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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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25 juin 2011 6 25 /06 /juin /2011 23:12

La dernière intervention de l’Union Européenne pour « sauver » la Grèce de la faillite – technocratiquement dit « du défaut » - va coûter une fois de plus 110 milliards d’Euros aux contribuables de la zone Euro. Autrement dit, selon une étude britannique citée hier le 23 juin 2011 par le journal économique français Les Echos : grâce aux « plans de sauvetage » de la Grèce et au « mécanisme européen de stabilité » mis en place par la BCE, le FMI et l'Union, « la part de dette hellénique aux mains des contribuables étrangers passera de 26 % à 64 % en 2014. Cela veut dire que l'exposition de chaque foyer de la zone euro va passer de 535 euros aujourd'hui à 1.450 euros ». En clair, chaque foyer européen se voit endetté aujourd’hui de cette somme. Et rien ne dit que cela ne va pas aller crescendo, étant donné les difficultés que connaissent d’autres pays de l’Eurozone : l’Espagne, le Portugal, l’Italie, l’Irlande – les fameux « PIGS » - et dans un délai plus ou moins rapproché : la France et la Belgique.

 

La catastrophe est imminente et ce n’est pas un scénario de politique-fiction.

 

 

 

herman van rompuy

 

 

Herman Van Rompuy ou la faiblesse politique de l'Europe

 

 

« La crise, chacun le sait, est largement de la faute des banques américaines, qui ont trop prêté et développé des produits spéculatifs. Pour les sauver, le Trésor américain leur a prêté de l'argent sans intérêt. Celles de ces banques qui n'ont pas fait faillite continuent à agir comme avant, inventant de nouveaux  produits spéculatifs et ne prêtant, très chers, qu'à celles des entreprises  qui n'ont pas vraiment besoin de leur argent.

 

 

 

Elles ont, en plus, aujourd'hui, une raison supplémentaire d'agir ainsi: tous les régulateurs leur enjoignant  de  reconstituer leurs fonds propres, elles le font, non seulement en utilisant tous les artifices comptables rendus possibles par les réformes d'avril, mais aussi en refusant de prêter aux  particuliers  et en exigeant des intérêts énormes des grandes entreprises désespérément à la recherche de liquidités.

 

 

Comme les intérêts que ces banques versent aux déposants sont proches de zéro, leurs bénéfices sont énormes. Et avec eux, elles peuvent recommencer à développer des produits spéculatifs, avec lesquelles elles comptent refaire les mêmes profits que par le passé, sans que personne ne vienne même, cette fois, leur opposer des réglementations. Et nul ne peut protester: qui pourrait se mettre mal avec son banquier ? » Qui a écrit cette attaque virulente du système bancaire ? Jacques Attali dans le site slate.fr, le 3 août 2009.

 

 

Ce n’est pas une crise, c’est une escroquerie !

 

 

En réalité, en cette affaire grecque, c’est rebelote ! Remplacez dans le texte d’Attali « Trésor américain » par « Union européenne » et vous aurez une fidèle image de la situation actuelle.

 

 

indignados04.jpg

 Les indignés espagnols ne désarment pas. Aboutiront-ils ?

 

 

Comme l’écrit Attac France (le groupe altermondialiste fondé par Bernard Cassen du Monde diplomatique) : « Le « sauvetage » de la Grèce est donc en fait une gigantesque opération de socialisation des pertes du système bancaire. Il s'agit de transférer l'essentiel de la dette grecque – mais aussi espagnole et irlandaise – des mains des banquiers vers celles des contribuables. Il sera ensuite possible de faire assumer les frais de l'inévitable restructuration de ces dettes par les budgets publics européens.

Les Indignés espagnols disent : « Ce n'est pas une crise, c'est une escroquerie ! ». Le Parlement européen a voté le 23 juin le « paquet gouvernance » qui réforme le pacte de stabilité en renforçant les contraintes sur les budgets nationaux et les sanctions contre les pays en infraction. Le Conseil européen réuni aujourd'hui et demain va parachever le travail. Et ce n'est pas la prochaine nomination de Christine Lagarde à la tête du FMI qui réduira l'emprise des banques sur les institutions financières internationales, bien au contraire. »

 

 

La complicité (ou la faiblesse ?) des gouvernements de l’Eurozone (les faits exposés et commentés ci-dessous sont inspirés des excellentes analyses publiées sur le site « Mediapart »)

 

 

Depuis deux ans, les gouvernements de l’Union européenne s’inclinent devant les exigences des banques. C’est encore le cas, cette fois-ci.

 

 

acropole_tourmente.jpg

La Grèce n'est pas sortie de la tempête.

  

  

Côté cour, le principe d'un nouveau plan de sauvetage pour la Grèce est acquis. Pour éviter l'explosion de la Grèce, les responsables européens ne voient comme unique solution que d'apporter de nouvelles aides, selon une recette bien connue désormais: prêts contre renforcement des programmes d'austérité. Une ligne de crédit de 12 milliards d'euros, relevant du premier plan de sauvetage Europe-FMI, devrait être débloquée rapidement, afin de permettre au gouvernement de faire face à ses échéances de juillet. Un nouveau plan de 110 milliards d'euros –on parlait de 60 milliards il y a peu – devrait être débloqué par la suite, à la condition qu'Athènes s'engage dans un plan d'austérité de 28,5 milliards d'euros et réalise 50 milliards de privatisation.

Mais c'est surtout côté jardin que la partie la plus intéressante se joue. Elle oppose banquiers et responsables politiques. Officiellement, il s'agit de trouver un accord entre les positions a priori irréconciliables de la Banque centrale européenne et de l'Allemagne. La BCE s'oppose à tout réaménagement de la dette ou à toute autre mesure qui pourrait s'apparenter à un défaut ou un «événement de crédit».

 

L'Allemagne, elle, exige une participation des banques au nouveau plan de sauvetage grec, estimant que les contribuables européens n'ont pas à assumer seuls le fardeau de la crise grecque et de la crise de l'euro.

 

 

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 Siège de la Banque centrale européenne à Francfort

 

 

On se trouve là devant les faiblesses du traité de Maastricht. L’indépendance de la BCE en a fait l’instrument des banques. La Banque centrale n’agit pas comme un institut d’émission mais comme le gendarme de l'Europe au service des banques. Elle dicte les exigences bancaires aux Etats. Et la nomination toute récente de l’Italien Mario Draghi, ancien Président de Goldman Sachs Europe, à la tête de la Banque centrale européenne est symptomatique. Il présidait la banque d'affaires américaine au moment où celle-ci, dans les années 2000, aidait la Grèce à maquiller ses comptes publics.

 

 

Draghi-_Mario.jpg

 Mario Draghi, nouveau président de la BCE, ancien président

 pour l'Europe de Goldman  Sachs prétend devant les parlementaires

 européens qu'il n'a  en rien participé au "deal" de sa banque avec la Grèce.

 

  

Quand on vous dit que ce n’était pas une crise, mais une escroquerie…

 

De renoncements en renoncements

 

Ce renoncement des gouvernements à leur position de créancier privilégié n’est que le premier d’une longue série. Les banques sont en position de force, d'autant que les agences de notation ont volé à leur secours. Avant même que le moindre accord ne soit signé, celles-ci ont fait savoir que la moindre réorganisation qui pourrait apparaître contrainte ou forcée de la dette grecque serait assimilée à une rupture de contrat, le fameux «événement de crédit» redouté par la BCE.

 

Fortes du soutien des agences de notation et des marchés financiers, semant volontairement la panique – regardez les menaces régulières sur la Belgique -, les banques sont en situation privilégiée pour faire monter les enchères. Chaque gouvernement européen a engagé des discussions avec ses banques pour arracher leur engagement au plan de soutien de la Grèce. Leur participation éventuelle au sauvetage de la Grèce va se payer au prix fort.

Cela ne suffit pas. Pour éviter que ce troc obligataire ne soit assimilé à un «événement de crédit» par les agences de notation –en clair; qu'elles considèrent qu'il s'agisse d'une restructuration masquée de la dette grecque–, les banques insistent pour que les nouvelles obligations soient des produits nouveaux. Le mécanisme qu'elles préconisent est une garantie par le biais du Fonds européen de stabilité. Ainsi, elles obtiendraient une assurance tout risque en qualité de créancier privilégié, statut qu'elles refusent aux Etats.

 

Un pouvoir absolu

 

Cette élimination du politique par le système bancaire change fondamentalement les règles, sans pour autant être une garantie du sauvetage de la Grèce et dans quelques mois des autres pays.  Nous assistons à une révolution qui est destinée à imposer un système fou. Les plans d’austérité accompagnés de privatisations massives auront pour conséquences la destruction des systèmes de sécurité sociale et l’appropriation massive par les banques des entreprises publiques privatisées. Et n’oublions pas que depuis la crise financière de 2008, les banques pratiquent des taux d’intérêts usuraires empêchant tout redressement économique.

 

L’oligarchie aura atteint son but : la fin des Etats à son seul profit. Pour ce faire, elle procède, comme l’a magistralement expliqué Naomi Klein dans son livre « La stratégie du choc » (Actes Sud, 2008) : l’élimination de la sphère publique – les privatisations des entreprises et services publics et de la sécurité sociale – réduction draconienne des dépenses publiques et déréglementation totale de l’économie. La critique que l’on peut faire à l’analyse de Naomi Klein est qu’elle n’a pas pris en compte la socialisation de la dette publique, autrement dit l’appauvrissement généralisé des peuples. Cela ne change cependant rien à son constat : une oligarchie financière et économique prend le pouvoir absolu sur le monde entier.

 

Comment lutter ? Dans la crise de la dette souveraine européenne, on s’aperçoit que l’Union européenne est impuissante en tant qu’organe politique. Les banques ont le pouvoir d’agir sur la totalité du globe et rien n’est à même de les arrêter.

 

Les indignés ? Un peu partout en Europe, inspirés par les révoltes arabes, des mouvements qui s’appellent « indignés » manifestent, mais quelle influence ont-ils ?

 

Quant aux révoltes arabes, on s’aperçoit que ce qu’on a appelé le « printemps arabe », s’il a réussi à renverser trois dictateurs, il n’y a guère de changements fondamentaux.

A l’heure actuelle, nous sommes astreints à poser des diagnostics, on nous permet – encore – d’exprimer notre « indignation ». Mais où sont les remèdes ?

 

Nous devrions aussi faire nos think tanks !

 

 

Pierre Verhas

 

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20 juin 2011 1 20 /06 /juin /2011 19:47

samedi 18 juin 2011

C'est à l'initiative de Mikis Théodorakis, chanteur grec bien connu en France et en Belgique du temps de la dictature des "colonels", ancien ministre, toujours militant de gauche de terrain, que l'on doit cet appel qui doit faire réfléchir en dehors de la Grèce qui subit l'assaut éhonté de la haute finance mondiale avec la complicité des politiques.

 

Un exemple à suivre, notamment par les "indignés" qui devraient se transformer en "déterminés", ce qui serait sans doute plus efficace !

Bientôt une analyse sur cette question fondamentale. Cependant, si on lit bien cet appel, on comprend bien mieux les enjeux.

PV

 

mikis_theodorakis.jpg 

 Mikis Théodorakis : un militant exemplaire de longue date

 

 

 

« Nous saluons les dizaines de milliers, voire les centaines de milliers de nos concitoyens, jeunes pour la plupart, qui se sont rassemblés sur les places de toutes les grandes villes pour manifester leur indignation à l’occasion de la commémoration du mémorandum (accord cadre signe entre le gouvernement grec, l’UE, le FMI et la BCE, en Mai 2010 et renouvelé depuis régulièrement), demandant le départ du gouvernement de la Honte et de tout le personnel politique qui a géré le bien public, détruisant, pillant et asservissant la Grèce. La place de tous ces individus n’est pas au Parlement, mais en prison.

 

Nous saluons les premières Assemblées générales qui se déroulent dans les centres de nos villes et la démocratie immédiate que s’efforce de découvrir le mouvement inédit de notre jeunesse. Nous saluons les travailleurs de la fonction publique qui ont entrepris manifestations, grèves et occupations pour défendre un Etat qui, plutôt que le démantèlement prévu par le FMI, a désespérément besoin d’une amélioration et d’une réforme radicales. Par leurs mobilisations, les travailleurs de l’Hellenic Postbank, de la Régie nationale d’électricité et de la Société publique de loterie et de paris sportifs défendent le patrimoine du peuple grec qu’entendent piller les banques étrangères, par le truchement de leur gouvernement fantoche à Athènes. Le pacifisme exemplaire de ces manifestations a démontré que lorsque la police et les agents provocateurs ne reçoivent pas l’ordre d’intervenir, le sang ne coule pas. Nous appelons les policiers grecs à ne pas être les instruments des forces obscures qui tenteront certainement, à un moment donné, de réprimer dans le sang les jeunes et les travailleurs. Leur place, leur devoir et leur intérêt est d’être aux côtés du peuple grec, des protestations et des revendications pacifiques de celui-ci, aux côtés de la Grèce et non des forces obscures qui dictent leur politique au gouvernement actuel.

 

 

manif_athenes.jpg

Le peuple grec décidé à ne plus se laisser faire.

 

Un an après le vote du mémorandum, tout semble attester son échec. Après cette expérience, on ne peut plus s’autoriser la moindre illusion. La voie qu’a emprunté et continue de suivre le gouvernement, sous la tutelle des banques et des instances étrangères, de Goldman Sachs et de ses employés européens, mènent la Grèce à la catastrophe. Il est impératif que cela cesse immédiatement, il est impératif qu’ils partent immédiatement. Jour après jour, leurs pratiques révèlent leur dangerosité pour le pays. Il est étonnant que le procureur général ne soit pas encore intervenu contre le Ministre de l’Economie et des Finances, après les récentes déclarations tenues par ce dernier sur l’imminence de la faillite et l’absence de ressources budgétaires. Pourquoi n’est-il pas intervenu suite aux déclarations du président de la Fédération des patrons de l’industrie et de la commissaire européenne grecque Mari Damanaki sur une sortie de l’euro ? Pourquoi n’est-il pas intervenu contre le terrorisme de masse avec lequel un gouvernement en faillite, sous le diktat de la Troïka [UE - FMI - BCE], tente une nouvelle de fois d’extorquer le peuple grec ? Par leur catastrophisme, leurs allusions tragiques et tout ce qu’ils inventent et déblatèrent pour effrayer les Grecs, ils ont réussi à humilier le pays dans le monde entier et à le mener réellement au bord de la faillite. Si un chef d’entreprise s’exprimait de la même façon que le fait le Premier ministre et ses ministres lorsqu’ils parlent de la Grèce, il se retrouverait immédiatement derrière les barreaux pour malversation grave.

 

Nous nous adressons aussi aux peuples européens. Notre combat n’est pas seulement celui de la Grèce, il aspire à une Europe libre, indépendante et démocratique. Ne croyez pas vos gouvernements lorsqu’ils prétendent que votre argent sert à aider la Grèce. Ne croyez-pas les mensonges grossiers et absurdes de journaux compromis qui veulent vous convaincre que le problème est dû soi-disant à la paresse des Grecs alors que, d’après les données de l’Institut statistique européen, ceux-ci travaillent plus que tous les autres Européens !

 

manif_athenes01.jpg

Toutes les générations dans la rue

 

Les travailleurs ne sont pas responsables de la crise ; le capitalisme financier et les politiciens à sa botte sont ceux qui l’ont provoquée et qui l’exploitent. Leurs programmes de « sauvetage de la Grèce » aident seulement les banques étrangères, celles précisément qui, par l’intermédiaire des politiciens et des gouvernements à leur solde, ont imposé le modèle politique qui a mené à la crise actuelle.

 

Il n’y a pas d’autre solution qu’une restructuration radicale de la dette, en Grèce, mais aussi dans toute l’Europe. Il est impensable que les banques et les détenteurs de capitaux responsables de la crise actuelle ne déboursent pas un centime pour réparer les dommages qu’ils ont causés. Il ne faut pas que les banquiers constituent la seule profession sécurisée de la planète !

 

Il n’y pas d’autre solution que de remplacer l’actuel modèle économique européen, conçu pour générer des dettes, et revenir à une politique de stimulation de la demande et du développement, à un protectionnisme doté d’un contrôle drastique de la Finance. Si les Etats ne s’imposent pas sur les marchés, ces derniers les engloutiront, en même temps que la démocratie et tous les acquis de la civilisation européenne. La démocratie est née à Athènes quand Solon a annulé les dettes des pauvres envers les riches. Il ne faut pas autoriser aujourd’hui les banques à détruire la démocratie européenne, à extorquer les sommes gigantesques qu’elles ont elle-même générées sous forme de dettes. Comment peut-on proposer un ancien collaborateur de la Goldman Sachs pour diriger la Banque centrale européenne ? De quelle sorte de gouvernements, de quelle sorte de politiciens disposons-nous en Europe ?

 

Nous ne vous demandons pas de soutenir notre combat par solidarité, ni parce que notre territoire a été le berceau de Platon et Aristote, Périclès et Protagoras, des concepts de démocratie, de liberté et d’Europe. Nous ne vous demandons pas un traitement de faveur parce que nous avons subi, en tant que pays, l’une des pires catastrophes européennes aux années 1940 et nous avons lutté de façon exemplaire pour que le fascisme ne s’installe pas sur le continent.

 

Nous vous demandons de le faire dans votre propre intérêt. Si vous autorisez aujourd’hui le sacrifice des sociétés grecque, irlandaise, portugaise et espagnole sur l’autel de la dette et des banques, ce sera bientôt votre tour. Vous ne prospérerez pas au milieu des ruines des sociétés européennes. Nous avons tardé de notre côté, mais nous nous sommes réveillés. Bâtissons ensemble une Europe nouvelle ; une Europe démocratique, prospère, pacifique, digne de son histoire, de ses luttes et de son esprit. Résistez au totalitarisme des marchés qui menace de démanteler l’Europe en la transformant en tiers-monde, qui monte les peuples européens les uns contre les autres, qui détruit notre continent en suscitant le retour du fascisme. »

 

Le Comite Consultative du Mouvement de Citoyens Indépendants. « L’Etincelle », créé à l’initiative de Mikis Theodorakis.

 

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7 juin 2011 2 07 /06 /juin /2011 12:55

« Je serai mort avant d'avoir un cancer ! », déclare Yasuteru Yamada qui, à 72 ans, a levé une armée de 270 bénévoles retraités pour nettoyer le site nucléaire de Fukushima-Daichii, dévasté par le séisme et le tsunami du 11 mars dernier dans le nord-est du Japon.

 

 

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Yasuteru Yamada exposant son projet aux vétérans

 

Cette assemblée d’ingénieurs retraités s’est réunie afin de se porter volontaire pour assainir les réacteurs 2 et 3 de la centrale de Fukushima. Ces hommes estiment que c’est à leur génération d’assumer la politique nucléaire qu’ils ont soutenues, « consciemment ou non ». Ils ont proposé à TEPCO (Tokyo Electric-Power Company) de remplacer les jeunes travailleurs qui s’exposent quotidiennement aux conséquences mortelles des radiations afin d’arrêter le processus de fusion des barres de combustible dans lesdits réacteurs.

 

 

fukushima_etat_actuel.jpg

 Situation actuelle à la centrale de Fukushima

 

Cette proposition a bien sûr été refusée par les « responsables » de TEPCO. Ils ne peuvent tolérer un tel geste qui remettrait fondamentalement en question le « système ».

 

 

TEPCO_Masataka_Shimizu.jpg

 

L'arrogance de Masataka Shimizu,

le patron de la société privée TEPCO qui

a osé demander   l'aide l'Etat japonais.

 

Par contre, Yasuteru Yamada a été reçu lundi par le ministre du Commerce, Banri Kaieda, dont les services chapeautent l'Agence japonaise de sûreté nucléaire (Nisa), et qui a paru à l'écoute de son idée d'un corps de bénévoles. En effet, la classe politique japonaise qui est une véritable gérontocratie, s’est montrée particulièrement passive, indécise, sans courage, en cette affaire. Voilà donc des « vieux » qui lui donnent la leçon. Aussi, ils ne peuvent rejeter cette proposition des vétérans du nucléaire. Cela ternirait encore plus la réputation des politiques !

 

 

Ces vétérans se sont organisés en deux groupes, le premier souhaitant s’occuper de la centrale nucléaire, le second procédera au nettoyage des maisons d’Iitate, localité située à une dizaine de kilomètres à l’extérieur de la zone interdite d’un rayon de 20 km autour de la centrale de Fukushima, où règne un taux de radioactivité très important.

 

 

Une initiative citoyenne telle que celle-ci est sans doute la meilleure stratégie contre le « système ». S’agit-il d’une mission suicide ?  Non, pour ses protagonistes. Ils estiment que leur espérance de vie – dix à quinze ans – est inférieure à la période d’incubation d’un cancer dû à l’irradiation. Pourtant,  « Selon les situations, une mission suicide pourrait se révéler nécessaire », assure Yamada qui ajoute toutefois: « Ce serait, bien sûr, une mesure en tout dernier ressort. Je pourrais me porter volontaire pour semblable mission mais chacun doit décider en son âme et conscience. ». Un Japonais reste un Japonais.

 

 

Pierre Verhas

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2 juin 2011 4 02 /06 /juin /2011 15:49

Voici une remarquable analyse d’Ignacio Ramonet, éditorialiste au « Monde diplomatique » et président de l’association « Mémoire des luttes » sur l’état de la « gauche » sociale-démocrate  en France. On pourrait extrapoler pour l’Europe. Si la France a son DSK, la Belgique a eu Cools, l’Italie Craxi, etc. Elle est suivie d’extraits d’un article de la féministe américaine Katha Pollit qui aborde les vrais problèmes dans le journal new yorkais « The Nation » : le réflexe de caste de la gauche social-démocrate française, le reniement des principes fondamentaux, la perte de son autorité morale, ou plutôt l’effondrement d’une supercherie.

Après la trahison des clercs, il y a trahison des élites prétendument de gauche. Cette caste se nourrissant de principes qu’elle rejette au fond d’elle-même, mais qu’elle prétend défendre, s’est convertie au marché et a ainsi signé un pacte d’alliance avec le capitalisme financier et s’est mise à son service. Mais la déliquescence déjà évoquée ici se transforme en une profonde crise morale après ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire DSK ».

Cet épisode lamentable aura servi à une chose : il marque la fin de l’hypocrisie social-démocrate. Pourquoi à la Puerta del Sol, les socialistes, ou tous ceux qui se prétendent tels, sont honnis, de même à la Bastille ? Parce qu’ils sont flétris par la trahison et par cette crise morale qui les ronge. On ne peut plus leur faire confiance. Ils ne servent plus à rien.

Ils sont d’ailleurs nuisibles pour ceux qu’ils prétendent défendre et représenter : la classe ouvrière, les laissés pour compte d’une société sans projet et sans scrupules à laquelle ils participent avec enthousiasme.

Sans conteste, ils laisseront la place à quelque-chose d’autre. Quoi ? C’est à nous tous de construire.

PV

 

Une « gauche » dévoyée

mardi, 31 mai 2011 / Ignacio Ramonet / Président de l’association Mémoire des Luttes

 

« L’un des hommes les plus puissants du monde (chef de la plus importante institution financière de la planète) agresse sexuellement l’une des personnes les plus vulnérables du monde (immigrée africaine, mère célibataire). Réduite à sa concision, cette image résume, avec la force expressive d’un dessin de presse, quelques caractéristiques fortes de notre temps : la violence extrême des inégalités, l’arrogance sans limites des puissants, la chosification des femmes, le mépris des exploités.

»Ce qui rend plus pathétique le cas de l’ex directeur général du Fonds monétaire international (FMI) et leader de l’aile droite du parti socialiste français, Dominique Strauss-Kahn, c’est que - si sa culpabilité est avérée -, son avanie constituerait une métaphore exemplaire de l’effondrement moral de la social-démocratie. Avec les circonstances aggravantes qu’elle révèle de surcroît les carences d’un système médiatique complice.

»Cette affaire écœure en effet de nombreux électeurs européens de gauche de plus en plus décidés - comme l’ont montré, en Espagne, les élections municipales et régionales du 22 mai dernier - à adopter trois formes de refus du système politique dominant : l’abstentionnisme radical ("tous pourris"), le vote à l’extrême droite (comme forme de contestation), ou la protestation indignée dans les places des villes (pour réclamer une "autre politique").

»Bien entendu, l’ex chef du FMI et ex candidat socialiste à l’élection présidentielle française de 2012, accusé d’agression sexuelle et de tentative de viol par une femme de chambre d’un hôtel de New York le 14 mai dernier, bénéficie de la présomption d’innocence jusqu’à ce que la justice américaine tranche. Mais la précipitation dont firent preuve, en France, des dirigeants socialistes et quelques "intellectuels" amis de l’accusé, en saturant caméras et micros complaisants de proclamations inconditionnelles de défense de Strauss-Kahn, répétant en chœur des "éléments de langage" dictés par des communicants ("cela ne lui ressemble pas"), présentant l’ex chef du FMI comme la victime principale et suggérant "complots" et "machinations", a été réellement révoltante.

»Pas un mot de solidarité ou de compassion à l’égard de la victime présumée. Certains, comme l’ex ministre socialiste de la Culture, Jack Lang, en un réflexe machiste, allèrent jusqu’à minimiser la gravité des faits présumés en affirmant que, après tout, il n’y avait pas eu mort d’homme [1  ]... D’autres, oubliant le sens même du mot justice, n’hésitèrent pas à réclamer des privilèges et un traitement plus favorable pour leur puissant ami, lequel, d’après eux, n’était pas d’un accusé "comme les autres" [2  ]...

»Tant d’impudence a donné l’impression que, au sein des élites françaises, quelle que soit la nature du crime dont on accuse l’un de ses membres, le collectif réagit en faisant preuve d’une solidarité coalisée qui ressemble à une complicité mafieuse [3  ]. Rétrospectivement, maintenant que d’autres accusations de harcèlement sexuel resurgissent du passé [4  ] contre Strauss-Kahn, beaucoup de citoyens se demandent pourquoi les médias leur ont occulté ce trait de la personnalité de l’ex chef du FMI [5  ]. Pour quelles raisons, les journalistes, qui n’ignoraient pas les protestations d’autres victimes de harcèlement sexuel, n’ont jamais fait d’enquêtes sur ce sujet concernant Strauss-Kahn ? Pourquoi avoir maintenu les électeurs dans l’ignorance et leur avoir présenté ce dirigeant comme ’"la grand espoir de la gauche" quand il était évident que son Talon d’Achille pouvait, à n’importe quel instant, briser sa carrière.

»Depuis des années, dans le but de gagner l’élection présidentielle, Dominique Strauss-Kahn avait embauché à prix d’or des brigades de choc de conseillers en communication. Leur mission principale : veiller à empêcher les médias, sous la menace de procès, de faire état, non seulement de ses pulsions à l’égard des femmes, mais de l’autre grande faiblesse de ce dirigeant "socialiste" : son goût immodéré du luxe et de la richesse. Il fallait éviter d’inopportunes comparaisons avec la vie difficile de millions de citoyens jetés dans l’enfer social en partie à cause des politiques du FMI.

»Maintenant les masques tombent. Le cynisme et l’hypocrisie apparaissent dans leur nudité. (souligné par nous) Et même si le comportement personnel d’un homme ne doit pas conduire à préjuger de la conduite morale de sa famille politique, il est évident que cette affaire relance la question de la décadence de la social-démocratie. D’autant plus qu’elle vient s’ajouter au nombreux cas, en son sein, dans l’ensemble de l’Europe, de corruption économique. Et même de dégénération politique : n’avons-nous pas appris récemment que les anciens dictateurs Ben Ali de Tunisie et Moubarak d’Egypte étaient des membres éminents de l’Internationale socialiste ?

»La conversion massive au marché, au libre-échange et à la globalisation économique, l’abandon de la défense de l’Etat-providence et du secteur public, la nouvelle alliance avec le capital financier et la banque... Toutes ces trahisons ont peu à peu dépouillé la social-démocratie de ses principaux signes d’identité. Les citoyens distinguent de plus en plus mal la politique de la droite de celle proposé par les partis socialistes. Les deux répondent aux exigences essentielles des maîtres financiers du monde. L’ironie suprême a été de voir comment, à la tête du FMI, un "socialiste" a imposé à ses propres amis "socialistes" et à leurs électeurs de Grèce, du Portugal et de l’Espagne, d’implacables plans néolibéraux d’ajustement structurel.

»D’où l’amertume générale de tant d’électeurs de gauche. Leur nausée. Leur indignation. Leur refus de la fausse alternative électorale entre deux principaux programmes, en vérité et sur l’essentiel, jumeaux. Leur recherche d’une "autre gauche" (Die Linke, en Allemagne ; Le Front de gauche, en France ; Izquierda Unida, en Espagne, etc.). D’où aussi, dans tant de villes d’Europe aujourd’hui, les protestations indignées des générations de jeunes sacrifiés sur l’autel des politiques d’austérité. Et leur exigence principale : "Le peuple veut, la fin du système."»

 

 

Et les principes ?

 

Voici ce qu’écrit dans « The Nation », la féministe américaine Katha Pollit.

Elle aborde le problème de la vraie nature des sociaux-démocrates. Leur ambigüité qui s’est manifestée avec cette affaire DSK est insupportable.

« Mais, France, je ne t’aime plus. Car à quoi bon avoir tous ces gens intelligents, cultivés, laïcs et de tendance social-démocrate, si en réalité, ce sont de tels saligauds imbus d’eux-mêmes ? De temps en temps, tu devrais te voir : ces hommes puissants, d’âge mûr, orgueilleux et ventripotents, qui se pavanent dans les médias et déblatèrent sur le fait que Dominique Strauss-Kahn [DSK] se serait simplement laissé aller à quelque grivoiserie gauloise dans cette suite du Sofitel à Manhattan. Ce n’était qu’un “troussage de domestique”, a assuré le célèbre journaliste Jean-François Kahn. Jack Lang, l’ancien ministre de la Culture, s’est révolté que DSK n’ait pas été immédiatement libéré sous caution, puisque, après tout, il n’y avait pas “mort d’homme”. Et n’oublions pas Bernard-Henri Lévy (BHL), dont les débilités prétentieuses sont probablement la pire chose que tu aies exportées chez nous depuis les Vache qui rit saveur pizza. BHL ne digère pas le traitement infligé à son ami par la justice new-yorkaise : “J’en veux au juge américain qui, en le livrant à la foule des chasseurs d’images, a fait semblant de penser qu’il était un justiciable comme les autres.” Traiter un maître de l’univers comme n’importe qui – même l’immigrée africaine qui nettoyait sa chambre d’hôtel, quoi –, n’est-ce pas cela, la justice ? Ne vous ont-ils pas appris ça en philosophie au lycée, Bernard-Henri Lévy ? »

Ensuite, cette lâcheté qui fait porter aux autres le fardeau des maux dont elle se rend coupable.

« Quand on écoute les Français, on pourrait croire que leur justice est un modèle de défense des droits des accusés, alors que nous, nous jetons des innocents aux lions sur la simple foi des déclarations d’un accusateur. Je ne défends certes pas les menottes et le perp walk, ni notre presse tabloïd délirante, mais j’irais jusqu’à prétendre que la justice américaine respecte davantage la présomption d’innocence. Par ailleurs, France, tu es scandalisée, à juste titre, par nos prisons, mais sachant que ton système carcéral est un des plus inhumains du monde, es-tu vraiment en mesure de critiquer le nôtre ? »

Enfin, comme nous l’avions écrit précédemment : grattez le vernis et vous verrez leur véritable nature.

« Un mot sur le racisme : pendant des années, tu t’es vantée de ton absence de racisme. Mais en réalité, cela veut dire que tu aimes les Africains-Américains quand ils sont musiciens de jazz ou écrivains. Tu es bien raciste quand ce sont les immigrés issus de tes anciennes colonies qui sont concernés, surtout les musulmans d’Afrique du Nord. A t’entendre parler des immigrées musulmanes, on pourrait croire que tu es un paradis où règne l’égalité entre les sexes, et que la plus grave question, pour les féministes, est l’interdiction de la burqa. »

Voilà donc. Pour garder son aura, l’on s’occupe de questions marginales – combien de musulmanes portent la fameuse burqa ? – et l’on montre sa vraie nature en mérpisant tout ce qui n’appartient pas à la caste, lorsqu’un des siens est touché.

La gauche social-démocrate se bat pour l’hyper-riche blanc et violeur (enfin, présumé tel, donc « innocent », jusqu’à nouvel ordre) contre l’hyper-pauvre noire, immigrée, musulmane (enfin, présumée violée et donc suspecte jusqu’à nouvel ordre).

Karl Marx ! Reviens, ils sont devenus fous !

Pierre Verhas

 

[1  ] Déclarations au Journal télévisé de 20h de France 2 , 17 mai 2011.

[2  ] Cf. Bernard-Henri Lévy, "Défense de Dominique Strauss-Kahn", et Robert Badinter, ex ministre socialiste de la Justice, déclarations à France Inter, 17 mai 2011.

[3  ] Ce collectif a déjà démontré sa redoutable efficacité médiatique en 2009 lorsqu’il réussit à mobiliser l’opinion publique française en faveur du (génial) cinéaste franco-polonais Roman Polanski, accusé par la justice américaine d’avoir drogué et sodomisé une petite fille de 13 ans.

[4  ] En particulier celle formulée par l’écrivain et journaliste Tristane Banon. Cf. "Tristane Banon, DSK et AgoraVox : retour sur une omertà médiatique", AgoraVox, 18 mai 2011.

[5  ] Au sein même du FMI, Dominique Strauss-Kahn avait déjà fait l’objet d’un scandale en raison de ses relations sexuelles avec une subordonnée, l’économiste hongroise Piroska Nagy.

 

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25 mai 2011 3 25 /05 /mai /2011 22:50

ULB. Ecole Solvay. La revue du Cercle des étudiants publie un article où sont tenus des propos scabreux sur Auschwitz, les Juifs et les Polonais.

 

ULB. La même Ecole Solvay. Le même Cercle des étudiants organise une exposition avec des objets et des insignes nazis.

 

Canne. Festival du Film. Lars von Trier, réalisateur danois, proclame son admiration pour Hitler et son adhésion au nazisme. Il est exclu du Festival, mais son film figure toujours dans la compétition…

 

Bruxelles. Chambre des représentants. Le parti néo-nazi (pourquoi « néo » ?) Vlaams Belang dépose une proposition de loi donnant l’amnistie aux anciens collaborateurs de l’occupant nazi. Cette proposition est prise en considération par la majorité politique flamande, à l’exception des écologistes. Le Ministre de la Justice, Stefaan De Clerck, estime qu’il faut être « adulte », « pardonner » et « savoir oublier » le passé nazi.

 

Ce ne sont pas des accidents. Les dérives sont trop fréquentes pour les attribuer au hasard ou à des provocations isolées. Un état d’esprit s’étend en Europe. L’inacceptable se mue en tolérable. Le cordon sanitaire s’est transformé en relations malsaines. C’est la banalisation.

 

Cette banalisation est un échec. La pensée démocratique est battue en brèche. Pourquoi ? La classe dirigeante est affaiblie. Elle semble subir l’événement. Elle semble ne plus avoir la capacité de décider. L’intérêt général est devenu l’affrontement en vase clos de groupes d’intérêts. Pire, les responsables politiques, culturels, économiques sont sans projet. L’avenir ne lui appartient plus.

 

Face aux défis, les dirigeants n’apportent aucune réponse adéquate. Une insécurité d’abord niée, à laquelle on n’a opposé que l’odieuse et inefficace politique sécuritaire, fragilisant les libertés. La régression économique et sociale prend une ampleur telle que la solidarité et le bien-être qui sont la base de notre société, sont menacés. À l’immigration, il n’y a comme réponse qu’une  répression aveugle et le repli sur soi. C’est tout cela le limon où fertilisent les idéologies intolérantes.

 

Mais, constater ne suffit pas. On s’est attaqué aux effets et non aux causes. C’est cela que l’on paie. Une école moderne, accueillante pour tous, donnera aux jeunes les armes pour la vie ; une économie adéquate rendra sa dignité au travail ; une nouvelle solidarité interne et externe mènera petit à petit à une harmonisation des rapports sociaux et des relations avec l’extérieur. De banale, l’intolérance se marginalisera.

 

Cela nécessite intelligence, courage et moyens. Si l’on pense que le progrès de l’humanité a encore une signification, les deux premiers existent. Les moyens se trouvent aussi, mais il ne faut pas les chercher en appauvrissant la majorité pour enrichir une infime et trop puissante minorité.

 

Pierre Verhas

 

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18 mai 2011 3 18 /05 /mai /2011 19:45

On ignore quel sera le sort judiciaire de DSK. Cela n’a d’ailleurs aucune importance puisque son sort politique, lui, est scellé.

 

Que l’on prenne cette affaire sous tous les angles, elle démontre la déliquescence des élites occidentales. Si la culpabilité de Dominique Strauss Kahn est prouvée, on peut avoir un frisson : comment un homme mentalement dérangé a pu assurer des responsabilités aussi importantes que la direction générale du FMI ? S’il avait été élu Président de la République, il aurait disposé du bouton « rouge » de l’arme nucléaire, et, pire, il aurait été à la merci de ses faiblesses que ses adversaires n’auraient pas manqué d’exploiter.

 

 DSK_menotte.jpg

« La vue d'un membre de l'establishment traité comme un criminel ordinaire doit être aussi rare que la photo de la Reine d'Angleterre en bikini » (New York Times)

 

Si, par contre, il s’agit d’une erreur ou d’un coup monté, l’affaire est tout aussi grave car, sans preuves, la Justice américaine aurait poursuivi et déshonoré un innocent, la presse se serait jetée sans discernement sur une histoire bidon. On aurait alors affaire à une Justice sans scrupule et inapte ou à des adversaires usant des moyens les plus abjects pour abattre une personne qu’on n’arrive pas à vaincre de manière ordinaire. Mais en cette hypothèse, DSK est aussi victime de sa faiblesse.

 

Peu importe, en définitive. L’affaire Strauss-Kahn sert de révélateur à un sérieux problème.

 

Il s’appelle déliquescence. Le dictionnaire de l’Académie française définit ce nom commun du genre féminin, comme suit : «  1. CHIM. Propriété qu'ont certains corps solides de se transformer en solution saturée par absorption de l'humidité de l'air ; l'état qui en résulte. Du sel qui tombe en déliquescence. 2. Fig. Affaiblissement insensible et progressif ; corruption, décomposition due à l'excès de la recherche et du mauvais goût, à la mollesse et à l'immoralité. Une société, un régime politique, un art en déliquescence. »

 

Eh bien, c'est l’état dans lequel se trouvent les élites politiques, financières et médiatiques qui dirigent aujourd’hui nos sociétés résulte d’une curieuse chimie où se mélangent les « affaires » et l’incapacité à répondre aux défis du temps. Il ne s’écoule pas un jour sans qu’un politicien, un financier, un industriel, un haut fonctionnaire, un « décideur » ne soit inculpé pour corruption, détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et autres délits émaillant le Code pénal. Cette élite composée souvent de larbins promus pour des raisons d’intérêt et, parfois, de personnalités de premier plan, comme l’est Strauss-Kahn, a son propre code social et se considère au-dessus du droit commun. Elle est narcissique, arrogante et repliée sur elle-même.

 

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DSK et Sarko : la caste en déliquescence

 

Cette élite a un problème. Elle ne fait du bien qu’à elle-même. Elle méprise le peuple et, en réalité, à force de ne vouloir aucun partage, elle fait du mal à tous ceux qui ne sont pas du « sérail ». Mais, pire, elle montre son incapacité depuis longtemps. Ainsi, la question énergétique dont une réponse adéquate est indispensable à l’avenir de notre civilisation, posée depuis une quarantaine d’années, n’a toujours guère de réponse satisfaisante. Les conflits qu’elle déclenche, souvent sans discernement, se transforment en d’interminables enlisements coûteux en vie humaines et en moyens. Elle casse tout ce qui a été conquis. Elle détruit la laïcité, elle démantèle la Sécurité sociale et les services publics, elle met les institutions à son seul service. En d’autres termes, tous les mécanismes collectifs sont soit démolis, soit mis à sa botte par les privatisations.  L’individualisme qu’elle prône comme valeur suprême, ne sert qu’à atomiser une société qu’elle peut ainsi mieux soumettre.

 

 

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A force de mépriser le peuple, il se retourne contre la caste (ici manif à Londres contre l'austérité, le 26 mars 2011)

 

 

Elle inverse les valeurs. Ce qui est moral pour elle, est amoral pour les autres et réciproquement. Ainsi, les médias que cette élite contrôle, n’ont de cesse de pleurer sur le sort de DSK et se fichent comme d’une pomme du terrible traumatisme qu’il a causé à la femme de chambre. Ils en oublient leurs «principes de base». Par exemple, Jack Lang qui a osé dire : «Il n'y a pas mort d'homme !" Affirmer cela pour un viol (ou une tentative de viol) contre une jeune femme immigrée et pauvre est révélateur de la profondeur de leurs «grands principes». Grattez le vernis...

 

Le comble du comble vient, cela va sans dire, de notre « ami » BHL. C’est un morceau d’anthologie de l’esprit de caste. « Cette Justice américaine est d’une tartufferie qui saute au visage ». Tiens, on a entendu, dans une autre vie,  notre grand philosophe qualifier d’antisémite tout qui était anti-américain.   « DSK n’est pas tout le monde, il n’est pas n’importe quel quidam » c’est-à-dire qu’il faut sans doute le traiter comme un VIP et la « valetaille » est bonne pour être jetée dans la fosse. Curieuse conception de l’égalité ! « Il [DSK] est traité comme très peu d’hommes dans l’histoire des démocraties modernes. ». Comme dit la sagesse populaire, toute exagération est insignifiante… Jean Daniel, chantre de l’Occident, se demande, quant à lui, si les Etats-Unis et l’Europe ne sont pas deux civilisations différentes ! Un nouveau « choc des civilisations » en quelque sorte…

 

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BHL, le bouffon de la caste, ne rend pas service à DSK.

 

Finie la belle démocratie américaine, fini l’Occident. La caste a été touchée au cœur. Elle éructe. Elle insulte. Elle jette tout ce qu’elle a adoré. Elle rejette ce qu’elle prétend être ses propres valeurs. Elle est encore moins crédible.

 

Cela est l’indice le plus probant de la déliquescence. La caste est incapable de prendre ses responsabilités. Et comme elle détient tous les leviers du pouvoir, il y a un risque majeur d’aventure. Il ne suffit pas de lui intimer de « dégager » à l’instar des révolutionnaires arabes, il faut encore pouvoir la remplacer par un système vraiment juste. Et comme elle a fait le vide autour d’elle…

 

 

Pierre Verhas

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11 mai 2011 3 11 /05 /mai /2011 19:43

Au risque de me faire descendre, je me rappelle mon sentiment mitigé le 10 mai 1981 lors de l’annonce de la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle. D’un côté, la première victoire de la gauche de la Ve République était un événement majeur, de l’autre, la personnalité de François Mitterrand et de certains membres de son entourage laissaient perplexe.

 

Mitterrand 10mai 

Un candidat, un peuple, un espoir... déçu

 

La mémoire était sélective à l’époque. L’attitude ambiguë de François Mitterrand à Vichy, son engagement en tant que Ministre de la Justice dans la guerre d’Algérie, en faveur d’une répression féroce des militants du FLN, sa curieuse « amitié » avec le responsable de la rafle du Vel d’Hiv, René Bousquet, étaient choses connues, mais il eût été mal venu de l’évoquer.

 

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René Bousquet : une amitié particulièrement bizarre

 

Sur le plan politique, le programme commun de la gauche était un accord bancal qui était un fourre tout quelque peu incohérent qui s’est traduit par les fameuses 110 propositions dont une toute petite partie fut concrétisée. Unir la gauche communiste, la gauche socialiste, la classique social-démocratie et un libéralisme qui taisait encore son nom, était une gageure. D’importantes divergences apparurent dès le premier gouvernement Mauroy.

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Pierre Mauroy, la gauche ouvrière, François Mitterrand,

Jacques Delors, la gauche libérale. Vers laquelle a-t-il penché ?

 

Certes, il y eut d’incontestables avancées : le relèvement substantiel du SMIC, la pension à 60 ans, les 39 heures, la cinquième semaine de congés payés, pour ne citer que les principales. Sur le plan éthique, l’abolition de la peine de mort fit impression. Cependant, en dépit de la promesse, la vie ne changea pas. Le rapport de force capital / travail resta identique. Les nationalisations permirent de sauver de grandes entreprises industrielles au bord de la faillite comme Thomson et Saint-Gobain, mais elles réintégrèrent aussitôt le circuit capitaliste classique. Il y avait tout simplement un apport de capital de l’Etat et un nouveau patron, en général un jeune énarque ou HEC dévoré d’ambitions qui plus tard, rejoignit l’armée des petits soldats du néo-libéralisme.

 

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Alain Minc : le "nouveau" patron socialiste vite passé

au néo-libéralisme

 

Deux ans après la fête, les communistes furent éjectés et le gouvernement « recentré ». Le processus de libéralisation économique fut lancé. Ce que son prédécesseur qui se réclamait du « libéralisme avancé » n’a pas réussi, Mitterrand, « le socialiste » l’a solidement mis sur les rails sans pour autant réduire les déficits et diminuer le chômage. Et puis, ce furent deux catastrophes : d’abord, l’introduction de la proportionnelle aux élections législatives de 1986 après avoir permis à l’extrême-droite d’accéder aux grands médias qui s’installa solidement dans le paysage politique français, puis européen. Tout cela, par une pure stratégie politicienne – ratée –  d’affaiblissement de la droite « classique » qui conquit le gouvernement sous sa présidence. La seconde fut le programme dit de « ni ni » pour le deuxième septennat. Ni nationalisation, ni privatisation, c’est-à-dire l’immobilisme. Ce fut le gouvernement Rocard qui accentua la libéralisation économique. Mitterrand et Delors mirent sur pied l’Acte unique et le Traité de Maastricht, fondateur d’une monnaie unique, belle idée mal construite. En réalité, l’Europe néolibérale fut renforcée. La loi du marché se substitua à la décision politique. L’actuelle crise de la dette souveraine le montre : une monnaie en l’absence de politique économique commune est une coquille vide.

 

En matière internationale, ce féru d’histoire ne mesura pas les conséquences de la chute du Mur de Berlin mais il tenta à raison de retarder la réunification allemande. Cependant, c’était trop tard et il n’en avait pas les moyens : l’Europe politique n’existait pas.

 

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La réunification allemande n'enthousiasma

guère Mitterrand.

 

Alors, le bilan ? Bilan globalement négatif. Les conséquences : le socialisme, suite aux ambigüités du « mitterrandisme » ne sera plus jamais un mouvement de masse.  Plus tard, Lionel Jospin accrut cette distance entre l’élite PS et le peuple « de gauche ». Et la catastrophe se transforma en cataclysme le 21 avril 2002.

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Lionel Jospin : la déliquescence du PS

suite au cataclysme du 21 avril 2002

 

François Mitterrand marginalisa le Parti communiste. Ce faisant, il déstabilisa la gauche. La classe ouvrière, première victime de la crise, s’en éloigna. Les Socialistes perdirent leur assise populaire : le monde du travail ouvrier comme employé ne s’y reconnaît plus. Ce fut la « boboïsation » du PS. Les militants de la cause des travailleurs furent écartés au profit d’une bourgeoisie de gauche, adepte du libéralisme économique, nostalgique de mai 68, se caractérisant avant tout par un militantisme sociétal. Les problématiques relatives aux « minorités » sexuelles, à l’antiracisme, la dépénalisation de la consommation de stupéfiants, etc., se substituent à la question sociale. L’analyse globale basée sur la lutte des classes fit place à une vision parcellaire dictée par des impératifs moraux et aussi par l’individualisme au détriment de l’intérêt général.

 

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La mort du socialisme ?

 

Cependant, cette absence d’analyse globale, ce rejet de la lutte des classes aboutit à l’inverse du but recherché : Si, effectivement les minorités sexuelles se voient reconnues, le statut social de la femme reste précaire, le racisme est de plus en plus présent – il devient même une force politique majeure –, le trafic et la consommation de drogues sont en pleine croissance. Or, précisément, les premières victimes de ces fléaux sont les classes dites défavorisées issues d’une classe ouvrière française comme immigrée décimée par le chômage.

 

« En France, comme partout en Europe et en Amérique du Nord, l'électorat de la gauche est en mutation. La coalition historique de la gauche centrée sur la classe ouvrière est en déclin. Une nouvelle coalition émerge : "la France de demain", plus jeune, plus diverse, plus féminisée. Un électorat progressiste sur le plan culturel. Une population d'outsiders sur le plan économique, variable d'ajustement face à la crise d'une société qui a décidé de sacrifier ses nouveaux entrants. Il constitue le nouvel électorat "naturel" de la gauche mais il n'est pas majoritaire. » Voilà les termes introductifs du tout récent rapport sur l’électorat socialiste effectué par des têtes d’œuf d’un think-tank socialiste – cela s’appelait auparavant « club » - dirigé, comme par hasard, par Michel Rocard, « Terra Nova ».

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Michel Rocard : vers un socialisme sans les classes populaires ?

En plus de cette véritable trahison sociologique – l’abandon du peuple – l’état-major du PS s’appuie sur une minorité « culturelle » qui correspond à ses aspirations. Cette minorité appelée « bobo », frange de la bourgeoisie urbaine ne détenant ni les leviers de l’industrie, ni ceux de la haute finance, ayant l’illusion de contrôler le monde académique et les médias, vivant des rentes de leurs ascendants,  pense qu’il existe une classe marginale – les outsiders – qui  pourrait faire pencher la balance et s’appuyer en outre sur les divisions de « l’adversaire » de droite. Comme l’écrit Hervé Nathan dans Marianne2.fr,  « Sans caricaturer outre mesure, on peut plagier Brecht et résumer la philosophie du rapport: puisque le peuple de gauche s'enfuit, inventons un nouveau peuple de gauche. Les socio-démocrates, souvent issus de la « deuxième gauche », qui animent Terra Nova (son conseil scientifique est présidé par Michel Rocard) théorisent donc ce que le PS n'ose pas avouer: à force de ne pas s'opposer au capitalisme, dont la forme actuelle est la mondialisation et la financiarisation, ils ont perdu le contact avec le peuple sociologique. Ils ne peuvent donc espérer gagner l'élection que par la division des bataillons électoraux de l'adversaire, la droite et l'extrême-droite. »

S’il s’agit du projet socialiste pour 2012, à savoir l’abandon du peuple, soyons assurés que le sixième Président de la Ve République reconduira son bail à l’Elysée.

 

Pierre Verhas

 

 

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6 mai 2011 5 06 /05 /mai /2011 10:28

Même le « Figaro » s’indigne…

 

Des bruits courent aux USA. Ben Laden aurait été repéré grâce aux informations obtenues à Guantanamo par la torture, de Cheik Khalid Sheik Mohammed, le second d’Oussama, accusé d’être la cheville ouvrière des attaques du 11 septembre. Celui-ci aurait balancé le nom du messager d’Oussama. Et c’est en suivant ce type que les Américains auraient réussi à le trouver.

 

 

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Ben Laden et Khalid Sheik Mohammed

 

Les Républicains sont tout guillerets ! C’est grâce à la torture qu’on a pu zabraliser Ben Laden. Vous voyez, c’est efficace la torture ! Il ne fallait pas pleurer ainsi ! Aux USA, la démocratie progresse à pas de géant, c’est bien connu…

 

Le « Figaro » s’indigne des propos des Républicains et estime que les Etatsuniens ont trouvé Ben Laden grâce aux filières de renseignements classiques. Bon, admettons.

 

Cependant, il y a quelque-chose qui ne va pas. Si le coursier du patron d’Al Qaïda était connu depuis plus de dix ans, pourquoi ne pas l’avoir pisté ? Pourquoi a-t-il fallu dix ans pour éliminer Ben Laden ? Pourquoi, au nom d’un « humanisme » qui n’a aucune place en cette affaire, ne pas montrer les photos ? Pourquoi avoir immergé son cadavre ? Pourquoi, etc.

 

Il n’y a rien à faire, cette tragédie du 11 septembre contient trop de zones d’ombre. Alors, il ne faut pas être surpris que les adeptes de la théorie du complot s’en donnent à cœur joie.

 

L’état d’indignation de l’establishment

 

Le tout récent bouquin de Martin Buxant, journaliste à la Libre Belgique, et de Steven Samyn du « Morgen », « Belgique, un roi sans pays » (éd. Plon, 2011) qui décrit le rôle du roi et de son entourage dans l’interminable crise politique, suscite les cris d’orfraie de l’establishment ! Le Palais se fend d’un communiqué où il est écrit qu’il « regrette » que l’on ait violé le sacro-saint secret du colloque singulier. En chœur, Charles Michel, Elio Di Rupo, Joëlle Milquet, Jean-Michel Javaux se mettent au diapason. Le président du VLD, Alexander De Croo, mis en cause, est manifestement gêné. Quant aux présidents des autres partis flamands, silence radio, à l’exception d’une déclaration sibylline de Wouter Van Besien de Groen !

 

 Pourquoi tout ce tapage ? Ce bouquin, bien ficelé en l’occurrence, ne contient aucune révélation croustillante. Tout le monde sait qu’Albert II veut à tout prix éviter des élections, qu’il a copieusement engueulé Alexander De Croo, que le prince Philippe n’est pas apte à succéder à son père…

 

Buxant_Martin.jpg 

Maxime Buxtant (sur la photo) et Steven Samyn 

ont bien fait leur boulot de journaliste (photo Belga)

  

Le mérite de cet ouvrage est qu’il met le doigt sur la plaie. L’incapacité de la classe politique belge de sortir des sentiers battus, de dépasser ses clivages, bref, de saisir l’intérêt général. Un roi entouré d’aristocrates d’une autre époque, de vieilles culottes de peau et de grenouilles de bénitier, le tout dirigé par un personnage – van Ypersele – hautain, dédaigneux, manœuvrier, sans aucune vision d’avenir. C’est la Belgique d’aujourd’hui, du moins ce qu’il en reste. C’est cela la « révélation » que l’establishment juge insupportable.

 

 

 

PV 

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5 mai 2011 4 05 /05 /mai /2011 13:16

Il règne une sale ambiance en Europe, ces derniers temps, particulièrement en France, en Italie et en… Belgique.

 

Décembre 2010, janvier 2011, c’est la révolution tunisienne, puis l’égyptienne. Enthousiasme dans les milieux démocrates, dans certains médias, dans l’opinion en général qui perçoit une autre image du monde arabe. Ce ne sont pas des terroristes animés par un obscurantisme moyenâgeux, mais des peuples qui, comme tous les autres, aspirent à vivre libres. Les valeurs universelles reprennent des couleurs. Le communautarisme s’étiole. Alléluia !

 

Mais, ces sympathiques révolutions provoquent des dégâts collatéraux. Les dictateurs ne se laissent plus faire, après avoir vu la déconfiture de leurs collègues tunisien et égyptien. C’est la guerre en Libye, en Syrie, au Yémen, à Bahreïn. Sarkozy et Cameron malmenés par leurs opinions publiques y voient une opportunité de choix. On intervient militairement en Libye, après tout le cirque BHélien promu, pour la circonstance, Lawrence de Benghazi. Et puis, le « kleiner man » de l’Elysée reluque sur la manne pétrolière de son ex-ami tripolitain. Cela contribuerait au redressement économique de la douce France. L’ONU calme le jeu, elle pond une résolution prônant une zone d’exclusion aérienne et des interventions ciblées pour prévenir d’éventuels massacres. Un Srebrenica bis, cela ferait mauvais genre ! Mais surtout, n’en faites pas trop…

 

Le Napoléon de Neuilly ne l’entend pas ainsi. Il veut tuer l’infâme, c’est-à-dire son ex-copain qu'il invita au camping à l’Elysée, voici déjà quatre ans. Comme le temps passe !  Au début, les Américains tentent de calmer le jeu, puis décident de laisser les Européens s’enferrer. Ils sentent l’enlisement : l’Irak et l’Afghanistan, cela suffit à leur bonheur. Et ils avaient vu juste : c’est devenu un cloaque. Il n’y a plus que Sarkozy, Cameron et le dévot Leterme pour y croire encore.

 

Et puis, on a oublié autre chose. Il y a une constante dans chaque révolution : une forte émigration de ceux pour qui elle n’est pas leur tasse de thé. Les révolutions arabes n’y échappent pas. La petite île de Lampedusa voit venir 5.000, puis 10.000, puis 25.000 Tunisiens désireux de respirer un air un peu plus calme et aussi… plus rentable. Panique à Rome, à Paris, à Bruxelles ! C’est le « camp des saints » ! Attila est de retour ! Vous pensez : 25.000 Tunisiens sur 500 millions d'Européns, c'est insupportable ! Le partouzeur romain ne sait plus quoi faire. Et puis, Euréka ! Il amène tous ces Tunisiens sur le continent, leur fait donner des titres de séjour « Schengen » et qu’ils aillent se faire avoir ailleurs, c’est-à-dire en France et en Belgique. Et puis, c’est si jouissif de faire une petite vacherie à son copain Sarko qui, aussitôt, ferme la porte à Vintimille. Le très chrétien ministre belge Wathelet, quant à lui, ne donnera pas la charité à ces gens, s’ils ont la mauvaise idée de se pointer dans la patrie des affaires courantes.

 

C'est cependant ennuyeux. « Schengen » existe pour assurer la libre circulation des hommes (et des femmes) dans 25 pays d’Europe, pas pour rétablir les contrôles aux frontières ! Tant pis, nécessité fait loi ! Au boulot, les douaniers ! Le mot d’ordre : casse-toi, pauvre Tunisien ! le super-flic Guéant « oublie » qu’avec cet « arrivage », le quota d’immigrants tunisiens, prévu par d’anciens accords diplomatiques, n’est même pas atteint ! On s'en tape : la priorité number one, c’est barrer la route à la Marine qui risquerait de compliquer le renouvellement du bail de son patron à l’Elysée. Enfin, le courageux Barroso accorde sa bénédiction urbi et orbi à la fermeture des frontières de l’Union. L’Europe est en marche !

 

Et puis, notre époque, c’est les quotas ! Les quotas d’handicapés dans les entreprises, de femmes sur les listes électorales, dans les conseils d'administration - à travail égal, salaire égal, pas sérieux, c'est pas un quota -,  de blacks au foot !  

 

Le foot ! Après les marchés aux esclaves où on allait dégoter de jeunes footballeurs Africains talentueux contre une bouchée de manioc, pour les faire jouer deux à trois ans  dans les grands clubs européens qui empochaient de l’or en barre, en leur laissant les miettes et, une fois usés, les éjecter, voici que le patron du foot français, Laurent Blanc – il porte bien son nom, celui-là ! – décide « en secret » de fixer des quotas de « non blancs » dans les clubs français. Les temps changent, je vous disais ! Ce n’est plus black blanc beur, c’est black out !

 

Racisme officiel, racisme honteux, « choc des civilisations », machisme, extrême-droite se portent bien, merci pour eux ! Qui trinque ? Le peuple, voyons !

 

Ambiance !

 

Pierre Verhas

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4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 09:21

  

 

Il y a, on s’en doute, pas mal de commentaires sur l’élimination de Ben Laden. En voici deux : le premier sur le blog de Bernard Gensane, professeur retraité, angliciste et spécialiste de George Orwell et des Beatles, le second de Jack Dion, chroniqueur à Marianne.

 

On s’aperçoit que le bel unanimisme voulu suite à la disparition de l’ennemi public n° 1 n’est qu’illusion et qu’elle suscite débat. L’esprit critique l’emporte toujours et c’est heureux.

 

Pierre Verhas

 

Sur le blog de Bernard Gensane : http://bernard-gensane.over-blog.com/

 

 

Décidément, notre kleiner Mann (Sarkozy) n'en rate pas une.

 

À l'annonce de la mort de Ben Laden, il a déclaré : "Justice est faite".

 

Le problème est que la justice du talion n'existe pas en France et que la peine de mort a été abolie il y a trente ans.

 

Ne parlons pas de justice mais du règlement, par la violence, d'un problème qui concernait un pays autre que le nôtre.

 

Selon Viktor Dedaj, c'est ainsi qu'il faut lire l'événement :

 

« Pakistan : nouvelle bavure US. La maison d’un ancien agent de la CIA bombardée par accident. Le commandant des forces US présente ses excuses à la famille et explique "Selon nos informations, il s’agissait d’un mariage afghan. La famille de la victime recevra bien entendu les 400 dollars d’indemnisation prévus dans ce genre d’incident. »

 

 

 

Sur le site « Marianne2.fr » :

 

Ben Laden: non, Philippe Bilger ([1]), «justice n’est pas faite»

Alors que Philippe Bilger estime qu'avec la mort de Ben Laden, « justice est faite », Jack Dion poursuit le débat. A ses yeux, la justice n'est pas l'exécution à tout prix du « méchant », particulièrement lorsque l'on souhaite défendre l'Etat de droit et les valeurs universelles.



 

Je ne crois pas appartenir à la cohorte des « pleureurs professionnels » dont parle Philippe Bilger à propos de ceux (assez rares, reconnaissons-le) qui s’interrogent sur les conditions de l’élimination de Ben Laden. Comme lui, je me réjouis que la planète soit débarrassée de ce tueur en série. Comme lui, je m’associe au soulagement des Américains et, plus généralement, de tous ceux qui ont eu à souffrir de la folie Al-Quaïda. Mais je me garderai bien d’en conclure, comme lui, que « Justice a été faite ».

Jusqu’à preuve du contraire, la justice, c’est autre chose que l’attentat ciblé. La justice, c’est autre chose que l’exécution du méchant à n’importe quel prix et dans n’importe quelles conditions.

Certes, personne ne regrettera que l’ancien ennemi public numéro 1 soit passé de vie à trépas, lui qui a tant de morts sur la conscience, la plupart d’entre eux, d’ailleurs, se situant dans des pays musulmans dont il se prétendait le héraut. Mais sauf à réhabiliter le lynchage et la vengeance, nul ne devrait considérer l’acte de guerre mené par les Etats-Unis pour tuer Ben Laden comme un modèle de justice applicable par tous, en toutes circonstances et en tous lieux.

Pour ce que l’on en sait, le commando américain qui est venu opérer au Pakistan (au mépris de la notion de souveraineté nationale) n’avait qu’une mission : assassiner Ben Laden. Il a fallu un certain laps de temps pour que la Maison Blanche avance la thèse d’une tentative d’arrestation ayant mal tournée. Des officiels américains ont même évoqué l’hypothèse, aussitôt démentie, d’un combat au cours duquel l’ex leader d’Al-Quaïda aurait utilisé une femme présente sur les lieux comme « bouclier humain ».

Au demeurant, la rapidité avec laquelle a été inhumé en pleine mer le cadavre de Ben Laden, en expliquant au passage que l’opération avait pour but de respecter le rite musulman prouve deux choses : 1) que les rites musulmans sont de l’hébreu pour la plupart des commentateurs 2) qu’il fallait surtout faire disparaître le cadavre du tueur en série, afin que l’on ne sache jamais comment il avait été tué, et que sa tombe ne devienne pas un lieu de pèlerinage. Or, dans tout pays civilisé, il est de tradition de rendre le corps d’un mort à sa famille, quand bien même s’agit-il du pire des salauds.

En fait, comme l’ont dit les Israéliens, habitués à ce genre d’opération, les Etats-Unis ont réussi « une opération de liquidation ciblée par excellence ». Celle-ci peut éventuellement se justifier au nom de la lutte contre le terrorisme. Mais dans ce cas, il faut le dire comme tel, et ne pas se réfugier derrière un discours évoquant la justice immanente.

On ne voit pas au nom de quoi un pays se targuant de défendre l’Etat de droit et les valeurs universelles peut se permettre de tuer un barbare avec des méthodes barbares. Certes, toutes les victimes du World Trade center et des attentats meurtriers d’Al Qaeda doivent ressentir un soulagement. Mais ceci justifie-t-il cela ? Que je sache, on est dans la vraie vie, pas dans un film de western où il suffit de ramener le coupable présumé « Dead or alive » (mort ou vif) pour empocher la prime.

François Bayrou a été l’un des seuls responsables politiques à tenir ce propos empreint de bon sens et d’humanité : « On ne fait pas la fête pour la mort de quelqu’un, fût-il le plus horrible ». En France, la plupart des responsables publics ont repris le raisonnement de Philippe Bilger : « Justice est faite ». Assimiler la justice à un assassinat, c’est une sorte de victoire posthume pour Ben Laden.

Jack Dion

 

On s’aperçoit que deux jours après l’annonce de la mort de Ben Laden, un doute s’installe sur les circonstances de son élimination et que beaucoup considèrent que justice et assassinat ne vont pas de pair, même pour le plus emblématique des terroristes.

 



[1] Philippe Bilger est l’avocat général du procès Fofana qui a été critiqué pour sa « clémence », alors qu’il requérait des condamnations conformément à la loi. Il tient un blog où il exprime des opinions assez radicales sur le Justice et la Politique, dans le registre « centre droit ». http://www.philippebilger.com/blog/

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