressistes et qui a conduit à renforcer les mouvements réactionnaires islamistes, mais aussi à soutenir les intérêts des pétroliers. Il met en évidence le rôle de Nixon ou plutôt sa paranoïa dans la dégradation du processus bureaucratique et démocratique de mise en œuvre de la politique et dans l’amplification du pouvoir secret. En passant il faut noter une analyse intéressante du Watergate.

 

 

À ce stade apparaît le couple diabolique, aux yeux de l’auteur, Cheney-Rumsfeld et son implication dans la planification du projet ultrasecret de Continuité du Gouvernement (COG) qui cacherait, selon l’auteur, un programme de prise de pouvoir illégal et dont il traite longuement à propos du déroulement des événements du 11-Septembre pour expliquer certaines incohérences dans la version officielle. Il continue sa démonstration avec Ford-Rumsfeld-Cheney, le virage vers le conservatisme et le début de l’envol des budgets de défense. On parle de la BCCI. Puis l’ère Carter-Brzezinski et l’Irangate. Enfin Reagan, Bush et le triomphe des néocons et du couple Cheney-Rumsfeld. Comment ils ont préparé le renversement de Saddam Hussein et comment ils doivent être considérés comme suspects dans le procès des responsables du 11-Septembre. » Pour conclure, Bernard Norlain émet quelques réserves tout en recommandant chaleureusement cet ouvrage : « En conclusion ce livre démêle les intrigues et l’écheveau d’imbrications et de liens, souvent occultes, entre tous les acteurs de ce théâtre d’ombres. On y parle beaucoup de la CIA, en particulier de la collusion historique entre la CIA et l’ISI pour le soutien à l’islamisme dur et aux trafiquants de drogue. Il décrit le long cheminement vers le 11/9. Plus largement ce livre critique le projet américain de domination mondiale, s’appuyant sur une machine de guerre hors de contrôle, et dont la recherche d’ordre et de sécurité produit un désordre et une insécurité accrue. Il s’agit de comprendre comment nous sommes arrivés au désastre du nouveau désordre mondial.

 

 

Vous l’aurez compris ce livre est passionnant, particulièrement en ces temps de Wikileaks. Mais le lecteur armé de son sens critique ne manquera pas de relever le caractère partisan de cet ouvrage ; ce qui fait son charme, mais ce qui peut gêner surtout quand la thèse du complot émerge ici ou là. 

 

 

À ces restrictions près, cet ouvrage étonne par son originalité et sa puissance d’analyse. Il devrait être un ouvrage de référence pour tous les défenseurs de l’État de droit et pour tous ceux qui s’intéressent à l’avenir de nos démocraties. »

 

 

L’autre 11 septembre

 

 

Cette critique élogieuse, avec une réserve que je partage, de la part d’un spécialiste militaire et diplomatique de premier plan, est un gage du sérieux du travail de Peter Dale Scott. Cela dit, on peut émettre une critique plus fondamentale : Scott ne cache pas son opposition au marxisme, aussi même s’il considère que les inégalités sociales sont une des causes principales de l’émergence de l’Etat profond, il n’a pas compris que, dans l’Etat profond, toutes les grandes multinationales – et pas seulement les compagnies pétrolières et d’armement – veulent imposer leur mainmise sur la plupart des Etats, en démantelant l’Etat social.

 

 

Et nous rejoignons ici « l’autre » 11 septembre. Pour l’Etat profond américain qui étendait son influence bien au-delà des frontières des Etats-Unis, l’expérience socialiste populaire de Salvador Allende était insupportable et risquait de compromettre dans le continent sud-américain tous les plans menant au fameux « nouvel ordre ». C’est la CIA qui fut chargée de préparer un coup d’Etat, de retourner l’armée chilienne dont une partie non négligeable était fidèle au pouvoir démocratique et de créer la subversion dans la république chilienne. Ce n’était que poursuivre une entreprise qui avait été entamée ailleurs, notamment en Asie.

 

 

 

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L'armée chilienne aux ordres de Pinochet bombarde

le palais présidentiel de la Moneda le 11 septembre 1973.

 

L’Etat profond n’est pas constitué par les seuls services secrets qui ont échappé au contrôle de l’Etat public. Une de ses plus importantes composantes est intellectuelle et économique. La fameuse école de Chicago de formation d’économistes et de futurs dirigeants de multinationales en est un maillon fort. Naomi Klein dans son ouvrage « La stratégie du choc » cite le fondateur de cette école, Milton Friedman qui écrivit à Augusto Pinochet le 21 avril 1975 : « Si cette méthode de choc est adoptée, il faut, je crois, l’annoncer publiquement et en détail et procéder sans tarder. Plus le public sera pleinement informé et mieux ses réactions en faciliteront l’ajustement. » Friedman fait allusion à sa « thérapie de choc » économique qu’il veut imposer au Chili avec l’aide de la junte militaire. Le tout, bien entendu, est de connaître le sens réel du participe « informé ». Le coup d’Etat préparé par la CIA, approuvé par le tandem Nixon – Kissinger fut expressément violent pour impressionner les esprits, la répression qui s’en suivit fut d’une férocité sans égal. Quant à la thérapie de choc, elle provoqua des dégâts considérables sur le plan social, mais aussi pour l’économie chilienne qui n’en est toujours pas remise aujourd’hui ([3]). Et il existe encore aujourd’hui au Chili, comme ailleurs, de nombreux partisans de ces politiques économiques dévastatrices. Comme nous l’avons déjà évoqué ailleurs ([4]), l’Argentine qui connut une dictature militaire aussi dure que celle du Chili, a évolué différemment et a réussi à réparer les dégâts du néolibéralisme tout en rétablissant et maintenant une démocratie acceptable.

 

En hommage au socialisme démocratique chilien assassiné, la chanson « venceremos ! »

 

http://www.youtube.com/watch?v=BVlNB_7HqbI&feature=player_embedded 

 

 

La restriction des libertés

 

 

Quelles sont aujourd’hui les conséquences de l’action de l’Etat profond ? En prenant l’exemple chilien, il a démantelé par la force l’Etat public chilien et l’Etat social, par le triptyque : privatisation, déréglementation, réduction, voire suppression des budgets sociaux. En prenant l’exemple américain, il a mené à une restriction des libertés par le fameux Patriot Act, permettant ainsi aux autorités de violer la vie privée des citoyens américains. Cette loi renforce les pouvoirs des différentes agences gouvernementales des États-Unis (FBI, CIA, NSA et l'armée). Il s’agit en principe d’une loi d'exception, dont certaines dispositions n'étaient valables que pour quatre années, mais qui sont toujours en vigueur. Sont modifiées, entre autres, les lois sur l'immigration, les lois d'opérations bancaires, la loi de surveillance d'intelligence étrangère. Le Patriot Act crée une nouvelle catégorie de crime : le « terrorisme intérieur ». On peut être accusé de ce type de crime pour la simple consultation privée de documents réfutant la théorie officielle ! Ne lisez donc pas le blog Uranopole !

 

 

 

Sans être juriste, l’on constate que cette loi est très dangereuse par la restriction des libertés, la violation de la vie privée et les atteintes graves à la liberté d’expression. Il faut noter que le Patriot Act, s’il est adopté et prolongé par la majorité au Congrès, est loin de faire l’unanimité de la part de tous les Américains : par exemple, 360 villes américaines refusent de l’appliquer. µ

 

 

Dans la foulée du Patriot Act, d’autres pays ont adopté des lois restrictives de libertés au nom de la « guerre contre le terrorisme ». Ainsi, en Belgique, en 2005, furent proposées par la socialiste Laurette Onkelinx, alors ministre de la Justice, des lois anti-terroristes votées dans la précipitation pour empêcher tout débat digne de ce nom, malgré les sévères objections du Conseil d’Etat et de la Cour d’Arbitrage ([5]). Voici ce qu’Amnesty Belgique a déclaré au sujet de ces nouvelles dispositions :

 

 

« Amnesty Belgique, sections francophone et flamande réunies, s’oppose tout d’abord au rythme imposé par le gouvernement fédéral. Alors que l’arrêt négatif de la Cour d’Arbitrage date du 21 décembre 2004 (il y a un an), le projet n’a été déposé que le 28 octobre 2005 et est censé être voté par la Chambre et le Sénat avant le 23 décembre. Imposer un délai aussi court empêche la tenue d’un véritable débat démocratique qui associe le gouvernement, les groupes politiques du Parlement et les organisations de la société civile.

Pour ce qui est du contenu de ce projet de loi, il a de quoi inquiéter les ONG de défense des droits humains ainsi que les journalistes. En effet, si le Code d’instruction criminelle était modifié dans le sens indiqué par la Ministre de la Justice :

1) La mise en œuvre des techniques policières les plus intrusives dans la vie privée des personnes échapperait au contrôle d’un juge d’instruction dont la fonction est d’instruire tant à charge qu’à décharge et qui à ce titre est véritablement indépendant du parquet et de la police ;

2) Les avocats de la défense n’auraient accès qu’à des dossiers incomplets. En ne reconnaissant pas le droit des prévenus à un procès équitable, le projet de loi déposé par la ministre Onkelinx violerait la Convention européenne des Droits de l’Homme ;

3) Les journalistes et leurs rédactions ne pourraient plus garantir le secret de leurs sources en s’opposant à des perquisitions
. »

 

 

En outre, les Américains ouvrirent le camp de Guantanamo, en dehors du territoire US, pour y détenir des présumés terroristes capturés dans des circonstances obscures, transportés du Moyen Orient par des avions affrétés par la CIA, les autorités des pays survolés fermèrent les yeux. Bush et Rumsfeld autorisèrent la pratique de la torture à Guantanamo. Barack Obama promit de fermer cette prison, mais il n’en eut pas les moyens, étant paralysé par le Congrès. Il y eut aussi à Bagdad la fameuse prison d’Abou Graib utilisée dès 2003 par l’armée étatsunienne pour se livrer à des tortures.

 

 

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Guantanamo : la torture "légale" contre le terrorisme...  

 

Un autre aspect est le mensonge : nul n’ignore aujourd’hui que le mensonge d’Etat devint une véritable institution sous la présidence de George W Bush. Le mensonge sur les « armes de destruction massive » en Irak est un exemple du genre. On sait aujourd’hui que le secrétaire d’Etat à l’époque, Colin Powell, qui fut un grand chef d’état major de l’armée américaine et qui était considéré comme un « présidentiable » fut contraint de se suicider politiquement en proférant ces contrevérités évidentes devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Aussi, est-il permis de douter de la parole officielle du gouvernement Bush dans tous les domaines… même si le Patriot Act l’interdit.

 

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Colin Powell sacrifié pour un mensonge

 

L’institution du mensonge

 

 

Les 11 septembre ne sont en définitive que des étapes tragiques de la conquête du monde par l’Etat profond. Ce ne sont pas des complots dans le sens restrictif du terme, mais ils entrent dans une stratégie globale qui devient de plus en plus évidente pour ceux qui exercent leur esprit critique dans leur tentative d’analyse de l’évolution du monde. Le 11 septembre 1973 a été programmé et organisé sciemment pour mettre un terme violent et définitif au socialisme latino-américain. Le 11 septembre 2001 est avant tout dû à des négligences coupables et organisées qui ont baissé la garde des Etats-Unis. Et on peut raisonnablement penser que la crise financière fait aussi partie de cette stratégie.

 

 

Cette tragédie du 11 septembre 2001 n’a pas été organisée par des Américains. Cette hypothèse est tout aussi odieuse qu’absurde, mais elle n’a pas été empêchée par certains responsables qui savaient sans doute ce qu’il risquait de se passer et qui ne se sont toujours pas expliqués sur leur attitude et leurs objectifs réels.

 

 

 

Pierre Verhas

 



[1] . Un ouvrage émouvant a été écrit à ce sujet :  Les héros sacrifiés du World Trade Center, Jacqueline Maurette, Jean-Claude Gawsewitch éditeur, Paris, 2007.

[2] On peut obtenir cet ouvrage via le site des éditions demi-lune : http://www.editionsdemilune.com/la-route-vers-le-nouveau-desordre-mondial-p-36.html. On peut également visionner une vidéo interview de Peter Dale Scott où il parle de sa vie et de son livre : http://www.reopen911.info/video/conversations-with-history-peter-dale-scott-vo-st-en-francais.html

[3] Il est piquant de constater qu’un des principaux maîtres d’œuvre de la politique ultralibérale lors de la dictature militaire fut José Pinera sorti de l’Université de Chicago qui fut ministre de Pinochet et qui est le frère de l’actuel président Sébastian Pinera, qui mène lui aussi une politique ultralibérale qui rencontre cependant une sérieuse opposition par un fort mouvement populaire de contestation dont les étudiants sont le fer de lance.

[4] Voir Uranopole : http://uranopole.over-blog.com/article-la-faute-a-l-euro-79488242.htmloù il y a une analyse du cas argentin.

[5]Aujourd’hui « Cour constitutionnelle »

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27 août 2011 6 27 /08 /août /2011 00:44

« L'unanimité fut écrasante, l'intervention militaire non discutée et toute pensée dissonante, tout questionnement sur les raisons et les buts d'une guerre qui taisait son nom ont semblé inconvenants ». Qui ose écrire pareille sentence sur la guerre en Libye ? Le « nauséabond » Thierry Messan ? Un pro-Kadhafi attardé ? Marine Le Pen ? Non : le cinéaste réalisateur de la « Shoah », l’historien et directeur des « Temps modernes », Claude Lanzmann, ami, jusqu’à ce jour, de BHL. Colère de ce dernier ! Ils ne se parlent plus depuis le 17 avril où, dans le « Monde », Claude Lanzmann s’était permis d’émettre des doutes sur l’opportunité de cette guerre. Il remit cela en juillet dans les « Temps modernes ». C’est de ce numéro que cette phrase est extraite.

 

 

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Claude Lanzmann n'aime pas l'unanimisme.

 

A chaque fois, on impose l’unanimité dès qu’il y a intervention militaire occidentale. Ce fut le cas pour l’ex-Yougoslavie, l’Irak, l’Afghanistan et maintenant pour la Libye. Les motifs officiels de ces opérations s’inscrivent soit dans « la guerre contre le terrorisme » (Irak, Afghanistan), soit dans la « défense des droits de l’homme » (ex-Yougoslavie, Libye). Il n’est bien entendu pas question de se poser une quelconque question puisqu’on vous apporte la réponse sur un plateau de télé et encore moins d’émettre la moindre critique, sous peine d’être soumis à l’opprobre des médias.  

 

Un assassin tantôt ami, tantôt ennemi

 

Il y a longtemps que l’on aurait dû mettre hors d’état de nuire Mouammar Kadhafi, ce tyran mégalomane et assassin. Qu’on soit ou non pro-américain, Lockerbie est un crime dont le premier responsable est Kadhafi. Qu’on aime ou non la France, l’attentat contre le DC 10 d’UTA est un crime dont le premier responsable est Kadhafi. Il est inacceptable que des militants de gauche puissent trouver à défendre ce meurtrier au nom d’un soi disant anti-impérialisme. Tout aussi inadmissible fut aussi l’attitude des dirigeants occidentaux – Sarkozy en tête – qui « pardonnèrent » Kadhafi parce qu’il avait indemnisé les familles des victimes de ses abominables forfaits. L’odeur du pétrole est bien plus forte que la défense des principes fondamentaux des droits de l’homme.

 

 

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Mouammar Kadhafi : un assassin destructeur

 

Et n’oublions pas l’épisode tragique des infirmières bulgares. En 1999, dans le cadre des missions de l’OMS, cinq infirmières bulgares sont envoyées dans un hôpital pour enfants de Benghazi où elles sont dirigées par un pédiatre stagiaire palestinien. 400 enfants hospitalisés sont contaminés par les virus VIH (le Sida) et de l’hépatite C. Les bambins sont transférés dans différents hôpitaux européens, mais cinquante décédent. C’est une hécatombe ! Les familles demandent réparation à l’hôpital. Les autorités libyennes accusent les infirmières bulgares et le médecin palestinien d’avoir volontairement contaminé ces enfants. Ils sont emprisonnés et torturés dans des conditions épouvantables. Au terme d’une saga judiciaire qui dura jusqu’en 2007, le pédiatre et les infirmières sont condamnés à mort, puis graciés, les familles des victimes ayant renoncé à demander la peine de mort, contre une indemnisation. A peine élu, Sarkozy saisit la chance d’avoir une stature internationale. Il envoie son épouse d’alors, Cécilia, en Libye où elle visitera les infirmières et les informa qu’un arrangement a été trouvé avec les familles des enfants. Le 24 juillet 2007, Cecilia Sarkozy, en compagnie de la commissaire européenne aux relations extérieures, Benita Ferrero et de Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, ramènent les infirmières bulgares et le médecin palestinien en France, à grand renfort de tapage médiatique.

 

 

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Cécilia Sarkozy et la Commissaire européenne Benita Ferrero ramenant les infirmières bulgares en Europe.

 

Le lendemain, Sarkozy effectue une visite hautement symbolique à Tripoli. Voici le texte du communiqué officiel : « Manifestation de la normalisation des relations entre la Libye et les Européens, le chef d’État français a été accueilli par le dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, dans une rencontre visant à resserrer les liens entre les deux pays. À l’issue de leur rencontre, a été annoncée la signature d’un mémorandum d’entente dans le domaine de l’énergie nucléaire civile. Selon un haut responsable français, l’accord prévoit la fourniture d’un réacteur nucléaire pour permettre à la Libye de désaliniser de l’eau de mer. »

 

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Sarkozy et Kadhafi à Tripoli : le degré zéro des relations internationales.

 

On est arrivé au degré zéro des relations internationales : le sang et l’intégrité physique et morale des hommes et des femmes ne pèsent rien face au fric et au commerce international.

 

Par après, Kadhafi plantera sa tente près du Palais de l’Elysée à Paris et dans les jardins du Palais d’Egmont à Bruxelles, sous l’œil ému de ce grand champion de  la démocratie dans le monde et particulièrement au Congo, le ministre belge Louis Michel.

 

Dès lors, quelle crédibilité accorder à ces mêmes dirigeants occidentaux, avec à leur tête, Sarkozy, qui voit là, à nouveau une opportunité de se mettre en évidence à quelques mois d’un scrutin vital pour sa survie politique ? Une nouvelle guerre « juste » est initiée.

 

Le sujet a déjà été évoqué ici (voir sur « Uranopole » : http://uranopole.over-blog.com/article-libye-le-jeu-de-cache-cahe-70263297.html). Dans la foulée des révoltes arabes, un Conseil national de transition (CNT) né, on ne sait trop comment, dans la capitale de la Cyrénaïque, Benghazi, à l’Est de la Libye, se constitue et déclenche un large mouvement visant à renverser Kadhafi. La riposte du dictateur est immédiate et violente, au point que les populations civiles sont menacées d’être massacrées. C’est le prétexte pour l’intervention ardemment souhaitée par la France et la Grande Bretagne. C’est ainsi que la fameuse résolution 1973 est adoptée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. L’objet est d’empêcher les massacres de populations civiles et de fixer une zone d’exclusion aérienne. Il n’est écrit nulle part qu’il faut renverser Kadhafi. La France et l’Angleterre se lancent tout de suite dans une opération militaire suivies par les USA et d’autres pays de l’OTAN, dont la Belgique. Notons que l’Allemagne, à raison, ne s’est pas inscrite dans cette aventure. En réalité, ce sont les Américains qui contrôlent militairement les opérations, par l’intermédiaire de l’OTAN. Il n’est pas question d’une intervention terrestre, du moins officiellement. On apporte un appui aérien et logistique aux « forces » du CNT.

 

Qu’est donc ce CNT ?

 

Ce Conseil national de transition est basé à Benghazi et se présente comme le gouvernement légitime de la Libye. Il est en tout cas, de facto, le gouvernement de l’Est, c’est-à-dire de la Cyrénaïque. Son programme politique consiste en des généralités sur l’adoption d’une Constitution, d’élections libres, du respect de « tous les droits » (lesquels et pour qui ?), etc. Il y a aussi – et c’est important – le respect des contrats pétroliers. Donc, la principale ressource de la Libye restera sous le contrôle des grandes compagnies pétrolières. « L'entrée des rebelles à Tripoli a permis à certains producteurs étrangers d'annoncer leur retour en Libye. C'était le cas lundi de l'italien Eni, principal acteur étranger du secteur en Libye avec une production de près de 110.000 barils de pétrole par jour avant le conflit. Selon le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini, des employés d'Eni sont arrivés sur place pour superviser le redémarrage des installations pétrolières dans l'est du pays. » Voilà ce qu’écrit « Le Figaro » du 26 août. Les affaires reprennent ! Cela n’a pas duré ! Et le quotidien conservateur parisien ajoute : « Malgré un retour progressif des compagnies pétrolières étrangères en Libye, de nouveaux acteurs, comme la compagnie nationale du Qatar [ce n’est pas pour rien que les Qataris ont envoyé des chars aux rebelles] ou la société de négoce Vitol, seront en concurrence avec les géants occidentaux déjà présents. Selon les analystes, Total et Eni pourraient sortir grands gagnants de la redistribution des cartes dans le secteur grâce au soutien précoce apportés par Rome et Paris à la rébellion. »

 

Eh bien voilà ! Christophe de Margerie qui a tant envie de payer des impôts – enfin, pas trop – trouvera bien à remercier son ami Sarkozy pour sa guerre humanitaire. Ah ! Le Fouquet’s ! Au passage, on n’oubliera pas d’arroser les membres du CNT dont le numéro 2, Mahmud Jibril, a été reçu à l’Elysée, le lendemain de l’arrivée des rebelles à Tripoli.

 

 

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Christophe de Margerie : la guerre en Libye est tout bénéfice pour Total.

 

Et puis, les membres connus du CNT sont, comme il se doit, de parfaits démocrates. En effet, ce Conseil est composé de deux catégories de personnages : les opposants de la première heure et les kadhafistes « convertis » à partir de février 2011. D’autre part, la rébellion est constituée de plusieurs groupuscules d’origines diverses parmi lesquels il ya des intégristes musulmans. D’autre part, l’épisode tragi-comique de la fausse arrestation du fils et successeur désigné, Seif Al-Islam el Kadhafi a sérieusement décrédibilisé le CNT. Cependant on peut se poser la question sur sa prétendue « évasion ». N’aurait-il pas bénéficié de soutiens au sein même du CNT ?

 

 

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Saïf-al-Islam Kadhafi a joué (et joue encore ?) un rôle important.

 

Le rapport du CF2R (http://www.cf2r.org/images/stories/news/201106/rapport-libye.pdf), le Conseil français du renseignement, est très intéressant à ce sujet. Sur ce conseil de 33 membres, le numéro 1 est un personnage sulfureux. Il s’agit de Mustapha Abdul Jalil : c’est un proche de Saif al-Islam, et il fut le juge qui a confirmé, à deux reprises, la condamnation à la peine de mort des infirmières bulgares. Nommé ministre de la justice en 2007, il a fait défection le 21 février. Assurément, un grand défenseur des droits de l’homme !

 

 

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Mustapha Jalil, numéro 1 du CNT : un personnage sulfureux

 

Le numéro 2, Mahmoud Jibril, aujourd'hui en charge de l'équivalent du gouvernement provisoire du Conseil, était lui aussi un proche du fils Kadhafi promu en 2007.

 

 

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Mahmud Jibril entretient de bonnes relations avec Sarkozy.

 

Il y avait aussi Abdul Fatah Younis al-Obeidi, vieux compagnon de Kadhafi, fondateur de ses forces spéciales et ancien ministre de l'intérieur. Il a pris le commandement des forces rebelles. Il fut aussi le grand copain de BHL. Puis, dans des circonstances mystérieuses, il fut assassiné. Et, quelques jours après, la guerre qui s’enlisait – les troupes rebelles ne parvenaient pas à aller au-delà de Misrata – prend une autre tournure et les rebelles parviennent en quelques jours jusqu’à Tripoli. Est-ce un hasard ? En tout cas, il est établi que des forces spéciales de l’OTAN les ont aidés sur le terrain – donc, il y a eu intervention terrestre, malgré tous les engagements – et une importante tribu, la Zintane, s’est ralliée aux rebelles et aurait joué un rôle fondamental dans ce revirement.

 

 

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     Qui a tué Abdul Younis et pourquoi ?

 

Jusqu’à aujourd’hui, Kadhafi reste introuvable. Il a sans doute pu rejoindre la ville de Syrte, son fief, qui est loin d’être contrôlée par les rebelles. Que va-t-il se passer ? On peut affirmer une chose : le risque d’enlisement est toujours là, car cette guerre est loin d’être terminée. Ensuite, la prise de Tripoli n’a été possible qu’avec l’appui de tribus de la Tripolitaine, comme la Zintane. Or, elles ne sont pas représentées au sein du CNT qui n’arrive pas à se reconstituer après l’assassinat de Younis. Et puis, même si Kadhafi est capturé ou tué, cela ne mettra sans doute pas un terme à ce conflit qui pourrait se transformer en guerre civile.

 

 

Pour quel résultat ?

 

Comme l’a dit un professeur de mathématiques libyen, Ahmed Kiriani revenu d’exil pour participer à la révolution, au journaliste  de « Mediapart », Thomas Candaloube : « La Libye, c’était une dictature par l’anarchie ». On ne savait pas qui faisait quoi et les seuls « chefs » identifiables étaient Kadhafi et sa famille.

 

Il est assez symptomatique de notre époque de simplifications excessives que l’on n’analyse pas la nature des pouvoirs dictatoriaux. Non – et cela fait partie du système de propagande « unanimiste » – on schématise en parlant de « dictature » pour tous les régimes non démocratiques dans le monde : la Corée du Nord, la Syrie, la Chine,  l’Iran, c’est-à-dire l’axe du mal de George W Bush, sont des « dictatures », point à la ligne. Ou encore, des « pouvoirs totalitaires ». On mélange tout : islamisme, régimes « communistes » chinois et nord-coréens, monarchies du Golfe, Jamahiriya libyenne, etc. On confond « dictature » et « totalitarisme ». Alors, on ramène tout au seul concept : « dictature ». C’est simple, c’est moral, cela évite de penser…

 

La Jamahiriya était un système de comités locaux relativement autonomes dans ce pays de tribus jusqu’il y a peu contrôlé par le clan Kadhafi. C’était à la fois son point fort et son point faible. Tant que ces comités lui restaient fidèles, le pouvoir était solidement installé, mais dès qu’il y eut des défections, le système devenait incontrôlable. C’est ce qu’il s’est passé, puisque les conseils locaux à Tripoli ont négocié en secret avec le CNT, dès le début du déclenchement du conflit.

 

 

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L'intervention militaire occidentale ne fut pas qu'aérienne.

 

Les Occidentaux, et particulièrement les Français, n’ont pas joué un rôle positif en cette guerre. Il est clair que Sarkozy a fait pression et est arrivé à imposer la solution militaire afin d’éviter tout accord négocié. Nicolas Sarkozy a voulu cette guerre, contre l'avis de nombreux Européens dont l’Allemagne et jusqu'à prendre de court Alain Juppé qu'il venait pourtant de nommer aux affaires étrangères. Cette guerre, en trois mois, a complètement changé de nature. Selon un officier supérieur français cité par « Mediapart » :

 

1.     Les buts de guerre ont changé : il ne s'agit plus d'une opération humanitaire visant à protéger les civils ; il s'agit de précipiter l'après-Kadhafi.

2.     Les moyens de la guerre ont changé : il ne s'agit plus de faire respecter une zone aérienne d'exclusion mais d'exercer « une pression militaire », comme dit Alain Juppé, devant provoquer le changement de régime; et c'est l'Otan, contre l'avis de la France, qui a pris le commandement des opérations.

3.     La coalition entrée en guerre a elle aussi changé : les Etats-Unis se sont désengagés ; la Ligue arabe est partie sur la pointe des pieds ; l'Union africaine critique ; et la France et la Grande-Bretagne se retrouvent seules pour assumer près des trois quarts des opérations aériennes.

 

Il fallait être naïf pour penser qu’il en était autrement. Il suffit de voir la précipitation que mettent les compagnies pétrolières à se mettre du côté du CNT.

 

Les Occidentaux ont tout fait pour empêcher des négociations. La Turquie avait proposé ses bons offices, mais elle fut écartée. Cela aura de fâcheuses conséquences plus tard, notamment dans les tractations pour l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

 

Claude Lanzmann écrit, par ailleurs : « On ne sait rien ou très peu du “gouvernement” de Benghazi, sinon qu'il est constitué de gens proches de Kadhafi pendant des décennies. Ce qui se passe en Libye n'est-il pas au fond une guerre civile, qui autorise toutes les simplifications et les amplifications rhétoriques ? Kadhafi devait être écrasé en quelques jours sous la fessée des frappes. Il tient bon pour l'instant, malgré de très durs bombardements, une partie de la population le soutient, lui garde sa confiance. C'est, dira-t-on, le propre des dictatures. Mais il y a sûrement autre chose : la population libyenne ne souffrait pas de la même misère que ses voisins égyptiens et tunisiens, le fantasque dictateur n'était pas toujours aussi fantoche qu'on le prétendait. Même corrompu, il laissait à son peuple quelque profit de la rente pétrolière, l'essence et l'électricité étaient quasiment gratuites. »

 

On aurait cependant préférer que la manne pétrolière serve à autre chose qu’à donner des miettes au peuple, qu’elle investisse dans son avenir par des écoles, des infrastructures, des hôpitaux. Le CNT le fera-t-il ? On peut en douter.

 

Contrairement aux révoltes tunisienne et égyptienne, où l'armée n'a pas ouvert le feu sur la population, la Libye s'est embrasée dans ce qui est devenu une guerre. D'un côté, il y a les troupes loyalistes, composées de l'armée régulière, de bataillons spéciaux dépendant des fils Kadhafi et de mercenaires. De l'autre, il y a pour l'essentiel des « shebabs », de jeunes civils, dont beaucoup de chômeurs, qui se sont emparés d'une Kalachnikov ou sont montés à l'arrière d'un pick-up pour opérer avec une mitrailleuse de gros calibre. Que veulent-ils ? Devenir des caïds, la démocratie, c’est pour les autres.

 

 

 

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Des armes livrées aux insurgés libyens qui pourraient un jour se retourner contre leurs fournisseurs...

 

 

Aujourd’hui, c’est plus sérieux. Par l’appui pas toujours opportun de l’OTAN, les rebelles se sont transformés en factions lourdement armées dont certaines sont très dangereuses. Si Cameron a insisté pour qu’on ne livre pas d’armes aux rebelles, les Qataris les ont aidés avec leurs chars et leur ont fourni des missiles « Milan » fabriqués par EADS.  Un journaliste arabe dit : « Le Qatar est, en quelque sorte, la banque et le bras droit de l'Occident dans le monde arabe ! » Il faut avoir la naïveté des Occidentaux pour penser que cet émirat est à leur service.

 

 

On pourrait assister à un scénario semblable à celui de l’Afghanistan où les moudjahidines se sont retournés contre les Américains qui les avaient aidés à chasser les Soviétiques, en leur fournissant un armement efficace et moderne. On a appelé ces moudjahidines Talibans ou Al Qaeda… L’histoire ne peut que bégayer avec ces mensonges à répétitions d’un Occident ayant toujours l’illusion d’engendrer la « fin de l’histoire ».

 

Pierre Verhas

 

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25 août 2011 4 25 /08 /août /2011 13:46

« Si le chef dit de tel ou tel événement qu’il ne s’est jamais produit – eh bien, il ne s’est jamais produit. S’il dit que deux et deux font cinq – eh bien, deux et deux font cinq. » écrivait George Orwell. DSK, la Libye, les 11 septembre ([1]) nous sont servis de cette manière. Qui est le « chef » ? Les médias qui nous inondent de nouvelles et nous imposent d’adopter un point de vue à ne surtout pas contester. Qui est derrière les médias ? Le pouvoir. Il n’existe plus un seul journal indépendant. Il n’y a pas un(e) seul(e) journaliste de télé qui soit libre de ses propos. Pire, une police de l’information veille et tape sur tout ce qui sort du chemin aussi virtuel qu’obligatoire. Qu’est ce pouvoir ? Il a deux faces interchangeables : la politique et la finance. Ou plutôt, la face financière se sert de la face politique dans son seul intérêt. Et son intérêt, c’est la manipulation de l’opinion pour qu’elle ne se retourne pas contre elle.

 

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DSK : la chute d'un homme et d'un symbole

 

Dominique Strauss-Kahn, symbole de cette puissance politique et financière, tombe soudain sur son point faible, le sexe, au pire endroit, les Etats-Unis. Alerte générale sonnée par le pouvoir : il faut sauver le soldat DSK. Souvenons-nous : arrêté de justesse dans l’avion qui devait le ramener en Europe, accusé de viol – sept chefs d’inculpation – sur une femme de chambre dans la suite de l’hôtel Sofitel de New York, emprisonné, exposé menotté aux médias. Notons au passage que certains hurlaient au viol de la vie privée (tout en niant le viol dont il est accusé. Ont-ils tenu la chandelle ?…) en le voyant ainsi entravé aux mains de la Justice et les mêmes applaudissent aujourd’hui au triomphe de leur « protégé », pour la même affaire.

 

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DSK menotté et emmené en prison : intolérable pour certains

 

 

Ensuite, DSK est libéré après avoir fait payer par son épouse une caution représentant des centaines de fois le SMIC, loue un appartement dans un quartier chic de New York à un loyer dont le prix est parmi les plus élevés au monde. Il se trouve ainsi mené à un imbroglio juridique dont l’Amérique a le secret. Il est une première fois réhabilité tout en restant inculpé. Le couple Strauss-Kahn Sinclair récupère la caution, mais pas le passeport. Quant à la victime « présumée », elle se (on la ?) cache. Cachez ce visage que je ne saurais voir ! Quelle aubaine pour les médias. L’audimat mondialisé crève tous les plafonds. Et tout à coup, elle apparaît, le monde entier voit son faciès. Elle parle, elle a un nom : Nafissatou Diallo. Elle parle certes, donc, elle ment. Elle a menti à l’immigration sur son passé ? Quel réfugié n’a jamais menti ? Elle a menti sur ses fréquentations. Personne n’est à l’abri d’une fréquentation sulfureuse. Elle a menti pour avoir de l’argent. Qu’elle cherche à en profiter ? Dans un monde où le fric est le monarque absolu, pourquoi n’en saisirait-elle pas l’aubaine ?

 

 

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Nafissatu Diallo : quoi qu'elle dise, elle ment !

 

On a compris. Quoiqu’il arrive, la morale est du côté de DSK. Il a eu une relation sexuelle « consentante ». Interdit d’en douter ! Sa victime est une perverse. Interdit de penser autrement !

 

On passe donc à la phase suivante. Le Procureur Cyrus Vance jr demande l’arrêt des poursuites. Le juge l’accorde. « DSK est blanchi ! » titre la presse française. « DSK reste un pervers ! » titre la presse américaine. Deux morales se heurtent : celle imposée par un pouvoir qui ne tolère aucune critique et celle d’une société imprégnée de puritanisme voyeur.

 

 

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Cyrus Vance jr : un Procureur entravé

 

Qu’ils sont ridicules ces lieutenants godillots d’un socialisme converti au libéralisme dominant à hurler à la « présomption d’innocence », à tenir les propos les plus invraisemblables sur « une nouvelle affaire Dreyfus », « un complot » ourdi par on ne sait qui pour on ne sait quoi. Et ce sont les mêmes pantins qui usent du néologisme « complotiste » pour désigner les gens qui émettent le moindre doute quant à la version officielle de l’enquête sur les attentats du 11 septembre 2001.

 

 

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Badinter n'a pas supporté la timide objection de Joffrin sur le droit des victimes.

 

Qu’elle est perverse cette morale teintée de puritanisme qui jette  l’opprobre sur le comportement sexuel de DSK, avec une violence inouïe, mais qui se délecte des descriptions les plus scabreuses. Lisons le commentaire de Pascal Bruckner dans le « Monde » du 24 août : « L'Amérique du Nord, à l'évidence, a un problème avec le sexe qui vient de son héritage protestant mais elle veut en plus donner des leçons au monde entier. La qualifier de puritaine ne suffit pas car c'est un puritanisme retors, d'après la révolution des mœurs, qui parle le langage de la liberté amoureuse et coexiste avec une industrie pornographique florissante. C'est très exactement un puritanisme lubrique : à quoi ont servi les affaires Clinton ou DSK ? A condamner l'érotisme pour mieux en parler, à se pourlécher des semaines, des mois durant de détails croquignolets, à évoquer la fellation, la semence, les organes génitaux avec une gourmandise faussement indignée. La jubilation obscène avec laquelle Kenneth Thompson a évoqué le vagin "agressé" de sa cliente Nafissatou Diallo est révélatrice à cet égard. Dira-t-on que dans le cas de Bill Clinton, c'est le mensonge qu'on a sanctionné plus que la passade avec la stagiaire de la Maison Blanche ? C'est évidemment faux puisque Georges Bush a menti sur les armes de destruction massive en Irak, supercherie infiniment plus grave, et n'a pas été inquiété pour cela. Eut-il couché avec son assistante, on l'eut immédiatement condamné aux galères, à la roue, au fouet. Mais les crimes de sang sont moins graves, apparemment, que les outrages conjugaux. »

 

 

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Pascal Bruckner n'aime pas les puritains !

 

En outre, l’acte du Procureur de Manhattan pose bien le problème.

« Les preuves physiques, scientifiques et d'autres natures, indiquent que l'accusé a engagé un acte sexuel précipité avec la plaignante, mais elles ne permettent pas de dire si l'acte a eu lieu sous contrainte et sans consentement. Mis à part la plaignante et l'accusé, il n'y a pas d'autre témoin de l'incident.

Pour que le jury déclare l'accusé coupable, il est donc nécessaire qu'il soit convaincu, au-delà de tout doute raisonnable, que la plaignante est digne de foi. L'affaire dépend en effet entièrement de son témoignage.

Au moment de l'inculpation, toutes les preuves disponibles nous ont laissé penser que la plaignante était fiable. Mais d'autres éléments recueillis durant l'investigation ont gravement remis en cause sa fiabilité dans cette affaire. Que des individus aient menti dans le passé ou commis des actes criminels ne fait pas nécessairement d'eux des gens indignes de notre confiance et cela ne nous empêche pas de les appeler à la barre des témoins durant le procès.

Mais, quelle que soit la réalité des faits dans cette affaire, le nombre et la nature des mensonges de la plaignante nous empêchent de faire confiance sa version des faits au-delà de tout doute raisonnable. Si nous ne pouvons la croire sans douter, nous ne pouvons pas demander à un jury de le faire. »

Un acte sexuel « précipité ». Que signifie ce qualificatif ? Rapide ou violent ? Ou bien, rapide et violent ? C’est le lot des textes juridiques : le champ libre à toutes les interprétations. Le procureur ajoute qu’il ne peut déterminer s’il s’agit d’un acte sous contrainte et sans consentement. Mais personne ne s’est posé la question, à part tout récemment, l’intellectuel bruxellois Henri Goldman sur son blog, (http://blogs.politique.eu.org/DSK-et-la-domination-masculine) : « Un rapport égalitaire entre un homme riche et tout-puissant et une femme de chambre, cela n’existe pas, sauf dans les contes de fée. Pas plus qu’un rapport égalitaire entre un adulte et un enfant. La domination masculine qui reste la règle dans la plupart des rouages de la société n’a pas besoin d’une violence explicite pour s’imposer. » En dehors de la       sexualité, chacun sait qu’une relation normale entre des personnes de classes sociales différentes est exceptionnelle et en tout cas difficile. C’est aussi une leçon à tirer : la conscience de classe n’existe plus dans l’opinion publique. Là aussi, sans doute est-ce dû à l’influence des médias qui bâtit la société virtuelle de « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » à laquelle beaucoup veulent croire.  Et, à propos de classes : DSK et ses avocats ont réussi l’exploit de rendre la Justice inopérante. Si ce n’est pas une Justice de classe ! Cela débute par l’excessive émotion médiatique pour suivre en salissant la réputation de la victime « présumée », pour aboutir à l’abandon des poursuites par le Procureur.

 

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DSK et Anne Sinclair sortent triomphants du tribunal de Manhattan. Où est la victoire ?

 

Mort, où est ta victoire ? demandait le poète. Que signifie le triomphe de DSK, sinon un immense gâchis, car, au-delà de l'acte sexuel «précipité» ou du viol (biffez la mention, inutile) de Naffisatou Diallo, il y a le viol des principes fondamentaux au nom desquels ces gens voulaient guider le monde ?

L’hypocrisie et l’indécence ont à nouveau triomphé et cette affaire en est emblématique. Cependant, elle pourrait sonner le glas d’un pouvoir illégitime que d’aucuns espèrent renverser.

Pierre Verhas

Bientôt : II La Libye ou le triomphe du mensonge



[1] Il s’agit du 11 septembre 1973 : renversement de Salvador Allende, président du Chili, par la soldatesque de Pinochet et du 11 septembre 2001.

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13 août 2011 6 13 /08 /août /2011 20:26

La crise financière qui a commencé non pas en 2008, mais en 1971 quand Nixon, au vu du colossal déficit américain, mit fin à la convertibilité du dollar, rompant ainsi unilatéralement les accords de Bretton Woods pris à la fin de la Deuxième guerre mondiale.

 

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Harry White et John Maynard Keynes : les artisans de Bretton - Woods

 

À partir de ce moment, la société occidentale vécut sur le crédit. Les Etats s’endettèrent. On força les pays du Tiers-monde à recourir à l’emprunt. D’abord, l’économie s’emballa, puis elle connut petit à petit une récession à cause de l’augmentation des prix du pétrole et des matières premières  qu’on compensa par un recours de plus en plus massif au crédit. Les déficits publics commencèrent à prendre des proportions inquiétantes. C’est alors que l’on recourut à la politique de l’offre, ou au néolibéralisme. Ce furent les années Reagan – Thatcher. Ce fut le début du dégraissage de la sécurité sociale, le blocage des salaires, la réduction des dépenses publiques, les privatisations, les compressions des coûts, notamment par les délocalisations. Une véritable entreprise de désindustrialisation de l’Europe, de démantèlement de la puissance publique, d’exploitation du Tiers-monde fut lancée. La chute des démocraties populaires et de l’Union soviétique accélérèrent ce mouvement. Ce fut aussi le « choc des civilisations » qui servit de prétexte à une offensive américaine au Moyen-Orient et en Asie occidentale pour le contrôle des réseaux amenant le pétrole et le gaz naturel en « Occident ».

 

 

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Reagan et Thatcher : les champions du néolibéralisme

 

 

Tout cela s’est accompagné d’une offensive idéologique. Les médias atterrirent entre les mains des grands groupes financiers qui orientèrent le contenu rédactionnel vers les « valeurs » du néolibéralisme et la critique de l’Etat. Les intellectuels devinrent les prêcheurs de l’idéologie nouvelle. Les universités formèrent des jeunes élites tout à fait acquises aux nouvelles normes de pensée. On prenait prétexte du terrorisme pour restreindre les libertés. On aboutissait ainsi à la « fin de l’histoire » : une société libérale qui règne sur le monde entier.

 

Mais, cela ne s’est finalement pas déroulé comme prévu. Le système s’est grippé.

 

Le crédit est mort.

 

Le crédit ne pouvait durer une éternité. Comme toujours, la facture finit par arriver.

 

En 2008, le point de déséquilibre était atteint. Ce furent d’abord les fameuses bulles : la bulle Internet – on a investi dans du vent, c’est-à-dire les prévisions d’un éclatement des ventes de produits courants via la toile – suivie des bulles immobilières, des bulles des actifs. En clair, un formidable mouvement de ventes et d’achats d’entreprises, d’immeubles de toutes sortes s’est déclenché au début des années 2000 sans qu’il y ait compensation réelle, puisqu’on payait via du crédit, autrement dit du papier-monnaie créé par les organismes financiers privés. Désormais, battre monnaie n’était plus un droit régalien.

 

L’erreur fut d’inclure les ménages dans ce  système. Aux Etats-Unis, on provoqua l’endettement massif de ménages insolvables en croyant que l’augmentation des biens immobiliers allait largement compenser les défauts de remboursements des dettes contractées. Ce fut la fameuse crise des subprimes. Le tout fonctionnant sur une corde raide, ce fut d’abord la faillite de la banque Lehman Brothers, première concurrente de l’incontournable Goldman Sachs dont était issu, comme par un pur hasard, le secrétaire d’Etat au Trésor de George W Bush, Paulson.  Il fit tout pour que son ancien employeur soit aidé pour éviter la chute. En même temps, on découvrit la plus immense escroquerie de tous les temps qui grugea toute l’élite mondiale : Bernard Madoff.

 

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Henry Paulson et Bernard Madoff : les deux symboles de la crise financière de 2008

 

 

Et on a rien vu venir – volontairement ? –, la  formidable performance des entreprises, des fameuses croissances annuelles à 15% dans une économie réelle mondiale qui ne progresse que de 3% par an, vient de là: un dopage généralisé par un excès monétaire et un excès de crédit. Les gouvernements ont fermé les yeux. Le crédit, soit directement aux agents privés comme aux Etats-Unis, avec comme illustration ultime le scandale des subprimes, soit par transfert par les Etats et les systèmes sociaux comme en Europe, a permis de masquer le gigantesque transfert de production vers la Chine et les autres pays émergents, organisé au nom d'un profit immédiat, dans le cadre de la «mondialisation heureuse».

 

 

« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ». Les banques du monde entier ayant souscrit via les fameux « actifs toxiques » à ce système des subprimes étaient menacées de faillite. Les Etats durent s’endetter auprès des mêmes banques pour les renflouer ! Résultat : la dette souveraine augmenta considérablement. 2008 à peine résolu annonçait déjà 2011. Aucune mesure pour limiter l’autonomie des banques ne fut prise. C’était un encouragement à poursuivre leurs errements. Cependant, la dette était là et ne pouvait que s’accroître. Nouveau dossier providentiel pour les banques !

 

Certes, il y eut un G20 qui tenta d’instaurer un système de régulation afin de réduire la puissance des marchés financiers. Peine perdue : la croissance ne pouvait repartir comme avant puisqu’elle avait été alimentée par la bulle financière. Et puis, dans le cadre idéologique actuel, les vieux dogmes de « l’efficacité des marchés » ont la vie dure.

 

Au tour des Etats

 

On s’attaqua ensuite au maillon faible : la Grèce. La Grèce est un petit Etat, n’ayant aucune production industrielle, vivant de services et de tourisme. C’est un pays à la lisière du Tiers-monde qu’on a plus ou moins intégré dans l’Europe. D’un côté, il fut isolé politiquement lors de la guerre des Balkans, tiraillé dans le dossier d’adhésion de la Turquie et de l’autre, mis sous la tutelle de l’Union européenne qui lui a imposé d’entrer dans l’Euro, alors que l’économie des Hellènes ne répond pas aux fameux critères de Maastricht. Cette petite nation est dominée par deux familles depuis qu’elle est sortie de la dictature des colonels : les Caramanlis – droite – et les Papandréou – gauche. Sa gestion interne est catastrophique : la corruption règne en maîtresse absolue, la fraude fiscale y est un sport obligatoire. Jusqu’à la crise de l’Euro, l’Union européenne a fermé les yeux. Pire, la banque Goldman Sachs a aidé le gouvernement grec de Caramanlis à trafiquer ses comptes pour cacher son colossal déficit public. Voilà encore une preuve de l’efficacité du contrôle mis en place par la très orthodoxe Commission européenne. Cela ne pouvait évidemment pas durer. La crise de la dette souveraine a été déclenchée suite au constat du déficit grec.

 

Une Union européenne schizophrène

 

On sait ce qu’il s’est passé. D’une part, un Sarkozy traqué par les banques françaises qui possèdent un nombre considérable de titres de la dette grecque, exige que l’Europe paie la dette et que l’on prenne des mesures d’austérité sans précédent. De l’autre, une Merkel ne veut en aucun cas faire payer l’économie allemande en plein boom. On crée d’abord un Fonds européen de solidarité financière pour l’aider à se renflouer, ou plutôt à alimenter les banques. Ensuite, on impose à la Grèce un plan drastique d’austérité qui constitue en une véritable révolution : tout le système social est mis à terre, sans que le peuple n’ait son mot à dire. En dépit de la formidable contestation et des mouvements sociaux sans précédent, le Parlement vote le plan imposé par l’Union européenne. D’autre part, la Commission étend ses pouvoirs en voulant contrôler les budgets de chaque Etat membre. Ce système ne marche pas et ne résout rien. Un dernier sommet a lieu le 21 juillet et repasse les mêmes plats encore plus pimentés d’austérité. On ne s’occupe cependant que de la Grèce alors que l’Espagne, le Portugal et l’Italie donnent des signes inquiétants.

 

 

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Merkel et Sarkozy : l'harmonie ne règne pas toujours entre eux.

 

 

L’Europe est dans un système schizophrène. Au lieu d’être dirigée par un système européen, elle est gérée par un Conseil qui n’est autre qu’une association de gouvernements nationaux. La Commission européenne « gardienne des traités » est une sorte de police de la pensée ultralibérale qui applique les compromis nés des réunions du Conseil dans le schéma ultralibéral le plus strict.

 

 

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Sommet européen du 21 juillet 2011 : Lagarde veille.

 

 

Après ce sommet, les marchés s’affolent. Reconnaissons qu’il y a certaines raisons à cela. Les banques détentrices des titres des dettes souveraines risquent le plongeon, comme en 2008. Des rumeurs – peut-être pas si folles – courent sur l’une d’entre elles – la Société générale, celle du trader Kerviel – et sont aussitôt démenties. Mais cela laissera des traces.

 

 

Et puis, il y a la fameuse Banque centrale européenne (BCE). Ce fut le summum de l’absurdité d’en faire un organisme privé chargé de contrôler une monnaie et des dépenses publiques. Résultat : les banques ont placé les titres de dettes publiques à la BCE. Et c’est le cas aujourd’hui, le sommet du 21 juillet ayant tenu à l’écart les problèmes des dettes souveraines autres que celle de la Grèce.

 

Toujours le même schéma idéologique

 

Les banques espagnoles et italiennes vont déposer les titres de dette publique auprès de la Banque centrale européenne (BCE). La BCE a reconnu les tensions qui sont en train de s'accumuler à nouveau dans le système: elle a décidé ce jeudi 4 août de remettre en vigueur un dispositif exceptionnel pendant six mois afin de permettre aux banques de se financer en dehors des procédures classiques. De même, la banque centrale, qui pourtant voulait à tout prix sortir de cette mesure exceptionnelle, a dû reprendre ses achats de dettes publiques sur les marchés, afin de soutenir les cours. Comme lors de sa première mise en vigueur en 2010, les membres de la BCE se sont divisés à nouveau sur le fait de réutiliser cette mesure «non conventionnelle». Compte tenu de la situation, la majorité de la BCE a jugé qu'il était urgent d'intervenir et de se substituer au fonds européen de stabilité financière, pas encore en place. Mais ses interventions sont marginales: la BCE aurait engagé seulement 300 millions d'euros pour racheter de la dette... portugaise. Cet exemple montre que la Banque centrale est tout à fait inefficace. Elle est juste bonne à exercer du chantage.

 

 

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Jean-Claude Trichet de la BCE : le gardien de l'ultralibéralisme

 

 

C’est ainsi que par une lettre adressée à Berlusconi, la BCE conditionnait son soutien à l’Italie à la condition qu’elle fasse des réformes de structures ultralibérales, comme la privatisation des services publics. On se retrouve systématiquement dans le même schéma ultralibéral : réduction des dépenses publiques, privatisations et démantèlement de l’Etat providence.

 

L’avertissement des économistes

 

Comme le dit dans « Libération » l’économiste Henri Sterdyniak qui est un des auteurs du fameux manifeste des « économistes atterrés » : « Chaque fois que les marchés élèveront la voix, les Etats réduiront leurs dépenses publiques et sociales. C’est une démission de la démocratie. Elle est déjà à l’œuvre puisque la BCE conditionne son aide à l’Italie à une feuille de route de politique antisociale. »

 

 
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 Henri Sterdyniak : un économiste atterré

 

L’économiste américain keynésien James K Galbraith écrit : « A présent, la Grèce, sous l'impulsion d'un gouvernement décidé, et malgré une contestation importante en interne, a rempli les conditions onéreuses qui lui avaient été imposées. Mais pour quoi faire ?

Pour obtenir des prêts qui seront immédiatement recyclées par les banques européennes. Ce qui n'améliore en rien les perspectives de la Grèce, et ne fait que gonfler un peu plus sa dette. Les taux d'intérêt sur les marchés ne baisseront pas, la croissance ne reprendra pas, et les réformes nécessaires qu'il lui faut adopter, ne seront pas facilitées. La situation est intolérable, et il n'est plus possible de la prolonger bien longtemps.

Si l'on suit cette route, il n'y aura à l'horizon que des défauts, des mouvements de panique, l'implosion de la zone euro, de l'hyperinflation dans les pays qui sortiront de l'euro, et l'effondrement des exportations dans les pays qui choisiront d'y rester.

En bout de course, nous assisterons à d'importants mouvements de population. (…) Si l'Europe continue de vouloir appauvrir sa périphérie, il ne faudra pas s'attendre à ce que ceux qui subissent de plein fouet cette décision, restent assis et contemplent leur destin.

Mais il existe une autre route. Celle qui revient à assumer des responsabilités communes, qui permettent de renforcer la convergence des économies européennes, via des politiques de soutien. Les dettes souveraines en excès par rapport au plafond fixé par le traité de Maastricht, pourraient être ainsi transformées en eurobonds (dettes souveraines européennes). Un programme d'investissement public-privé permettrait en même temps de relancer la croissance et l'emploi, conformément à ce que certains des plus sages dirigeants européens ont proposé, il y a quelques jours, dans un manifeste. Dans la foulée, il faudrait en passer par des réformes constitutionnelles, qui permettraient d'adapter l'Europe, et ses politiques, aux réalités de l'après-crise.

L'Europe se trouve donc confrontée à un choix, qu'elle doit trancher rapidement, entre, comme le disait Charles de Gaulle en 1969, "le progrès et le bouleversement".
 »

 

Le journal britannique « The Observer » ajoute le 7 août 2011 : «Les gouvernements auraient dû imposer une supervision adulte sur ce qui n'est, pour de nombreux acteurs financiers, rien de plus qu'un jeu sophistiqué de poker. Mais les gouvernements ont perdu la croyance dans le pouvoir public et dans leur capacité à agir. Ils n'ont pas le moindre repère sur ce qu'ils devraient faire. A défaut, ils s'agenouillent devant la prétendue sagesse supérieure des marchés et se retirent dans le confort moral, en affirmant que la meilleure et la seule chose à faire est d'équilibrer les finances – précisément la plus mauvaise chose à faire dans la tourmente de la crise financière.»

 

 

L’économiste américain Kenneth Rogoff, ancien économiste en chef du FMI et professeur à l’Université d’Harvard a mis les pieds dans le plat : « Le vrai problème n’est autre que l’endettement catastrophique qui touche l’économie à l’échelle mondiale et auquel il sera impossible de remédier rapidement sans la mise en place d’un système de transfert de la richesse des créanciers aux débiteurs, en recourant soit au choix du non-paiement, soit de la répression financière, soit de l'inflation. »

 

 

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 Kenneth Rogoff : au-delà de l'orthodoxie

 

Comme le dit Sterdyniak, cité plus haut : « La bonne réaction serait de se mettre d’accord sur une nouvelle gouvernance européenne acceptable par les peuples axée sur la croissance et le plein-emploi plutôt que sur la réduction de la dette et des déficits à tout prix. »

 

 

Vous avez dit « gouvernance » ?

 

 

Cependant, il faut se méfier de cet appel à la « gouvernance ». Comme l’écrit Isabelle Stengers : « La gouvernance dit bien son nom, elle traduit bien la destruction de ce qui impliquerait une responsabilité quant à l’avenir, c’est-à-dire la politique. Avec la gouvernance, il ne s’agit plus de politique, mais de gestion et d’abord de gestion d’une population qui ne doit pas se mêler de ce qui la regarde. ». Une fois de plus, l’offensive idéologique contre le politique, autrement dit en écartant le peuple de tout processus de décision, en interdisant tout débat sur les mesures proposées.

 

 

Or, l’Europe a besoin d’un gouvernement économique. Tout le monde a l’air d’accord là-dessus, mais personne ne se pose la question  de son fonctionnement, de sa composition, de son contrôle. C’est sans doute cela la démocratie libérale… Aussi, la solution se trouve dans une puissance publique européenne, mais placée sous contrôle démocratique.

 

 

Un exemple que tout le monde a en tête, ce sont les fameuses agences de notation. Elles font la pluie et le beau temps sur les marchés. On ne connaît pas très bien leurs méthodes d’investigations. On ne connaît pas non plus leurs commanditaires. Comme l’écrit « Libération », leur diagnostic de la situation financière des Etats et des entreprises ressemble plus à un pifomètre qu’à un thermomètre. Elles sont manifestement orientées. Ainsi, la dégradation de la notation américaine par Standard & Poors avait des objectifs nettement politiques. Il a d’ailleurs été démontré que la méthode de calcul utilisée aboutissait à de faux résultats. On ne peut pas tolérer que des organismes privés puissent nuire ainsi à l’intérêt général. Des mesures drastiques doivent être prises. On le dit, mais on attend toujours.

 

 

 

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 On n'est pas encore prêt à donner un feu rouge à S & P !

 

 

 

Depuis 2008, de nombreux économistes plaident pour le retour à la séparation des activités bancaires : le crédit et les dépôts doivent être garantis par l’Etat et de l’autre les activités de marché spéculatives, le casino doit être placé sous la responsabilité des seules banques qui s’y livrent. La taille des banques : « Too big to fail » : un constat fait en 2008. Aujourd’hui, la taille des banques s’est encore accrue. Qu’attend-on ?

 

 

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 Goldman-Sachs tower à Jersey City : Too big to fail ?

 

 

Les chiffres sont là, ils sont complètement fous. Les actifs financiers dans le monde représentent environ 220.000 milliards de dollars, soit plus de quatre fois le PNB mondial. Près de 150.000 milliards de dollars sont de la dette sous toutes les formes.

 

 

Quarante ans après le dérèglement monétaire de 1971, voilà les effets d'un système, ayant largué tout repère avec l'économie réelle, où la création monétaire a été abandonnée aux mains de la finance privée, déchargée de tout contrôle des Etats. C’est ce qu’on ose appeler l’orthodoxie ! L'Europe, en la matière, a poussé l'orthodoxie au rang de beaux-arts, en désignant une banque centrale privée de la capacité d'être prêteur en dernier ressort, c'est-à-dire de pouvoir acheter directement la dette émise par les Etats.

 

 

La véritable révolution

 

 

La véritable révolution est de changer tout cela. Les peuples commencent à se soulever. Cela peut être plus ou moins efficace. On le voit en Israël, le gouvernement belliciste et ultralibéral  - les deux vont souvent ensemble – de Netanyahu doit reculer devant les indignés. Les émeutes de Londres sont un exemple. Si objectivement elles ne sont pas la conséquence de la seule contestation, si elles relèvent aussi du heurt avec un monde parallèle vivant dans le « non droit », ou plutôt dans des règles différentes dictées le plus souvent par l’économie parallèle – prostitution et deal de drogue – elles sont le fruit d’une société en pleine déliquescence, du colossal échec du néolibéralisme. Mais, elles ne mènent à rien, sinon au cycle provocation – répression qui ne fait que renforcer le totalitarisme. Les « indignés » ? C’est bien, mais cela reste marginal – sauf, sans doute, en Israël – et sans assise populaire réelle.

 

 

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 Les indignés en Israël : vers une révolution ?

 

 

Une révolution implique de changer de classe dirigeante, mais aussi de système. On le voit avec le printemps arabe. Il est inachevé car dans deux cas, il a réussi à « dégager » les tyrans, mais le système, lui, est toujours en place.

 

 

D’autres dirigeants, certes, mais c’est surtout le système qu’il faudra renverser et remplacer pour plus de liberté, plus d’égalité. Sans ces deux objectifs, cela reste une révolution incertaine.

 

 

Pierre Verhas

 

 

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11 août 2011 4 11 /08 /août /2011 16:25

Le mois d’août 2011 restera sans doute dans les mémoires. Il connaît une crise boursière d’une ampleur inégalée, un crime sans précédent en Norvège et des émeutes d’une gravité extrême en Grande Bretagne.

 

 

Ces événements sont liés et ils traduisent un malaise profond et les débuts d’un bouleversement radical. Rappelons-nous la Tunisie. C’est la misère qui a soulevé le peuple. Tout a commencé par un sacrifice : le jeune marchand ambulant Mohamed Bouazizi s’immole par le feu pour dénoncer l’injustice. Un peuple entier se révolte et renverse son dictateur.

 

 

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 Mark Duggan n'est pas Mohamed Bouazizi, mais ils ont des points communs...

 

 

En Grande Bretagne, c’est un jeune homme de 29 ans, Mark Duggan, qui a été tué jeudi 4 août lors d’un échange de tirs, dans des circonstances pas très claires avec la police dans le quartier nord de Tottenham. C’est le déclencheur ! Une manifestation le samedi 9 août réclame « justice » et tourne à l’émeute. Par après, plusieurs quartiers de Londres s’embrasent. La situation devient insurrectionnelle et incontrôlable. Le Premier ministre, le conservateur David Cameron, écourte ses vacances et tient un discours ultra sécuritaire en augmentant considérablement les forces de police sur le terrain. Le feu se répand dans les principales villes anglaises : magasins, voitures, et même immeubles d’habitations brûlent. Du jamais vu, puis les choses se calment quelque peu. L’épuisement et le quadrillage policier finissent par produire leurs effets.

 

 

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 David Cameron : rien que le sécuritaire

 

Cependant, rien n’est résolu, tout peut reprendre demain et chacun le sait. L’Angleterre vit sur un volcan qui peut se réveiller à tout moment. Or, dans cette actualité agitée, la mémoire s’étiole. Il y eut des signes avant-coureurs et pas seulement en Grande Bretagne. Comme le rappelle le site « Mediapart », « Il y a eu, depuis janvier et un peu partout dans le monde, un petit millier d'événements de gravité diverse, qui ont des caractères communs d'affrontements entre les gens, les forces de police et les États. De ce point de vue là, les émeutes de Londres s'inscrivent dans l'air du temps. »

 

 

On peut épiloguer pour savoir si ces émeutes sont de la voyoucratie ou l’expression d’un malaise social, ou encore le dépit de communautés étrangères rejetées. La réalité est que depuis quelques années, dans un grand nombre de pays, ce phénomène est récurrent et que l’on refuse d’en analyser sérieusement les causes.

 

 

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Les émeutes urbaines en Angleterre traduisent un malaise social majeur.

 

 

La réalité est que la périphérie londonienne devient un cloaque invivable. Lors d’un colloque consacré à la pauvreté organisé par l’association européenne de la pensée libre au siège de la Commission européenne à Bruxelles, en janvier 2011, un professeur de la London School of Economics, David Piachaud, a donné cette image : Si vous prenez le métro du centre de Londres dans la direction du site olympique, chaque fois que vous passez une station, vous perdez un an d’espérance de vie !

 

 

Comme dans la banlieue parisienne, comme dans les « quartiers » à Bruxelles, comme dans toutes les villes d’Europe, rien n’est fait pour améliorer les choses.

 

 

Il y a d’abord les politiques d’austérité imposées par la dictature des marchés financiers et des banques qui grèvent les budgets sociaux, pire, qui détruisent l’Etat social, fruit de longues luttes sociales qui est la marque même d’une civilisation où la justice prend pour la première fois dans l’histoire une dimension sans pareil. Va-t-on laisser détruire cela, au nom des sordides intérêts d’une minorité ? Ensuite, les banques contrôlant pratiquement toute l’économie depuis l’énorme pouvoir qu’elles ont prises grâce à la crise financière, rendent très difficile la mise en œuvre de politiques de lutte contre la pauvreté.

 

 

La débâcle financière a déclenché une offensive idéologique dont l’objet est la suppression de l’Etat providence et l’affaiblissement jusqu’à leur disparition des organismes publics. On s’aperçoit d’ailleurs que la capacité des Etats à influencer le cours des choses s’amoindrit. On vient de le voir pour l’Euro où les sommets européens successifs n’ont servi à rien et les fameuses agences de notation mènent la danse. Les responsables politiques n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Un autre symbole de la déliquescence de l’Etat est la constitution de groupes d’autodéfenses privés qui se substituent aux forces de police avec l’approbation tacite du pouvoir conservateur. Il s’en réjouit même : les gens se prennent en charge, ce n’est plus l’Etat qui doit les protéger. C’est là toute l’idéologie !

 

 

 

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Des groupes d'autodéfense se substituant à la police : c'est ce que veulent les conservateurs.

 

 

Ensuite, il y a la généralisation des politiques sécuritaires et autoritaires. Le drame du 11 septembre 2001 a servi de prétexte à l’adoption du « Patriot Act » aux Etats-Unis qui, sous prétexte de « guerre contre le terrorisme », a considérablement retreint le champ des libertés publiques et la sécurité des individus. La plupart des autres Etats ont suivi dans le même sens. D’ailleurs, chaque fois que les forces de l’ordre ne parviennent pas à rétablir la paix civile, elles se proposent à restreindre les droits. Ainsi, quid du secret des communications téléphoniques quand la police anglaise veut pouvoir décrypter tous les SMS transmis via des Blackberry ?

 

 

 

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Le Blackberry : le Big Brother des émeutiers...

 

 

Le 30 juin, il y eut à Londres une manifestation monstre contre l’austérité imposée par le pouvoir conservateur. Elle s’est terminée par des affrontements, ce qui est rare en Angleterre. Auparavant, il y eut des mouvements d’étudiants protestant contre l’énorme augmentation des minervaux et qui s’achevèrent par la mise à sac du siège du parti conservateur. Du jamais vu, là aussi.

 

 

 

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 La manifestation de Londres du 30 juin 2011 contre l'austérité : du jamais vu !

 

 

Du jamais vu, c’est aussi le plan d’austérité de Cameron à côté duquel la période Thatcher fut un paradis…  Et « Mediapart » d’ajouter : « On a là, sur différents fronts sociaux, une incapacité à tenir un dialogue politique de la part du pouvoir – ou une volonté, peut-être, de ne pas le faire – qui conduit les gens à se faire entendre autrement. Ce qui est pour l'instant un phénomène assez européen et qu'on ne retrouve pas ailleurs, c'est la séparation des choses. Il y a, d'un côté, des étudiants qui se sont affrontés avec la police pour s'opposer aux réformes universitaires britanniques et, d'un autre, les émeutes de ces trois derniers jours. Ces deux événements apparaissent encore, subjectivement et politiquement, au Royaume-Uni, comme des phénomènes séparés. Ce qui n'était pas le cas en Tunisie, en Égypte ou au Sénégal. Dans ces pays-là, une jonction s'est faite entre la jeunesse populaire la plus pauvre et la jeunesse plus aisée. »

 

 

En effet – et c’est la faiblesse du mouvement des « indignés » – il n’y a rien de commun entre les jeunes étudiants et même les jeunes chômeurs qualifiés et les jeunes des « banlieues » et « quartiers » totalement marginalisés, quasi illettrés,  à la merci des dealers, sans aucun espoir, si ce n’est une société parallèle en conflit constant avec la société « légale », elle-même en déliquescence.   

 

 

 

 

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 Les émeutes de Londres et les indignés (ici à Paris) : jusqu'à présent, pas les mêmes méthodes.

 

 

L’arrogance des conservateurs au pouvoir un peu partout cache mal ce cuisant échec. Ils ont voulu détruire l’Etat, ou plus exactement marginaliser le peuple, au profit d’une classe à la richesse et aux pouvoirs exorbitants. Mais tout cela est assis sur du sable. Les pouvoirs sont limités lorsqu’ils ne parviennent pas à contrôler une partie importante de la société. La richesse repose sur les artifices de la spéculation et est donc fragile.

 

 

Le pouvoir conservateur vacille. Il en est d’autant plus dangereux.

 

 

Pierre Verhas

 

 

Prochain article : La révolution incertaine : II. La débâcle financière annonce une révolution, mais laquelle ?

 

 

 

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28 juillet 2011 4 28 /07 /juillet /2011 16:19

J’ai attendu avant d’évoquer la tragédie norvégienne. Il y a tant de questions sans réponses qu’un commentaire basé sur la seule émotion eût été malvenu. D’ailleurs, combien de doctes analyses, avis, opinions péremptoires ont été émis depuis les attentats du 22 juillet ? Comme d’habitude, en pareilles circonstances, ils ne font qu’ajouter à la confusion et satisfaire le narcissisme de leurs auteurs.

 

Partons avec ce que l’on sait : Andreï Behring Breivik est un jeune homme issu de la bourgeoisie d’Oslo. Son père était diplomate, sa mère infirmière. Ses parents se séparèrent quand il avait un an. Il fut éduqué par sa mère. Il ne connut guère de soucis matériels, bien que n’étant pas particulièrement riche. C’était un garçon solitaire, timide et secret.

 

 

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Andreï Behring Breivik : ce jeune "BCBG" est un monstre !

 

 

Son premier engagement politique fut en 1999 au  Parti dit du Progrès, le parti d’extrême droite anti-immigration - cessons « l’euphémisation » : cela s’appelle l’extrême-droite et non le « populisme », terme qui tend à confondre l’extrémisme avec le peuple – qui  a obtenu 20 % aux dernières élections norvégiennes. C’est une formation similaire à celle de Geert Wilders aux Pays Bas. En France, Marine Le Pen tente de transformer le Front national en un parti « respectable » débarrassé de ses oripeaux néonazis et antisémites, en s’inspirant des Nordiques. Cependant, si on relit l’histoire, c’est ainsi que les fascistes ont réussi à s’imposer dans le paysage politique…

 

 

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Andreï Breivik franc-maçon. Oui et alors ?

 

C’est donc baigné dans cette culture du rejet de l’autre, et particulièrement du musulman, que Breivik commence son parcours politique jusqu’en 2006 où il quitte le Parti dit du Progrès qu’il estime trop « mou ». Il se dit « conservateur » et « chrétien ». Il est initié dans une Loge maçonnique à Oslo. Cela n’a rien de surprenant puisque la Franc-maçonnerie norvégienne pratique le rite dit suédois qui est déiste et chrétien. Mais, elle ne prône certainement pas le rejet de l’autre. Aussi, ceux qui cherchent à lui faire porter le chapeau, commettent une grave erreur. Breivik achète en 2009 une exploitation agricole où il prétend vouloir faire de la culture « bio ». C’est sous cette couverture que Breivik a pu acquérir 6 tonnes d’engrais qui contiennent les ingrédients nécessaires à fabriquer des explosifs. Il est également inscrit dans un club de tir, ce qui lui permit d’acquérir en toute légalité des armes à feu.

 

Sans doute, prépara-t-il son coup dès son départ du  Parti dit Progressiste, en 2006. Il entretint, via Internet, des relations avec différents groupuscules et personnages d’extrême-droite un peu partout en Europe et même en Belgique. Cependant, il ne semble pas qu’il ait fondé ou fait partie d’un réseau. Certes, Breivik s’inspira des propos de ses « cyber-relations » mais il se conditionna lui-même et mit rationnellement au point son projet meurtrier.

 

Andreï Behring Breivik, s’il a conçu et élaboré lui-même son funeste projet, n’était pas un homme libre. Il s’est enfermé dans le carcan de ses idées de croisade contre une supposée invasion islamique et le multiculturalisme destructeur de « notre » civilisation. Quand on lit des extraits de son fameux manifeste de 1.500 pages (excusez du peu !), il lance des affirmations souvent étayées de fausses informations ou de statistiques exagérées ou fantaisistes. Il n’a en rien vérifié ses sources. Il n’a soumis à la critique aucune des données sur lesquelles il se base. Il les exploitait – et peut-être même les trafiquait – dans le seul but d’étayer ses affirmations. En cela, son esprit n’était pas libre, puisqu’il se soumettait lui-même à une dogmatique, en l’espèce l’islamophobie, le rejet du multiculturalisme et, en outre, avait une fixation sur ce qu’il appelait le « marxisme culturel ».

 

Cela constitue les faits. Quel est le contexte ? On parle d’un climat calme et d’une démocratie exemplaire en Norvège. Cela n’est pas si évident. Certes, la Norvège a été moins atteinte par la crise que les autres pays scandinaves grêce à son pétrole off shore. Il convient cependant de noter que tous les spécialistes craignent que ces réserves soient en train de s’épuiser. On pense en effet que le fameux « peak oil » (le pic pétrolier) est déjà atteint.

 

La sociale démocratie scandinave, comme les sociales démocraties de l’Europe occidentale,  a affaibli l’Etat providence, dès le début des années 1990. Dès lors, les sentiments anti-migrants et anti-gauche se sont accrus dans des larges portions de la classe laborieuse appauvrie et de la classe moyenne dont les skinheads constituaient les éléments les plus durs. Ils étaient ce qui restait du renouveau du néonazisme des années 1990. C’est pour répondre à ce renouveau que la gauche suédoise a créé en 1995, Expo, un magazine contre le racisme.

 

 

En Norvège les skinheads se muèrent en groupes comme les Boot Boys qui passaient leur temps à arpenter les rues en vue de faire des « ratonnades ». En 2002, trois Boots Boys ont tué Benjamin Hermansen, un garçon de 15 ans. Quand cela est arrivé, le journal Dagsavisen a écrit : « Ceci devrait ouvrir les yeux des autorités et de tous ceux qui ne veulent pas reconnaître l’existence du nazisme et du racisme en Norvège ». Le Centre contre le Racisme d’Oslo note qu’à la fin des années 1990, il y a eu dans le pays presque deux mille incidents racistes en partie dus à la rhétorique du Parti dit Progressiste et bien sûr des sectes nazies. Ce climat n’a cessé de se dégrader en Norvège. Le score de 20 % du Parti dit Progressiste aux dernières élections en est la démonstration. Et comme toujours, lorsque l’extrême-droite connaît des succès électoraux, les groupes néo-nazis marginaux qui en ont été exclus pour préserver sa « respectabilité », deviennent de plus en plus violents.

 

 

Cependant, il y a un hypocrite déni de la bourgeoisie de l’existence du Nazisme et de la manière dont la droite « modérée » tolère et encourage même l’extrême droite. Cela se voit un peu partout en Europe : les nationalistes « respectables » de plusieurs régions, comme les Flamands de la NV-A en Belgique et la Ligue du Nord en Italie s’affichent volontiers avec l’extrême droite. En France, il y a manifestement un rapprochement entre la branche dite de « Droite populaire » de l’UMP et Marine Le Pen. Il y a donc un mélange des genres où l’on ne parvient guère à distinguer les plus extrémistes de celles et ceux qui veulent se donner un vernis de respectabilité.

 

 

Même si Andreï Behring Breivik rejette les skinheads, il n’en prône pas moins une lutte violente dite de « loup solitaire » contre le régime démocratique coupable à ses yeux de trahison. Et c’est manifestement ce climat qui a encouragé la folie meurtrière du personnage.

 

 

Ajoutons aussi que les Jeunes socialistes qui étaient réunis en camp d’été à l’île d’Utøya sont cataloguées très à gauche. Ils prônent, entre autres, le boycott économique d’Israël, une solidarité active avec les Palestiniens, une lutte sans merci contre le fascisme renaissant et aussi une société réellement conviviale en Norvège, sans exclusion. Toutes choses devant profondément déplaire à un individu comme Breivik.

 

 

Que conclure à ce stade ?

 

Toute pensée d’exclusion engendre la violence. En prônant,  comme étant la solution à nos problèmes, le rejet de l’autre, on en fait un coupable et ce coupable doit expier. Un exemple : voici un an, Nicolas Sarkozy prononça son désormais fameux discours de Grenoble où il fustigea les Roms et prôna même des peines particulières pour des naturalisés Français. Il ébranla ainsi les bases de l’édifice républicain et provoqua une vague de violences. Le président français a généré la violence et il a stigmatisé la communauté des Roms. Le résultat est qu’il y a aujourd’hui beaucoup plus de Roms en France que l’année dernière.

 

Si les « officiels » prônent donc l’exclusion, cela aura forcément des conséquences néfastes et, surtout, cela provoquera un climat délétère, propice à l’épanouissement de ces idées délirantes.

 

 

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Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, David Cameron :

des conservateurs aux idées dangereuses

 

 

Un autre aspect est le « multiculturalisme ». Autant, je ne pense pas qu’il soit une bonne solution à la vie commune entre populations d’origines diverses, autant, son rejet virulent par les principaux leaders conservateurs européens comme Angela Merkel – le « multikulti », c’est fini ! – Nicolas Sarkozy et David Cameron est non seulement odieux mais encourage aussi les extrémistes.

 

Evitons toutefois de tomber dans le piège de considérer toute critique du multiculturalisme comme étant d’inspiration fasciste. Le droit à la critique est essentiel en ce domaine comme en d’autres, surtout dans les circonstances actuelles.

 

 

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Le peuple norvégien rend hommage aux vicitimes des attentats : au-delà du chagrin, une prise de conscience.

 

 

Enfin, espérons que l’affaire Breivik ait les mêmes effets que l’affaire Dutroux –  qui a ouvert les yeux sur le crime de pédophilie - : éveiller une prise de conscience du danger mortel des idées de rejet de l’autre.

 

 

Pierre Verhas

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22 juillet 2011 5 22 /07 /juillet /2011 14:05

Du grand art, il faut le reconnaître ! Le parti chrétien flamand, le CD&V, le parti du Premier ministre Leterme, mais aussi du Ministre – Président du gouvernement flamand, Kris Peeters,  et surtout le grand perdant des élections du 13 juin 2010, a joué sa dernière carte de main de maître.

 

 

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Albert II et Leterme s'entendent très bien !

 

 

Première étape : Le CD&V laisse faire et encourage même les nationalistes flamands de la NV-A qui finissent par bloquer les négociations pour la formation d’un gouvernement. Le formateur finalement désigné par le Roi, le socialiste francophone Elio Di Rupo, présente sa démission. Albert II laisse sa décision en suspens.

 

Deuxième étape : les négociations reprennent entre sept partis – les quatre partis francophones et trois des cinq partis flamands – la NV-A étant exclue, mais le CD&V refuse de venir à table, car il déclare haut et fort qu’il ne gouvernera pas sans la NV-A. Nouveau blocage.

 

La fête nationale approche à grand pas – le 21 juillet – et il serait de bon ton de voir apparaître une petite lueur d’espoir entre deux nuages de saison. Les médias dramatisent la situation. On attend le discours du Roi, comme celui du Sauveur ! Suspense.

 

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Un discours et une dramatisation bien montés

 

 

Troisième étape : le discours d’Albert II – en réalité rédigé sous la direction du Premier ministre Leterme – est diffusé en boucle dès le 20 juillet à 13 heures. Dramatisation : le Roi craint la catastrophe, il se réfère à un constitutionnaliste anglais qui prétend qu’il a le droit « de mettre en garde ». Ce qu’il fit, levant un doigt sévère.

 

L’opinion publique est remontée. En réalité, il n’y a personne au sérail qui est réellement impressionné. Mais, devant une opinion publique désemparée, la classe politique se doit de faire croire qu’elle réagit. Coup de théâtre bien monté : le CD&V fait semblant d’accepter de négocier sans la NV-A.

 

Quatrième étape : le jour de la fête nationale, après le Te deum qui montre combien la Belgique est un Etat laïque, après les flons flons du défilé, les négociateurs reprennent leur boulot avec le CD&V qui s’était d’abord fait quelque peu prier pour faire monter la sauce, et puis, à la sortie, après six heures de palabres, c’est la confusion. Di Rupo se rend chez le Roi. Sa mission est confirmée : on négocie à huit, donc sans la NV-A, le premier parti de Flandre. En prime, le Sire accorde trois semaines de congé à nos excellences épuisées. Il pourra enfin se rendre dans son « çà m’suffit » provençal.

 

 

 

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Elio Di Rupo au Te Deum : la Belgique laïque...

 

 

La boucle est bouclée. Ah oui ! On oubliait. Bien sûr, le tout sera accompagné des réformes socio-économiques « indispensables » - en clair un plan d’austérité – qu’on tentera de faire avaler avant la rentrée.

 

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Wouter Beke (le président du CD&V) aime bien se faire prier : 

il sait qu'il est le maître du jeu.

 

 

Résultat : out la NV-A. Pour faire avaler cela aux partis flamands et en particulier au CD&V qui joue sa survie, il faudra que les francophones fassent toutes les concessions aux Flamands : scission de BHV sans ou avec le minimum de compensations – on se tait dans toutes les langues nationales à ce sujet – une communautarisation partielle et le renforcement des lois linguistiques à Bruxelles, le transfert de compétences fédérales aux régions et la révision de la loi de financement au seul bénéfice de la Flandre.

 

Les francophones ne doivent se faire aucune illusion : les quatre partis flamands qui sont restés à la table ne reculeront pas d’un pouce, sinon la NV-A  ferait un raz de marée en cas d’échec.

 

Donc, après les vacances, énième session : et là, cela passe ou cela casse. Il y a en plus, un hic : au plus les élections communales d’octobre 2012 approchent, au plus rigides se feront les négociateurs.

 

Gageons que cela va encore se casser la figure à moins qu’une des parties – c’est-à-dire la francophone – baisse le pantalon.

 

Comme l’écrit la « Libre Belgique » : « Au 404eme jour après les élections, chacun est donc d'accord pour souligner l'importance de l'accord intervenu ... sur une méthode de travail. »

 

Leterme et l’establishment ont tenté un coup.

 

Bien essayé, mal réussi !

 

Pierre Verhas

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