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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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18 avril 2024 4 18 /04 /avril /2024 09:56

 

 

On commémore aujourd’hui le trentième anniversaire du génocide des Tutsis au Rwanda pendant que se déroule un autre génocide à Gaza commencé juste après l’attaque sanglante du Hamas en territoire israélien. Il y a d’ailleurs bien des aspects communs entre ces deux tragédies. Le premier étant l’extermination et l’expulsion d’un peuple du territoire occupé par une puissance génocidaire.

 

Un rapport sur la guerre meurtrière à Gaza a été tout récemment publié par l’ONU en collaboration avec la Banque mondiale en mars 2024. Il indique que depuis le 7 octobre, Israël a, entre autres, endommagé ou détruit 290 820 logements (dont 76 % ont été totalement détruits) et que, par conséquent, "plus de 1,08 million de personnes ne pourront pas retourner chez elles". Il a tué plus de 31 000 habitants de Gaza (dont 70 % de femmes et d'enfants) et en a blessé 75 000 autres. « L'objectif de l'assaut israélien était de résoudre une fois pour toutes le "problème" de Gaza. Il a mené une attaque délibérément indiscriminée visant l'ensemble de la population civile et des infrastructures de Gaza. Si tel ou tel Gazaoui tué s'avère être un militant ou si tel ou tel logement détruit se trouve au-dessus d'un tunnel, cela ne représente guère plus que la marge d'erreur dans l'ensemble de cet assaut. Voici donc le dilemme moral d'Israël : s'il poursuivait tous les criminels de guerre dans ses rangs, il ne resterait plus personne pour terminer le travail à Gaza » pour Norman Finkelstein cité par Viktor Dedaj.

 

 

 

 

Ces bombardements génèrent mort et désespoir et alimentent le désir de vengeance favorables aux seuls fauteurs de guerre.

Ces bombardements génèrent mort et désespoir et alimentent le désir de vengeance favorables aux seuls fauteurs de guerre.

 

 

« Le premier génocide télévisé »

 

« Résoudre une fois pour toutes » le problème de Gaza, cela ressemble à la « solution finale » pour le peuple palestinien. Prenons les chiffres cités plus haut : 1,08 million de sans-abris représente la moitié des Palestiniens Gazaouis. Comme l’a dit le sociologue palestinien Naji El Khatib lors de la récente conférence sur la décolonisation à Bruxelles, organisée par Anne Vanesse : « L’attaque de la bande de Gaza est non seulement un génocide, mais aussi un spaciocide. ». En effet, en plus des 70 % de logements détruits, il y a bon nombre de logements endommagés et sans doute rendus inhabitables et dangereux, car les bombardements les ont déstabilisés. Naja El Khatib estime aussi que les bombes non explosées et les sous-munitions lâchées par l’aviation de Tsahal rendent le Nord de la bande de Gaza très dangereux.  Ainsi, même détruit, les Gazaouis ne pourront rentrer chez eux !

 

 

 

Ilan Pappé et Naja El Khatib à la conférence sur la décolonisation le 15 mars dernier organisée par Anne Vanesse (photo Véronique Vercheval)

Ilan Pappé et Naja El Khatib à la conférence sur la décolonisation le 15 mars dernier organisée par Anne Vanesse (photo Véronique Vercheval)

 

 

 

L’historien israélien Ilan Pappe qui est aussi intervenu à cette conférence a observé que l’attaque de Gaza « est le premier génocide télévisé ». Cela, en dépit des nuances de la presse mainstream occidentale, a pour effet de secouer l’opinion internationale. D’ailleurs, le nombre de manifestations propalestiniennes n’a jamais été aussi important. En conséquence, le gouvernement israélien de Netanyahu et de Ben Gvir voit sa position affaiblie sur le plan international. Une grande partie de l’opinion israélienne exige que l’on s’occupe de la libération des otages et estime que le gouvernement de Jérusalem a pour seule priorité l’élimination du Hamas. Ilan Pappé ajoute qu’une grande partie de la communauté juive américaine, particulièrement la jeunesse, se détourne de la politique extrémiste de Netanyahu.

 

En outre, il ne faut pas oublier les événements dont on parle peu ou même pas du tout : les attaques des colons en Cisjordanie avec la complicité de l’armée, les bombardements au Liban et en Syrie ; sans oublier l’attaque de la légation iranienne à Damas qui provoque un risque majeur d’extension du conflit à tout le Proche Orient.

 

L’opinion israélienne comme palestinienne peut jouer un rôle.

 

Et puis, quelle grande partie de l’opinion israélienne ? Ilan Pappe estime qu’elle est divisée en deux camps : celui qu’il appelle l’Israël de Tel Aviv et celui de l’Israël de Judée. Le premier qui compte encore des dirigeants importants est composé des Ashkénazes issus des premières générations d’immigrants juifs en Palestine, qui ont fondé l’Etat d’Israël , qui sont responsables de la « Nakba » - l’expulsion de plus de 700 000 Palestiniens en 1947 – 1949 – et qui a été au pouvoir jusque dans les années 1990. Ce fut la période des partages. La seconde se retrouvant dans la droite israélienne issue de l’Irgoun de Menahem Begin et du Stern de Itzhak Shamir qui sont devenus le Likoud. Ensuite, ce fut le travailliste Itzhak Rabin, le général victorieux de la guerre des Six jours et responsable de la politique des « os brisés » qui consistait à blesser aux jambes les jeunes-gens palestiniens lanceurs de pierre afin de les « immobiliser ». Ce fut Rabin avec Arafat qui a signé les fameux accords d’Oslo en 1993. Rabin fut assassiné par un extrémiste juif en novembre 1995. Ce tragique épisode a radicalement transformé la démocratie israélienne. Peres et Barak ne se sont pas montrés à la hauteur de la situation et la droite radicale est revenue au pouvoir. Ariel Sharon, alors leader du Likoud, a pris les rênes du gouvernement. Il fut le responsable de l’attaque du Liban en 1982, de la seconde Intifada en 2000 et du retrait de Gaza en 2005 qui a transformé cette zone en « prison à ciel ouvert » comme l’a écrit Stéphane Hessel dans son manifeste « Indignez-vous ! ». Enfin est venu Benyamin Netanyahu qui, en 2017 a fait adopter la loi de discrimination dite « Etat-nation » et qui a ouvert la porte à l’extrême droite nationaliste et religieuse. Nous en voyons le résultat aujourd’hui.

 

 

Les Palestiniens ne sont pas mieux lotis sur le plan politique. Le Fatah, le parti de feu Yasser Arafat, lui aussi décédé dans des circonstances mystérieuses, a été chassé de Gaza par le Hamas alors appuyé par les Israéliens, dont les membres se sont réfugiés en Cisjordanie. Le Hamas s’est toujours montré particulièrement violent même à l’égard de la population gazaouie. L’Autorité palestinienne qui, comme le dit Naja El Khatib, dirige 9 % des 23 % du territoire palestinien accordé par les accords d’Oslo, autrement dit la zone A de la Cisjordanie, les zones B et C restant sous l’autorité de l’occupant israélien, est considérée comme un gouvernement faible. On dit même qu’elle ressemble au gouvernement pétainiste de Vichy durant l’occupation allemande de 1940-44 étant contrainte de collaborer avec les autorités militaires israéliennes.

 

Y a-t-il génocide à Gaza ?

 

Oui, il y a un génocide. Tous les faits le confirment et correspondent à la définition que les Nations Unies ont établie après l’Holocauste nazi des Juifs et des Tziganes. C’est en 1948 que l’Assemblée générale des Nations Unies s’est mise d’accord sur la définition du crime de génocide et a adopté une Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. C’est sur la base de cette Convention que la Cour pénale internationale saisie par l’Afrique du Sud a prévenu le gouvernement israélien sur son offensive contre Gaza qui pourrait être assimilée à un crime de génocide.

 

L’article 2 de la Convention donne la définition de génocide :

 

« Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

  1. Meurtre de membres du groupe ;
  2. Atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
  3. Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
  4. Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
  5. Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.

 

 

 

En l’occurrence, les points a, b et c s’appliquent. Les bombardements systématiques de la bande de Gaza constituent des meurtres de masse de civils – hommes, femmes, enfants – et répondent à la définition du point a. Les bombardements, les agressions des colons en Cisjordanie, les détentions arbitraires de Palestiniens avec tortures répondent au point b. Quant au point c, il s’applique en Cisjordanie, les Palestiniens dans les zones B et C sont soumis à l’autorité militaire israélienne, des routes sont interdites, la police palestinienne n’est pas armée, donc dépend des autorités israéliennes pour poursuivre un criminel, par exemple. Régulièrement, les Israéliens, comme déjà dit, arrêtent des Palestiniens et les détiennent sans jugement. De violentes expropriations se font un peu partout. On pourrait multiplier les exemples. La vie économique devient impossible. L’objectif évident est de rendre intenable la vie en Cisjordanie et aussi à Jérusalem-Est occupées pour que les Palestiniens s’en aillent. Cela « réussit » en partie, car de nombreux jeunes Palestiniens partent vers les USA, l’Europe et les monarchies pétrolières où ils estiment avoir un avenir plus serein. Cela démunit la Palestine de sa future élite et compromet ainsi son avenir.

 

 

Ajoutons un fait difficile à expliquer. Des militaires israéliennes chargées d’observer les mouvements suspects à la frontière entre Israël et le territoire de Gaza avaient quelques jours avant le 7 octobre 2023, alerté à plusieurs reprises l’état-major de Tsahal de mouvements suspects qui annonçaient l’imminence d’une offensive des milices du Hamas. Il n’en pas été tenu compte. Sans tomber dans le « complotisme », on peut se poser une question : aucune alerte préalable n’a été donnée. Pour quelles raisons ? N’attendait-on pas un incident sérieux pour pouvoir déclencher une attaque majeure sur la bande de Gaza ? Malheureusement, aucune mesure de protection de la population israélienne proche de la frontière n’a été prise. C’est sans doute une des raisons de l’ampleur du pogrom du 7 octobre.

 

 

Une seule solution possible

 

 

Malgré l’usage systématique de la force, les Israéliens ne parviendront jamais à se débarrasser

des Palestiniens. Il y a d’abord les Arabes israéliens considérés comme des citoyens de seconde zone, surtout depuis la loi « Etat-nation », ensuite, les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, même si ceux-ci se retrouvent dans des conditions inhumaines.

 

 

La guerre à outrance et des offensives génocidaires n’aboutissent jamais au résultat escompté par l’agresseur (1). C’est pour ces raisons qu’au terme de ce conflit, rien ne sera plus comme avant. L’Etat d’Israël va connaître une crise interne sans précédent. Voilà le résultat d’un gouvernement et surtout d’un Premier ministre qui a favorisé les mesures les plus extrêmes qui n’ont fait que créer des divisions et ont ouvert la porte à une extension du conflit israélo-palestinien hors du territoire de la Palestine historique. L’attaque du Hamas du 7 octobre n’a pu se faire sans un appui extérieur, sans doute de l’Iran. Pour quelles raisons ? Les accords dits d’Abraham consistant en une sorte d’alliance économique entre Israël et plusieurs pays arabes dont l’Egypte et les Emirats arabes unis, hormis l’Arabie Saoudite. Ces accords isolaient l’Iran considéré comme l’ennemi n° 1 au Proche Orient par les Etats-Unis et Israël. D’autre part, les Palestiniens en étaient exclus et le Hamas se sentit affaibli. C’est cela qui est sans doute à l’origine de l’attaque du Hamas du 7 octobre.

 

 

 

Alors, comment s’en sortir ? La fameuse « solution à deux Etats » qui est invoquée à tout bout de champ dans les chancelleries, dans la presse et dans les médias mainstream et même par le grand journaliste Charles Enderlin est inapplicable. Elle trouve son origine à l’époque du mandat britannique sur la Palestine lors des révoltes arabes dans les années 1930. En 1947, l’ONU l’a proposée dans la fameuse résolution 181 qui préconisait la division de la Palestine en un Etat arabe et un Etat juif, Jérusalem étant zone internationale. Ce fut le déclanchement de la terrible « Nakba ».

 

 

En effet, pour son application, il fallait procéder à un référendum au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes afin que les Arabes et les Juifs acceptent ce plan. À l’époque, les Arabes représentaient 2/3 de la population en Palestine. C’était évidemment inacceptable pour les Juifs. Aussi, les milices juives -Haganah, Palmach, Irgoun et groupe Stern – se livrèrent à l’expulsion forcée des Palestiniens, il y eut des massacres, notamment celui du village de Deir Yassine par l’Irgoun. Résultat : 700 000 Palestiniens fuirent ou furent chassés pour s’installer dans des camps de réfugiés au Liban, en Syrie, à Gaza et en Jordanie. Le délégué de l’ONU, le comte suédois Bernadotte, chargé de l’application de la « 181 » dans les meilleures conditions possibles, fut assassiné par des éléments du groupe Stern.

 

 

Le 14 mai 1948, l’indépendance d’Israël fut proclamée à Tel Aviv par le dirigeant nationaliste de gauche, David Ben Gourion. Aussitôt, l’Egypte, la Transjordanie, la Syrie et l’Irak attaquèrent Israël. Cette guerre dite d’indépendance fut remportée par les Israéliens qui agrandirent leur territoire, mais durent reculer en Cisjordanie et à Jérusalem dont ils ne gardèrent que la partie occidentale. La Cisjordanie et Jérusalem Est furent rattachées à la Transjordanie pour devenir la Jordanie. On connaît la suite. C’est en 1993, suite aux accords d’Oslo que la « solution à deux Etats » est réapparue. On a vu ce que cala a donné. L’embryon d’Etat palestinien existe à Gaza sous le contrôle exclusif du Hamas et aussi avec l’Autorité palestinienne sur 9 % des 23 % de la Palestine historique accordés aux Palestiniens suite à ces accords. Et n’oublions pas le Mur de séparation ou d’apartheid selon les Palestiniens et la colonisation de la Cisjordanie qui a amené plus de 700 000 Israéliens en Cisjordanie.

 

 

 

Deux conceptions de l’Etat unique s’opposent. Un Etat « ethniquement » et « religieusement » pur selon à la fois les nationalistes religieux israéliens et les intégristes musulmans palestiniens. Si on s’inscrit dans une réelle perspective de paix, ce sont ces deux extrêmes qu’il faut combattre. Cela fera l’objet de la prochaine analyse sur cet épineux sujet.

 

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

 

  1. Les Israéliens invoquent après chaque attaque palestinienne leur « droit à se défendre ». Celui-ci est en effet prévu par la Charte des Nations Unies. Cependant, ce droit n’implique pas des contrattaques disproportionnées et encore moins des crimes de guerre par l’extermination de civils, la destruction des villes et des hôpitaux.

 

 

 

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19 février 2024 1 19 /02 /février /2024 09:52

 

 

 

Rappelons que l’éditeur, journaliste et fondateur de Wikileaks, Julian Assange, est poursuivi et détenu par la Justice étatsunienne pour avoir publié en 2010 avec l’aide de Chelsea Manning des câbles diplomatiques secrets qui prouvaient les crimes de guerre commis par l’armée US en Irak et en Afghanistan. Ces poursuites basées sur une loi contre l’espionnage datant de 1917 ont été entamées par l’administration Trump qui demande l’extradition d’Assange. Il risque jusqu’à 175 ans de prison !

 

 

 

Affaire Assange : clap de fin ?

 

 

Demain et après-demain 20 et 21 février aura lieu l’audience d’appel de Julian Assange détenu à la prison de haute sécurité de Belmarsh à Londres depuis le 11 avril 2019, jour de son arrestation dans l’ambassade d’Equateur où il s’était réfugié depuis six ans et dix mois. Le 1er mai, il fut condamné à cinquante semaines de prison pour avoir brisé son bracelet électronique avant de se réfugier à l’ambassade équatorienne. Le 23 mai 2019, le grand jury US inculpe le journaliste de dix-huit chefs d’accusation basés sur la loi contre l’espionnage.

 

Et c’est le début d’une invraisemblable saga !

 

Le 24 février 2020 débuta à Londres le premier procès relatif à l’extradition d’Assange. La juge Vanessa Baraister se basa sur les seuls arguments avancés par la partie étatsunienne. Ce procès dura plusieurs mois, car il fut interrompu à la suite de la pandémie. C’est le 4 janvier 2021 que le jugement est prononcé : le tribunal se rallie à tous les arguments avancés par Washington, mais interdit l’extradition d’Assange pour raisons de santé ! Le surlendemain, sa mise en liberté est refusée sous prétexte que les Etats-Unis ont annoncé qu’ils interjetteraient appel ! C’était au début de la présidence de Joseph Biden.

 

Le 26 juin 2021, l’ex-activiste islandais Sigurdur Ingi Thordarson, un des principaux témoins à charge contre Assange, se rétracte. Le 11 août, Julian Assange est auditionné dans le cadre de la procédure d’appel lancée par les Etats-Unis contre le jugement de Baraister. Les 27 et 28 octobre, la Haute Cour de Justice ouvre le procès en appel, les étatsuniens contestant les problèmes psychologiques et de santé de l’éditeur-journaliste. Le 10 décembre, la Haute Cour de Justice donne raison à l’appel américain. Les avocats d’Assange n’ont pas dit leur dernier mot : le 24 janvier 2022, la Haute Cour de Justice les autorise à saisir la Cour suprême britannique. Le 14 mars, cette Cour rejette le recours des avocats estimant que les « garanties » étatsuniennes ne soulèvent pas « un point d’importance publique générale » !

 

Le 23 mars, Stella Morris, avocate de Julian Assange et mère de leurs deux garçons pénètre dans la prison de Belmarsh accompagné du père de Assange, de ses deux fils et de quelques membres de sa famille pour procéder à leur mariage. Si les deux nouveaux époux ont eu droit à une demi-heure à deux, ce n’était pas dans l’intimité. Nouvelle humiliation !

 

 

 

Stella Morris, ses enfants et le père de Julian Aaange se dirigent vers ka prison de Belmarsh pour procéder au mariage.

Stella Morris, ses enfants et le père de Julian Aaange se dirigent vers ka prison de Belmarsh pour procéder au mariage.

 

 

L’audience de la dernière chance

 

Le 20 avril, la Justice britannique autorise formellement l’extradition de Julian Assange. C’est à la ministre de l’Intérieur Priti Patel d’y procéder. Le 17 juin, elle approuve l’extradition. Assange subit une nouvelle humiliation. Il est fouillé, mis à nu et enfermé ainsi pendant plusieurs jours dans sa cellule. Le 26 août, les défenseurs du fondateur de Wikileaks déposent un recours devant la Haute Cour britannique contre les Etats-Unis et Priti Patel en dénonciation d’une procédure abusive et politique.

 

C’est cette procédure qui fera l’objet des audience devant la Haute Cour de Justice. Un collège de deux juges entendra la dernière tentative des avocats d’Assange de faire appel de l’extradition. Ils demandent l’autorisation de faire appel de la décision de la ministre et de la décision du juge de district de la Westminster Magistrates Court en janvier 2021 lorsque son extradition a été bloquée pour des raisons médicales qui a été annulée suite à l’appel des étatsuniens.

 

Plusieurs questions se posent.

 

Au passage, remarquons que malgré la demande des défenseurs de Julian Assange, il n’y a eu aucun appel sur le fond du dossier, à savoir les accusations d’espionnage formulées par les Américains qui furent retenues dans le premier jugement de Vanessa Baraister.

 

Assange pourra-t-il assister à cette audience ?

 

Il l’a demandé afin de pouvoir communiquer avec son équipe de défenseurs, mais la Haute Cour peut interdire sa présence !

 

La décision aura-t-elle un effet immédiat ?

 

On ne sait pas avec certitude si les juges rendront une décision immédiate à l’issue des deux jours d’audience ou s’ils réserveront leur jugement.

 

Que se passera-t-il si Assange obtient gain de cause ?

 

Une date sera fixée pour une audience d’appel complète.

 

Que se passera-t-il si Assange perd l’affaire ?

 

Si le droit d’appel lui est refusé, il n’y a pas d’autres possibilités d’appel au niveau national.

 

Assange peut-il saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ?

 

Oui. Le Royaume-Uni fait partie de la CEDH et la Cour a le pouvoir d’ordonner la suspension de l’extradition d’Assange. Elle peut le faire en émettant une instruction au titre de l’article 39. Les avocats d’Assange peuvent demander une telle décision si tous les recours devant les tribunaux britanniques ont été épuisés. Les instructions au titre de l’article 39 ne sont données que dans des "circonstances exceptionnelles".

 

Le gouvernement britannique peut-il contourner une instruction au titre de l’article 39 ?

 

Certaines utilisations de l’article 39 ont été controversées dans la politique britannique et le gouvernement britannique pourrait tenter de faciliter l’extradition immédiate d’Assange avant qu’une instruction au titre de l’article 39 ne soit émise ou subvertir l’instruction au titre de l’article 39 après coup. Toutefois, cela serait très controversé dans une affaire qui concerne la liberté de la presse et qui a des ramifications mondiales. Il s’agirait également d’une violation du droit international.

 

Qu’arrivera-t-il à Assange s’il est extradé ?

 

Il sera incarcéré dans une prison américaine de haute sécurité en attendant son procès. À l’origine, le juge de district avait refusé son extradition au motif que les conditions d’isolement rigoureuses auxquelles il serait soumis dans le système pénitentiaire américain mettraient sa vie en danger. Cette décision n’a été annulée en appel qu’après que les États-Unis eurent offert des garanties conditionnelles, qu’Amnesty International a qualifiées de « profondément erronées », car « le fait que les États-Unis se soient réservé le droit de changer d’avis à tout moment signifie que ces garanties ne valent pas le papier sur lequel elles sont écrites ».

 

Droit ou Soumission

 

Ainsi, le sort de Julian Assange sera définitivement fixé après l’audience de la semaine prochaine. La Justice britannique va choisir entre le Droit et la Soumission. Cela aura des conséquences vitales pour le journaliste – éditeur, fondateur de Wikileaks, mais aussi pour la liberté de la presse et de la communication dans le monde entier.

 

Si les juges choisissent le Droit, ils assurent la souveraineté de la Grande Bretagne qui, en d’autres temps, a montré au monde sa capacité de résistance. S’ils choisissent la Soumission, notre société libre est menacée dans ses fondements.

 

Wait and see.

 

Pierre Verhas

 

 

 

Post scriptum

 

 

 

Exit José Gotovitch

 

Un grand historien, un homme de cœur et de raison, un infatigable chercheur qui a marqué plusieurs générations vient de nous quitter. Né dans les Marolles (célèbre quartier populaire de Bruxelles) en 1940, d’origine juive, il fut caché à Namur. Il fut professeur à l’ULB et administrateur du CRISP (Centre de Recherche et d’Information Sociale et Politique), co-auteur avec Jules-Gérard Libois de « l’an 40 », ouvrage de référence sur l’occupation allemande en Belgique et auteur d’une histoire du Parti communiste belge de 1940 à 1944. Goto comme on l’appelait était aussi un grand spécialiste de la Résistance belge.

 

 

 

 

Affaire Assange : clap de fin ?

 

 

Sa rigueur intellectuelle et sa courtoisie proverbiale l’ont rendu éminemment sympathique et il put ainsi diffuser sa pensée dans tous les milieux. Il était profondément attaché à la recherche de la vérité, même si elle n’était pas toujours agréable à lire ou à entendre.

 

Bon vent Goto…

 

P.V.

 

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17 février 2024 6 17 /02 /février /2024 17:50

 

 

 

La gérontocratie US

 

 

Voilà que le président Joe Biden présente des signes de sénilité. Il confond le président égyptien avec le mexicain, il perd l’équilibre. Ses proches et ses partisans s’inquiètent pour son éventuelle réélection. On se demande même s’il tiendra le coup jusqu’aux élections du 9 novembre.

 

 

 

Joe Biden a manifestement des problèmes de mobilité et est souvent confus.

Joe Biden a manifestement des problèmes de mobilité et est souvent confus.

 

 

Quant à Donald Trump, il caracole en tête dans les sondages et gagne tous les caucus malgré les nombreux procès dont il fait l’objet. Il apparaît bon pied bon œil. Cependant, n’oublions pas qu’il a aussi plus de quatre-vingts ans. Lui aussi est à la merci d’un sérieux accident de santé.

 

 

 

Donald Trump apparaît bon pied bon oeil, mais pour combien de temps ?

Donald Trump apparaît bon pied bon oeil, mais pour combien de temps ?

 

 

Ces deux personnages, ne l’oublions pas, ont le pouvoir de pousser sur le « bouton rouge ». Ce n’est pas très rassurant. Et puis, à cet âge-là, on n’est plus tout à fait dans le coup !

 

Cela n’est pas bon pour les Etats-Unis et a fortiori pour le reste du monde.

 

 

Le jeunisme macronien

 

 

Pour une fois, le président français Macron n’imite pas ses « amis » étatsuniens. Il fait dans le jeunisme. Et cela ne marche pas comme il le voudrait. Sa fraîche émoulue ministre de l’Education est virée au bout de quatre semaines ! Un record ! Il est vrai qu’elle avait accumulé les bourdes et affichait un mépris total à l’égard des écoles qu’elle était sensée épanouir et à l’égard de sa propre administration. Belle erreur de « casting » de Manu qui faisait de l’Education un domaine réservé au président. L’autre, petite girouette qui avait débuté au PS pour le quitter aussitôt pour la macronie, le parfait petit technocrate, formé dans les « bonnes » universités, Gabriel Attal, trente-quatre ans, qui avait fait ses premières armes ministérielles à l’Education, le plus jeune Premier ministre de la Ve République, tarde à afficher une réelle autorité. Il est vrai que diriger de vieux requins comme Bruno Lemaire ou l’incontrôlable Rachida Dati, est loin d’être une sinécure. Il est vrai que son chef cab' est un banquier. Une bonne précaution !

 

 

 

Gabriel Attal, le plus jeune Premier ministre de la Ve République. Pour combien de temps ?

Gabriel Attal, le plus jeune Premier ministre de la Ve République. Pour combien de temps ?

 

 

Cela promet des lendemains qui chantent pour la deuxième partie du mandat présidentiel d’Emmanuel Macron. Tout bénéfice pour Marine Le Pen !

 

Provocations de Trump, une chance pour l’Europe ?

 

Panique générale après la déclaration de Donald Trump à un de ses meetings électoraux. Plus de solidarité avec les pays membres de l’OTAN qui ne payent pas assez et conseil à Poutine de les attaquer ! Le candidat républicain est connu pour un usage assez particulier du langage diplomatique !

 

 

 

Donald Trump redessine l'Alliance atlantique...

Donald Trump redessine l'Alliance atlantique...

 

 

 

En plus, les commandants des armées européennes, notamment belge et hollandaise, affirment craindre une attaque russe vers les pays européens et plaident pour une augmentation importante des budgets militaires.

 

Poutine irait-il jusqu’à attaquer la Pologne ou un Etat balte ? Rien n’est moins sûr. À l’exception de Staline avec le pacte germano-soviétique de 1939 et l’occupation de l’Europe centrale en 1945, la Russie ne s’est jamais prise aux pays européens. D’ailleurs, si elle en avait l’intention, elle n’en a ni l’intérêt, ni les moyens.

 

Que dit Trump aux Européens ? Vous allongez l’oseille, sinon ne comptez pas sur nous. Débrouillez-vous !

 

Eh bien, les Européens feraient bien de tenir compte de cet avertissement du candidat président US et, enfin, saisir leur chance et envisager sérieusement de construire leur propre défense sans se réfugier sous le fameux « parapluie » américain. Autrement dit être souverains !

 

Mais avec des « personnalités » comme Ursula, Manu et Olaf, cela reste du rêve !

 

 

Agriculteurs : la première révolte contre le néolibéralisme de l’UE

 

 

L’agriculture dans les Etats-membres de l’Union européenne est basée sur le modèle américain d’une agriculture intensive et industrialisée, utilisant des engrais et des pesticides particulièrement dangereux comme le glyphosate fabriqué par Bayer-Monsanto et qui suscite la polémique depuis plusieurs années. Face à un tel modèle, l’agriculture familiale traditionnelle ne peut survivre. C’est là le déclenchement de la révolte des agriculteurs dans pratiquement toute l’Europe occidentale.

 

 

 

La colère des agriculteurs est loin de se calmer !

La colère des agriculteurs est loin de se calmer !

 

 

 

L’industrialisation de l’agriculture que veut imposer l’UE est incompatible avec les exploitations familiales traditionnelles. C’est la raison pour laquelle la fameuse PAC ne subventionne que les grandes fermes. Elle nous concocte une agriculture à l’américaine qui ne peut fonctionner en Europe pour de multiples raisons économiques, géographiques, commerciales, etc.

 

Et puis, il y a les traités de libre échange que l’Union européenne a imposé en dépit de l’opposition de plusieurs secteurs économiques dont le secteur agricole.Dans une tribune au quotidien français « Libération », José Bové et le député européen EELV français Benoît Biteau nous montrent, chiffres à l’appui, les conséquences du libre échangisme sur l’élevage et l’agriculture.

 

L’Europe, selon les deux auteurs, importe des centaines de milliers de tonnes de viande par an. Ainsi, les « importations de poulets représentent 950 000 tonnes » en provenance du Brésil, de Thaïlande et de l’Ukraine. « La deuxième viande la plus importée dans l’UE est la viande de bœuf, avec une quantité annuelle atteignant environ 340 000 tonnes. Là encore, le Brésil est le principal exportateur : 180 000 tonnes de viande ovine et caprine sont importées chaque année, ce qui est considérable par rapport à la production totale de l’UE. »

 

Le tout représente un cinquième de la production de l’UE et elle vient de signer un nouvel accord avec la Nouvelle Zélande qui offre un quota supplémentaire de 38 000 tonnes ! Et Ursula von der Leyen veut conclure un accord de libre échange avec le Mercosur qui nous ferait importer 100 000 tonnes supplémentaires de viande de bœuf !

 

Cela dit, des importations sont indispensables comme le café, le soja, le cacao, pistache, fruits tropicaux, etc. Cela est cependant tout à fait normal. En plus, malgré toutes ces importations, la balance commerciale de l’UE est excédentaire. La PAC coûte 55 milliards d’Euros au contribuable européen. Et le secteur agroalimentaire est bénéficiaire de 33 milliards d’Euros nets en 2022 ! Alors, pourquoi cette révolte des agriculteurs et éleveurs à l’échelle européenne ?

 

Les 33 milliards de bénéfice transitent par les comptes bancaires des paysans et aboutissent dans les caisses des entreprises transnationales de l’agro-alimentaire et de la grande distribution. Par exemple, Nestlé a versé 19 milliards d’Euros de dividendes aux actionnaires. Bayer, malgré ses déboires avec la reprise de l’américain Monsanto, a fait un bénéfice de 4,1 milliards en cette même année 2022.

 

Ainsi, l’explosion du commerce mondial s’est traduite par une envolée des dividendes dans l’industrie. Les paysans des pays importateurs comme exportateurs ne touchant que des clopinettes. En outre, ils paient cher les intrants comme les semences, le gasoil, les pesticides, les engrais. Ils ne contrôlent même pas le prix de leurs produits, ils doivent vendre en-dessous du coût de production ! Et on s’étonne qu’ils se révoltent.

 

Cette fois-ci, leur révolte n’est pas éphémère et pourrait marquer la première étape de la grande lutte contre le néolibéralisme.

 

 

L’assassinat d’Alexei Navalny et le sort de Julian Assange

 

 

La mort du principal opposant politique à Vladimir Poutine est un assassinat, c’est clair. La Russie de Poutine ressemble de plus en plus à l’URSS du Goulag de l’ère brejnévienne. Alexei Navalny était condamné à 19 ans de détention dans une « colonie pénitentiaire » située près du cercle polaire arctique. Il n’est dès lors guère difficile d’y mourir faute de soins et sans réelle protection contre le froid. À quelques semaines des élections présidentielles, le locataire du Kremlin lance ainsi un avertissement à ses opposants.

 

 

 

Alexei Navalny, le principal opposant à Poutine est décédé mystérieusement et... opportunément.

Alexei Navalny, le principal opposant à Poutine est décédé mystérieusement et... opportunément.

 

 

Le trépas de Navalny suscite l’indignation générale dans le monde occidental. À juste titre. Avec cependant un petit bémol : on aimerait que toutes ces excellences expriment la même indignation à l’égard du traitement inhumain réservé à l’éditeur-journaliste Julian Assange enfermé à la prison de Belmarsh à Londres – surnommée le « Guantanamo britannique – et menacé d’extradition vers les Etats-Unis où il risque une condamnation de 175 ans ( !) de prison pour espionnage, ou plutôt pour avoir fait son métier ! Là aussi, c’est un « avertissement » des « Occidentaux » aux journalistes qui seraient tentés d’investiguer trop en profondeur…

 

 

 

Julian Assange depuis son expulsion de l'ambassade d'Equateur est toujours emprisonné à Belmarsh. Sin décès éventuel, lui, ne serait pas un mystère !

Julian Assange depuis son expulsion de l'ambassade d'Equateur est toujours emprisonné à Belmarsh. Sin décès éventuel, lui, ne serait pas un mystère !

 

Mardi prochain, le 20 février et le lendemain 21 auront lieu l’audience en Haute Cours de Justice à Londres sur l’autorisation d’extradition de Assange. Ce sera son dernier recours en Grande Bretagne. Les éléments essentiels seront fournis aux lecteurs d’Uranopole dans deux jours.

 

Un imam au Parlement bruxellois

 

Le 13 janvier, le député bruxellois PS Hassan Koyuncu, bien placé sur la liste socialiste aux élections du 9 juin, donc certainement réélu et « ministrable », organisa la visite du Parlement bruxellois d’une délégation pakistanaise. Celle-ci se termina par la remise d’une médaille par la ministre Nawal Benamou à un imam belgo-pakistanais. Jusqu’ici, rien de bien intéressant. La cerise sur le gâteau fut la montée dudit imam à la tribune du Parlement où il récita une sourate du Coran ! L’islamisation en marche !

 

 

 

L'imam pakistanais récitant une sourate du Coran à la tribune du Parlement bruxellois.

L'imam pakistanais récitant une sourate du Coran à la tribune du Parlement bruxellois.

 

 

Le Parlement de la Région de Bruxelles-capitale est sans doute une des seules assemblées européennes où une prière est prononcée. La séparation du religieux et du temporel a été véritablement violée sans que le président du Parlement, Rachid Madrane, PS (dissident ?) qui est un grand défenseur de la laïcité ne soit mis au courant, la visite étant « privée », ce qui n’a pas empêché les caméras de télévision d’être présentes.

 

Sans verser dans les excès « laïcards » et de l’ilamophobie, cet incident prouve une fois de plus que l’islamisme tente par tous les moyens de s’installer au sein de la sphère politique européenne. D’autre part, des partis censés défendre les principes de base de la laïcité, comme le Parti socialiste, ont renoncé à leurs fondamentaux. Cette affaire s’inscrit dans un contexte qui devient de plus en plus tendu.

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

 

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1 février 2024 4 01 /02 /février /2024 21:14

 

 

 

II Du congrès sioniste de Bâle de 1887 à la Nakba en 1948

 

Dans son dernier ouvrage – Les origines du conflit israélo-arabe (1870 -1950), Que sais- je ? n° 4099, 2023 – Georges Bensoussan donne cette définition du sionisme :

 

« Le sionisme (mot forgé en 1890 en référence à la colline de Sion, à Jérusalem) est un mouvement national né à la fois de la sécularisation du judaïsme et des impasses de l’émancipation à la fin du XVIIIe siècle. »

 

Les deux mots clés sont « national » et « impasse de l’émancipation », autrement dit l’antisémitisme qui sévit particulièrement en Europe orientale au XIXe siècle où se trouvaient les deux tiers des Juifs européens. D’autre part, nulle part en Europe, les Juifs n’avaient un statut égal aux ressortissants des pays qui composaient ce continent à quelques exceptions près. Comme l’écrit Bensoussan (cité plus haut) : « Les Juifs s’y perçoivent comme une nation (yiddishland). C’est ici [En Europe orientale] que se forme, au mitan du XIXe siècle un mouvement culturel héritier (…) des Lumières françaises et du romantisme occidental. La floraison de la presse et de la littérature hébraïque fait de la culture la réponse à une crise séculière du judaïsme marquée par le mal de la foi et de la civilisation. »

 

Aussitôt, ce mouvement culturel se transforme en un mouvement national axé sur la Palestine, la terre des ancêtres, avec comme langue d’abord vernaculaire puis, peu à peu, maternelle, l’hébreu. Tout cela s’inscrivait dans le mouvement national répandu dans toute l’Europe au XIXe siècle.

 

La nation. Le principe de nationalité était dominant en Occident. Il a donné des guerres meurtrières et le sionisme national n’y échappa pas. C’est la clé d’un conflit de près d’un siècle et demi.

 

 

Charles Enderlin, dans son dernier ouvrage intitulé Israël l’agonie d’une démocratie, Paris, Seuil-Libelle, 2024, cite en exergue une partie des propos de Hannah Arendt sur la Palestine écrit en 1951 dans son monumental ouvrage Aux origines du totalitarisme, Gallimard, 2002, p. 591 et sq :

 

« Après la guerre, la question juive, que tous considéraient comme la seule véritablement insoluble, s’est bel et bien trouvée résolue – en l’occurrence au moyen d’un territoire colonisé puis conquis –, mais cela ne règle ni le problème des minorités ni celui des apatrides. Au contraire, comme pratiquement tous les événements de notre siècle, cette solution de la question juive n’avait réussi qu’à produire une nouvelle catégorie de réfugiés, les Arabes, accroissant ainsi le nombre des apatrides et des sans-droits de quelque 700 à 800 000 personnes. Or, ce qui venait de se produire en Palestine au sein du territoire le plus exigu et à l’échelle de centaines de milliers d’individus, s’est ensuite reproduit en Inde à grande échelle et pour des millions et des millions de gens. Depuis les traités de 1919 et de 1920, réfugiés et apatrides sont, telle une malédiction, le lot de tous les nouveaux Etats qui ont été créés à l’image de l’Etat-nation. »

 

Hannah Arendt ajoute :

 

« Pour ces nouveaux Etats, ce fléau porte les germes d’une maladie incurable. Car l’Etat-nation ne saurait exister une fois que son principe d’égalité devant la loi a cédé. Sans cette égalité juridique qui avait été prévue à l’origine pour remplacer les lois et l’ordre de l’ancienne société féodale, la nation se dissout en une masse anarchique d’individus sur- et sous-privilégiés. Les lois qui ne sont pas égales pour tous constituent des droits et des privilèges, ce qui est en contradiction avec la nature même des Etats-nations. Plus ils font preuve d’une incompétence manifeste à traiter les apatrides et les personnes légales, et plus grande y est l’extension de l’arbitraire exercé par les décrets de la police, plus il est difficile à ces Etats de résister à la tentation de priver tous les citoyens de statut juridique et à les gouverner au moyen d’une police omniprésente. »

 

 

 

Hannah Arendt ne fut guère écoutée dans ses propos.

Hannah Arendt ne fut guère écoutée dans ses propos.

 

 

En1951, la philosophe juive germano-américaine avait en ces quelques phrases analysé ce conflit séculaire dont les derniers soubresauts ne nous en montrent pas la fin. Et puis, au départ, la notion d’Etat-nation était inconnue au Proche-Orient occupé par l’empire ottoman. Les Arabes et les Juifs de Palestine ne comprenaient pas et étaient même hostiles à ce principe.

 

La naissance d’un mouvement national

 

Dès 1881, le mouvement sioniste se concrétisa. Une première alya vit le jour. Il y eut 30 000 immigrants juifs en Palestine jusqu’en 1903. Essentiellement des Juifs yéménites. Une seconde alya débuta en 1904 et s’interrompit en 1914 avec le déclenchement de la Première guerre mondiale. Elle était composée avant tout de Juifs en provenance de l’Empire russe. Les Juifs achetèrent aux grands propriétaires terriens arabes des lots de terre situés pour la plupart au long de la côte méditerranéenne, en Galilée. Ces transactions foncières déclenchèrent une première contestation chez les Arabes. Aussi, beaucoup de Juifs issus de la seconde alya s’opposèrent à un système colonial comme voulaient instaurer une grande partie du mouvement sioniste. Ils estiment qu’ils doivent mettre eux-mêmes la terre en valeur. Ils appellent cela la « conquête du travail ». C’est l’origine des fermes collectives appelées kibboutzim. La troisième alya consécutive à la fameuse déclaration Balfour, ministre des affaires étrangères britannique de 1917 qui souhaita l’installation d’un Foyer national juif en Palestine, renforça considérablement la gauche sioniste. Cette déclaration eut de conséquences incalculables. Par exemple, en 1940, un tiers de la population en Palestine était composée de Juifs ayant faire leur alya dans le cadre du mouvement sioniste.

 

La source du débat : colonialiste ou socialiste ?

 

Et voici la source d’un débat. Le caractère éminemment socialiste du mouvement des kibboutzim ne pourrait être colonialiste. Comme l’écrit Maxime Rodinson dans sa contribution à la revue sartrienne « Les Temps Modernes » ; n°263 bis, 1967 consacrée au conflit israélo-arabe (parue quelques semaines avant la guerre des Six Jours) :

 

 

 

iUn kibboutz en Israël. Le groupe d'habitations familiales et de locaux communs au centre. Les prés et les champs autour.

iUn kibboutz en Israël. Le groupe d'habitations familiales et de locaux communs au centre. Les prés et les champs autour.

 

 

« On montre combien les idées lancées par ces penseurs socialistes, marxistes ou non, se sont incarnées dans de puissants mouvements qui ont fortement contribué à l’orientation des vagues d’émigrants juifs en Palestine et de leur œuvre constructive. Naturellement, les colonies plus ou moins collectivistes d’Israël et les institutions qui se sont développées autour du réseau qu’elles forment, justement considérées comme des aboutissements concrets de ce mouvement idéologique, sont présentées comme des modèles de réalisations socialistes. La conclusion implicite est qu’une société si profondément de levain socialiste ne peut être qualifiée de colonialiste ou d’impérialiste. »

 

Et, pour Rodinson, la société socialiste israélienne s’oppose à une société arabe féodale, voire aujourd’hui fasciste. Il y a des Sionistes qui précisent : « Loin d’être l’aboutissement d’une vague impérialiste quelconque, l’Etat d’Israël a été instauré au cours d’une lutte contre l’impérialisme britannique. Cette lutte et non la lutte des Arabes pour l’indépendance qui s’insérerait dans le grand mouvement de libération de notre époque. Elle aurait même donné le branle au mouvement arabe. »

 

 

 

Le sociologue Maxime Rodinson pensait qu'une structure socialiste ne pouvait être colonialiste.

Le sociologue Maxime Rodinson pensait qu'une structure socialiste ne pouvait être colonialiste.

 

 

Mais, en dépit du caractère éminemment socialiste, coopératif et collectiviste de ce mouvement, n’est-il pas malgré lui colonialiste ? Les Arabes de Palestine ne sont en rien associés à ce mouvement à l’exception du Parti communiste palestinien fondé par Léopold Trepper – le futur chef de « l’Orchestre Rouge » - qui tenta difficilement de recruter des Palestiniens. D’autre part, le mouvement national palestinien ne se constitua pas aisément. Il se structura durant l’entre deux guerres mondiales, notamment lors des révoltes arabes qui luttaient à la fois contre l’impérialisme britannique et le sionisme.

 

Dans les années 1920, les Britanniques introduisent l’économie de marché en Palestine où les structures féodales existaient encore. D’autre part, les petits propriétaires terriens surendettés vendent leurs terres. Cependant, le grand mufti de Jérusalem interdit aux Arabes de vendre leurs arpents de terre à des Juifs. Tout cela entraîne une prolétarisation des paysans arabes qui deviennent des journaliser agricoles sous-payés et le mouvement palestinien est dominé par les grandes familles qui monopolisent les postes de direction.

 

Le nationalisme juif l’emporte.

 

Bon nombre de sionistes n’acceptaient pas une coopération avec les Arabes. Ils voulaient un Etat uniquement juif. Ce fut aussi une source du conflit. Même le syndicat Histradout interdisait à ses affiliés de fonder des organisations judéo-arabes. Il y eut cependant quelques syndicats judéo-arabes. Et il y eut aussi le Parti communiste palestinien fondé en 1920 qui existe toujours, mais qui resta une petite organisation Dans le mouvement sioniste, il a toujours existé une minorité favorable à une coopération avec les Arabes, mais c’est toujours resté une minorité, bien que depuis l’échec de la solution à « deux Etats » et le 7 octobre, l’idée d’un Etat binational revient à l’ordre du jour. Ce sera évoqué dans le prochain volet de cette analyse.

 

 

Voici cependant un exemple de ce refus de coopération dans un kibboutz de gauche radicale rapporté par Anne Vanesse dans sa biographie d’une militante juive communiste d’origine polonaise – Sophia Poznanska, du Parti communiste Palestinien à l’Orchestre Rouge avec une préface de Geert Cool et une contribution de Gilles Perrault - qui, en 1925 émigra en Palestine pour rejoindre son frère pionnier dans un kibboutz. Sophia fut très vite déçue par le sionisme qu’elle avait imaginé comme un mouvement socialiste de libération et d’émancipation entre les ouvriers juifs et les ouvriers arabes. La réalité qu’elle rencontra était tout autre. Elle s’en ouvrit à son frère Olek dans une discussion rapportée par Yehudit Kafri et qui marqua son destin. Cette conversation illustre parfaitement la question fondamentale qui est toujours d’actualité.

 

 

 

Zofia Poznanska une femme de principe qui sacrifia sa vie pour ses idées.

Zofia Poznanska une femme de principe qui sacrifia sa vie pour ses idées.

 

 

« Les Arabes sont des gens tout comme nous ! »

 

Le vent fort transportait jusqu’à eux de la fumée imprégnée de l’odeur du bois d’olivier brûlant dans de lointains fours taboun, des aboiements de chiens, des voix de gens.

 

« Il y a des Arabes ici », répétait-elle. « De quel droit les avons-nous chassés de leurs terres et de leurs villages pour résoudre notre problème ? »

 

« Vous exagérez. Pas partout. Ils n’ont pas été chassés partout, Zocha. » rétorquait Olek. « Il y avait et il y a suffisamment de terres désertes et incultes ici, de marécages, de moustiques, d’épines, de scorpions et de serpents. Pas partout… »

 

Cheveux bouclés, au regard intelligent et inquiet qu’il avait dans les yeux, elle détourna les yeux et continua avec entêtement.

 

« Parlons d’Afula. Nous sommes ici, n’est-ce pas ? »

 

« Oui » dit-il mal à l’aise sachant ce qui allait se passer.

 

« Donc, ils ont acheté les 1 600 hectares de la vallée juste avant ton arrivée ici. »

 

« Oui »

 

« Et il y avait un village ici. Afula. Il n’était pas si petit. Il comptait 530 habitants. Des fermiers locataires, qui arrivaient à peine à vivre de cette terre, mais ils en vivaient ! Alors, qu’en est-il d’eux ? L’argent a été versé au propriétaire Sursuk, pas à eux. Ils leur ont donné une misérable compensation et ils ont été chassés. Il y a un mot pour cela, Olek : Dépossession ! C’est pour déposséder les Arabes que nous sommes venus en Eretz Israël ? C’est ça que ça veut dire « construire et être construit » ? » »

 

« Je suis opposé à la dépossession, et tu le sais, Zocha. Tu prends quelque-chose qui est si compliqué et complexe comme, peut-être, deux justices de poids égal, et tu les transformes en une simple question de soit-soit. Soit, eux ils ont raison, soit c’est nous. »

 

« C’est eux ou nous, Olek. C’est vraiment ce que c’est. »

 

Plus loin dans la conversation, Zocha pose la question.

 

« A quoi sert le progrès que nous apportons, si nous ne l’apportons à ceux qui ont été dépossédés, aux Arabes d’Afula ? Nous leur avons pris leur village, la maison dans laquelle ils vivaient depuis des générations. »

 

Et enfin,

 

« Nous faisons une terrible erreur, Olek. Ils vont se venger de nous… »

 

Et puis, à un moment, Olek évoque à la suite de la question de Zocha sur l’origine du droit des Juifs sur cette terre.

 

« D’il deux mille, trois mille, ou quatre mille ans, d’abord. Et deuxièmement, de la déclaration Balfour. Et encore, plus que ces deux-là, c’est l’absence d’alternative. Parce que l’Europe est finie pour nous ! C’est fini, tu comprends ! »

 

Les extraits de cette conversation datant de 1925 mettent en évidence l’implacable et interminable conflit, ainsi que le dilemme des Juifs sionistes qui déchire cette région depuis un siècle. Et puis, ces propos tenus il y a si longtemps sont encore aujourd’hui d’une brûlante actualité en ces temps où les Israéliens occupent Jérusalem Est, la Cisjordanie et le Golan depuis 1967.

 

Deux révoltes arabes à la fois dirigée contre l’occupant britannique et contre les Sionistes eurent lieu. Elles furent sanglantes, particulièrement la deuxième en 1936 qui disposa du soutien de l’Italie fasciste qui voulait affaiblir l’influence britannique en Méditerranée et de l’Allemagne nazie dans sa traque des Juifs. Le grand mufti de Jérusalem qui était un des chefs de la révolte fut même reçu par Hitler.

 

 

 

Le grand mufti de Jérusalem, Hadj Amin al Husseini a été reçu en grande pompe par Adolf Hitler.

Le grand mufti de Jérusalem, Hadj Amin al Husseini a été reçu en grande pompe par Adolf Hitler.

 

 

 

Les Anglais proposèrent en 1937 un plan de partage, le rapport Perl, dans le cadre d’un seul Etat indépendant. Il proposait de donner 30 % de la terre aux Juifs qui représentaient 17 % de la population et aussi de limiter l’immigration à 12 000 personnes par an. De plus, le territoire était partagé. La partie orientale serait rattachée à la Transjordanie et serait attribuée aux Arabes. La partie occidentale serait donnée aux Juifs. Tout cela implique un transfert de populations : 225 000 Arabes vers l’Etat arabe et 1 250 Juifs vers l’Etat juif.

 

Ce plan est évidemment rejeté aussi bien par les Sionistes que par les Arabes. La révolte arabe reprend de plus belle et les Britanniques y répondent par une très sévère répression. Les occupants arrêtent 200 dirigeants palestiniens et les exilent à… l’île Maurice ! Des villages soupçonnés soutenir la rébellion sont incendiés et soumis à des amendes collectives. Les Juifs de l’Irgoun de Zeev Jabotinsky – en exil – se livrent aussi à des attaques de villages arabes. En août-octobre 1938, les combattants arabes occupent la ville de Hébron.

 

Observons que ces événements ressemblent à bien d’autres qui se produiront durant toute l’histoire de l’interminable conflit israélo-palestinien.

 

La révolte s’essouffle en 1938. Les Anglais veulent maintenir leur alliance avec les Arabes. Un nouveau rapport est publié en novembre 1938, le fameux Livre Blanc.

 

Pendant ce temps, avec la nouvelle puissance hitlérienne, la situation des Juifs en Allemagne et en Autriche, surtout après l’Anschluss devenait périlleuse. Aussi, les Sionistes réclamèrent qu’on leur ouvre les portes de la Palestine. Refus des Anglais. D’autre part, les Sionistes menés par David Ben Gourion refusent l’indépendance de la Palestine, car ils redoutent un déséquilibre démographique en faveur des Arabes. Un nouveau Livre Blanc adopté en 1939 prévoit l’indépendance de la Palestine à un terme de dix ans et une réduction de l’immigration juive à 15 000 unités par an. Les Juifs comme les Arabes rejettent ce document. Plusieurs dispositions du Livre Blanc sont exécutées par les occupants britanniques, notamment le gel de la vente des terres.

 

La guerre éclate. La persécution des Juifs en Europe est à son comble. Les camps de la mort fonctionnent à plein régime. La Palestine est devenue un enjeu stratégique majeur pour les Anglais. Ils chassent les troupes françaises de Vichy de Syrie et occupent aussi le Liban. Après l’attaque de l’URSS par l’armée allemande le 22 juin 1941, les Anglais et les Soviétiques établissent une liaison terrestre via l’Iran avec l’URSS afin de ravitailler l’Armée Rouge. Les Palestiniens, quant à eux, sont tiraillés entre le soutien à l’Allemagne nazie menée par l’ancien grand mufti de Jérusalem et les Alliés. Une unité palestinienne a été constituée au sein de l’armée britannique.

 

Si en 1945, le Royaume Uni sort victorieux de la guerre, mais il est économiquement et financièrement considérablement affaibli. Les mouvements palestiniens, eux aussi, ne sont pas en grande forme. Le Livre Blanc est toujours en vigueur aussi les Sionistes organisent l’immigration clandestine, notamment de beaucoup de rescapés de l’Holocauste. Le fameux épisode de « l’Exodus » illustre plus ou moins réellement cet exode des Juifs d’Europe. La lutte des Sionistes extrémistes contre l’occupant anglais et contre les Arabes reprend de plus belle. Des attentats visant des intérêts britanniques et des villages arabes ont lieu un peu partout en Palestine. L’Irgoun de Menahem Begin a placé une bombe meurtrière à l’hôtel King David à Jérusalem et massacre la population arabe du village de Deir Yassin à l’ouest de Jérusalem.

 

 

Par l’intermédiaire du comte Bernadotte, un plan de partage est proposé et adopté par l’ONU en 1947. Ce plan reprend grossomodo le plan Perl en attribuant l’ouest de la Palestine aux Juifs, donnant un statut international à Jérusalem et attribuant l’est à la Transjordanie qui devient ainsi la Jordanie avec la Cisjordanie à l’ouest du Jourdain. Le groupe Stern dirigé par Itzhak Shamir assassine le comte Bernadotte. Le 14 mai 1948, l’Etat d’Israël est proclamé par Ben Gourion. Il est aussitôt reconnu par l’ONU.

 

 

 

Proclamation de l'Etat d'Israël par David Ben Gourion sous le portrait de Théodore Herzel, le 14 mai 1948

Proclamation de l'Etat d'Israël par David Ben Gourion sous le portrait de Théodore Herzel, le 14 mai 1948

 

 

 

En 1948-49 éclate ce que les Israéliens ont appelé la guerre d’indépendance suite à l’attaque de leurs voisins arabes. Les Israéliens parvinrent à les repousser et à conquérir des territoires. Jérusalem fut divisée en deux, l’Ouest israélien et l’Est jordanien.

 

La Nakba commence. Quelque 800 000 Palestiniens sont expulsés d’Israël par les Sionistes de la Haganah, l’organisation ancêtre de Tsahal. La tragédie ne faisait que commencer. Elle n’est toujours pas terminée.

 

 

Pierre Verhas

 

Prochain volet : Un seul Etat pour deux peuples ?

 

 

 

 

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18 janvier 2024 4 18 /01 /janvier /2024 13:57

 

 

( I) Le pogrom et le retour de la Nakba

 

L’attaque sanglante du 7 octobre 2023 par le Hamas au Sud d’Israël est un de ces événements où l’on peut affirmer que rien ne sera plus jamais comme avant. C’est en effet la première fois depuis sa fondation en 1948 qu’une partie de l’Etat d’Israël a été envahie par une force étrangère. C’est la première fois que l’invincible Tsahal a été défaite – ne fût-ce que quelques heures. Ainsi, cette nation est contrainte à se remettre en question : elle devait assurer la protection des Juifs sur son territoire. Le pogrom du Hamas à la rave party et dans des kibboutzim démontre le contraire.

 

 

Une famille israélienne fuyant l'attaque Hams, une famille palestinienne sous les bombardements de GazaUne famille israélienne fuyant l'attaque Hams, une famille palestinienne sous les bombardements de Gaza

Une famille israélienne fuyant l'attaque Hams, une famille palestinienne sous les bombardements de Gaza

 

 

Cela s’inscrit dans un bouleversement général du monde qui n’en est qu’à ses débuts. Nous sommes vraiment dans la situation que Antonio Gramsci décrivait par ce célèbre aphorisme :

« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » 

En effet, le monde où l’Occident dominait change profondément. Ce qu’on appelle le « Sud global » est en train de s'imposer.

 

 

Il y a d’abord les BRICS qui se structurent pour disposer de leurs propres circuits commerciaux. On voit l’Arabie Saoudite qui envisage de « dédollariser » sa production de pétrole. La France a été chassée d’Afrique. Les Occidentaux n’ont pas réussi à convaincre les pays du « Sud global » à sanctionner la Russie pour son attaque contre l’Ukraine. Enfin, c’est la première fois qu’un pays – l’Afrique du Sud – saisit la Cour pénale internationale pour juger Israël pour crime de génocide.

 

 

La cause principale de l’attaque du Hamas est avant tout géopolitique. Elle s’appelle les accords d’Abraham. Il s’agit d’une association d’Etats du Proche Orient dont Israël qui a été initiée par l’administration Trump en septembre 2020. Les accords d'Abraham prévoient la normalisation des rapports diplomatiques entre Israël et les Émirats arabes unis d'une part, et Israël et le Bahreïn d'autre part. Des accords concernant la normalisation des rapports entre Israël avec le Maroc et le Soudan ont aussi été signés par la suite. Le président Biden a souhaité y associer l’Arabie Saoudite, mais celle-ci est réticente à la fois comme gardienne des lieux saints de l’Islam – L’esplanade des mosquées à Jérusalem placée sous la responsabilité du Wakf jordanien est le troisième lieu saint musulman – mais aussi parce que ce royaume cherche à s’épanouir de sa dépendance avec les Etats-Unis.

 

 

 

Les accords d'Abraham signés à la Maison Blanche sous le regard satisfait de Joe Biden

Les accords d'Abraham signés à la Maison Blanche sous le regard satisfait de Joe Biden

 

 

En second lieu, ces accords – et c’est sans doute leur but – isolent l’Iran. Et c’est là une des raisons de l’attaque du Hamas qui n’aurait pu se faire sans une aide logistique et stratégique extérieure, probablement la République islamique perse. Enfin, troisièmement, les accords d’Abraham excluent les Palestiniens qui se trouvent ainsi tout à fait dépendants de l’occupant israélien. Là aussi, c’est une cause de cette attaque.

 

 

Ce fut la sidération en Israël. L’ampleur de l’offensive du Hamas, le nombre considérable de victimes civiles, la prise de nombreux otages ébranla l’opinion israélienne. On le comprend aisément. L’angoisse pour les otages dont une partie a été libérée au terme d’âpres négociations à l’initiative du Qatar, une trêve éphémère, et puis à nouveau la guerre.

 

 

 

L'angoisse des familles d'otages israéliens a un grand impact, mais Netanyahou semble s'en moquer.

L'angoisse des familles d'otages israéliens a un grand impact, mais Netanyahou semble s'en moquer.

 

La réplique israélienne est d’une violence inégalée. Le bombardement systématique de Gaza city et de ses environs, le déplacement forcé de la population palestinienne vers le Sud qui est aussi bombardée jusqu’au poste frontière égyptien de Rafah, le blocage de l’aide humanitaire, le bombardement d’hôpitaux sont autant d’actes qui indignent l’opinion mondiale, surtout celle du Sud global. En Europe et aux Etats-Unis, l’opinion est divisée entre une partie qui dénonce l’attaque du Hamas et une autre qui s’indigne de l’offensive meurtrière d’Israël.

 

 

 

Photographies aériennes montrant Gaza avant les bombardements israéliens et après. On mesure k'ampleur des destructions.

Photographies aériennes montrant Gaza avant les bombardements israéliens et après. On mesure k'ampleur des destructions.

 

 

Il convient aussi de dénoncer les manifestations d’antisémitisme en Europe et particulièrement en Belgique. La profanation du cimetière juif de Marcinelle est intolérable. Cependant, il faut bien constater que la manifestation contre l’antisémitisme organisée par certaines associations juives, alors que d’autres ont refusé d’y participer, fut un échec. Le rassemblement de solidarité avec la Palestine qui s’est déroulé quelques jours après, a rassemblé bien plus de monde. Cela est aussi le signe d’un changement fondamental.

 

 

 

A Bruxelles, la manifestation contre l'antisémitisme a rassemblé quelque 7 000 personnes, la manifestation de solidarité avec la Palestine, plus du double. Un signe !
A Bruxelles, la manifestation contre l'antisémitisme a rassemblé quelque 7 000 personnes, la manifestation de solidarité avec la Palestine, plus du double. Un signe !

A Bruxelles, la manifestation contre l'antisémitisme a rassemblé quelque 7 000 personnes, la manifestation de solidarité avec la Palestine, plus du double. Un signe !

 

 

L’accusation de génocide

 

L’accusation de génocide lancée un peu partout et qui est à l’origine du procès lancé par l’Afrique du Sud contre Israël auprès de la CPI est aussi un signe. Y a-t-il génocide ou tentative de génocide ? La Cour le dira. En attendant, le traitement infligé aux Palestiniens par les colons juifs en Cisjordanie ressemble fort à de l’épuration ethnique, ainsi que la manière dont Tsahal traite ses prisonniers palestiniens. Le « Monde » du 18 janvier 2024 rapporte :

 

« Le témoignage anonyme d’un réserviste israélien affecté à la sécurité de l’hôpital de Sde Teinam donne du crédit à la version des prisonniers. « Les détenus sont 70 à 100 par enclos, leurs yeux étaient bandés et leurs mains attachées tout le temps, a-t-il raconté dans un podcast sur Rosa Media, média en ligne du mouvement israélo-palestinien Standing Together. La police militaire nous autorisait à les punir à notre guise. Pour les soldats, c’était divertissant, ils prenaient ainsi part à la guerre quand ils frappaient les prisonniers. » Selon l’armée, les camps sont « conçus pour mener des interrogatoires initiaux » : les suspects sont ensuite libérés ou transférés au Shin Bet, les services de renseignement intérieur. Après le fiasco sécuritaire du 7 octobre, les Israéliens « veulent tout savoir sur Gaza, tout, de n’importe quelle manière », observe M. Sourani. Le journaliste Diaa Al-Kahlout, aussi arrêté le 7 décembre, à Beit Lahya, et relâché le 9 janvier, a été questionné sur sa couverture d’une infiltration ratée de l’armée israélienne à Gaza, en 2018. A Ayman Lubbad, les soldats ont demandé s’il connaissait des gens du Hamas et s’il savait où se trouvaient les tunnels dans son quartier.

 

Combien de Gazaouis sont aujourd’hui détenus par Israël ? L’Etat hébreu refuse de répondre. Le service israélien des prisons a seulement déclaré détenir 661 « combattants illégaux » au 1er janvier. Ce statut, hors du droit international, a été créé par l’Etat hébreu en 2002 pour incarcérer des détenus qu’il ne reconnaît pas comme prisonniers de guerre. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ne peut entrer en relation avec aucun détenu palestinien dans les geôles israéliennes depuis le 7 octobre.

 

Selon l’armée, les camps sont « conçus pour mener des interrogatoires initiaux » : les suspects sont ensuite libérés ou transférés au Shin Bet, les services de renseignement intérieur. Après le fiasco sécuritaire du 7 octobre, les Israéliens « veulent tout savoir sur Gaza, tout, de n’importe quelle manière », observe M. Sourani. Le journaliste Diaa Al-Kahlout, aussi arrêté le 7 décembre, à Beit Lahya, et relâché le 9 janvier, a été questionné sur sa couverture d’une infiltration ratée de l’armée israélienne à Gaza, en 2018. A Ayman Lubbad, les soldats ont demandé s’il connaissait des gens du Hamas et s’il savait où se trouvaient les tunnels dans son quartier.

 

Combien de Gazaouis sont aujourd’hui détenus par Israël ? L’Etat hébreu refuse de répondre. Le service israélien des prisons a seulement déclaré détenir 661 « combattants illégaux » au 1er janvier. Ce statut, hors du droit international, a été créé par l’Etat hébreu en 2002 pour incarcérer des détenus qu’il ne reconnaît pas comme prisonniers de guerre. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ne peut entrer en relation avec aucun détenu palestinien dans les geôles israéliennes depuis le 7 octobre. »

 

 

 

Et voici un exemple parmi d’autres :

 

« Après une semaine de détention, Ayman Lubbad a été relâché au point de passage de Kerem Shalom, entre Gaza et Israël. L’armée affirme assurer la sécurité des prisonniers lors de leur retour. Les intéressés décrivent, eux, un parcours périlleux. Ayman a marché plusieurs kilomètres à découvert pour atteindre Rafah. Il ne peut rejoindre sa famille restée dans le nord de Gaza, le territoire étant scindé en zones hermétiques par l’armée. Il n’a pu être aux côtés de ses proches quand son petit frère, brièvement détenu avec lui, a été tué, une heure après sa libération, dans un bombardement israélien qui a touché l’appartement des voisins. Pour éviter tout risque, le corps a été enterré dans la maison familiale.

 

Quand il a été libéré après sa détention de vingt-quatre heures, le journaliste Saïd Kilani a été sommé de fuir vers le Sud. Il a préféré se rendre dans le camp de Jabaliya, pour continuer à couvrir cette zone. « Je marchais avec un petit groupe, un sniper nous a tiré dessus. Deux personnes ont été tuées, trois autres blessées », raconte-t-il. Sa voix se brise soudain : peu après avoir retrouvé sa femme et ses enfants, le 19 décembre, un sniper a tué son fils Sajid, « de trois coups de feu dans le cou ». L’adolescent avait lui aussi été arrêté, puis relâché. Il avait 17 ans. »

 

La question du génocide se pose, c’est-à-dire de l’intention éventuelle d’Israël d’éradiquer le peuple palestinien, d’éliminer les Palestiniens pour ce qu’ils sont. Voici ce qu’en pensent un groupe de juristes belges (voir « La Libre Belgique » du 17 janvier 2024 :

 

« En tant que juristes experts ou expertes en droit international, nous croyons que cet engagement devrait se traduire aujourd’hui par une intervention devant la Cour internationale de justice pour déterminer l’interprétation correcte de la Convention sur le génocide et des obligations pesant sur les Etats parties, y compris Israël. Le risque de génocide a été signalé dès le 19 octobre et à nouveau le 16 novembre par de nombreux rapporteurs spéciaux des Nations Unies. Il est essentiel de distinguer ce crime des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité (sur lesquels la Cour internationale de justice ne peut pas se prononcer). Ce qui rend le crime de génocide unique, c’est l’intention spécifique de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique, religieux ou racial “commetel” (ce qu’on appelle le dolus specialis ou l’intention génocidaire). C’est en raison de cette intention spécifique que le génocide se distingue des autres violations du droit international.

 

Une telle intention est évidemment toujours extrêmement difficile à prouver. Comme l’affirme très justement l’Afrique du Sud, “les génocides ne sont jamais déclarés à l’avance”. C’est pourquoi le dolus specialis est généralement déduit d’une “ligne de conduite”. Cependant, dans le cas présent, un élément particulier et peu courant est frappant : ce dolus specialis pourrait être déduit des nombreuses déclarations des dirigeants politiques d’Israël. En effet, le Premier ministre et le Président d’Israël, certains ministres et de nombreux députés ont exprimé l’intention de “tout éliminer” et de réaliser une “nouvelle Nakba” (l’expulsion massive et violente des Palestiniens) qui éclipserait celle de 1948. Netanyahu lui-même a invoqué une référence biblique, Amalek, dans laquelle on peut lire : “N’épargnez personne, mais tuez aussi bien les hommes que les femmes, les enfants en bas âge et les nourrissons, les bœufs et les moutons, les chameaux et les ânes”. Cette référence n’est pas anecdotique car elle a été reprise et chantée par les soldats israéliens qui, à cette occasion, ont également souligné qu’il n’y avait pas de civils palestiniens à Gaza qui n’étaient pas impliqués (un extrait vidéo a été montré et expliqué lors de l’audience à La Haye). À la lumière des images que l’on a pu voir ces derniers mois, ce langage montre l’existence d’un risque d’une violence génocidaire ainsi que de possibles incitations au génocide, lesquelles sont également interdites par la Convention sur le génocide. C’est un point extrêmement important qu’il nous faut souligner : Israël est accusé non seulement de commettre un génocide, mais aussi de ne pas avoir empêché un génocide, d’inciter au génocide et de laisser impuni un langage génocidaire. Ces autres violations potentielles de la Convention sur le génocide sont distinctes de la question de savoir si les crimes commis à Gaza peuvent être qualifiés de génocide. Mais ces autres violations sont tout aussi fondamentales et méritent la plus grande attention. »

 

Voici l’analyse du centre de droit international de l’Université Libre de Bruxelles en vidéo :

 

 

 

 

 

L’attaque meurtrière du Hamas dans la nuit du 7 octobre 2023, jour de sabbat a profondément modifié le rapport de force entre les deux peuples. Au-delà de l’horreur de ce que l’on peut appeler un pogrom et de la réplique meurtrière de Tsahal et des colons israéliens, comme nous l’avons dit, les choses ne seront plus jamais comme avant.

 

Quid de l’opposition israélienne partisane d’un accord avec les Palestiniens ?

 

Extraits du journal en ligne « Mediapart » : Michel Warschawski, figure historique de la gauche israélienne, est sur une longueur d’onde similaire : « Le Hamas n’a jamais été la tasse de thé des progressistes, qu’ils soient radicaux ou non. Mais il n’empêche que c’est une organisation de la résistance palestinienne, même si nous ne partageons aucune de ses valeurs. Il n’est pas surprenant que Gaza ait fini par exploser, au vu des conditions dans lesquelles ses habitants étaient contraints de survivre. Il est regrettable que ce soit le Hamas qui ait déclenché l’explosion. »

 

 

 

Michel Warshawski explique à feu Jef Baeck, son épouse et une autre personne le problème des colonies israéliennes en Palestine.

Michel Warshawski explique à feu Jef Baeck, son épouse et une autre personne le problème des colonies israéliennes en Palestine.

 

 

« L’objectif de démanteler le Hamas ne doit pas conduire à sombrer dans notre propre barbarie. Or il existe, selon moi, une symétrie entre la barbarie du Hamas et la nôtre, puisqu’on assassine aussi des enfants, des femmes et des civils par centaines. »

 

Le parallèle est-il possible, en dépit de la cruauté particulière des massacres du Hamas, avec des corps démembrés, des bébés décapités, des adolescentes brûlées vives ? « Oui, assume-t-il. Nous sommes un pays riche et nous possédons une armée puissante. Cela nous permet de prétendre que nous restons civilisés parce que nous agirions de façon prétendument “chirurgicale”. Mais cela ne correspond pas à la réalité de ce qui se passe à Gaza aujourd’hui. »

Pour les militants et militantes anti-occupation, l’aveuglement sur le Hamas, à la fois en termes de sous-estimation de ses capacités logistiques et de croyance en une forme de « normalisation » politique, n’est donc pas à mettre sur leur dos, mais bien sur celui du gouvernement.  

 

« Benyamin Nétanyahou ou Bezalel Smotrich ont explicitement formulé que le Hamas à Gaza permettait de diviser le leadership palestinien et de mettre aux oubliettes la perspective d’un État palestinien en ajoutant la division politique à la séparation géographique entre Gaza et la Cisjordanie, complète Avner Gvaryahou. Ils ont laissé le Qatar déverser de l’argent sur Gaza et le Hamas gérer le territoire en négligeant la réalité de cette organisation et en pensant que la situation servait, in fine, leurs intérêts. C’est aussi pour cela qu’ils sont incapables de prendre leurs responsabilités dans ce qui s’est passé le 7 octobre. »

 

 

Et c’est bien le cas. Pour comprendre cette tragédie, il faut remonter aux origines.

 

 

Pierre Verhas

 

Prochain article : (II)  Du congrès sioniste de Bâle de 1887 à la Nakba depuis 1948

 

 

 

 

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12 novembre 2023 7 12 /11 /novembre /2023 13:48

 

 

Les événements actuels – guerres en Ukraine, en Azerbaïdjan, au Proche Orient – font oublier le sort de Julian Assange, journaliste indépendant, fondateur de Wikileaks, emprisonné à la prison de haute sécurité à Belmarsh au Sud Est de Londres attendant depuis des années son extradition vers les USA où il risque 150   de prison pour espionnage. En réalité, il avait réussi à démontrer les crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak. Une interminable procédure judiciaire s’est déroulée pour décider ou non de son extradition (voir plusieurs articles dans « Uranopole »).

 

Depuis lors, il croupit dans sa cellule à Belmarsch. Sa santé se détériore. On se pose même la question : cette lenteur dans la procédure est-elle volontaire. Ainsi, Julian Assange décédera en prison et on évitera procès et condamnation qui pourraient gêner certains dirigeants politiques US.

 

Assange et Wikileaks ont fait des révélations explosives sur « l’Etat profond » occidental. Ainsi, dans le cadre de l’actuelle guerre Israël – Hamas, ils ont révélé en 2007 après les élections de 2006 en Palestine que des hauts responsables se réjouissaient de la victoire du Hamas à Gaza car, ainsi, ils pouvaient faire de la « bande de Gaza » un ennemi à combattre !

 

 

 

Il faut sortir Julian Assange de sa geôle !

Il faut sortir Julian Assange de sa geôle !

 

 

Ils ont révélé aussi que tout contrat signé en France pour un montant supérieur à 200 millions de dollars est transmis à la NSA pour analyse. Le but étant de saboter ces transactions sabotant ainsi gravement l’économie française. À notre avis, cette « procédure » ne concerne pas uniquement la France, car on a de solides soupçons sur le rôle de l’actuelle présidente de la Commission européenne sur son action lors de l’adoption des contrats entre l’Union européenne et la firme pharmaceutique US Pfizer relatifs aux vaccins anti-Covid.

 

Il est évident que ce travail d’investigation journalistique dérange au plus haut point cet « Etat profond » qui comprend les dirigeants des grandes firmes transnationales Etatsuniennes et Européennes, les services secrets, les « faiseurs d’opinion », etc.

 

Au-delà de la personne de Julian Assange qui est traitée en infraction totale avec les règles du Droit humain et du droit international, il y a le plus dangereux pouvoir totalitaire qui s’installe progressivement en « Occident », c’est-à-dire les Etats-Unis, l’Union européenne, le Japon, l’Australie, la Nouvelle Zélande et Israël. Ce totalitarisme s’installe d’abord doucement. Par exemple, en Belgique, un projet de loi est en discussion au sein du gouvernement fédéral, une prétendue loi « anticasseurs » qui vise en réalité à restreindre le droit de manifester des organisations syndicales de travailleurs. D’autre part, les médias qui vivent une concentration de leurs moyens entre les mains de milliardaires manipulent de plus en plus l’opinion publique pour lui imposer la « pensée unique ». Il suffit d’analyser la manière dont le déroulement des guerres en Ukraine et au Proche Orient est rapportée. Heureusement qu’il reste encore des journalistes indépendants sur le terrain qui ne se laissent pas manipuler.

 

Julian Assange à la fois journaliste et informaticien de haut niveau est le premier à avoir compris cette dangereuse évolution. Lutter pour sa libération fait partie du combat contre le totalitarisme en plus d’être un travail humaniste.

 

Le site « Le Grand Soir » publie ce 11 novembre une interview du père de Julian Assange, John Shipton donnée au média indépendant LVSL. « Uranopole » la reproduit ici in extenso. Elle est une fameuse leçon !

 

 

Pierre Verhas

 

 

John Shipton lutte pour la libération de son fils Julian Assange et aussi pour la même cause que lui.

John Shipton lutte pour la libération de son fils Julian Assange et aussi pour la même cause que lui.

 

 

 

Un entretien repris du site LVSL.

 

Depuis la prison londonienne de Belmarsh (parfois qualifiée de « Guantanamo britannique »), Julian Assange attend le verdict d es autorités judiciaires de Grande-Bretagne. Reclus depuis 2019, il vit sous le risque d’une extradition vers les États-Unis. Tandis que les Nations-Unies alertent sur la « torture » que constitue sa détention, un mouvement citoyen mondial plaide pour sa libération. Depuis plusieurs années, LVS analyse le cas de ce prisonnier politique occidental. Nous rencontrons John Shipton, le père de Julian Assange et un militant actif de la cessation des des poursuites engagées contre lui.

 

LVSL – Parlons en premier lieu de la situation judiciaire de Julian Assange : pourriez-vous la résumer ? Que pouvez-vous attendre de la justice britannique et des instances internationales.

 

John Shipton – Julian a requis une audience en appel. Cette demande est actuellement en cours d’examen par un panel composé de deux juges de la Haute Cour, qui devraient rendre leur décision sous peu. Reste à voir si l’appel sera autorisé ou non.

 

Ensuite, l’affaire sera portée devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui examinera le dossier et rendra une décision. Il appartiendra ensuite au Royaume-Uni de prendre en considération cette décision, bien que rien ne l’y contraigne. Quant à l’extradition vers les États-Unis, le gouvernement britannique pourrait choisir de l’effectuer directement. Voilà où nous en sommes.

 

En ce qui concerne mon avis sur le système judiciaire britannique et l’application de la loi au Royaume-Uni, j’en suis très critique, et je m’attends à rien de moins qu’à de nouvelles distorsions de la procédure légale visant à faciliter la demande américaine [NDLR : l’affaire Assange a été caractérisée par la violation de plusieurs droits de la défense, et de multiples conflits d’intérêts du côté de la justice britannique].

 

LVSL – Comment expliquez-vous cette attitude de la part du système judiciaire britannique ?

 

JS – Il est souvent dit, parmi les partisans de Julian Assange, que le Royaume-Uni agit comme un satellite des États-Unis. À mon avis c’est inexact. Il a été établi lors du procès de Nuremberg que lorsque l’on commet un crime, on ne peut se défausser en plaidant l’action sous la contrainte extérieure. On est responsable de ses actes, quel que soit l’instigateur. Cette logique s’applique au Royaume-Uni.

 

Le pays est responsable des manœuvres visant à déformer la procédure légale, à manipuler les preuves et à collaborer avec l’autorité de poursuite suédoise et le Service de poursuites judiciaires de la Couronne pour maintenir Julian à l’ambassade aussi longtemps que possible, dans le but de permettre aux États-Unis de préparer leur acte d’accusation. [NDLR : avant d’être emprisonné à Belmarsh, Julian Assange, sous le coup d’une demande d’extradition vers la Suède, s’était réfugié dans l’ambassade d’Équateur à Londres. La Grande-Bretagne avait alors refusé de lui garantir une garantie de non-extradition vers un pays tiers, et avait fait pression sur l’Équateur pour qu’Assange soit expulsé de l’ambassade]

 

LVSL – Pensez-vous que la situation pourrait évoluer au sein du pouvoir britannique, notamment si les conservateurs perdent les élections dans quelques mois ? Attendez-vous quelque chose du Parti travailliste, ou estimez-vous qu’un consensus bipartisan prévaudra sur cette question ?

 

JS – À l’époque où le Service des poursuites de la Couronne conspirait avec les autorités suédoises pour empêcher Julian d’utiliser les accords d’entraide entre la Suède et le Royaume-Uni, le chef du Service des poursuites de la Couronne s’appelait…Keir Starmer. Aujourd’hui, il s’appelle Sir Keir Starmer et dirige le Parti travailliste. Il est tout à fait extraordinaire – persécution de Julian Assange mise à part – de voir un membre de la noblesse à la tête du Parti travailliste britannique.

 

Ces du Service des poursuites de la Couronne avaient intentionnellement été entreprises pour lui nuire. Ce qu’est devenu le Parti travailliste relève de la sinistre farce.

 

LVSL – En ce qui concerne les États-Unis, avez-vous constaté une différence d’approche avec l’élection de Joe Biden ? Ou vos relations avec l’administration Biden ont-elles été les mêmes qu’avec la précédente ?

 

JS – Nous n’avons eu aucun contact avec l’administration Trump. En janvier 2021, nous nous sommes rendus à Washington et à New York, en attendant que la nouvelle administration prenne ses fonctions. Nous avions pris contact avec elle par le biais de la Division des droits de l’homme, qui nous a demandé de patienter jusqu’après l’inauguration pour envisager une rencontre. Après quelques semaines sans nouvelles, nous avons quitté les États-Unis avec la ferme intention d’y revenir, tout en évitant de chercher un contact public. Notre objectif était de mobiliser les soutiens parmi les militants, la classe intellectuelle et les citoyens ordinaires.

 

LVSL – Récemment, de nombreux responsables australiens ont publiquement soutenu Julian Assange – ce qui a été une surprise, car depuis le début de l’affaire, l’Australie ne s’est pas illustrée par sa promptitude à prendre la défense de son ressortissant. Comment interprétez-vous ces prises de position publiques ?

 

JS – J’en reviens à mon idée initiale concernant l’importance des citoyens ordinaires. Depuis 2006, nous travaillons en Australie pour les mobiliser. En conséquence, le soutien parmi la population australienne atteint maintenant les 88 %. Ainsi, environ la moitié du corps parlementaire rallie notre cause.

 

Les parlementaires agissent parfois de manière opportuniste. Lorsqu’ils semblent ne plus pouvoir répondre aux préoccupations de leurs électeurs, ils nous apportent leur soutien, car nous jouissons d’un large appui électoral. Dans l’idéal, en démocratie, le corps parlementaire devrait répondre aux préoccupations de l’électorat et les porter au Parlement. Dans le cas présent, c’est le cas.

 

LVSL – Pour en revenir aux États-Unis, certains sondages ont également montré que Julian Assange bénéficie d’un soutien public non négligeable. Les autorités américaines n’agissent donc pas sous la pression d’une opinion publique qui lui serait hostile, mais d’intérêts larvés. Avez-vous identifié quels sont-ils ?

 

JS – Non. Jusqu’à présent, nous n’avons assisté qu’à des efforts visant à extrader Julian au sein des institutions occidentales – que l’on parle du Service de poursuites de la Couronne ou de l’autorité suédoise de poursuite. Nous sommes toujours confrontés à l’opacité des institutions, des comités qui se réunissent, et des membres de ces comités chargés de mener la persécution et la poursuite de Julian. Nous n’avons aucune idée de l’identité de ces intérêts.

 

LVSL – Dans le contexte géopolitique actuel d’intensification du conflit israélo-palestinien, des documents révélés par Wikileaks ont refait surface sur les réseaux sociaux – notamment un, datant de 2007, qui établit que le chef des services secrets isréaliens se déclarait « heureux » de l’idée d’une victoire du Hamas à Gaza, car cela « permettrait de traiter [la Bande de Gaza] comme un État hostile ». Que diriez-vous de l’utilité d’une organisation comme Wikileaks à la lueur des événements au Proche-Orient ?

 

JS – WikiLeaks joue un rôle essentiel. Je n’en suis pas membre, je parle comme père de Julian. Je dirais simplement que lorsque je lis que 2,000 enfants ont été tués à Gaza, je ne peux pas en lire davantage [NDLR : cet entretien date du 24 octobre].

 

LVSL – Vous allez rencontrer des élus français pour leur parler du cas Julian Assange. Quel message aimeriez-vous leur faire passer ?

 

JS – Tout d’abord, j’aimerais exprimer ma gratitude. Ensuite, je souhaiterais voir une délégation de parlementaires français, issus de divers horizons politiques, se rendre à Washington pour plaider en faveur de la liberté de Julian. Julian a des liens familiaux en France, a vécu dans le Marais durant trois ans.

 

Une telle démarche serait mutuellement bénéfique à Julian Assange et à la France, car elle permettrait d’interroger le rôle des États-Unis dans la politique française. Il est important de rappeler, par exemple, que Wikileaks a contribué à révéler que toutes les informations relatives à des contrats signés en France pour des montants supérieurs à 200 millions de dollars ont été transmises en intégralité à la National Security Agency (NSA) et distribuées à des concurrents américains – ce qui a favorisé le pillage de l’économie française. Ainsi, tout soutien en vue de constituer une délégation de parlementaires serait bénéfique à Julian et aux gouvernements en France et dans le monde qui soutiennent la publication de documents véridiques.

 

LVSL – N’avez-vous jamais reçu le moindre soutien, même implicite, de la part des gouvernements français successifs ?

 

JS – Lorsque François Hollande était président, il ne s’était trouvé qu’un seul ministre pour plaider en faveur d’un asile pour Julian. Cette demande fut immédiatement rejetée par François Hollande. Je crois me souvenir qu’à cette époque, le surnom de François Hollande renvoyait à quelque chose de flasque [NDLR : « Flamby »]. Il s’est avéré conforme à la réalité.

 

 

 

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28 octobre 2023 6 28 /10 /octobre /2023 14:33

 

 

Nuit du 7 octobre, désert du Neguev non loin de la bande de Gaza, massacre de 260 jeunes-gens lors d’une rave party et prise de nombreux otages. Durant la journée du 7 octobre, massacre d’une centaine de personnes logeant dans un kibboutz lui aussi proche de la bande de Gaza et attaque de la ville de Sderot à la frontière entre Israël et Gaza. L’armée a pris toute la journée pour reprendre le commissariat de police et son état-major local. Résultat : près de 1 400 morts dus à l’attaque du Hamas.

 

Jamais Israël n’a subi une attaque de cette ampleur sans compter les roquettes qui « pleuvent » sur Tel Aviv et d’autres villes de la côte méditerranéenne ainsi que sur les environs de Jérusalem.

 

 

 

Les restes d'une chambre d'enfant assassiné par les commandos du Hamas

Les restes d'une chambre d'enfant assassiné par les commandos du Hamas

 

 

Cette tragédie s’inscrit dans un conteste politique interne à Israël qui a été récemment évoqué sur « Uranopole » et dans le contexte géopolitique complexe au Proche Orient. Elle est aussi un nouvel épisode d’un conflit qui dure depuis près d’un siècle.

 

Et on comprend l’inquiétude des Juifs d’Europe qui craignent de nouvelles manifestations d’antisémitisme de la part des populations immigrées ou issues de l’immigration où l’islamisme se développe dangereusement, sans compter une gauche radicale qui cache à peine son soutien à cette offensive « palestinienne ». Pourquoi des guillemets ? Parce qu’à l’analyse, cette attaque aurait été impossible sans l’appui des puissances régionales comme le Qatar et l’Iran.

 

Et aussi, ces massacres ou pogroms sont les caractéristiques des guerres de notre temps. Des massacres ont eu lieu en Ukraine, Ukraine qui est rejetée au second plan par les médias occidentaux depuis l’offensive du Hamas. La guerre a changé de nature. Elle use désormais d’armes légères et bon marché comme les drones (voir « Uranopole » https://uranopole.over-blog.com/2022/01/l-apprenti-sorcier-erdogan-et-les-armes-de-destructions-letales.html ) et des ULM, armes contre lesquelles les engins lourds comme les chars et l’artillerie « classique » sont inefficaces.

 

La réponse d’Israël : des bombardements massifs sur Gaza où là aussi des populations civiles sont la cible. Lorsqu’Israël impose aux Gazaouis de descendre au Sud pour éviter les offensives aériennes, cela n’empêche pas des attaques jusqu’à Rafah, ville frontière avec l’Egypte !

 

 

 

Gaza est bombardé en permanence par l'aviation de Tsahal

Gaza est bombardé en permanence par l'aviation de Tsahal

 

 

La guerre sémantique : partisan ou terroriste ?

 

Une fois de plus, le monde est divisé : les BRICS et le « Sud global » ne réagissent pas à ce regain de tension dans la région, tandis que les Occidentaux s’indignent des massacres du Hamas, prennent parti pour Israël mais se gardent bien d’intervenir d’une manière ou d’une autre. On l’a vu lors du dernier Sommet de l’UE.  Quant à la gauche européenne et spécialement française, c’est une catastrophe : les sociaux-démocrates s’alignent sur la position occidentale et la gauche radicale se lance dans une « guerre » sémantique malsaine. Particulièrement, Mélenchon qui refuse de qualifier de terroristes les actions du Hamas. Cela déclenche une polémique sémantique dont les médias français ont le secret et cela affaiblit sérieusement la position de la Nupes – groupement parlementaire rassemblant tous les partis de gauche et les écologistes – qui est en plus de l’extrême-droite la seule force d’opposition à Macron à l’Assemblée nationale.

 

 

 

Jean)Luc Mélenchon, politicien style IVe République jette de l'huile sur le feu par pur électoralisme

Jean)Luc Mélenchon, politicien style IVe République jette de l'huile sur le feu par pur électoralisme

 

 

Cette guerre sémantique a une importance fondamentale, car des définitions déformées des actes de guerre peuvent influencer les opinions publiques, donc les actes des gouvernements et, plus grave, contribuer à une fausse vision des choses.

 

Raphaëlle Gensane, étudiante en droit à Lyon et fille de notre ami Bernard Gensane a rédigé un mémoire sur la question de la définition du terrorisme (http://bernard-gensane.over-blog.com/2023/10/peut-on-necessairement-distinguer-le-partisan-du-terroriste.html). C’est un point fondamental en droit.  Elle écrit :

 

« Un partisan est défini de la manière suivante : un « combattant n’appartenant pas à une armée régulière et luttant pour un idéal national, politique, religieux... ». Une guerre de partisans peut être décrite par des « actions ponctuelles et répétitives menées parallèlement à celles des armées régulières ».

 

Un terroriste, quant à lui, est généralement un « membre d’une organisation politique qui exécute des actes de terrorisme pour imposer ses conceptions idéologiques ». Le terrorisme se caractérise comme « l’ensemble d’actes de violence (attentats, prises d’otages...) commis par une organisation ou un individu pour créer un climat d’insécurité, pour exercer un chantage sur un gouvernement, pour satisfaire une haine à l’égard d’une communauté, d’un pays, d’un système ».

 

Alors ? le Hamas terroriste ou partisan ? En réalité, les deux. Il s’agit d’une force armée religieuse qui a pour objet l’élimination d’Israël pour contribuer à la création de l’Oumma, c’est-à-dire la communauté des musulmans en dehors de leur nationalité, de leur appartenance ethnique et des pouvoirs politiques qui les gouvernent et qui s’étend partout où il y a des croyants en l’Islam. Donc, le Hamas est une armée islamique qui se situe au-dessus des pouvoirs politiques et des lois humaines. Notons que dans ce cadre, le Hamas n’a que faire d’un Etat palestinien et de son peuple !

 

Un exemple : C'est l'histoire d'un réfugié palestinien de Gaza. Il y a 6 ans, il a été arrêté par le Hamas pour avoir communiqué avec le mouvement de la paix en Israël. Prison, torture pendant quatre ans... Aujourd'hui, il est sans aucune nouvelle de ses parents et de quatre de ses frères et sœurs qui sont à Gaza. Heureusement, il a appris qu'ils sont sains et saufs.. Voilà une preuve parmi des centaines d'autres que le Hamas a installé une tyrannie à Gaza.

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Sous cet aspect, les gens du Hamas sont donc des partisans. Ils sont les soldats de Dieu. Cependant, leurs méthodes relèvent du terrorisme qu’il faut considérer comme une arme redoutable s’attaquant sans respect d’aucune règle de guerre, à tout ce qui peut contribuer à ses objectifs, le premier étant d’affaiblir l’ennemi – les mécréants et les infidèles – afin de mieux l’écraser par après. Et cela est incontestablement une réussite ! La réaction de l’ennemi provoque des polémiques et est stratégiquement inefficace.

 

On vient de le voir en Belgique où le ministre de la Justice fut contraint de démissionner à cause de l’erreur d’un magistrat qui a négligé la présence et la demande d’extradition d’un terroriste qui a sévi en tuant deux ressortissants suédois à Bruxelles, la Suède étant condamnée par les Islamistes à la suite d’un autodafé du Coran par un réfugié irakien !

 

 

 

 

Un énergumène brule publiquement un exemplaire du Coran en Suède Qui est derrière cela ?

Un énergumène brule publiquement un exemplaire du Coran en Suède Qui est derrière cela ?

 

 

Il y a un autre aspect évoqué dans son blog du « Monde diplomatique », dans « le Grand Soir » et dans le blog de Bernard Gensane, par Frédéric Lordon, le philosophe et politologue de gauche à Paris. « Concéder « terrorisme », c’est annuler que ce qui se passe en Israël-Palestine est politique. Au plus haut point. Même si cette politique prend la forme de la guerre, se poursuivant ainsi par d’autres moyens selon le mot de Clausewitz. Le peuple palestinien est en guerre – on ne lui a pas trop laissé le choix. Une entité s’est formée en son sein pour la conduire – d’où a-t-elle pu venir ? « On a rendu Gaza monstrueux », dit Nadav Lapid. Qui est « on » ?

 

Sans avoir besoin de « terrorisme », « guerre » et « crimes de guerre » sont hélas très suffisants à dire les combles de l’horreur. Très suffisants aussi à dire les massacres abominables de civils. Si dans la guerre, qui est par principe tuerie, on a forgé sans pléonasme la catégorie de « crimes de guerre », c’est bien pour désigner des actes qui font passer à une chose atroce en soi d’autres paliers d’atrocité. C’est le moment de toute façon où il faut faire revenir l’économie générale de la violence : des crimes qui entraînent des crimes – des crimes qui ont précédé des crimes. L’acharnement à faire dire « terrorisme » ne satisfait que des besoins passionnels – et aucune exigence intellectuelle.

 

En réalité, « terrorisme » et « crimes de guerre » sont deux catégories qui ne cessent de passer l’une dans l’autre, et ne dessinent aucune antinomie stable. Hiroshima est, à la lettre, conforme à la définition ONU du terrorisme : tuer des civils qui ne sont pas directement parties à des hostilités pour intimider une population ou contraindre un gouvernement à accomplir un certain acte. A-t-on entendu parler de terrorisme pour la bombe d’Hiroshima ? Et pour Dresde ? – comme Hiroshima : terroriser une population en vue d’obtenir la capitulation de son gouvernement. »

 

L’Etat-nation : une structure dépassée ?

 

Le terrorisme se développe dans le monde arabe à cause entre autres de sa structure d’Etats-nations issue de la colonisation. Et cette structure artificielle par ailleurs, ouvre la porte à l’internationalisation du conflit où l’arme principale est le terrorisme. Ainsi, les attentats qui ont sévi à Arras avec l’assassinat du professeur de lycée Dominique Bernard et en Belgique avec celui de deux ressortissants suédois venus assister à un match de football, en sont la sinistre preuve. Le terroriste en France est un ancien élève dit « radicalisé » de nationalité russe tchétchène et l’auteur de l’attentat en Belgique est un ressortissant tunisien poursuivi pour meurtre dans son pays, ayant reçu un ordre de quitter le pays qui n’a pas été appliqué. Ces deux personnages ont bénéficié de la structure nationale en France comme en Belgique et aussi des réseaux islamistes, pour commettre leurs forfaits.

 

Quant à l’Etat d’Israël qui fut construit sur le modèle de l’Etat-nation du XIXe siècle, il vient de montrer tragiquement ses faiblesses. Dirigé quasi sans discontinuer depuis 1996 par Benyamin Netanyahou s’appuyant sur une droite dure et l’extrême droite religieuse, sa structure a fondamentalement changé. Il n’a fait que poursuivre une colonisation de la Cisjordanie en vue de l’annexer définitivement et d’œuvrer au rêve fou du « grand Israël ». D’autre part, sa démocratie est menacée par un projet de loi de réforme de la Justice qui lui ôte son indépendance et dès lors élimine la séparation des pouvoirs. Cela divise profondément la société israélienne et, par conséquent, affaiblit ce pays.

 

 

 

Le gouvernement d'extrême-droite de Netanyahou soutenu sous condition par Biden

Le gouvernement d'extrême-droite de Netanyahou soutenu sous condition par Biden

 

 

 

Concluons provisoirement en disant que nous vivons l’horreur des deux côtés. Les crimes du Hamas dans la nuit du 7 au 8 octobre relèvent du terrorisme, c’est indiscutable. Mais les bombardements sur la bande de Gaza, les coupures d’électricité, le blocage de l’aide humanitaire, ainsi que les attaques tout aussi criminelles des colons en Cisjordanie sont aussi des formes de terrorisme. Le fondateur directeur de « Mediapart », Edwy Plenel résume bien la situation en écrivant :

 

« Le conflit israélo-palestinien enflamme le monde parce qu’il porte une question universelle : l’égalité des droits. Que la légitimité d’Israël s’accompagne de la négation des droits palestiniens précipite ce sommeil de la raison qui engendre des monstres. »

 

De son côté, Pierre Galand, président de l’Association belgo-palestinienne communique le 26 octobre.

 

 

 

Pierre Galand universaliste et multilatéraliste manifeste sa solidarité avec les Palestiniens

Pierre Galand universaliste et multilatéraliste manifeste sa solidarité avec les Palestiniens

 

 

« Nakba : not in my name !

 

 

Une atteinte insupportable aux droits humains, tolérée par les Européens ?

 

J’ai honte et je suis révolté par l’hypocrisie occidentale qui tente une nouvelle fois d’imposer au reste du monde une interprétation faussée de la réalité d’une guerre au Proche-Orient.

 

Disant cela, je revendique le droit – que certains veulent brimer- d’élever la voix en faveur du peuple palestinien martyr et pour condamner le gouvernement, l’armée, les colons, les extrémistes religieux israéliens qui, au mépris du droit du peuple palestinien à l’autodétermination pour exister, en ignorant le droit humanitaire, tentent de réduire au silence toute résistance contre l’envahisseur.

 

Des crimes de guerre sont commis de part et d’autre mais sachons dire toute la vérité comme le fait OCHA (United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs) : 95% des morts et des blessés sont des Palestiniens. En quoi la vie d’un Israélien serait-elle supérieure à la vie d’un Palestinien ?

 

En refusant d’obliger Israël à un cessez-le-feu immédiat et à l’ouverture de couloirs humanitaires, les Occidentaux se rendent complices des crimes de guerre et du programme génocidaire du gouvernement israélien à l’égard de victimes qualifiées d’« animaux humains à traiter comme tels » par le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant.

 

Ils ne peuvent ignorer la carte présentée par le Premier ministre israélien M. Netanyahou, en septembre dernier à l’Assemblée générale des Nations Unies et sur laquelle les territoires palestiniens avaient été gommés. Ainsi, la poursuite de la Nakba (la catastrophe pour les Palestiniens) était annoncée au monde entier.

 

J’admire mes amis israéliens et juifs qui dénoncent cette situation odieuse.

 

En Allemagne, aujourd’hui, être écrivaine palestinienne comme Adania Shibli, c’est se voir privée du prix que voulait lui accorder la Foire du Livre de Francfort. Quant aux manifestations de soutien aux Palestiniens, elles ont été interdites. En France, à Lille, un syndicaliste CGT est arrêté chez lui pour avoir revendiqué sa solidarité avec les Gazaouis et il a fallu un recours en justice pour pouvoir manifester suite à l’interdit fait aux manifestations propalestiniennes. Le Chancelier Olaf Scholz, le président Macron ainsi que la présidente de la Commission européenne Mme von der Leyen, ont rencontré Mr Netanyahou pour l’assurer de leur soutien et l’encourager dans sa volonté d’éradiquer le Hamas, qualifié par les seuls Américains et Européens d’organisation « terroriste ».

 

Peu leur importe si tant en Amérique qu’en Europe, dans le monde et à l’ONU, la guerre contre les Palestiniens est condamnée avec fermeté. Se rendent-ils compte qu’ils sont isolés, complices des crimes contre l’humanité commis sous nos yeux par les Israéliens ? Se rendent-ils compte de ce que leurs alliés, Mr Netanyahou et son gouvernement, sont des proto-fascistes, criminels de guerre tant aux yeux du monde que de leur propre peuple ? Comment peuvent-ils rester sourds aux appels du secrétaire général des Nations Unies, M. Guterres ?

 

L’Occident, dont je fais partie, affirme sa croyance en sa supériorité, ses bons droits, sa méfiance viscérale pour le reste du monde : jusqu’il y a peu, les colonisés, les « sous-développés » ; aujourd’hui, les migrants. L’Occident, claquemuré et armé jusqu’aux dents, se rend-t-il compte de la piteuse image qu’il donne de nous ? Fini ses discours pour une coopération pacifique internationale ! L’Occident prépare son arsenal de lois et d’armes pour contrer tous ceux qu’il qualifiera de « terroristes » ou d’ennemis de nos libertés. Les droits humains attendront une fois encore. La sauvegarde de la planète attendra, elle aussi.

 

Et donc, si pour Biden, Macron et consorts, il faut secourir une fois encore Netanyahou, soyons clairs : « Pas en notre nom ! »

 

Pierre Galand »

 

Deux poids, deux mesures qui ne peuvent apporter que le sang, les larmes et la destruction.

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

 

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 15:59

 

 

Voici un an et demi que la Russie de Poutine a agressé l’Ukraine. Cette guerre appelée aussi « opération militaire spéciale » s’enlise. Elle est un mauvais remake de la sinistre opération Barbarossa, nom de l’agression allemande contre l’Union Soviétique déclenchée le 22 juin 1941.

 

Le conflit russo-ukrainien n’a pas commencé le 13 février 2022. Ses prémisses datent de la « révolution » dite de Maidan en 2014. Par ce coup d’Etat, l’Occident désirait ajouter l’Ukraine à sa zone d’influence, non seulement pour contrôler son immense marché des céréales, mais aussi pour affaiblir la Russie en la coupant de son accès naturel aux mers du Sud via la Crimée et le port de Sébastopol. Ce jeu périlleux a abouti à l’actuelle guerre. Son enlisement risque de maintenir une tension majeure entre la Russie, l’Europe et les Etats-Unis et même avoir des conséquences dans le monde entier.

 

Alors ? Conflit local ou tension mondiale ? Voici l’analyse d’un expert parue en français sur le site « Le Grand soir », le général italien Fabio Mini, général de corps d’armée en retraité, ancien chef d’état-major du commandement de l’OTAN en Europe du Sud d’octobre 2002 à octobre 2003, commandant des opérations de maintien de la paix dirigées par l’OTAN au Kosovo. Depuis sa retraite en 2003, Mini intervient dans le débat public pour les questions géopolitiques par des livres et des articles dans la Presse, notamment le journal La Reppublica, Il Fatto Quotidiano. Il a été accusé de complotisme parce qu’il aurait émis l’hypothèse du chemtrails, une forme de guerre environnementale. Il a ferment démenti ces assertions. Au passage, on remarque que ceux qui ne s’alignent pas sur l’opinion conforme sont souvent traités de « complotistes » !

 

 

 

Le général italien en retraite Fabio Fini a une vision pessimiste des conséquences de la guerre Russie - Ukraine.

Le général italien en retraite Fabio Fini a une vision pessimiste des conséquences de la guerre Russie - Ukraine.

 

 

 

La dissuasion ne fonctionne plus.

 

Fabio Mini se montre assez pessimiste. Il craint un risque d’escalade nucléaire dans cette guerre. La dissuasion qui était jusqu’à présent l’utilité de l’arme nucléaire ne fonctionne plus depuis le déclanchement de la guerre Russie – Ukraine.

 

« La Russie et l’OTAN ont voulu montrer qu’elles ne sont pas du tout dissuadées, même par l’utilisation d’armes nucléaires. Les classifications de la dissuasion stratégique (armes nucléaires), tactique (nucléaire tactique) et conventionnelle sont des étapes sur une échelle brisée. La dissuasion ayant échoué, l’utilisation de n’importe quelle arme n’est pas seulement possible mais réaliste. »

 

Et il ajoute :

 

« De tous côtés, on accuse la Russie, l’Ukraine, l’Europe, les États-Unis et l’OTAN d’erreurs catastrophiques, de massacres inutiles, de gaspillage de ressources et de difficultés de compréhension entre les alliés eux-mêmes. »

 

Prenons l’exemple de la fameuse « contre-offensive » ukrainienne. Les quelques villages que l’armée de Zelenski a libérés ne sont plus que ruines et les habitants ont disparu, soit réfugiés, soit emmenés par les Russes. À quoi cela sert-il ? Aurait-on pu éviter ces massacres et ces destructions de part et d’autre ?

 

 

 

La contre-offensive ukrainienne n'est que destructions.

La contre-offensive ukrainienne n'est que destructions.

 

 

 

Pertes et profits dans cette guerre

 

Le général Mini constate : « Pour les États directement ou indirectement impliqués dans le conflit, il s’agit d’une perte nette. Le principal atout de la sécurité collective est perdu et les effets matériels, moraux et politiques de la guerre seront mesurés dans les décennies à venir. »

 

En définitive, cette guerre provoque une énorme perte nette pour toutes les parties dans ce conflit et même pour bon nombre d’Etats qui n’y sont pas directement impliqués. Et on n’en mesure pas encore les conséquences. Cependant, les marchands d’armes s’y retrouvent et largement ! Et on envisage même la reconstruction au plus grand profit des entreprises européennes.

 

« Pour ceux qui veulent "investir" à des fins lucratives, indépendamment des effets immédiats ou ultérieurs, la guerre offre deux grandes occasions : l’une sûre et l’autre plus risquée.

 

La première concerne la fourniture d’armes et de services aux parties en conflit, ainsi que de biens de subsistance aux populations concernées. Il s’agit d’un investissement sûr et très rentable, quel que soit le vainqueur ou le vaincu, tant que la guerre se poursuit.

 

Le second, qui repose sur la reconstruction des zones de conflit, est un pari comme un autre : il dépend de qui gagne ou de qui perd. Mais l’investisseur peut généralement jouer sur les deux tableaux. Cependant, il s’attend lui aussi à ce que le conflit dure longtemps et soit le plus destructeur possible. »

 

Pour cela, on semble bien parti !

 

L’OTAN en faillite

 

Pour Fabio Mini, c’est en 1994 que l’OTAN est tombée en faillite. Ne serait-ce pas plutôt en 1991, année de démantèlement de l’URSS ? Les promesses des occidentaux à Gorbatchev de ne pas étendre sa zone d’influence à l’Est étaient des mensonges éhontés et sont à la source d’une crise de confiance entre ce qu’on appelle l’Occident – c’est-à-dire les territoires sous contrôle des Etats-Unis et l’Est, autrement dir la Russie, la Biélorussie, la Géorgie – après une guerre de « reconquête » lancée par Moscou. Quant aux républiques du Proche-Orient, elles échappent désormais à toute influence russe, sauf la Tchétchénie qui a été maintenue dans la sphère russe au terme d’un conflit meurtrier.

 

Mini déclare : « L’OTAN d’antan est en faillite depuis 1994, date à laquelle elle a commencé à remanier le cadre de sécurité en Europe et au-delà. Des Balkans à l’Irak et à l’Afghanistan, l’organisation politico-militaire a mené une politique contraire à la sécurité des États membres et au droit international.

 

En ce sens, elle a également échoué parce qu’elle a montré qu’elle ne respectait pas le principe de l’égale dignité des Etats membres. En fait, l’un d’entre eux - les États-Unis - est plus "digne" que tous les autres réunis. Tout ce qui reste intact, c’est une organisation militaire assez efficace qui a survécu aux échecs politiques.

 

L’activisme politique des secrétaires généraux depuis les Balkans est un exercice d’opérette. Je me souviens encore des apparitions conjointes des secrétaires de l’OTAN, de l’ONU et de l’UE dans les affaires balkaniques : dramatiques et ridicules. L’activisme militaire, principalement celui des Britanniques, a été incertain, vague et contradictoire.

 

Les fractures internes de l’OTAN sont apparues non seulement dans son incapacité à gérer les diatribes de longue date entre des États membres comme la Grèce et la Turquie, qui se sont traduites à plusieurs reprises par des menaces militaires, mais aussi dans la gestion de tous les conflits : ceux des Balkans, de l’Irak et de l’Afghanistan, mais aussi de la Géorgie, de la Libye, de la Syrie et de l’Ukraine.

 

Dans ce dernier cas, l’OTAN fonctionne de facto comme un sanctuaire pour toutes les incursions armées et les plaques tournantes d’armes de ses États membres vers l’Ukraine et contre la Russie. L’OTAN a renoncé à exprimer sa propre position, collégiale et unanime, comme le stipule le traité.

 

En fait, elle soutient et interprète les positions anti-russes des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la Pologne, de la Norvège et des États baltes qui n’ont absolument aucun intérêt dans la sécurité européenne. »

 

 

 

Le siège de l'OTAN à Bruxelles bientôt en faillite ?

Le siège de l'OTAN à Bruxelles bientôt en faillite ?

 

 

L’objectif des sanctions

 

Dans la pure tradition colonialiste de la « politique de la canonnière » et des « blocus », le camp occidental a choisi de pratiquer des sanctions à l’égard de la Russie, notamment en bloquant l’achat de gaz russe en Union européenne. C’est avant tout se tirer une balle dans le pied… dans l’intérêt des seuls Etats-Unis qui peuvent ainsi vendre leur GNL en Europe à un coût bien plus élevé.

 

Pour le général Mini, « les sanctions ne visent pas à défendre l’Ukraine, mais à affaiblir la Russie, à ruiner l’Europe et à favoriser l’économie des EU. Les mesures politiques collatérales dirigées contre la Chine préfigurent un conflit dans l’Indo-Pacifique en préparation.

 

Les mêmes Étasuniens qui critiquent l’implication en Ukraine dénoncent la perte de ressources stratégiquement cruciales pour la prochaine phase de confrontation/affrontement avec la Chine. La neutralisation de la Russie vise non seulement la castration de l’Europe, mais aussi l’élimination de son rôle en tant que puissance stratégique susceptible d’être déployée en soutien à la Chine. Le conflit ukrainien était censé accélérer ce processus, en maintenant la Russie engagée tout en renforçant la manœuvre américaine à l’Est. »

 

Ajoutons que le sabotage de North Stream dont on est pratiquement certain qu’il est l’œuvre des services secrets US, visent à empêcher tout retour en arrière, car ce gazoduc sous-marin est la principale voie de livraison du gaz russe vers l’Europe.

 

 

 

Le sabotage du principal gazoduc sous-marin Russie - Europe est plus que probablement l'œuvre des services secrets US.

Le sabotage du principal gazoduc sous-marin Russie - Europe est plus que probablement l'œuvre des services secrets US.

 

 

 

Qu’incarne Poutine ?

 

Ici, les propos du général Fabio Mini font polémique. Il affirme : « La Russie a essayé d’éviter le conflit, ce qui a été confirmé par le naïf Stoltenberg lui-même. Poutine voulait et aurait pu éviter l’invasion. Son erreur a été de ne pas insister suffisamment auprès de l’Occident sur les exigences en matière de sécurité.

 

Il a probablement cédé face à la pression de ses propres nationalistes et militaires, qui lui ont fait croire que la guerre serait un jeu d’enfant, et des EU eux-mêmes, qui considéraient l’entrée de l’Ukraine (et de la Géorgie) dans l’OTAN comme acquise depuis 2008 et qui prévoyaient de soutenir l’attaque ukrainienne contre la Crimée en 2021 avec une armée reconstruite par les pays de l’OTAN après la débâcle de 2015.

 

 

 

Qu'incarne donc Poutine qui se sonne volontiers l'image d'un homme secret.

Qu'incarne donc Poutine qui se sonne volontiers l'image d'un homme secret.

 

 

 

Le 16 mars 2022, 20 jours seulement après l’invasion, Poutine a prononcé un discours devant les chefs et les gouverneurs des républiques fédérées, donnant des instructions précises sur les mesures à prendre pour minimiser les dommages causés par les sanctions, rationaliser les procédures de production et de commerce extérieur, réduire les difficultés de la population et activer l’économie pour soutenir les opérations militaires.

 

L’extension du conflit par l’OTAN, à la demande de la Grande-Bretagne et de la Pologne, est la preuve de la menace réelle. Il est devenu clair pour la Russie que même sans invasion, l’OTAN s’étendrait, les sanctions seraient renforcées et le Donbass serait perdu, avec le risque de perdre également la Crimée. »

 

Le véritable enjeu de ce conflit est donc la Crimée qui est pour la Russie la seule porte ouverte vers les mers du Sud. C’est donc vital pour Moscou. Poutine n’a pas essayé d’éviter le conflit. Le prétexte de celui-ci est le Donbass qui fait l’objet d’affrontements meurtriers depuis le coup d’Etat de Maidan en 2014. Le maître du Kremlin incarne donc à la fois un nationalisme russe exacerbé, mais aussi, il faut bien l’admettre, il s’inscrit comme le protecteur de la Russie contre un Occident arrogant incarné, lui, par l’OTAN.

 

Et après ?

 

Si l’OTAN est perdante en ce conflit avec la Russie – et c’est une hypothèse plausible – quelles seront les conséquences ? On s’aperçoit que l’Armée russe utilise la stratégie de l’usure des hommes et des forces ukrainiennes. Les Occidentaux, sous la pression des Etats-Unis inondent l’Ukraine d’armes, bien que l’on sente une certaine lassitude dans plusieurs pays occidentaux dont la Belgique qui refuse jusqu’à présent de livrer des chasseurs F16 et même aux Etats-Unis.

 

Quelle sera donc l’attitude de l’OTAN ?

 

« L’OTAN n’a jamais accepté de défaite. Elle a toujours évité le jugement final et là où la fin n’est pas venue, comme dans les Balkans, elle a maintenu ses forces, diminuant progressivement sa présence et son efficacité. En Afghanistan, après avoir arraché l’opération d’assistance de l’ONU, elle s’est camouflée en aidant l’armée afghane avec le résultat que l’on sait.

 

Il est peut-être peu connu que le commandant étasunien de l’opération de l’OTAN a été le premier à recevoir l’ordre de l’OTAN de quitter l’Afghanistan. Le contingent dépendant du commandement étasunien (Centcom) s’est donc retrouvé à gérer le chaos bien avant l’arrivée des talibans.

 

En tout état de cause, l’OTAN dans cette situation n’a pas de voix propre, ni même le pouvoir d’accepter ou de refuser une défaite. En fait, elle est elle-même en crise. Un changement de la politique américaine pourrait même la faire disparaître de la scène des acteurs mondiaux ou régionaux. »

 

Une autre conséquence de ce conflit est l’isolement de l’Occident. Qu’entend-on par « Occident » ? Les Etats-Unis et leurs vassaux européens et du Sud-Est asiatique. Autrement dit, un bloc. Le général Fini plaide pour une conférence internationale qui fonderait un nouvel ordre basé sur la coopération et non sur la menace mutuelle qui existe depuis la fin de la Seconde guerre mondiale avec la multiplication des armes nucléaires. Cela signifie la suspension des livraisons d’armes à l’Ukraine, ainsi que le refus de l’admission de nouveaux membres à l’OTAN.

 

Et il constate : « Les perspectives les plus sombres ont été dépassées, pour le pire, par la réalité. Un demi-million de soldats ukrainiens morts, 14 millions d’expatriés, un pays dévoré par la corruption, une Europe à bout de souffle, des Etats-Unis en recul par rapport au reste du monde, la perspective d’un conflit élargi qui pourrait impliquer l’Europe et le monde sont des choses pires que ce que nos bellicistes prévoyaient.

 

Et nous n’en sommes qu’au début. Il n’y a pas encore eu de bombes atomiques, mais je ne pense pas qu’il faille les avoir sur la tête pour décider de chercher une solution. »

 

Quand le Sud s’éveillera…

 

Il faut en plus tenir compte de l’évolution des pays du Tiers-monde qui ont manifesté à l’ONU où ils ont majoritairement voté contre les sanctions à l’égard de la Russie.

 

« Le Sud global évolue avec et sans les Brics. En Afrique du Sud, il a été clairement établi qu’il n’était pas nécessaire d’avoir une multipolarité, c’est-à-dire d’avoir d’autres pôles auxquels les différentes parties du monde sont soumises. Au contraire, il faut davantage de coopération sous la bannière du respect mutuel, de l’égalité de dignité et de l’intérêt mutuel.

À cet égard, il est également nécessaire de comprendre les demandes émanant du monde entier et pas seulement de l’Occident. En tant qu’Occidentaux, nous n’avons pas d’avantage car nous n’avons rien à enseigner ou à exiger. Les pays du Sud s’opposent aux impérialismes de type colonial et non aux empires en tant que systèmes de pouvoir.

Ils n’en veulent pas à la Russie et à la Chine, qui sont des empires, mais dont ils n’ont pas connu la violence. Ils en veulent à l’Europe parce qu’elle est composée de tous les empires coloniaux du passé et des États-Unis, qui sont eux-mêmes devenus néocolonialistes et impérialistes.

Il est vrai que l’attention portée à l’Ukraine diminue, mais ce n’est pas parce que les choses vont mieux, qu’elles stagnent ou qu’elles sont ennuyeuses. C’est parce que les protagonistes de la propagande prennent note de l’évolution des opérations militaires et des positions politiques et n’ont pas envie de l’admettre. »

 

S’il existe une conséquence historique de la guerre Russie – Ukraine, c’est bien l’éveil des pays du Sud qui refusent de constituer un bloc hostile aux autres, mais veulent répondre par une coopération ne s’inscrivant pas dans les impérialismes actuels générateurs potentiels de guerres meurtrières et coûteuses.

 

Au moins, une perspective se dessine. On verra comment elle évoluera.

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

(Prochainement : la chute de l’ordre international libéral)

 

 

 

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22 septembre 2023 5 22 /09 /septembre /2023 13:39

 

 

Ce titre est une hérésie en physique, mais malheureusement, une réalité dans la vie sociale. Les manifestations d’obscurantisme sont de plus en plus fréquentes et violentes. On connaît depuis longtemps celles de l’islamisme qui sont constantes et les autorités politiques y réagissent de manière inappropriée par des interdictions souvent difficilement applicables. Aujourd’hui, c’est l’intégrisme catholique qui se réveille.

 

 

Il se réveille par la pire des violences : le feu. Six écoles ont été incendiées de nuit à Charleroi et deux à Liège. Ces forfaits sont signés. Leurs auteurs sont des extrémistes religieux hostiles à l’EVRAS et non de simples délinquants comme l’affirme sans preuves l’ineffable président du MR (parti libéral de droite) Georges-Louis Bouchez dit GLOUB. Caroline Désir, la Ministre socialiste l’Education nationale francophone a aussitôt réagi avec virulence : c’est « l’alliance des milieux religieux intégristes musulmans comme catholiques avec l’extrême-droite politique. » dénonce-t-elle avec force.

 

 

 

Caroline Désir, ministre socialiste de l'Education nationale francophone tient bon dans l'adversité face aux tenants de l'obscurantisme.

Caroline Désir, ministre socialiste de l'Education nationale francophone tient bon dans l'adversité face aux tenants de l'obscurantisme.

 

 

 

Le feu est l’arme des intégristes religieux. Le feu est purificateur. C’est le retour des bûchers de l’Inquisition destinés à purger l’hérésie des âmes en brûlant l’hérétique. Cette abomination de l’esprit existe encore de nos jours. Rappelons-nous le film de Martin Scorcèse « La dernière tentation du Christ » réalisé en 1988. Il fit l’objet d’une très violente contestation de la part des intégristes religieux de toutes obédiences. Des salles de cinéma projetant cette œuvre furent incendiées.

 

 

Il en va de même 35 ans plus tard avec l’EVRAS. Des écoles en feu pour marquer les esprits au risque de tuer. Et il y a un autre point commun avec « La dernière tentation du Christ » : la haine de la sexualité qui s’accompagne chez tous ces fanatiques d’une marginalisation de la femme, objet de tentations coupables !

 

 

 

Le film de Martin Scorcese"La dernière tentation du Christ fit l'objet de l'opprobre violente des fanatiques chrétiens.

Le film de Martin Scorcese"La dernière tentation du Christ fit l'objet de l'opprobre violente des fanatiques chrétiens.

 

 

 

Mais qu’est-ce que l’EVRAS ?

 

 

L’EVRAS pour l’Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle est une méthode éducative qui, pour ses auteurs, permet une meilleure vie sociale à l’école, dans la famille et dans la société. Ce projet a été coulé en force de Décret le 7 septembre.

 

« Le projet de décret validant l’accord de coopération entre les gouvernements de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Région wallonne et la Commission communautaire française relatif à la généralisation de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle a été approuvé jeudi en séance plénière du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’unanimité, moins trois abstentions chez Les Engagés (René Collin, Pierre Kompany et Mathilde Vandorpe).[tous trois catholiques membres des « Engagés »]

 

 

Depuis cette rentrée scolaire, tous les élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles de 6e primaire et 4e secondaire recevront une animation relative à l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evras). Ils recevront une seule animation de deux heures. Cela concerne 85.000 élèves en Wallonie et 25.000 élèves à Bruxelles.

 

 

Les entités francophones du pays ont convenu de mobiliser un budget annuel de 4,8 millions d’euros à cette fin. » (La Libre Belgique du 8 septembre 2023)

 

 

Cette nouvelle disposition a fait l’objet de discussions, de concertations pendant plusieurs années. La contestation des ultras porte avant tout sur le caractère obligatoire de ces animations éducatives qui ne sont pas des cours et non sur le texte du Décret, mais sur un guide de 300 pages destiné aux éducateurs professionnels qui feront ces animations. Rappelons que le Décret prévoit deux animations de deux heures à la 6e primaire et une seconde à la 4e secondaire. On en fait un tapage pour deux heures d’animation sur deux années scolaires éloignées !

 

Cela prouve qu’EVRAS est un prétexte pour imposer, par la violence s’il le faut, une éducation religieuse aux mains des clergés essentiellement le catholique et le musulman.

 

 

Quelques semaines avant l’adoption du Décret, une campagne très bien organisée de désinformation sur l’EVRAS fut lancée. Voici ce qu’en dit la très catholique « Libre Belgique » :

 

« En vérité, le programme Evras n’est pas un cours à proprement parler mais une animation de quatre heures. Deux sont données aux élèves de sixième primaire (qui rentrent dans la puberté) et deux autres aux élèves de quatrième secondaire (qui ont leurs premiers rapports sexuels).

 

Ce jeudi matin, Caroline Désir s’est emparée du sujet sur les ondes de la RTBF. Elle met en garde contre cette campagne de désinformation. D’après elle, la manœuvre a pour seul but d’« attiser la crainte et la suspicion des parents sur ce projet. Nos intentions sont nobles. On ne va évidemment pas encourager une hypersexualisation chez les jeunes, on ne va pas susciter une orientation sexuelle ou une identité de genre, on ne va pas donner de cours de pratiques sexuelles. C’est inadmissible de faire peur aux parents sur ce sujet »

 

La ministre de l'Education rappelle que le programme Evras a pour but de protéger les enfants de situations dangereuses ou problématiques et de les rassurer dans les questions qu’ils se posent par rapport à la puberté, en leur apprenant à se respecter soi-même et respecter autrui. » Reconnaissons qu’il s’agit d’un compte-rendu objectif de la part de la « Libre ».

 

On peut faire remarquer aux opposants extrémistes à l’EVRAS qui prétendent agir pour « la protection de l’enfant » dont les parents furent de virulents opposants à la dépénalisation de l’IVG au nom de la vie du fœtus, ne s’insurgèrent guère contre les curés pédophiles qui ont fait et font encore d’énormes dégâts auprès de milliers d’enfants.

 

Ces mêmes opposants répandent dans les réseaux sociaux ou par voie de flyers de fausses informations destinées à diaboliser l’EVRAS. Pour le journal « Le Soir », Il y en a cinq principales :

 

  • Tout ce qui est mentionné dans le guide sera abordé avec les enfants. Faux ! « Si le guide Evras, tel qu’il est accessible en ligne dans sa version finale, mentionne de nombreuses thématiques, cela ne signifie pas qu’elles seront abordées obligatoirement par l’animateur durant les deux heures par an où il sera présent dans les classes. Le document a pour fonction unique de fournir des balises afin de répondre de façon éclairée aux questionnements qui peuvent être apportés au cours d’une activité. »

 

  • L’EVRAS sexualise les enfants. Faux ! « Dans l’acronyme Evras, le « S » pour sexualité est entendu au sens large, et inclut par exemple une dimension relationnelle, sociale, culturelle, philosophique et éthique. Les thématiques autour de la sexualité mentionnées dans le guide s’adaptent en fonction de l’âge des enfants pour qui l’animation est conçue. L’Evras distingue quatre catégories d’âge, soit les 5 à 8 ans, les 9 à 11 ans, ainsi que les 12 à 14 ans et les 15 à 18 ans. Ces catégories prennent en considération les stades du développement psychoaffectif et sexuel. »

 

  • Des animations EVRAS vont avoir lieu dans les écoles auprès d’élèves dès 5 ans. Il s’agit d’une mauvaise interprétation. « Le décret ne prévoit pas de rendre les animations Evras obligatoires dès 5 ans, mais seulement en 6e primaire et en 4e secondaire. » Donc à onze ou douze ans, la période d’éveil à la sexualité et à quinze ou seize ans au moment des premiers rapports. On observe à nouveau la mauvaise foi des opposants qui cherchent à diaboliser l’EVRAS en dénonçant une forme de conditionnement à la sexualité.

 

  • L’EVRAS incite à changer de genre en parlant d’homosexualité et de transgenre. L’homosexualité et le transgenre existent dans la vie et les enfants peuvent y être confrontés. Ne vaut-il pas mieux qu’ils sachent de quoi il s’agit et de ne pas en faire des tabous pour éviter des dérives qui pourraient avoir de graves conséquences ?

 

  • Les animations et le guide EVRAS n’ont pas été conçus par des professionnels de l’enfance. C’est le type même de « fake news », car c’est exactement le contraire. Le but de l’EVRAS est justement de confier cette éducation à des professionnels !

 

Voilà donc les cinq principaux reproches des opposants à l’EVRAS. Il y en a d’autres du même acabit : « Les enfants de cinq ans vont apprendre à se masturber », ou encore : « Les enfants de huit ans devront regarder la pornographie », « On va inciter les enfants à changer de sexe. ». Cependant, quand on entend les ahurissants propos tenus lors de la manifestation du 17 septembre, il y a de quoi être ébahi et inquiet ! C’est le retour à l’ordre moral de sinistre mémoire, la confusion la plus grande, le discours typique de l’intégrisme catholique et de l’extrême droite. Voici un petit florilège.

 

 

 

Les deux personnages organisateurs de la manifestation du 17 septembre tinrent des propos ahusirssants.

Les deux personnages organisateurs de la manifestation du 17 septembre tinrent des propos ahusirssants.

 

 

 

Le « Décret de l’enfer »

 

Deux discours ont été prononcés par des responsables du mouvement, un homme et une femme. Voici ce qu’en dit « Le Soir » : Cette dernière a attaqué dès les premières minutes de son discours les «ultra féministes», l’association Ni Putes Ni Soumises et le Centre d’Action Laique, les qualifiant de « culture de la mort » et les accusant d’avoir « dépénalisé l’IVG en deux trois mouvements sans concertation » (NDLR : si le débat sur la dépénalisation totale de l’IVG a été ouvert au parlement en avril, aucune loi n’a encore été votée), regrettant « étrangement l’absence de droit pour le fœtus ». Le Décret EVRAS est un « Décret de l’enfer » !

 

Cette intervenante a ajouté : Le « lobby LGBT » et la Rainbow House (coupole regroupant plusieurs associations LGBT) ont été pointés du doigt pour avoir acquis « des droits qui n’ont ni queue ni tête ». Les valeurs de la « famille traditionnelle ancestrale » ont été défendues face à « l’idéologie pernicieuse » d’EVRAS.

 

Plusieurs pancartes visant les personnes transgenres (considérées comme « anormales ») des drag-queens, et défendant « un papa et une maman des enfants » ont également été brandies parmi les manifestants. Les discours ont également dénoncé les médias traditionnels et le projet de l’Organisation Mondiale de la Santé « d’imposer un nouvel ordre mondial sexuel ».

 

 

 

Environ 1 500 personnes, musulmans, catholiques ultra, extrême droite se rassemblèrent contre l'EVRAS le samedi 17 septembre à Bruxelles.

Environ 1 500 personnes, musulmans, catholiques ultra, extrême droite se rassemblèrent contre l'EVRAS le samedi 17 septembre à Bruxelles.

 

 

 

Cette manifestation a rassemblé environ 1 500 personnes parmi lesquelles beaucoup de musulmanes et même des délégués de l’extrême-droite française ! C’est loin d’être une mobilisation massive, mais ce mouvement risque de s’étendre, car par la diffusion de ces fausses informations, ils arrivent à inquiéter les parents concernés. On verra quel rôle il jouera lors des prochaines élections. Caroline Désir l’a rappelé : « Voir main dans la main l'extrême droite et des représentants des différentes religions, c'est très inquiétant. »

 

 

La « bête » se réveille à nouveau. Il est encore temps de la réduire en poussières, mais il faut agir vite. Qu’il s’agisse du gouvernement – et semble-t-il, on peut compter sur la ministre Désir –, des associations de parents, d’élèves, d’enseignants, des partis démocratiques et des mouvements laïques, la mobilisation est à l’ordre du jour ! Notre devoir est d’effacer cette ombre qui nous cache les Lumières.

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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10 septembre 2023 7 10 /09 /septembre /2023 20:14

 

 

 

11 septembre 1973, Santiago de Chili, le Palais présidentiel de la Moneda est bombardé par l’aviation militaire chilienne. L’expérience socialiste enclenchée par Salvador Allende est éxterminée dans le sang par un général félon nommé Pinochet avec l’appui efficace des services secrets étatsuniens. Le putsch sanglant à peine terminé, s’installe toute une équipe d’économistes US surnommés les « Chicago boys » de l’école de Chicago dirigée par Milton Friedman. Pendant ce temps, la junte se livre à une des plus sanglantes répressions de l’histoire.

 

Une politique nouvelle

 

4 septembre 1970 – 11 septembre 1973. Trois années d’action de l’Union populaire qui, grâce à Salvador Allende, réunit les socialistes, les communistes et les chrétiens. La grande mesure fut en septembre 1971 la nationalisation des mines de cuivre qui étaient aux mains de sociétés multinationales étatsuniennes, ce, sans indemnisations. Les énormes profits réalisés par leurs anciens détenteurs suffisaient pour le nouveau pouvoir chilien. Des banques furent aussi nationalisées pour permettre d’avancer des capitaux pour les entreprises publiques. En effet, l’Union populaire envisage la fondation d’un important secteur industriel public et parallèlement d’une grande réforme agraire déjà entamée par le prédécesseur d’Allende, le chrétien Eduardo Frei en expropriant les latifundis, les grands propriétaires terriens, et en redistribuant la terre aux paysans pauvres. L’objet de ces réformes majeures est d’assurer le développement économique et social du Chili.

 

 

 

Salvador Allende triomphe aux éjections présidentielles du 4 septembre 1970 (Mémoire des luttes - Crédit images : Naul Ojeda / National Security Archives, George Washington University

Salvador Allende triomphe aux éjections présidentielles du 4 septembre 1970 (Mémoire des luttes - Crédit images : Naul Ojeda / National Security Archives, George Washington University

 

 

Comme l’écrit « Tribune », l’organe de la Centrale générale des services publics, le syndicat du secteur public de la FGTB – syndicat socialiste belge – dans son numéro de septembre 2023 : « La mise en application des réformes annoncées lors de la campagne électorale [de 1970] se traduit par une radicalisation des oppositions et une violence politique croissante dans le pays. Cette radicalisation s’inscrit en pleine Guerre froide, un contexte extérieur d’affrontement idéologique entre grandes puissances… »

 

Ces mesures ne plaisent guère à la grande puissance la plus proche, les Etats-Unis, qui craint avant tout que le Chili de Salvador Allende se transforme en un nouveau « Cuba ». Maurice Lemoine dans « Mémoire des luttes » raconte : « Pour qui aurait oublié ce détail, on rappellera que, le 29 novembre 1961, John Fitzgerald Kennedy (JFK) a brutalement limogé Allen Dulles, le chef de la CIA, à la suite du désastre de la Baie des Cochons, à Cuba. En lieu et place, il a nommé John McCome. En avril 1965, ce dernier a quitté à son tour l’« Agence » pour devenir administrateur d’une autre multinationale états-unienne : la International Telephone and Telegraph Corporation (ITT). Le plus important investissement américain au Chili après ceux concernant le cuivre.

 

On rappellera aussi que, du début de l’Alliance pour le progrès, lancée en 1961 par JFK, jusqu’à 1973, l’« Agence » sera autorisée à dépenser plus de 12 millions de dollars pour soutenir la démocratie chrétienne contre la coalition de gauche historiquement emmenée par le socialiste Salvador Allende. Au passage, en 1970, flairant le danger, la ITT a offert 1 million de dollars à cette même CIA pour qu’elle empêche Allende de devenir président. Comme elle est tout sauf avare lorsque ses intérêts sont en jeu, ITT avait préalablement versé quelque 400 000 dollars pour financer la campagne du républicain Richard Nixon, élu le 5 novembre 1968.

On rappellera enfin que, le 27 juin 1970, lors d’une réunion du Conseil national de sécurité, un certain Henry Kissinger a déclaré : « Je ne vois pas pourquoi nous devrions rester tranquilles quand un pays devient communiste à cause de l’irresponsabilité de son propre peuple. »

 

 

 

Salvador Allende était conscient de l'agression US vis-à-vis de la politique de l'Union populaire.

Salvador Allende était conscient de l'agression US vis-à-vis de la politique de l'Union populaire.

 

 

Il était clair que les USA ont cherché depuis longtemps à mettre le Chili sous tutelle de peur qu’il ne devienne un nouveau « Cuba » ! Salvador Allende, le nouveau président chilien était conscient de tout cela. Aussi, il expliqua la nécessité de ces mesures et particulièrement de la nationalisation du cuivre dans cette déclaration :

 

« La nécessité de mettre au service des énormes besoins du peuple la totalité de nos ressources économiques allait de pair avec la récupération pour le Chili de sa dignité. (…)

Nous avons nationalisé le cuivre. Nous l’avons fait avec le vote à l’unanimité du Parlement, où les partis de gouvernement sont en minorité. Nous voulons que tout le monde comprenne clairement : nous n’avons pas confisqué les entreprises étrangères de l’industrie minière du cuivre (…)

 

 

Ces mêmes entreprises, qui ont exploité le cuivre chilien pendant de nombreuses années, rien que pendant les 42 dernières années, ont empoché pendant ce laps de temps plus de 4 milliards de dollars, alors que leur investissement initial ne dépassait pas les 30 millions de dollars. Un seul exemple douloureux par contraste : il y a dans mon pays 700.000 enfants qui ne pourront jamais jouir de la vie dans des conditions humaines normales parce que dans les 8 premiers mois de leur existence, ils n’ont pas reçu la quantité élémentaire de protéines. 4 Milliards de dollars transformeraient totalement ma patrie. Rien qu’une petite partie de cette somme assurerait pour toujours des protéines à tous les enfants de ma patrie. »

 

Le conflit à venir était ainsi bien défini.

 

A l’intérieur du pays, les réformes de l’Union populaire sont désapprouvées par la bourgeoisie et jugées trop modérées par l’extrême-gauche – le MIR – qui s’engage dans l’action violente dès 1971. D’un autre côté, les classes moyennes qui, au départ, avaient vu d’un bon œil ces réformes, commencent à attraper peur face à cette violence. Politiquement, Allende se trouve devant une Assemblée majoritairement hostile à sa politique. La situation de l’Union populaire devient délicate surtout avec les classes moyennes qui craignent que l’on nationalise leurs activités. La CIA de son côté n’est pas passive. Elle fait tout pour paralyser le pays en organisant des grèves et provoquant des violences diverses.

 

Salvador Allende l’exprime de manière spectaculaire le 4 décembre 1972 à l’Assemblée générale de l’ONU où il prononce un discours qui restera dans les annales :

 

 

 

Salvador Allende à l'Assemblée générale de l'ONU le 4 septembre 1972

Salvador Allende à l'Assemblée générale de l'ONU le 4 septembre 1972

 

 

« Nous sommes face à un véritable conflit entre les multinationales et les Etats.
Ceux-ci ne sont plus maîtres de leurs décisions fondamentales, politiques,
économiques et militaires à cause de multinationales qui ne dépendent d'aucun
Etat et dont l’ensemble des activités ne rend de compte à aucun parlement ni par aucune instance représentative de l'intérêt général.En un mot, c'est la structure politique du monde qui est ébranlée.

 

 
Les grandes entreprises multinationales nuisent aux intérêts des pays en voie de
développement. Leurs activités asservissantes et incontrôlées nuisent aussi aux pays... »

 

Ce discours fut chaleureusement applaudi par la plupart des délégués et le public.

 

Le journal « Le Monde » du 6 décembre 1972 analyse :

 

« Dans son discours, qu'il a lu en espagnol, le président Allende n'a pas mentionné une seule fois les États-Unis et, au cours de sa conférence de presse tenue quelques heures plus tard, il a souligné que le litige de son gouvernement avec la Kennecott Copper et l'I.T.T. ne change en rien les rapports avec Washington. Pourtant, aussitôt après le discours du président Allende, qui a été chaudement applaudi par la majorité des délégués ainsi que par le public, M. George Bush [nous étions sous la présidence de Nixon] a convoqué la presse pour dire que son pays ne peut accepter la thèse chilienne selon laquelle le profit est synonyme d'impérialisme. Selon la conception américaine, a déclaré M. Bush, le profit est le mobile essentiel du travail humain et, sans lui, aucun progrès du niveau de vie n'est possible. Il a estimé que le Congrès américain pourrait ne pas voter le programme d'assistance à l'étranger si les principes énoncés par le président Allende devaient triompher. »

 

Une politique insupportable pour les Etats-Unis

 

Les termes du conflit entre le socialisme chilien et le néolibéralisme étatsunien étaient donc posés. Il devint même inévitable. Cependant, la politique de l’Union populaire était bien définie. Ainsi, dans « Mediapart » du 3 octobre 2014 Jorge Magagich écrit :

 

« La diplomatie de l’UP prône la création d’un « système latino-américain » « d’intégration et de complémentarité de nos économies, dans le cadre de l’association latino-américaine de libre commerce et du marché commun des pays andins ». Elle encourage le développement du marché commun entre les pays du « Pacte andin » et soutient vivement leur « Décision 24 », qui régule les investissements étrangers, limitant la concurrence entre les pays et fixant un plafond de 14 % au rapatriement de capitaux des entreprises étrangères.

Ces idées sont précisées dans le Conseil latino-américain économique et social, en septembre 1971, à Panama ; Gonzalo Martner y formule quatre propositions intégrationnistes : 1) demander aux Etats-Unis un moratoire sur la dette externe pendant une décennie pour affecter ces sommes aux politiques de développement ; 2) créer une banque centrale latino-américaine pour « placer les réserves de l’Amérique latine, dont 70 % se trouvent aux Etats-Unis », recevoir « les dépôts et les actifs de la région » et coordonner les opérations des banques centrales afin de protéger la région des turbulences financières ; 3) promouvoir la création d’un fonds mondial de technologies pour le développement, alimenté des apports obligatoires en licences, procédés industriels et autres fonds destinés à la recherche, de manière à limiter les abus associés à la propriété technologique ; 4) créer une organisation latino-américaine pour le développement de la science et de la technologie appropriée à la région.

Six semaines avant le coup d’Etat du 11 septembre 1973, le ministre des affaires étrangères Orlando Letelier constate que l’utilisation du dollar constitue un obstacle important au commerce entre les pays du pacte andin. Il propose de l’éviter en cherchant d’autres instruments d’échange : « Il sera peut-être nécessaire de concevoir un moyen de paiement propre et autonome ».

 

S’attaquer au dollar, c’est insupportable pour les Etats-Unis !  On s’aperçoit que le Chili souhaitait être le moteur d’une révolution qui se répandrait dans toute l’Amérique latine. Cette attaque contre le dollar était due à la suppression de la convertibilité en or de la devise américaine effectuée par Nixon en 1971. En outre, il y a un principe essentiel auquel Allende était profondément attaché : cela devait se faire par la voie démocratique avec son pluralisme et non par la violence comme le voulait l’extrême-gauche qui contribua par son obstination à la chute de l’expérience Allende.

 

De plus, le gouvernement d’Allende repousse le panaméricanisme — bloc de toute l’Amérique avec prééminence des Etats-Unis— et son bras politique, l’Organisation des Etats Américains (OEA), qui siège à Washington. Une communauté d’intérêts entre des économies faibles et la principale puissance est impossible, affirme Allende, qui propose que l’OEA devienne un lieu de dialogue entre les Etats-Unis et l’Amérique latine. Ainsi, le leader de l’Union populaire fut un précurseur des actuels BRICS qui préoccupent tellement la diplomatie actuelle et qui suscitent la crainte des occidentaux.

 

Ensuite, l’environnement international du Chili n’était guère favorable. Le Brésil, l’Argentine et la Bolivie (depuis août 1971) se trouvent sous le joug de dictatures militaires (ils seront bientôt rejoints par l’Uruguay). La Colombie est gouvernée par un conservateur, Misael Pastrana, et le Venezuela par un social-chrétien, Rafael Caldera. Seuls les militaires péruviens « réformistes » regardent avec sympathie l’expérience socialiste chilienne, tout comme le président du Mexique, Luis Echeverría.

 

La démocratie déplaisante pour Henry Kissinger

 

Et puis, la démocratie chilienne ne plaît pas à tout le monde. Ainsi, Henry Kissinger, secrétaire d’Etat US à l’époque, déclara à Nixon : « Allende est une menace parce qu’il a été élu démocratiquement ! Son gouvernement de changement, pacifique et utilisant des structures démocratiques, pourrait s’étendre à d’autres régions d’Amérique latine et d’Europe. »

 

 

 

Henry Kissinger, secrétaire d'Etat de Nixon est le maître d'œuvre de la chute d'Allende et de l'Union populaire.

Henry Kissinger, secrétaire d'Etat de Nixon est le maître d'œuvre de la chute d'Allende et de l'Union populaire.

 

 

Dès lors, les choses ne pouvaient que mal tourner. Dès 1973, la situation se dégrade. Suite aux sabotages de la CIA, une grave crise économique se fait jour et la situation politique devient incontrôlable. La grève des camionneurs – seul moyen de transport de marchandises en ce long et étroit pays coincé entre l’Océan Pacifique et la cordillère des Andes – prend des allures dramatiques : il y a pénurie de pain, de médicaments, de denrées essentielles. Cela provoque inéluctablement des émeutes. Sur le plan politique, l’opposition organise des manifestations et l’extrême gauche des contre-manifestations provoquant ainsi un climat de guerre civile, ce qu’Allende veut à tout prix éviter. En outre, les Etats-Unis font pression pour mener à un effondrement des prix du cuivre, ce qui ôta au Chili sa principale ressource. Sur le plan politique, l’Union populaire et le MIR organisent des contre-manifestations à celles de l’opposition. La pénurie des denrées alimentaires est contrée par la constitution de comités populaires de quartier qui veillent à approvisionner les familles pauvres.

 

« Le fossé se creuse entre les classes sociales mais l’Union populaire continue d’en appeler à la conciliation et à l’unité nationale, y compris avec ses adversaires du Parlement. Dans ce contexte d’affrontement et de montée de la violence, le gouvernement est contraint à plusieurs reprises de proclamer l’état d’urgence (quatre fois en trois ans !). Pour faire face aux menaces qui l’assaillent de toutes parts, Salvador Allende appelle les militaires à son secours, s’appuyant sur l’armée de terre, au recrutement plus populaire, plutôt que sur l’armée de l’air et la marine aux traditions plus aristocratiques. » (Tribune, art. cit.)

 

Il faut sortir de cette impasse politique, Allende décide d’annoncer pour le 11 septembre 1973 un référendum qui approuverait une révision de la Constitution. En effet, celle-ci était indispensable pour modifier ou abroger des lois obsolètes qui ne pouvaient profiter qu’à la haute bourgeoisie. Le général Pinochet, alors qu’il avait la confiance du président Allende, organise une junte début septembre 1973. Le sort en était jeté.

 

La dernière interview

 

Le grand reporter belge Josy Dubié travaillant pour la RTBF (la chaîne publique francophone belge) est en reportage au Chili, début septembre. Après avoir parcouru le pays, il souhaite interviewer le président Salvador Allende. Cependant, étant donné la situation, le président n’accordait plus aucune interview. Dubié tenta par le biais du président du PS belge de l’époque, André Cools, d’obtenir cette autorisation d’interview via l’Internationale socialiste. Il avait frappé à la bonne porte.

 

Josy Dubié et son équipe réalisèrent cette interview quatre jours avant la mort de leur interlocuteur. Il en tira un reportage exceptionnel qui marqua les annales non seulement de la RTBF mais de l’information en général. L’expression libre et critique, un engagement manifeste. Voilà des ingrédients que l’on ne trouve plus aujourd’hui dans les productions journalistiques audiovisuelles. Regardez ces quelques vingt-huit minutes de reportage historique : la dernière interview de Salvador Allende. Josy Dubié est non seulement témoin, il est aussi compagnpn de l’histoire.

 

 

 

 

 

Le président y explique que le programme de l’Union populaire vise à réaliser une transition vers le socialisme en s’appuyant sur la légitimité démocratique d’élections libres et de soutien du peuple chilien tout en respectant scrupuleusement le cadre légal du Chili. Il s’appuya sur les organisations de gauche comme les syndicats, les associations féminines, les coopératives agricoles. Frank Godiehaud qui a réalisé une thèse de doctorat au sujet du régime de l’Union populaire écrit : « Le rêve brisé de Salvador Allende a été de combiner cet héritage avec un programme de transition au socialisme qui en soit la prolongation, mais surtout ke dépassement grâce à la participation des classes populaires organisées. »

 

 

 

Josy Dubié, 83 ans, racontant l'histoire de son reportage au Chili, il y a cinquante ans.

Josy Dubié, 83 ans, racontant l'histoire de son reportage au Chili, il y a cinquante ans.

 

 

La fin

 

Cependant, la situation se dégrade. Allende fait tout pour éviter une guerre civile qu’il redoute par-dessus tout. C’est trop tard ! Le 11 septembre au matin tôt, le général commandant de l’aviation téléphone à Allende pour lui signaler le putsch militaire et lui propose un avion pour sa famille et lui qui les conduirait à l’exil où il voulait. Le président refuse et déclare qu’il a un mandat pour rester jusqu’à ma fin au Palais présidentiel de la Moneda. Pinochet donne l’ordre à l’aviation de bombarder le Palais. Les partisans de l’Union populaire sont arrêtés et rassemblés dans le stade de Santiago. Le président résiste les armes à la main avec quelques fidèles. L’ennemi est trop fort. Salvador Allende ordonne à ses camarades et gardes de se rendre. Il s’isole dans son bureau et se suicide. L’Union populaire a vécu. Une terrible répression s’engage non seulement à Santiago mais aussi dans tout le pays avec la « caravane de la mort » qui va chercher des militants dans tous les villages, qui les torture et les tue. Résultat : plus de 2 300 morts. Les ministres et les chefs de l’Union populaire sont transférés à l’île de Dawson où règne un climat polaire. Des milliers de partisans d’Allende sont emprisonnés dans des conditions inhumaines. Pinochet eut cette réflexion cynique : « 2 300 personnes, franchement, ce n’est pas grand-chose ; les Chinois en tuent des millions ! »

 

 

 

Le général putschiste Augusto Pinochet avec son vrai patron, Henry Kissinger

Le général putschiste Augusto Pinochet avec son vrai patron, Henry Kissinger

 

 

Assiégé dans la Moneda, Salvador Allende adressa au peuple chilien un dernier message via une radio locale.

 

« Je ne quitterai La Moneda qu’à la fin du mandat que m’a donné le peuple, je défendrai cette révolution chilienne et je défendrai le gouvernement car c’est le mandat que le peuple m’a confié. » Au-dessus de sa tête, les avions rugissent, en vol rasant. Impassible, de sa voix rocailleuse, Allende poursuit : « Face à ces événements, je peux dire aux travailleurs : je ne renoncerai pas. Impliqué dans cette étape historique, je paierai de ma vie ma loyauté envers le peuple. Je leur dis que j’ai la certitude que la graine que nous sèmerons dans la conscience et la dignité de milliers de Chiliens ne pourra germer dans l’obscurantisme. Ils ont la force, ils pourront nous asservir, mais nul ne retient les avancées sociales par le crime et la force. L’Histoire est à nous, c’est le peuple qui la construit. »

 

 

 

Allende sous les bombardements de l'aviation chilienne résista jusqu'au bout avec ses derniers partisans.

Allende sous les bombardements de l'aviation chilienne résista jusqu'au bout avec ses derniers partisans.

 

 

Par après, il incita ses fidèles à se rendre. Il s’enferma dans son bureau et se donna la mort.

 

La dernière expérience socialiste et démocratique fut écrasée dans le sang. Plus jamais, il ne fut envisagé de réitérer cette tentative tout en tenant compte des erreurs commises. Les rapports de forces ont été complètement bouleversés. Et le néolibéralisme a posé sa chape de plomb au Chili et dans le reste du monde. Au Chili, car c’était le véritable objectif du coup d’Etat militaire du 11 septembre 1973. Le Chili, grâce au putsch, est devenu le champ d’expérience pour l’école de Chicago dirigée par Milton Friedman.

 

 

Le néolibéralisme s’est installé dans le monde tantôt par la violence comme au Chili, au Brésil, en Argentine, en Indonésie, tantôt par une voie démocratique dure comme en Grande Bretagne sous Thatcher et aux Etats-Unis lors de la présidence de Reagan. Le Chili fut le terrain d’expérience. Naomi Klein raconte dans son célèbre ouvrage « La stratégue du choc » (Actes Sud, 2008) que dès l’élection d’Allende en septembre 1970, la CIA et les « Chicago boys » œuvrèrent à créer un « climat propice à un coup d’Etat » en se basant sur un mouvement fasciste « Patrie et Liberté » fondé à cet effet et qui recrutait chez les étudiants de l’université catholique de Santiago. En septembre 1971, les principaux chefs d’entreprises du Chili se réunirent dans une petite ville côtière et déclarèrent que le gouvernement de l’Union populaire était incompatible « avec la liberté au Chili ». Un groupe chapeauté par les Chicago boys loua des locaux près du Palais de la Moneda et était chargé d’élaborer un programme de rechange à celui de l’Unité populaire. Une cellule de militaires opposés à Allende fut fondée au sein des forces armées chiliennes.

 

 

« Pendant un certain temps, la planification du coup d’Etat suivit deux voies distinctes : les militaires préparaient l’extermination d’Allende et de ses partisans tandis que les économistes préparaient l’extermination de leurs idées. » écrit Naomi Klein. Elle ajoute que le coup d’Etat chilien s’assortit de trois types de chocs distincts : le coup d’Etat lui-même, le traitement de choc capitaliste de Milton Friedman, le troisième fut « les drogues et la privation sensorielle, sources de techniques de torture » enseignée par la CIA aux militaires et aux policiers d’Amérique latine.

 

 

Les recettes ultralibérales furent imposées à la suite du 11 septembre 1973. Privatisations, déréglementation et réduction des dépenses sociales furent imposées par la force au Chili qui devint le premier laboratoire de l’ultralibéralisme à la sauce Chicago boys de Milton Friedman.

 

Par après, durant les décennies 1980-1990 ce programme fut imposé un peu partout par la voie légale. On se rappelle les réformes de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan. Ensuite, par le biais des institutions européennes, il s'installa sur pratiquement tout le continent européen.

 

La caractéristique de ce régime est sa pérennité. Nulle part, il ne fut réformé et encore moins supprimé. Le Chili qui a retrouvé la démocratie en 1990 a conservé ces règles ultralibérales. Même les deux gouvernements socialistes qui ont été élus depuis n’ont procédé à aucune modification de ce régime. L’actuel gouvernement de gauche est d’ailleurs fort timide à ce sujet. Finalement, le fameux TINA de Thatcher (Il n’y a pas d’alternative) devient une réalité. Mais, comme disait jadis le Taciturne : « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre… »

 

Le président chilien voulait instaurer le socialisme tout en respectant les principes de base de la démocratie bourgeoise. Il se refusait à instaurer une dictature. C’est sans doute là son plus grand échec. La question est pour le Chili comme pour le monde entier : est-il possible de réformer fondamentalement la société en régime capitaliste ? Et, en corollaire, le socialisme est-il possible dans une dictature qui se prétend être du prolétariat mais, en réalité, qui est celle d’une oligarchie. Les expériences de l’Union Soviétique, de la Chine populaire, du Cambodge en sont de tragiques et meurtriers éclairages. Mais, le socialisme n’est pas mort pour autant. Un jour ou l’autre, il renaîtra sous une autre forme, parce qu’il est nécessaire.

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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