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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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20 juillet 2011 3 20 /07 /juillet /2011 10:40

Le professeur Jacques Brotchi, éminent neurochirurgien, sénateur et conseiller communal à Uccle lez Bruxelles, importante personnalité de la communauté juive de Belgique, a démissionné de ses fonctions à l’Université Libre de Bruxelles (ULB).

 

 

 jacques_brotchi.jpg

Le professeur Jacques Brotchi a tort de démissionner.

 

 

Il y dénonce les dérives antisémites qui se manifestent par trop souvent en cette Alma mater.  En effet, les dérapages au cercle des étudiants de l’école Solvay ([1]), sanctionnés depuis, l’invitation à un débat de l’humoriste Dieudonné, un baptême d’étudiants  dont le thème était un check point de Tsahal dans les territoires, sont autant de manifestations qui, dans l’esprit du professeur Brotchi, cachent mal un antisémitisme latent.

 

Que dire ?

 

Depuis plusieurs années, l’ULB s’est ouverte, à raison, aux étudiants issus de l’immigration musulmane. Il est dès lors évident que les conflits qui secouent le Moyen Orient suscitent débats en son sein. Il serait d’ailleurs contraire au principe du Libre Examen, pilier sacré de l’ULB, de mettre des entraves aux controverses surtout liées au conflit israélo-palestinien, qui se muent trop souvent en affrontements – parfois violents – entre Juifs et Musulmans.

 

Les Juifs sont très critiques à l’égard de ces débats. En partie à juste titre : en effet, tirant prétexte des interventions violentes et inqualifiables des forces armées israéliennes, certains intervenants en profitent pour y exprimer leur profond antisémitisme. C’est sans conteste le cas de l’humoriste Dieudonné, qui fut invité à un débat à l’ULB et qui s’affiche ouvertement avec le négationniste Faurisson et avec l’écrivain antisémite Paul Eric Blanrue ([2]), proche du président iranien Ahmadinejad. Feu Sam Braun (1927 – 2011), médecin, victime de la rafle du Vel d’Hiv, rescapé d’Auschwitz, fondateur du Cercle « Mémoire & Vigilance », décédé récemment, écrivait à l’attention de Dieudonné : « La haine du Juif que vous avez viscéralement accrochée au plus profond de vous-même, à défaut de l’être sur un cœur qui ne semble plus battre dans votre poitrine, cette haine que vous déversez sous le prétexte que vous respectez la liberté d’opinion, cette haine vous obscurcit la vue et la raison. » Ces propos ne sont pas excessifs !

 

 

 Sam-Braun2.jpg

Sam Braun a dénoncé inlassablement le négationnisme.

 

 

Cependant, il est inacceptable de prendre prétexte de l’antisémitisme de quelques-uns pour éluder le débat indispensable sur le conflit israélo-palestinien. Il n’est pas tolérable de traiter d’antisémite toute personne qui critique la politique israélienne en la matière, ou, même, qui épouse la cause palestinienne. Une Naomi Klein qui milite pour le boycott des produits en provenance des colonies israéliennes en Palestine, un Josy Dubié qui affiche ouvertement sa solidarité avec le peuple palestinien, une Véronique De Keyser, députée européenne socialiste qui a présidé la commission européenne de contrôle des élections à Gaza et qui s’y trouvait lors de l’opération « plomb endurci », ne sont pas antisémites !

 

 

 

 

naomi-klein1.jpg   josy_dubie01.jpg

  Naomi Klein et Josy Dubié ne sont pas antisémites !

 

 

Rappelons ici cette belle mise au point de la députée européenne, touchée au plus profond d’elle-même par la Shoah, puisqu’une partie de sa famille a disparu dans les camps de concentration nazis :

 

« Je dis et redis avec la plus grande fermeté que toux ceux – quels qu’ils soient – qui motivent leurs discours ou leurs actions par la haine des Juifs ou la haine des Arabes sont à renvoyer également dans l’ignominie. La violence, l’exclusion, l’arbitraire n’ont jamais été et sont encore moins que jamais l’apanage d’une culture, d’une civilisation, d’une nationalité, d’une religion. Ils appartiennent à la face sombre de l’humain et, malheureusement, c’est cette face sombre qui risque aujourd’hui de prendre le pas sur la raison et de la soumettre. Au bénéfice de quoi ? De qui ? Il est intolérable de faire des manifestations contre la violence à Gaza des tribunes pour la haine, pour le rejet de l’autre et pour le racisme. Récupérer ces événements et l’actualité qui les motive, instrumentaliser le refus de la guerre, de la mort des enfants, des innocents et à travers eux de la justice et du droit, au profit d’intérêts partisans est également intolérable. Le respect dû à la mémoire des victimes de toutes les barbaries, de tous les pogroms, de tous les génocides, de toutes les déportations, de toutes les exterminations au nom de la supériorité de l’un sur l’autre, ne peut souffrir de tels amalgames. L’histoire ne sert-elle donc à rien, sinon qu’à être niée et revisitée par ceux qui ne s’en sentiraient pas les maîtres ? Pas plus que nous ne pouvons accepter que des factions extrémistes manipulent des populations civiles, leur détresse et leur foi religieuse pour les prendre en otage de leurs ambitions, nous ne pouvons accepter que pour justifier la disproportion d’une guerre, certains abritent leur indignité derrière le bouclier de la Shoah. »

 

Traiter, sans raison, quelqu’un d’antisémite est une insulte. L’insulte est trop fréquente dans ce débat. Un des insultés est Stéphane Hessel, rescapé des camps de concentration, d’origine juive, qui fait l’objet d’une campagne aussi méchante qu’odieuse parce qu’il a écrit dans sa plaquette « Indignez-vous ! » : « Que des Juifs puissent perpétrer eux-mêmes des crimes de guerre, c’est insupportable. Hélas, l’histoire donne peu d’exemples de peuples qui tirent les leçons de leur propre histoire ». Où est l’antisémitisme dans ces propos ? N’est-ce pas plutôt la question posée par l’ancien rédacteur de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme qui est gênante pour les tenants d’une répression aveugle ? Rappelons-nous aussi le sociologue Edgar Morin qui fut condamné – et plus tard réhabilité – pour de soi-disant propos antisémites, parce qu’il avait marqué sa solidarité avec la cause palestinienne. Et il y a tant d’autres cas. C'est l'expression du fanatisme.

 

 

 stephane-hessel_veronique_de_keyser.jpg

Stéphane Hessel avec Véronique De Keyser : plus qu'une communauté de pensée, une solidarité.

 

 

Dans le même ordre d'idées, tenir des propos antisémites sous le couvert d’une fausse solidarité avec le peuple palestinien est insupportable. Ces gens salissent ce qu’ils prétendent défendre. C'est du fanatisme. 

 

Le fanatisme d'où qu'il vienne, doit être combattu avec la plus grande vigueur.

 

Revenons à un débat libre, sans a priori, de part et d’autre. La haine ne mène qu’à l’échec.

 

Mais pour débattre, il faut être présent. En claquant la porte, comme l’a fait le Docteur Brotchi, on laisse le terrain à l’adversaire.

 

En cela, vous avez commis une erreur, M. Brotchi.

 

Pierre Verhas



[1]Dérapages dénoncés dans ce blog le 25 mai 2011 : http://uranopole.over-blog.com/article-la-banalisation-74703464.html

[2] Auteur, entre autres, de l’ouvrage « Sarkozy, Israël et les Juifs » (éd. Oser dire, Embourg, Belgique, 2009) qui est une compilation de « copiés-collés » de textes sur les relations étroites qu’entretient Sarkozy avec les milieux sionistes. L’auteur a peine à camoufler son antisémitisme qui apparaît sur son site « Le Clan des Vénitiens ».

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18 juillet 2011 1 18 /07 /juillet /2011 16:13

Le Commissaire européen chargé des affaires sociales et d'emploi, le Hongrois László Andor,  a tenu à se démarquer de ses collègues en estimant «insoutenable» les mesures d'austérité « qui ne sont manifestement pas efficaces», et en appelant à partager plus équitablement  la charge de la dette à travers l'UE.

 

 

Réunissant les journalistes à Bruxelles le jeudi 14 Juillet, László Andor a exposé ses objectifs politiques durant la présidence polonaise de l'UE, et en a profité pour prononcer une  sévère critique de la politique de mise en place de mesures d'austérité au fur et à mesure de l’aggravation de la crise financière.

 

 

 

lazlo_andor.jpg

 László Andor : un "village gaulois" dans la Commission ?

 

Il a déclaré que la crise  provoquait un dilemme pour les décideurs, les forçant à choisir entre le financement par emprunt et les règlements financiers d'une part, et les politiques sociales et de l'emploi, de l'autre.

 

 

L'austérité : cela ne fonctionne pas !

 

 

Le Commissaire qui est socialiste et économiste a déclaré qu'il était clair que les pays débiteurs ne peuvent pas assumer le coût de la restructuration seul, ajoutant: « Cette approche n'est pas viable car elle implique que les États membres individuellement peuvent sortir de cette crise, rien qu’en imposant l'austérité Cela, tout simplement, ne marche pas ! »

 

 

Andor a ensuite déclaré que la stratégie aurait pu fonctionner si l'Europe avait renoué avec la croissance, apportant rapidement la confiance des investisseurs dans son sillage. Mais son message était clair : les programmes d'austérité – que son collègue, le Commissaire aux Affaires économiques, le finlandais Olli Rehn, a défendu avec force – ne peuvent pas fonctionner. Il a ajouté: «Croire que l’’austérité est  le seul moyen de redressement pour un Etat n’est pas réaliste. »

 

 

olli_rehn.jpg

 Le Finlandais Olli Rehn, Commissaire aux affaires économiques : l'orthodoxie

 

 

L'UE et le FMI ont exigé que  la Grèce adopte un plan d'austérité sur cinq ans - avec € 28,6 milliards d'épargne, et l’adoption des principales lois d'application des réformes structurelles et la fourniture de l'état des ventes d'actifs - afin de garantir une tranche € 12 milliards d'aide ce mois-ci.

 

 

Andor, seul contre tous : un "village gaulois " ou le début d'un changement au sein de la Commission ?  

 

 

«Nous devons trouver un moyen commun  de financer la dette, ce qui sera significatif pour les marchés et nous devons aussi regarder les deux faces de la médaille». La nécessité de développer des solutions communes de financement de la dette, en échange d’une meilleure coordination des réformes internes. Mais  nous sommes loin de l’équilibre en ce point et nous sommes loin d'une solution définitive. » a conclu le commissaire.

 

 

Les propos du  Commissaire Andor et son programme de Commissaire aux Affaires sociales et de l’emploi sont en phase avec sa pensée socialiste, mais il se trouve être minoritaire au sein de la Commission. Son intervention arrive cependant à un bon moment : juste avant le sommet sur la dette grecque du 21 juillet, le sommet de la dernière chance.

 

 

PV

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17 juillet 2011 7 17 /07 /juillet /2011 21:07

Qu'on pourrait aussi intituler « suite de « La faute à l’Euro ? »…

 

Les économistes à la trappe

 

Baudouin Dubuisson, économiste entrepreneur de tendance chrétienne, ancien patron des patrons wallons, ancien conseiller de Philippe Maystadt, ex-ministre belge des finances, actuel directeur de la Banque européenne d’investissement, pas un de ces vilains gauchistes invétérés, donc, a pondu un bouquin : « Le naufrage des économistes » (éditions avant-propos, 2011) qui ne va pas dans le sens de l’orthodoxie néolibérale ambiante. Il a donné ce week-end une interview au quotidien économique belge « L’Echo » où il n’est pas tendre envers ses consœurs et confrères. C’est une véritable leçon !

 

« Depuis août 2007 [le début de ce qu’on a appelé la « crise financière »], l’économie occidentale semble bloquée. Les problèmes sont si complexes que le moindre changement fait peur (…). Pour illustrer cette impasse, les économistes ont trouvé un nouveau mot : « systémique ». Ils ont découvert le mot mais pas encore sa signification profonde. Loin d’être unanimes et trop souvent accrochés à des hypothèses qui ne se vérifient pas, beaucoup d’experts sont perdus. Ils envisagent des solutions qui sont tout sauf systémiques. »

 

En clair, l’imagination et le courage ne sont pas au pouvoir chez les économistes !

 

Quelle en est la raison ? Pour Dubuisson : « Les années Friedman ont occulté le dérapage progressif et global de l’économie mondiale. Le nez sur les indicateurs partiels et des modèles réducteurs, les économistes n’ont pas vu le monde changer. Emportés par leur volonté de donner à leur domaine de prédilection ses lettres de noblesse scientifique, ils ont cherché à faire une science « dure » au moment précisément où les sciences découvraient le hasard et l’incertitude. Surtout, ils n’ont pas validé leurs concepts théoriques en les confrontant à la réalité et leurs modèles ont favorisé l’émergence d’une finance mondiale toute puissante. »

 

Autrement dit, si leurs querelles se limitaient au terrain clos des universités, cela n’aurait guère d’importance, mais ces économistes imprégnés du dogmatisme ultralibéral ont présenté des modèles que l’on a appliqués.

 

Ce qui fait dire  à Baudouin Dubuisson : « L’erreur principale consiste à confondre économie et finance. De Smith à Keynes, les économistes ont toujours considéré que la monnaie devait être neutre et que la masse monétaire devait correspondre aux besoins de l’économie. Le tournant s’est produit en 1971, avec l’inconvertibilité du dollar. À partir de là, on a commencé à faire tourner la planche à billets. En 1990, la masse monétaire représentait 6 % du PIB mondial. Aujourd’hui, elle atteint 23 % du PIB mondial. Autrement dit, il y a une masse excédentaire de 9.000 milliards de dollars sur la planète. Or, quand il y a trop d’argent en circulation, on ouvre la porte à la spéculation et on renforce le rôle des intermédiaires financiers. (…) Dégager, comme y parviennent les métiers de la finance, une rentabilité supérieure à celle de l’économie réelle, qu’ils sont supposés servir, est contraire à l’intérêt général. Au lieu d’un moyen, la finance est devenue une fin. »

 

Au passage, notre économiste contestataire n’est guère un chaud partisan de la mondialisation que l’on connaît aujourd’hui. « L’avènement de la mondialisation, il y a 20 ans, a en effet radicalement changé la donne. On évolue aujourd’hui dans un système fermé, ce que l’un gagne, l’autre le perd. Dans un système fermé, une entreprise de taille mondiale comme Microsoft, Rio Tinto ou Mittal, peut maîtriser le marché. Or, une économie concentrée aux mains de quelques acteurs est moins résiliente, car sa capacité de rebondir est limitée. »

 

Quelles solutions préconise-t-il ?

 

« Il conviendra tôt ou tard de limiter la taille des banques pour restaurer une concurrence efficace, de réorienter les capitaux vers l’économie réelle, en disciplinant leur système de rémunération et, pourquoi pas, en instaurant un impôt progressif sur leur bénéfice ou sur leur budget de publicité… Il faudra resynchroniser les systèmes économique et financier, ce qui suppose qu’on sacrifie le dogme de la liquidité absolue, par le biais d’une taxe Tobin par exemple ».

 

Dubuisson ne dit pas quelle autorité est à même de concrétiser ces mesures qui font partie de tous les programmes de la (vraie) gauche !

 

Cette intervention est intéressante et montre que les choses sont en train de bouger. La citadelle dogmatique de l’économie de l’offre et du « tout au marché » commence à se lézarder. Il est temps ! ([1])

 

Décidément, les Allemands ne veulent toujours rien entendre !

 

L’édition électronique de « La Libre Belgique » signale que le patron de la Bundesbank – la banque centrale allemande – a rejeté l'idée d'émettre des euro-obligations garanties par les Etats de la zone euro afin d'aider la Grèce, et douté de l'efficacité d'un allègement de la dette grecque dans le contexte actuel.

M. Weidmann estime qu'avec cette option « les contribuables européens, en particulier allemands, auront à assumer la totalité de la dette grecque » En outre, « Il s'agirait d'un pas important vers une union des transferts, que l'Allemagne a jusqu'à présent écartée à juste titre ».

 

 

Bundesbank_Jes_Weidmann.jpg

 Jes Weidmann, le patron de la Bundesbank : l'égoïsme des "riches"

 

 

Donc, il est clair que les conservateurs allemands ne veulent en aucun cas une solidarité européenne à laquelle ils participeraient. Ils croient, au vu de leur économie relativement florissante, qu’ils pourraient se permettre de voir celles de leurs voisins s’effondrer.

 

 

Dangereuse illusion !

 

 

En attendant, le sommet du 21 juillet est déjà bien compromis.

 



[1] Notons que Baudouin Dubuisson associe l’écologie à l’économie. L’écologie est une dimension indispensable que nous aborderons bientôt.

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15 juillet 2011 5 15 /07 /juillet /2011 10:41

Et c’est reparti ! Voici une nouvelle étape du tour de l’Eurozone, et les chutes y sont aussi nombreuses qu’au Tour de France : la crise italienne et espagnole de la dette souveraine, après celles de la Grèce et du Portugal. Et prochaines étapes : la Belgique, la France, l’Irlande ?

 

La faute à l’Euro ? Un peu trop facile !

 

L’Europe a une fichue habitude : elle met la charrue avant les bœufs On a construit l’Europe du marché unique, sans bâtir l’Europe politique. On a instauré une monnaie unique, sans politique économique commune. Cette erreur est indubitablement une des causes majeures de la crise actuelle, ou plutôt de notre faiblesse à l’égard de la dictature des « marchés ». Cependant, rejeter l’Euro, comme certains le veulent à gauche, comme à l’extrême droite, serait une folie.

 

Un traité de Maastricht vicié au départ

 

Certes, l’affaire était viciée au départ. Le traité de Maastricht et les traités qui ont suivi jusqu’à celui de Lisbonne, contiennent les ingrédients de la crise d’aujourd’hui.

 

 

 traite-de-maastricht.jpg

Le Traité de Maastricht était vicié au départ : sans Europe politique,

il créait la faiblesse de l'Euro. A l'époque, ceux qui le critiquaient étaient

traités "d'anti-européens" !

 

 

-         L’absence d’Europe politique est la première faiblesse de la monnaie unique et la plus importante : la monnaie unique entraîne une seule politique monétaire pour des pays à situations économiques très différentes.

-         L’interdiction à la Banque centrale européenne de prêter aux Etats plonge ses origines dans l’histoire économique de l’Allemagne qui interdisait à la Bundesbank de prêter à l’Etat allemand. C’est une des raisons pour lesquelles les opposants à l’Euro lors des débats sur le traité de Maastricht en 1992, ont affirmé que l’Euro était « un Deutsche mark européanisé ».

-         La Banque centrale européenne est indépendante et ne peut être gérée par les Etats ou une autorité politique européenne. Ni la Commission, ni le Parlement européen n’ont un droit de regard sur la BCE.

-         En plus – et c’est un vice originel datant du Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne – la concurrence doit obligatoirement être libre et non faussée, ce qui interdit toute politique économique, qui, par définition, implique de changer les conditions de la concurrence.

-         Enfin, il faut l’accord unanime des 27 Etats membres pour changer le traité de Rome, ce qui est inconcevable dans l’état actuel des choses.

 

Depuis le début de la crise de la dette souveraine en Europe qui a commencé par le point faible – la Grèce – certaines de ces dispositions ont été violées, comme l’interdiction à la BCE de prêter aux Etats membres. Cela augure, qu’en dépit du Traité de Lisbonne, nécessité peut faire loi. Néanmoins, il reste ce qu’il faut bien appeler les « Euro-dogmatiques » qui veulent le respect absolu du Traité, quoiqu’il arrive, notamment la Cour de Justice européenne qui menace de condamner la BCE.

 

On paie très cher la non-Europe

 

Pourtant, c’est la non-Europe que l’on paye, comme déjà écrit sur ce blog. Les négociations au sein du Conseil européen, qu’il s’agisse du Conseil des ministres des Finances ou de celui des chefs d’Etats et de gouvernement se soldent toujours par des compromis boiteux élaborés non pas dans un esprit européen, mais comme accords entre les intérêts divergents de chaque gouvernement national. C’est ainsi que  les plus puissants mènent le jeu dans l’Eurogroupe : l’Allemagne et la France. Il est dès lors impossible, sans une autorité supranationale, de fixer une politique européenne en la matière. Et ce n’est pas le pâlot président du Conseil, Herman Van Rompuy qui va pouvoir imposer quoi que ce soit.

 

 herman_van_rompuy01.jpg

Le palot Herman Van Rompuy ferait bien d'apprendre

à écouter et à décider.

 

 

L’Europe peut et doit se redresser par une politique audacieuse. Les gouvernants, les élites ont montré leur incapacité et ont fait preuve de totale irresponsabilité. C’est la politique de l’immédiat qui domine, alors qu’il faut provoquer les conditions d’un changement radical.

 

La gauche sociale démocrate porte une très lourde responsabilité. À l’époque du traité de Maastricht – au début des années 1990 – elle était au pouvoir dans plusieurs Etats européens. Elle aurait pu rectifier le tir en imposant une autre conception de la monnaie unique, une harmonie fiscale pour limiter la concurrence entre Etats – cela aussi, c’est la « non Europe » - et pour jeter les bases de l’Europe sociale en fixant par exemple, les minimas sociaux, pour éviter – ce qui est tout autant de la « non Europe » – le dumping social qui a mené à des idées aussi saugrenues que la fameuse directive Bolkestein. Il n’est dès lors pas étonnant que la classe de travailleurs se soit détournée de la sociale démocratie.

 

Cependant, la structure européenne est la seule à même de répondre à ces défis majeurs. Mais elles doivent subir une refonte de fond en comble.

 

Pour un changement idéologique

 

Alors, que et comment faire ?

 

Un changement idéologique est indispensable. Depuis les années 1980, les économies capitalistes sont dominées par l’idéologie néolibérale inspirée par la fameuse école de Chicago de Milton Friedman, l’idéologie du « tout au marché » avec l’affaiblissement systématique des Etats par la privatisation des services publics, les dérégulations, voire les attaques violentes contre les pays démocratiques, comme ce furent le cas au Chili de Pinochet et dans l’Argentine de Videla. La complicité évidente de nombreux responsables politiques accroît le pouvoir tentaculaire des multinationales et des organismes financiers internationaux qui finissent par détenir les rênes du pouvoir politique via des institutions supranationales comme le FMI, l’OCDE, la Commission européenne, l’OMC, etc.

 

 milton-president-reagan.jpg

Milton Friedman, gourou de l'ultralibéralisme, inspira Reagan.

 

 

La dictature économique prend progressivement la place des démocraties politiques. On s’en aperçoit en Grèce où toute contestation est durement réprimée.

 

Ce nouveau pouvoir économique, s’il est brutal et montre une puissance inégalée, a aussi ses faiblesses. Déjà au XIXe siècle, Karl Marx avait mis en évidence les contradictions du capitalisme et démontra qu’il s’en renforçait. Cependant, tout cela a des limites. La liste des « contradictions » de la politique néolibérale, depuis les années 1980, est impressionnante.

 

 

 karl_marx.jpg

Karl Marx mit en évidence

les contradictions du capitalisme.

 

 

Cela a commencé par les crises thaïlandaise et russe à la fin des années 1990, suite à un afflux de capitaux qui furent aussi retirés, une fois les plus-values engrangées. Ce fut ensuite le scandale Enron, cette société qui courtait le gaz et l’électricité, notamment de Californie, était la 8e capitalisation mondiale. Elle pratiquait par des manipulations comptables avec plus de 3000 sociétés « off shore » ! La faillite Enron fut une des causes principales de l’endettement de l’Etat de Californie. C’est une des conséquences de la dérégulation à outrance : commissaires aux comptes corrompus, administrateurs « indépendants » payés par Enron en sous-main, etc.

 

En 2001, c’est la crise en Argentine. Elle est exemplaire (voir encadré en fin d’article). Et enfin, en 2008, la catastrophe des subprimes aux Etats-Unis qui entraîne la crise financière mondiale. Les banques ont investi des « actifs toxiques » dans la plus grande opacité. Et elles se retrouvent au bord de la faillite.

 

Bien sûr, on a appelé les Etats à la rescousse. Pour cela, ils sont bons ! Les banques centrales ont injecté des liquidités pour réassurer le financement bancaire qui était bloqué et, par conséquent, qui entravait les investissements nécessaires à la poursuite de l’activité économique des entreprises.

 

Cette crise a montré la faiblesse des gouvernements occidentaux. Aux Etats-Unis et en Grande Bretagne, on a été – dans les patries du néolibéralisme ! – jusqu’à nationaliser des banques les plus menacées par un dépôt de bilan. En Europe, la Commission européenne s’est mise aux abonnés absents, et chaque gouvernement a dû agir de son côté. Aucune coordination, aucune solidarité. C’est l’incohérence la plus totale, un véritable « Sauve qui peut » sur le Titanic de l’économie libérale mondiale.

 

Un système grippé

 

À tous les niveaux, le système est grippé. Au niveau des banques et des entreprises, il y a des aberrations comme les rémunérations des traders, les « parachutes dorés » de PDG inaptes, les salaires astronomiques de patrons aux pâles résultats. Pire, on a supprimé tout contrôle des risques et les investissements insensés se multiplient. À un échelon supérieur, les banques, les agences de notation, les fameux hedge funds ont un comportement suicidaire. Enfin, sur le plan politique, les gouvernements et les grands organismes internationaux n’arrivent pas à – ou ne veulent pas – coordonner leurs politiques monétaires. Il n’y a aucune lutte contre les paradis fiscaux qui sont une des principales causes des dérives financières du système, dérives à la limite du système mafieux.

 

Aujourd’hui, on continue le n’importe quoi. Les marchés financiers qui, dans la belle orthodoxie néolibérale, devraient être les régulateurs, sont en fait les instruments des banques. Elles sont arrivées à faire plier les Etats les plus puissants – y compris les Etats-Unis – par un contrôle absolu sur les intérêts des prêts aux Etats, qu’elles fixent sur les marchés. Ainsi, les taux diffèrent selon les Etats : aujourd’hui, ils sont de 5,5 % pour l’Italie, 6 % pour l’Espagne et dépassent 15 % pour les Grecs. Pour l’Allemagne, le taux de base est de 2,5%. Autrement dit, on pousse la tête des Etats en difficulté dans l’eau et on alimente les Etats à économie « saine ». Cela ne fait qu’accroître les inégalités.  Et, le meilleur pour la fin, les Etats sont complices. Ainsi, la France a sorti un plan de restructuration de la dette grecque, par lequel les Grecs devront payer quoi qu’il advienne. Ce plan vise-t-il à protéger les Etats « prêteurs », via le Fonds européen de financement ? Non, évidemment, il a pour unique objet de protéger les banques étrangères qui détiennent la dette souveraine des Etats. En effet, les banques françaises détiennent quelque 60 milliards d’obligations grecques. Par exemple, en Belgique, comme en France et même en Italie, Dexia exerce un véritable chantage puisqu’elle détient les avoirs des pouvoirs locaux. Aussi, contribuables à vos poches, aidez les banques !

 

Des pouvoirs politiques faibles et une Europe divisée

 

Il est dramatique que l’on ne tire pas les leçons de tout cela. Après la crise financière de 2008, on était décidé à revoir à la baisse la taille des institutions financières, en vue de les empêcher de déclencher des séismes monétaires. Aujourd’hui, ces mêmes organismes n’ont jamais été aussi volumineux. Ils sont désormais capables d’exercer un chantage sur les Etats qui n’arrêtent pas de plier.

 

Les Etats-Unis sont confrontés à la faiblesse d’un exécutif qui doit en permanence affronter une opposition républicaine qui préfère un crash à un accord avec Obama. L’Europe est confrontée au chantage permanent de Merkel et de Sarkozy qui, pour des raisons différentes, empêchent tout accord au niveau de l’Eurogroupe. Sarkozy est victime de l’effet « Fouquet’s » : il est à la merci des grandes banques françaises qui détiennent un important volume d’obligations provenant des PIGS. Quant à Merkel, c’est plus complexe.

 

 

 fouquet-s.jpg

Sarkozy sortant du Fouquet's en 2007, où il a été 

remercier ses "vrais" patrons.

  

  

Il y a tout d’abord un facteur psychologique. L’Allemagne a été surprise de voir à quel point l’avenir de la zone Euro dépendait d’elle. Elle a le poids économique le plus lourd dans l’Eurozone. Seule le Royaume uni a une économie plus forte, mais il ne fait pas partie de la zone Euro. Ensuite, Angela Merkel, originaire de la RDA, se méfie de l’intégration européenne et veille à ce qu’il y ait le moins d’Europe possible. Il ne faut pas compter sur Berlin pour faire progresser l’Europe. Paradoxalement, l’Allemagne tient à l’Euro qu’elle a conçu à l’image de l’ancien Deutsche Mark, sinon il n’aurait jamais été accepté par le peuple allemand. Le traité de Maastricht (voir plus haut), c’est l’Allemagne qui l’a voulu. Or, c’est un échec parce qu’en créant l’union monétaire sans union économique, cela ne pouvait conduire qu’à  la catastrophe en cas de crise. Bien des économistes l’avaient d’ailleurs prévu. Or, le gouvernement allemand ne veut en rien modifier les règles établies et qui ont été confirmées dans le traité de Lisbonne. Il veut même imposer le pacte de compétitivité sur la base des critères économiques allemands, ce qui reviendrait à laminer les budgets sociaux de tous les gouvernements de l’Union et provoquer une régression jamais égalée. Il ne faut pas oublier, comme le rappelle Ulrike Gérot, économiste allemande (Libération, 13 juillet) : « L’unification allemande a changé la donne. On est passé de la République de Bonn à celle de Berlin : c’est un autre pays qui a intégré 16 millions d’habitants de l’ex-RDA pas nourris au lait fédéraliste [européen], un pays avec une autre relation à la Chine et à la Russie, un pays qui vit bien la mondialisation, un pays qui a totalement renouvelé ses élites. » Bref, l’Allemagne est le géant économique et politique de l’Europe. La droite chrétienne d’Angela Merkel est allemande avant d’être européenne. Sans doute, le SPD et les Verts ont une autre vision. Mais, en attendant…

 

 

 

angela_merkel_03.png 

Angela Merkel croit très bien se porter

en dehors de l'Europe.

 

 

Face à cette Europe divisée, les banques sont les maîtres absolus du jeu.

 

Que ce soit l’Allemagne ou la France, ou les plus petits Etats membres de l’Eurozone, le chantage des banques consiste à faire accorder par les Etats une garantie gratuite qui laisse toute latitude aux institutions financières, quitte à mener à la catastrophe. Il est plus que temps de mettre fin à ce fléau.

 

Un énorme jeu de pouvoirs

 

L’Europe n’est pas un bloc monolithique. Les économies méditerranéennes ne sont pas le « fruit de fainéants », mais sont d’une toute autre nature que celles des pays nordiques qui ne sont pas les « seuls travailleurs ». L’industrialisation, l’agriculture, la situation géographique sont différentes. Et s’il convient d’aligner les conditions de vie des populations européennes à un niveau décent, il est bon de conserver cette diversité des économies et de ne pas contraindre la Grèce ou le Portugal, par exemple,  à adopter un système économique similaire à l’Allemagne ou au Danemark. En effet, l’Allemagne, les Pays Bas, l’Autriche ont un modèle industriel exportateur. La France, l’Italie, l’Espagne et les autres sont des pays consommateurs, tirés par les dépenses publiques. C’est la raison pour laquelle l’Euro ne fonctionne pas : les pays nordiques restent compétitifs avec un Euro à 1,5 dollars, tandis que les autres ne le sont plus au-delà de 1,3 dollars. C’est la raison pour laquelle la « non Europe » est une catastrophe et pour laquelle, on n’arrive pas à trouver une solution satisfaisante. On aura beau organiser ou non des sommets et multiplier les réunions de l’Ecofin, la situation ne fera qu’empirer tant qu’il n’y a pas de changements fondamentaux.

 

En outre, il n’y a pas que l’aspect financier, car dans cette crise, on ne retient qu’une dimension en oubliant l’essentiel : relancer la croissance. Ce n’est certes pas avec les politiques d’austérité imposées par les banques que l’on y arrivera.

 

Toute cette affaire est un énorme jeu de pouvoirs à l’échelle mondiale. D’un côté, des gouvernements nationaux, jusqu’au gouvernement US, désemparés, impuissants, incapables de prendre la moindre décision adéquate, de l’autre un système bancaire mondialisé, totalement maître du jeu, jouant d’une stratégie audacieuse mais risquée et dont on peut douter qu’il contrôle sa puissance, avec comme conséquences : des Etats ruinés, des peuples promis à la misère, entraînant un regain de tensions pouvant aboutir à des conflits majeurs.

 

La politique doit prendre le pas sur le capital.

 

Le politique doit reprendre les rênes. Les mouvements populaires qui naissent partout en Europe qui s’appellent « indignés », sont encore dans les limbes, désorganisés, sans structures, donc à la merci des moindres provocations, mais constituent un espoir de renouveau. Ceux-ci doivent s’épanouir.

 

 

 indignados02.jpg

Les indignados espagnols qui ont lancé le mouvement :

encore mal structurés.

 

 

Pour nos pays et pour nos peuples, le besoin vital d’Europe est là. Le seul moyen de stopper l’offensive financière est de transformer en profondeur la BCE en un institut d’émission. Si la Commission a désormais un droit de regard sur les budgets des Etats membres, il est normal d’européaniser les dettes, ce qui rendrait la situation bien plus supportable et couperait l’herbe sous le pied de l’armée des spéculateurs, véritable avant-garde de la haute finance mondiale.

 

Dans certains cas, il faudra accepter le défaut, en attendant. Cela s’est déjà fait (voir l’encadré au sujet de l’Argentine) et ce ne fut pas dramatique, mais cela doit s’accompagner d’une aide à des pays sans ressources propres comme la Grèce, sans pour autant imposer d’insupportables plans d’austérité.

 

Dans l’immédiat, comme le demande ATTAC, il faut faire un audit des dettes souveraines, car il y a une large part de dette illégitime à ne pas rembourser. Cette question de la légitimité est fondamentale. Voici ce que déclare l'économiste Cédric Durand des « économistes attérrés » :  « Comment savoir si elle est légitime, ou pas ? Une part de la dette a certes été contractée par de petits épargnants, par exemple via les fonds de pension. Mais l'autre partie correspond à de la pure création monétaire, par le système bancaire. Des banques et des fonds d'investissement ont dégagé, par l'effet de levier, des moyens financiers colossaux pour acheter cette dette, à partir de rien. L'argent qu'ils ont prêté aux États, au départ, n'est donc pas réel. En revanche, l'argent qu'ils exigent de recevoir en remboursement, lui, existe bien.

Il faut donc déconstruire ce mythe de l'argent qui est dû. La situation est d'une violence ahurissante en Grèce, il faut le rappeler. Quelques chiffres: des revenus ont diminué de 25% en deux ans, un plan de privatisations qui est de 50 millliards de dollars en cinq ans, soit 20% du PIB, c'est un état de guerre économique, le terme n'est pas exagéré, et qui pose la question: jusqu'à quel point continuer ce jeu? Je suis favorable à un moratoire sur le paiement des intérêts de la dette, et à un audit, qui permette de dire quelle dette est légitime, et quelle dette peut être annulée.»

 

En même temps, il est indispensable de neutraliser les agences de notation, ces chiens de garde de la haute finance en fondant un organisme public de contrôle permanent des dettes souveraines et des grands flux financiers, indépendant, nommé et responsable devant le Parlement européen.

 

À ce même Parlement européen, un pouvoir réglementaire doit être instauré en vue de permettre à la BCE d’émettre des Euro-obligations pour réduire l’influence des « marchés ».

 

Il s’agit d’une première étape avant des réformes de structure fondamentales qui seules, pourront donner à l’Union européenne un régime réellement démocratique.

 

Le politique doit prendre le pas sur le capital, c’est une question de survie.

 

Pierre Verhas


 

L'exemple argentin

 

 

La junte de Videla avait laissé le pays exsangue, miné par la corruption. Le gouvernement de Carlos Menem qui lui succéda appliqua une politique ultralibérale drastique : privatisations à outrance, notamment du secteur pétrolier, hausse des taux d’intérêt, libéralisation de l’économie, notamment du secteur agricole. Comme toujours, au début, les « thérapies » néolibérales donnent des résultats spectaculaires. Le pays de la Pampa connut une croissance jusqu’à  25 % de son PIB, en même temps qu’une maîtrise de l’inflation ! Les capitaux affluent, mais tout cela a un coût : la dette augmente et finit par prendre des proportions catastrophiques avec son cortège de fléaux : chômage, inflation à deux chiffres, misère dans les villes et dans les campagnes. Menem, puis son successeur La Rua, maintiennent la parité entre le peso et le dollar. Cela devient intenable, ses voisins, dont le principal, le Brésil, ayant dévalués.

 

 

Fin 2000, le gouvernement maintient la parité et fait appel au FMI qui accorde une aide de 39,7 milliards de dollars. Mais les conditions sont drastiques : libéralisation du système de soins de santé, dérégulation de secteurs clés comme l'énergie et les télécommunications, contraction des importations, flexibilisation du marché du travail, renforcement des privatisations, etc. Durant l'été 2001, le gouvernement annonce en outre une coupe de 13% dans les salaires de la fonction publique.

La spirale est inexorable : la libéralisation financière et la fiscalité inique imposées par le FMI permettent une évasion fiscale de plusieurs dizaines de milliards de dollars par an, tandis que l'Etat argentin surendetté est contraint, pour boucler ses fins de mois, d'emprunter à des taux insoutenables sur les marchés internationaux - la prime de risque atteint 40% fin 2001 !

 

 

Finalement, sous le gouvernement Kirchner, l’Argentine a décidé de faire défaut d’une partie de la dette. On est donc sorti entièrement d'un régime de renégociation des dettes souveraines encadré par les règles multilatérales imposées par le FMI. Les règles soft de la finance privée, qui sont celles du FMI, fondées sur les précédents et la bonne foi, n'ont pas fait leurs preuves : on n'est pas passé à une négociation bilatérale mais à une logique unilatérale de proposition non négociable. Aujourd’hui, l’inflation est jugulée et est passée en dessous de 3 % et l’activité économique a repris, avec une importante diminution du chômage, même si tous les dégâts de cette politique folle ont laissé d’importantes traces.

 

Cette crise argentine qui a trouvé un début de solution qui ne va pas du tout dans le sens des politiques ultralibérales imposées par le FMI et les institutions financières, permet de tirer d’importantes leçons. Tout d’abord, le capitalisme n’est plus un bloc monolithique comme Marx le concevait à son époque. Sa mondialisation a entraîné une certaine anarchie qui est son point faible. Un gouvernement soutenu par le peuple, capable de prendre des mesures efficaces, peut enrayer avec efficacité les crises provoquées par la cupidité des détenteurs de capitaux. Cette politique argentine est exemplaire pour l’Europe et le reste du monde.

 

 

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13 juillet 2011 3 13 /07 /juillet /2011 11:03

  

L’ancien Ministre-Président wallon, ancien Bourgmestre de Liège et ancien Parlementaire, le Wallon Liégeois Jean-Maurice Dehousse a durement tancé son actuel successeur, Rudy Demotte : « Le susdit Ministre-Président de la Région Wallonne vient de proférer ce que par pure politesse, on appellera une ânerie monumentale, qui lui vaudrait d’être « busé » (recalé, repoussé) dans n’importe quelle université digne de ce nom.

Il a cru bon, en effet, de déclarer avec la solennité qui entoure les conneries publiques que « la nation était dépassée car c’était une idée du dix-neuvième siècle ».

Une mise au point semble nécessaire.

 

 

   Dehousse Demotte  

    

Jean-Maurice Dehousse et Rudy Demotte : deux conceptions contradictoires de la nation 

 

 

La nation est aujourd’hui un concept dépassé et nuisible, M. Dehousse.

 

Vous le rappelez : il est spectaculairement né à Valmy, le 20 septembre 1792, lorsque les soldats de l’an II vainquirent les régiments du duc de Brunswick au cri de « Vive la Nation ! », ce qui fit dire à Goethe qui était « témoin » - on dirait aujourd’hui correspondant de guerre – « De ce jour et de ce lieu date une ère nouvelle de l’histoire du monde et vous pourrez dire : j’y étais.  ». Nation, en ce temps, n’avait pas du tout le même sens que de nos jours : il s’agissait d’une association de citoyens adhérant aux mêmes valeurs quelles que soient leurs origines. C’est ainsi que l’Américain Thomas Paine siégeait comme député du Pas de Calais à la Convention nationale. L’appartenance d’un étranger à la Nation, parce qu’universelle, était bien moins restrictive qu’aujourd’hui.

 

 Bataille_de_Valmy-copie-1.jpg

"Vive la Nation !" Le cri révolutionnaire au pied du célèbre moulin de Valmy.

 

Ce concept révolutionnaire a évolué en celui d’Etat nation qui est à l’origine des atroces conflits qui ont ensanglanté l’Europe dès la seconde moitié du XIXe siècle. Et à partir de la fin du XXe siècle, l’Etat nation est secoué par les forces centrifuges du nationalisme régional et, pire, ethnique. Où est, M. Dehousse, le concept universel de Nation né de la Révolution française ?

 

Le sanglant conflit yougoslave aurait dû servir d’avertissement. Non, du moins en Belgique, on a laissé s’épanouir le nationalisme flamand qui croit pouvoir préserver l’illusoire identité ethnique par l’agression, le repli sur soi et le refus d’ouverture sur le monde. Dites-vous bien que  les Flamands seront les premières victimes de cette chimère.

 

 

 

 

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Funérailles de 450 victimes du massacre de Srebrenica : où mène le nationalisme ethnique ?

 

 

La solution de la crise belge, comme la solution de la crise des dettes souveraines passent par le dépassement de l’égoïsme national, car l’universel, aujourd’hui, a une dimension bien plus large que le cadre national d’antan.

 

Pierre Verhas

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10 juillet 2011 7 10 /07 /juillet /2011 20:27

 

Plus que probable victoire d’Eva Joly

 

Les premiers résultats du deuxième tour des « primaires »  du parti « Europe Ecologie Les Verts » (EELV) donnent Eva Joly largement en tête vis-à-vis de son « compétiteur » Nicolas Hulot. Hulot était soutenu par l’appareil de d’EELV, malgré cela, l’ancienne juge d’instruction semble l’emporter haut la main.

 

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Hulot songe à une nouvelle émission Télé. Joly prépare la bataille

des présidentielles. A chacun son destin...

 

 

C’est une victoire de la base. C’est une victoire de la gauche. Allons, fêtons cela, on n’avait plus l’habitude de cela. Eva Joly a le mérite de son expérience de juge d’instruction, de Parlementaire européenne où elle jouit d’une excellente réputation et d’une grande honnêteté intellectuelle. De plus, elle a une analyse très fine de la crise de la dette souveraine.

 

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Christophe de Margerie (Total) : pas content !

 

 

D’ailleurs – et c’est bon signe – cela râle ferme à droite. La « sectaire » est passée ! Christophe de Margerie, le beau moustachu, PDG de Total, est furieux. Joly aurait dit que l’accident d’AZF à Toulouse aurait fait 31.000 morts. Or, il y en a eu 31.

 

Lapsus, mais si on compte toutes les victimes de l’exploitation pétrolière dans le monde, on ne doit pas être très loin du compte.

 

Bien obligés de les relâcher

 

Les militants pro-palestiniens qui ont été arrêté à l’aéroport de Ben Gourion ont été conduits manu militari dans un centre de détention près de Tel Aviv et dans un autre à Beersheva, dans le désert du Neguev. Ce n’est pas l’endroit le plus froid au monde… Tout a été fait par les autorités israéliennes pour les dissuader de recommencer. Cela prouve qu’elles sont gênées dans leurs entournures… Le blocus de Gaza et la colonisation à outrance ont leur limite.

 

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Militants pour la Palestine à l'aéroport Ben Gourion

 

 

En attendant, les quarante militants belges (sur 118) seront en principe de retour à Bruxelles demain. Les garder trop longtemps risquerait de provoquer des tensions diplomatiques.

 

Allons ! C’est une victoire en soi.

 

Bien audacieuse Christine

 

 

Christine Lagarde, fraîche émoulue PDG du FMI par la grâce d'un léger accident à la suite 2806 du Sofitel de New York, a tout d'abord félicité son prédécesseur. C'est la moindre des politesses après qu'il lui ait aussi généreusement cédé sa place.

 

 

 

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Christine Lagarde, l'audacieuse nouvelle DG du FMI

 

 

Ensuite, elle a exigé que le gouvernement américain relève le plafond légal de la dette US. Elle oublie l'obligation de passer par le Congrès. Et les Républicains bloquent tout au point que le rapporteur démocrate chargé de ce nouveau projet de loi a jeté l'éponge.

 

La grande Christine va arranger cela, c'est sûr !

 

 

Bart fait de l’histoire

 

Normal pour un historien, direz-vous. BDW a donné un véritable cours d’histoire de la Flandre après la bataille des Eperons d’or à Courtrai qu’il a terminé avec un verre de bière. Cela ne l’a pas empêché de fustiger le « statu quo » que lui imposeraient les francophones, surtout en matière socio-économique. La note de Di Rupo est beaucoup trop à gauche pour lui.

 

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Le professeur Bart De Wever à la fin de sa leçon

 

 

Quand on vous disait que derrière le « communautaire » se cachait une offensive ultralibérale.

 

PV

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9 juillet 2011 6 09 /07 /juillet /2011 15:29

J’ai eu l’idée saugrenue d’envoyer au blogueur – auteur Marcel Sel, mon dernier « papier » sur votre blog préféré : « L’Atomium est proche de l’Acropole » qui commentait la dernière rebuffade belgo-belge avec le refus de la NV-A de discuter de la note du formateur Elio Di Rupo.

 

M. Sel trouve bizarre que tout en dénonçant le nationalisme flamand agressif, je me refuse à le diaboliser. Au passage, il ne s’est pas aperçu que je critique aussi le soi-disant « universalisme » francophone qui cache mal un repli sur soi de la part du FDF qui ne parvient pas à se débarrasser de son refus de toute concession.  Or, les négociations devraient normalement se mener avec ces gens-là. Le très néolibéral Ministre des Finances Didier Reynders a eu une parole juste : « Une négociation ne se fait pas entre colombes mais entre faucons. » Encore faut-il faire la différence entre le but avoué et l’objectif réel de ces faucons.

 

Ecartons d’abord l’un des deux faucons : les francophones radicaux du FDF ne représentent quasi rien. Leur électorat est étique – ils n’ont obtenu que trois sièges à la Chambre – et ils n’ont aucune capacité de mobilisation populaire. Et pire, ils n'ont aucune stratégie. Ils subissent l'événement. Ils ne servent en définitive que d'épouvantail au nationalisme flamand qui s'en sert pour affaiblir les Wallons et les Bruxellois francophones. Aussi, le faucon flamand représenté non seulement par la NV-A mais aussi par l’ensemble du nationalisme flamand qui va des néo-nazis du Vlaams Belang à une large partie du CD&V, voire même à certains libéraux flamands, est majoritaire en Flandre.

 

Aussi, l’interlocuteur francophone – wallon plus bruxellois – est composé de colombes avec en avant-garde, Elio Di Rupo. Comme le Roi l’a coiffé de la casquette de formateur, il a remisé celle de président du PS. Or, s’il était légitime de se présenter avant tout comme formateur, il devait, du moins sur l'essentiel, rester Socialiste. Il ne l’a pas fait. Il aurait dû présenter un projet au lieu d'un catalogue de propositions destinées à satisfaire les uns et les autres, c'est-à-dire à tenter d'allier l'eau et le feu. Or, M. Di Rupo aurait dû ne pas oublier qu’il représente avant tout un important courant politique et social. C'est pour cela qu'il a été élu. La classe ouvrière et le monde du travail wallon et bruxellois sont inquiets des menaces qui pèsent sur l'Etat social. Ils pourraient à l'avenir se détourner du PS et on ne serait pas loin de « l'aventure » et pas seulement pour la gauche.

 

Résultats : A force de chercher le compromis, il a exclu la défense des principes de base. Qu’il ait proposé des concessions sur BHV, c’est normal, on ne peut s’en sortir autrement. Par contre, avoir, par son saupoudrage de mesures sur le plan économique et social, compromis l’Etat social, est une faute politique majeure.

 

D’ailleurs, les organisations syndicales l’ont compris : Anne Demelenne, la  secrétaire générale de la FGTB, a bien résumé l’aspect socio-économique de la note de Di Rupo : « L’impact de toutes les mesures de régression sociale est chiffré de manière très précise, les quelques propositions de progrès sont floues ». Et puis – et c’est une excellente chose – le front commun syndical est reconstitué, ce qui accroît quelque peu le rapport de force pour le monde du travail.

 

Le nationalisme flamand a trouvé un écho dans le haut patronat flamand par l’intermédiaire de l’association d’employeurs le VOKA, pendant de la FEB en Flandre et d’ailleurs majoritaire au sein de celle-ci. Ce n’est pas un hasard. Le patronat se moque du nationalisme, mais il l’appuie car une division de la Belgique par un transfert massif de compétences, dont celles de la Sécurité sociale, vers les Régions et les Communautés va amener à établir des règles différentes de la redistribution entre le Nord et le Sud, c’est-à-dire à créer une concurrence entre les deux systèmes, mais aussi réduira dangereusement leurs financements par la division de l’assiette en deux. En effet, un système de Sécurité sociale avec une assiette de 4 à 6 millions d’habitants est moins fort qu’avec 10 millions.

 

En outre, avec des mesures de régression sociale sur le chômage, la réduction de moitié de l’augmentation annuelle du coût des soins de santé, la suppression de la déduction fiscale sur les titres-service qui ne fera qu'accroître le chômage et l'économie parallèle, des mesures vexatoires au sujet de la notion « d’emploi convenable » (par exemple : faire passer l’éloignement maximum du domicile au lieu de travail de 30 km à 60 km), il y aura un détricotage progressif de l’Etat social.

 

Il n’y a en outre pas un seul mot dans la note sur l'avenir des services publics (SNCB, Postes, Télécommunications, etc.). C’est également révélateur.

 

Que dire de tout cela ? Il n’y a qu’une possibilité : une médiation extérieure. Pourquoi pas de « sages » désignés par le Parlement européen qui n’ont aucun lien avec la Belgique ? Il faudrait bien sûr, afin que cela ait une certaine efficacité, leur donner des pouvoirs équivalents à ceux des membres d’une commission d’enquêtes. Ils seraient chargés de consulter au préalable, d’élaborer des propositions, éventuellement d’organiser des consultations populaires. Cela ne serait pas possible ?

 

Ne perdons pas de vue que nous nous dirigeons lentement mais sûrement vers une situation à la Yougoslave et le problème, là-bas, a connu un début de solution grâce à une intervention étrangère. A moins qu'il y ait un réel soulèvement populaire pour la défense de l'Etat social, c'est-à-dire de notre civilisation. Mais, on est loin du compte, car il faudrait un levier majeur pour ce faire. Les « indignés », c'est bien sympathique, mais c'est loin d'être suffisant.

 

Bizarre, vous avez dit bizarre ?

 

Pierre Verhas

 

Cet article sera complété par une analyse sur la gauche, l’Etat social et l’Etat nation, car, la situation belge suscite, cela va de soi, ce débat fondamental.  

 

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8 juillet 2011 5 08 /07 /juillet /2011 13:34

C’est la énième crise depuis les élections législatives belges de juin 2010.  Elio Di Rupo n’est pas parvenu à convaincre le premier parti de Flandre, la nationaliste NV-A d’entamer des négociations sur la base de sa note de « formateur ». C’était prévisible.

 

La stratégie du président du PS que le Roi a coiffé de la casquette de formateur, consiste à saupoudrer une série de mesures pour satisfaire les uns et les autres. Il n’a eu ni le courage, ni la volonté, ni la capacité (au choix !) de définir une ligne claire pour une réforme de l’Etat et pour répondre à la crise de l’Euro. Résultat : il a mécontenté tout le monde. La gauche comme la droite. Les partis francophones et les petits partis flamands lui ont répondu « oui mais », par peur d’être laminés par l’ogre nationaliste. C’est un « non » franc et massif de la NV-A et son mentor, le chrétien CD&V suit, car il ne peut faire autrement : il sait qu’il disparaîtrait.

 

Pendant un an, les politiciens traditionnels ont retardé l’échéance inéluctable en  tentant moult compromis boiteux sous le regard amusé du seul maître du jeu : Bart De Wever, le patron de la NV-A. Aujourd’hui, cela ne l’amuse plus. Il rappelle à son collègue Di Rupo qu’il est impossible de « concilier l’inconciliable », comme le prétendu magicien montois aurait voulu faire !

 

Alors, quoi ? Des élections ? C’est ce à quoi tout le monde pense. « Il n’y a pas d’alternative, ma p’tite dame ! ». Et après ? Raz de marée NV-A et de l’extrême droite en Flandre, déliquescence de tous les autres partis. Les nationalistes disposeront ainsi de toutes les manettes de commande. L’establishment fera pleurer sur son triste sort dans les chaumières et l’aventure pourrait même conduire à la guerre civile : la conjonction du nationalisme et de la crise économique et sociale en est un puissant ingrédient. Il y a danger et même danger mortel !

 

Danger mortel pour le monde du travail, danger mortel pour la Belgique, danger mortel pour l’Union européenne.

 

Dans un Etat en décomposition, les néolibéraux pourront s’en donner à cœur joie. Les « marchés » imposeront leur diktat à une Belgique en lambeaux : l’Atomium est proche de l’Acropole. Le peuple en Belgique, comme déjà en Grèce et bientôt au Portugal, trinquera. Sa situation deviendra insupportable. Il ne lui restera plus que la révolte. Et la révolte, tout aussi légitime soit-elle, n’est pas la révolution. Le risque est réel de se retrouver dans le processus infernal : « provocation - répression ». Il est plus que temps que la gauche – la vraie – se réveille et organise la riposte. Cela urge ! Et pour garder un semblant d’espoir : cette obligation vitale pourrait réveiller les principes du socialisme démocratique – à ne surtout pas confondre avec « social – démocratie » - qui seuls, peuvent jeter les bases d’une société juste et libre.

 

 

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L'Atomium est proche de l'Acropole

 

 

Ce jeudi 7 juillet, Bart De Wever a annoncé le prochain décès de l’Etat-nation Belgique. Il était illusoire depuis longtemps  de vouloir maintenir un royaume dont les structures figées n’ont pas permis de s’adapter à l’évolution des choses et des esprits. Toutes les prétendues réformes de l’Etat engrangées depuis les années soixante n’ont fait que diviser de plus en plus ce petit royaume composé de deux agrégats ethnico-culturels ni français, ni allemands, ni hollandais, mais un peu les trois à la fois. Certains disent que c’est la chance de leur vie : la rencontre des cultures, « rencontre » - ne l’oublions pas – pouvant prendre plusieurs sens, comme celui de « rencontre de boxe », par exemple. Cependant, nul n’a osé donner le signal de la partie. On a évité, comme on dit aujourd’hui, « les questions qui fâchent », en clair, de fixer le statut de Bruxelles, de choisir entre l'institution régionale et l'institution communautaire, de régler le contentieux de minorités comme les Flamands à Bruxelles, les Francophones dans la périphérie bruxelloise et les Wallons dans les villages des Fourons. Ainsi, Bart a sonné le gong avant le début du match.

 

Enfin, il y a de chaque côté le refus de prendre en compte le point de vue de l'autre qui est systématiquement diabolisé. Il est dès lors impossible de débattre en toutes clarté et sérénité. C'est ainsi que l'on se trouve devant deux  conceptions incompatibles du « vivre ensemble ». D’un côté un nationalisme ethnique militant et offensif, de l’autre les tenants d’une conception qu'ils prétendent universelle des mécanismes politiques et sociaux, tout en pratiquant une stratégie défensive et tout aussi exclusive. C’est cela « l’inconciliable ».

 

Et l’Etat belge dans tout cela ? Un Roi dénué de pouvoirs réels, ne disposant même plus de sa capacité d’influence, un homme vieillissant et à la santé fragile, son successeur potentiel s’avérant inapte à prendre les rênes de l’Etat ; une classe politique démonétisée, incapable de tout sursaut, honnie et méprisée ; une économie délabrée, désarmée, dépendante des marchés extérieurs, dont les dirigeants ne pensent qu’à préserver leur profit personnel avec une industrie réduite à une peau de chagrin par les délocalisations, avec un secteur financier passé entre les mains des banques françaises et hollandaises ; une pseudo nation  divisée entre le Nord ayant encore l’illusion de son ancienne prospérité et le Sud croyant en un improbable redressement , des services publics démantelés par les filialisations et autres privatisations, un Etat providence raboté par un chômage endémique, par un vieillissement pourtant prévisible, Etat providence qu’une classe bourgeoise égoïste et les entreprises et les banques multinationales cherchent à anéantir. Vaut-il la peine d’encore se battre pour ce pays ?

 

Sur le plan européen, la sérieuse instabilité de la Belgique peut avoir de graves conséquences. Un éclatement de la Belgique aurait sans doute un effet d’entraînement. L’Espagne, l’Italie, la Grande Bretagne sont, en tant qu’Etat-nation, rongées par des nationalismes régionaux qui se renforcent. Dès lors, la Belgique serait un détonateur de l'éclatement de l'Etat-nation, entité inefficace parce que dépassée  et d’autres suivraient immanquablement, pour aboutir au pire scénario : la balkanisation d'un continent.

 

Les blocages institutionnels belges qui durent depuis cinq ans, deviennent intenables. Les différentes forces politiques du pays sont désormais incapables de donner une réponse crédible et d’engranger un accord durable. Il n’y a d'ailleurs pas de solution satisfaisante : la séparation pure et simple poserait le problème de Bruxelles et l’on peut douter que des entités aussi petites que la Flandre et la Wallonie dans l’Europe soient viables. Un rattachement de la Wallonie ou de la Flandre à un Etat voisin est irréaliste. Un compromis entre les entités belges est quasi exclu et serait de toute façon éphémère, car il est impossible de concilier les revendications et les conceptions du Nord avec celles du Sud.

 

Une intervention politique de l'Union européenne est la seule possibilité pour tenter d’en sortir, à la condition que chacun mette ses a priori au vestiaire. Cela est loin d’être acquis !

 

Pierre Verhas

 

 

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6 juillet 2011 3 06 /07 /juillet /2011 10:16

Mai 2011, juin 2011. Patatras ! DSK se fait prendre en position délicate en sa chambre d’hôtel à New York ! Il a vraiment une trop bonne santé : il n’aurait certes pas été un de ces malades qui nous gouverne. Alerte rouge dans la caste ! BHL, à peine remis de ses randonnées libyennes, sonne l’hallali : la justice américaine est ignoble ! Tiens ! Il rejoint les rangs des « nauséabonds » pourfendeurs de la « plus grande démocratie » du monde – avec en primes les propos pas très « pc » ([1]) des copains Jack Lang – « Il n’y a pas mort d’homme ! » - et Jean François Kahn – « troussage de domestique » ! Jean Daniel se doit d’en rajouter une couche : l’Europe et l’Amérique, ce n’est pas la même civilisation ! Le « choc des civilisations  dans la suite 2806 », le nouveau film X pour public BCBG. Aux orties les grands principes ! Grattez le vernis…

 

Mesdames, Messieurs, restez à vos places ! Le feuilleton n’est pas terminé. Notre vertueux ex-directeur général est redevenu blanc comme neige par la grâce de son ex objet sexuel passé du statut de malheureuse petite victime Noire immigrée, à celui de prostituée abjecte… Anne Sinclair, elle, retrouve le sourire. Pensez donc ! Elle récupère les quelques liards qu’elle a bien dû laisser en gage à cette infâme justice yankee pour que son aussi vigoureux qu’imprudent compagnon puisse vivre en paix dans un « çà m’suffit » à 50.000 USD par mois dans le quartier « bobo » de la Grande Pomme. C’était vraiment la lutte des classes.

 

Bah ! C’est tout bénéfice pour Martine Aubry qui de candidate de substitution devient candidate à part entière. Au passage, en bonne socialiste de « gauche », elle félicite bruyamment la très néolibérale Christine Lagarde qui succède au malheureux petit polisson toujours en liberté surveillée chez les méchants Ricains…

 

Et les Grecs, dans tout cela ? Ils n’ont qu’à payer les malheureuses banques qui leur avaient si généreusement accordé de beaux crédits que ces inconscients ont dilapidé sous l'oeil attendri et complice de Goldman Sachs, ce champion de la finance vertueuse. Enfin « ils », le peuple, bien sûr. Les riches ne paient pas d’impôts ! C’est normal, non ? Et puis, cette basse classe a un lot de consolation : l’Espagne, le Portugal, l’Irlande vont casquer aussi ! Alors, entre grugés, il faudra bien s’indigner. Le tout est dans la manière de s’indigner. Et si d'aventure, cela devient trop méchant, il y en a qui feraient bien se rappeler la fable du mouton enragé.

 

Racismes officiel et honteux, « choc des civilisations », banques, arrogance, extrême-droite se portent bien. Qui trinque ? Le peuple, voyons ! Comme toujours...

 

Ambiance !

 

Pierre Verhas



[1]« pc » : mais non, ce n'est pas le dinosaurien parti communiste, c'est le politiquement correct, tout aussi, si pas plus, totalitaire.

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1 juillet 2011 5 01 /07 /juillet /2011 17:16

L’actuelle crise de la dette souveraine qui touche en premier lieu la Grèce et qui va sans nul doute, dans les semaines à venir, frapper le Portugal, l’Espagne, l’Irlande et l’Italie, pour ensuite s’étendre à la France et à la Belgique, s’est aggravée par la non-Europe.

 

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Fortis, dans la tourmente, aurait dû être "européanisée".

 

 

Lors de la crise financière de 2008, on a vu une Commission européenne aux abonnés absents. Chaque Etat s’est « débrouillé » avec ses banques sans qu’il n’y ait aucune solidarité au niveau de l’Union européenne. Lors de l’affaire Fortis, Didier Reynders, le très néolibéral ministre des Finances du Royaume de Belgique, a refusé d’envisager l’idée d’une nationalisation. Certes, cela aurait comporté un risque sérieux pour les finances publiques belges, mais c’eût été une solution bien préférable à celle de brader la plus grande banque belge à la Française BNP-Paribas qui est devenu ainsi la plus grande banque européenne, au détriment de l’Etat belge qui y détient une part importante de capital, mais qui ne participe en rien au processus de décisions dans cet organisme financier. Ce n’était pas une nationalisation, ce fut une privatisation  au détriment du contribuable belge.

 

La responsabilité des banques

 

Or, dans cette crise bancaire, il eût été bien plus judicieux d’européaniser le secteur bancaire, du moins celui des grandes banques, dans deux buts : assurer à la puissance publique européenne un contrôle du secteur financier qui aurait permis d’éviter toutes les dérives, et en outre, de construire une puissance financière qui aurait pu constituer une arme très efficace dans l’économie mondiale.

 

Nous retrouvons les mêmes erreurs dans l’actuelle crise de la dette souveraine. Non seulement, par la faute des banques, la dette publique devient insupportable, et par la faute d’une direction néolibérale et antidémocratique, sont imposés des plans d’austérité qui détruisent l’Etat social, qui empêchent toute relance de l’économie par le blocage de fait de tous les investissements. Ainsi, les exportations et le marché intérieur européen sont durement touchés. Il est évident que tout cela est voulu et participe d’un objectif politique : imposer le néolibéralisme dans l’Union européenne.

 

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L'allemandJoschka Fischer, ancien ministre Vert des affaires étrangères

 

  

Joschka Ficher, l’ancien ministre écologiste allemand des affaires étrangères du gouvernement Schröder (1995 – 2008) fait cette analyse : « Les banques ont une grande responsabilité dans la crise financière. En 2009, j'étais favorable à une nationalisation temporaire des banques. Non pas que les banques publiques soient mieux gérées que les banques privées, mais pour les forcer à modifier radicalement leur structure, et à changer leurs dirigeants. Nos dirigeants ont laissé passer cette occasion unique de réguler le système financier. Désormais, le casino a rouvert... Si la Grèce fait faillite, nous aurons une nouvelle crise financière, et ce sera sans doute encore aux Etats de payer, car les banques sont malheureusement redevenues “too big too fail”. » (Mediapart – 1er juillet 2011)

 

 

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Eva Joly, la candidate EELV, une analyste rigoureuse

 

 

Pourtant, nous nous trouvons dans une situation inquiétante. Non seulement, la crise bancaire commencée en 2008 et qui se poursuit aujourd’hui avec la crise de la dette souveraine, a provoqué une hausse moyenne de 20 % de la dette publique de l’ensemble des Etats membres de l’Union, mais, selon la parlementaire européenne écologiste, Eva Joly : « L'endettement grec est de 300 milliards, soit 150% du PIB. Les Grecs ne peuvent pas faire face. Ils doivent donc refuser le plan tel qu'il est annoncé, parce qu'il est injuste, et parce que les conséquences politiques de cette politique d'austérité sont ingérables. Les Grecs ont déjà eu une réduction des salaires de 20%. Beaucoup de salariés gagnent 600 euros aujourd'hui. Environ 40% de la population ne peut plus payer l'électricité. Les limites sont atteintes. » Que va-t-il donc se passer ?

 

Une Europe à droite

 

Le Parlement européen et la Commission européenne n’ont jamais été aussi à droite depuis la fondation de la Communauté européenne en 1958 ! Le rapport de force est donc favorable aux thèses ultralibérales qui s’inscrivent dans l’orthodoxie monétaire inscrite dans les traités. La politique monétaire est uniquement anti-inflationniste, point à la ligne. La Banque centrale européenne (BCE) ne peut prêter aux Etats-membres. Le Conseil des Ministres des Finances de l’UE s’oppose à toute restructuration de la dette grecque. C’est l’impasse ! Nous en sommes au troisième plan de « sauvetage » de la Grèce depuis un an et au deuxième programme d’austérité et rien ne garantit que la patrie de Périclès pourra s’en sortir, les deux premiers plans n’ayant qu’aggravé la situation.

 

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Sarkozy et Merkel : les fossoyeurs de l'Europe

 

Or, ce blocage est dû, non pas à « l’Europe », mais à l’obstination de deux leaders : Sarkozy et Merkel. Ficher ajoute : « C'est à ces deux gouvernements [le Français et l’Allemand] qu'il revient désormais de sauver tout ce que nous avons réalisé en Europe ces 60 dernières années. Si l'euro échoue, le coup porté à tout ce qui a été construit, au marché commun, à la politique agricole commune, sera très lourd. Si l'on renationalise les politiques européennes, alors les contradictions entre les différentes économies risquent de resurgir. Les économies les plus faibles chercheront à se protéger. Nos différences culturelles risquent d'être instrumentalisées à des fins politiques. Aujourd'hui, le rebond de l'Europe dépend de nos deux pays. Malheureusement, ni la France ni l'Allemagne ne semblent se soucier de retisser une perspective commune... »

 

Vite, une politique !

 

Autrement dit, le blocage est dû à la non-Europe. Ce sont les deux puissants Etats membres de l’Eurozone qui mènent la danse au plus grand profit de la haute finance européenne. Il n’y a aucune solidarité européenne. On remarque que la Commission est étrangement silencieuse sur le processus de décision, mais dès que celle-ci est prise, elle l’applique avec zèle. Un bon petit chienchien, cette Commission ! Bien sûr, la non-solidarité est inscrite dans les Traités. Ainsi, la BCE ne peut prêter à des Etats. Pourtant, elle a bien été obligée de le faire. Junker, le Premier ministre luxembourgeois et Président de l’Eurogroupe, plaide pour la création d’Euro-obligations ou « Eurobons ». C’est aussi interdit par les Traités. Pourtant, rien n’empêche de violer ces dispositions. Après tout, un Traité est le fruit d’un compromis à un moment donné. Lorsque les circonstances changent, il faut bien être pragmatique et changer les choses, avant de les figer dans des textes qui définissent non pas des règles fondamentales, mais une politique.

 

Les néolibéraux ont voulu que les Traités inscrivent leur credo politique en lettres d’or. Eh bien ! Fi des Traités et agissons dans l’intérêt des peuples ! De toute façon, les faits rendent impossible le respect de ces règles. C’est une faillite retentissante des politiques néolibérales. Un petit exemple : un article du banquier belgo-américain, Georges Ugeux, extrait révélateur de son blog hébergé par « le Monde » :

 

« Le rendement des obligations grecques a augmente de 12% ce vendredi.

Je dois à un des commentateurs de ce blog d’avoir trouvé sur Bloomberg un graphique qui, pour moi résume d’une manière frappante la manière irresponsable dont la Commission Européenne, la Banque Centrale Européenne et le Fonds Monétaire International ont gère la crise grecque. Il y a un an, les obligations à trois ans de la Grèce avaient un rendement de 8%. Ce rendement est maintenant de 30%. Le cout théorique de cette hausse dépasse 100 milliards d’euros.

Nous voici maintenant acculés à des solutions qui proviendront de la poche des contribuables de l’Eurozone. Tout cela aurait pu être évité si nous avions à la tête des Etats Européens et des autorités internationales de vrais dirigeants qui assument leurs responsabilités.

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Rendement des obligations grecques a trois ans au cours des douze derniers mois (en pourcentage) - (graphique Bloomberg)

Quant au changement de cabinet grec c’est du placebo qui visait a écarter le Ministre grec des Finances et à le remplacer par le Ministre qui « protégeait » les dépenses militaires qui sont les plus élevés par rapport au Produit national Brut de tous les pays européens…sans doute pour répondre a une invasion turque !

Dans ce contexte, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy annoncent qu’ils veulent une solution rapide. Cette hypocrisie est d’autant plus scandaleuse que c’est leur mésentente sur le dossier grec qui est à la source de l’incapacité européenne de décider. Ils ont la clé de la solution.

Leur déclaration d'accord n'a pas empêché les obligations grecques de continuer à s'enliser. Seules des actions concrètes permettront de sortir de cette souricière. Cette nuit, l'agence de notation Moody's, annonce une baisse possible de la note de l'Italie. »

Notons au passage qu’une des causes de l’endettement de la Grèce vient de ses dépenses excessives en matière de défense. Le journaliste québécois Oscar Fortin écrit dans le « Grand Soir » : « De 2005 à 2008, la Grèce a doublé la valeur de ses emprunts pour payer des armes dont elle n’avait pas besoin. Selon une recherche conjointe de juges grecs et allemands, les vendeurs d’armes ont utilisés la corruption pour s’assurer la collaboration d’importants hommes politiques, de fonctionnaires et de chefs militaires. L’argent emprunté pour acheter ces armes vient des mêmes pays d’où proviennent les armes, soit les États-Unis, la France et l’Allemagne. De 2005 à 2008, les prêts consentis à la Grèce pour l’ensemble de ses obligations ont atteints la somme astronomique de 160 000 millions de dollars. Pour un pays de 11 millions d’habitants c’est peu dire.

  

Avec cet argent la Grèce a amplement de quoi payer la facture de 3 milliards de dollars en hélicoptères de combat français, 2 milliards en avions de combat étasuniens, plus ou moins le même montant pour les avions Mirage français et presque le triple en sous-marins allemands.

Ce ne sera qu’à partir de 2009 que la Grèce commencera à avoir des difficultés de paiement pour couvrir ses achats d’armes et ce sera à ce moment que l’Union Européenne se montrera préoccupée. D’ailleurs, c’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le débat récent entre l’Allemagne et la Banque Centrale Européenne portant sur la meilleure manière d’aider la Grèce à honorer ses paiements sur la dette qui l’accable. Dans ces discussions on parle beaucoup plus de coupures dans les programmes sociaux que de ceux sur les armements. (…) Comment, dans pareil contexte, ne pas voir un parallèle avec ce qui s’était passé en Argentine à la fin des années 1990 et 2000 ! Y a-t-il derrière un tel procédé une stratégie de l’endettement visant à prendre le contrôle de pays et même de peuples entiers ? Cette stratégie, bien assaisonnée par la corruption des principales têtes dirigeantes, ne permet-elle pas, tout à la fois, la prise de contrôle d’un État et les ressources nécessaires destinées à leurs propres industries ? »

Il est évident que cette question de la dette s’inscrit dans une stratégie globale d’affaiblissement des Etats. L’Etat grec était faible avant cette crise : rien n’a été fait pour le redresser et lui donner la possibilité de construire une économie moderne, depuis la chute de la dictature des colonels – encore une fois, la non-Europe – et on s’aperçoit que la corruption, de phénomène social, devient une arme stratégique. Les impôts ne sont pas levés. Les couches élevées ne le dispensent pas, l’Eglise orthodoxe, principal propriétaire immobilier, ne paie pas l’impôt. Cette situation est intenable, d’autant plus que la Grèce n’a aucune ressource économique propre en dehors du tourisme.

 

Une pagaille inextricable

 

Cependant, cette stratégie conduit à une pagaille inextricable ! Et en agissant en « nationaux », Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ne font qu’aggraver la situation au seul profit des banques.

 

 Draghi_Lagarde.jpg

Draghi et Lagarde au service de l'ultralibéralisme

 

La BCE et les banques ne veulent en aucun cas d’une restructuration de la dette grecque. Et il ne faudra pas s’attendre à une position plus souple de cette banque depuis la nomination de Draghi en remplacement de Trichet et celle de Lagarde en lieu et place de DSK. De plus, Sarkozy et Merkel s’opposent à la seule proposition responsable émise depuis le début de cette crise, celle de Junker : la création d’euro-obligations par la BCE. En effet, s’il y avait une solidarité européenne en « européanisant » les dettes souveraines, par la création d’euro-obligations à taux d’intérêt raisonnables, au lieu de laisser faire les « marchés » (voir le graphique Bloomberg dans l’encadré : on atteint pour les obligations grecques à 3 ans, des taux de 28 % !) qui permettraient une restructuration sans trop de douleur de la dette grecque, on sortirait de cette crise. C’est d’ailleurs la seule solution et bien des responsables politiques, même libéraux, sont persuadés que l’on ne pourra pas faire autrement. Le « TINA » (There Is No Alternative) se retourne contre les ultralibéraux en quelque sorte !

 

La force populaire

 

Cela dit, il est évident que les mouvements populaires et citoyens que l’on voit naître un peu partout en Europe, des « indignés » aux différentes mouvances syndicales, mutuellistes, altermondialistes commencent à constituer une force importante. Ils devront profiter de cet échec majeur des néolibéraux comme levier pour instaurer de réels changements. Et ces changements, ce sont une régulation financière notamment par l’introduction d’une taxe sur les transactions financières (la taxeTobin) qui est comme par hasard sérieusement étudiée par la Commission, c’est l’instauration d’une harmonie fiscale dans l’Union, au moins dans l’Euro-zone, c’est une autre conception de la monnaie unique, avec une BCE, institut d’émission placée sous contrôle démocratique, c’est l’éradication du dumping social qui provoque les délocalisations au sein même de l’Union au profit de l’Allemagne et de ses « colonies » d’Europe de l’Est, par la fixation des minimas sociaux en matière de salaire, d’allocations sociales et de pensions. Tout cela ne pourra se faire que démocratiquement, en fondant un gouvernement économique ET social responsable devant le Parlement européen, la Commission étant soit supprimée ou réformée en direction administrative. Seuls, le gouvernement européen et le Parlement doivent avoir le pouvoir réglementaire. Voilà quelques idées émises par des responsables politiques lucides et les mouvements alternatifs.

Ainsi, sortira-t-on de la non-Europe.

 

Pierre Verhas

 

 

 

 

 

 

 

 

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