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  • : Le blog de pierre verhas
  • : Blog consacré à l'actualité dans les domaines de la politique et de l'astronomie, vus au sens large. Ce blog n'est pas neutre : il se positionne à gauche, de philosophie laïque et donnant la primauté à l'expérience sur la spéculation. Ce blog est ouvert au débat, à l'exception des invectives, des attaques personnelles et des insultes qui seront systématiquement rejetées afin de permettre à chacun(e) de débattre en toute liberté et dans la sérénité qui n'exclut en rien la passion.
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24 mars 2019 7 24 /03 /mars /2019 09:44

 

 

 

Débattre de la question palestinienne sans parler de l’antisémitisme est un leurre.

 

L’antisémitisme se manifeste à nouveau en Europe de manière virulente : profanations de tombes juives, agressions verbales et physiques de personne appartenant – ou soupçonnées d’appartenir – à la communauté juive, destructions de biens et de bâtiments lui appartenant, « posts » particulièrement agressifs sur les réseaux sociaux ne se comptent plus.

 

Cette situation est très inquiétante, car au-delà des préjudices et des traumatismes causés par ces actes, il y a un risque de banalisation de l’antisémitisme que certains considèrent comme inhérent à notre société, en dépit des condamnations fermes des autorités officielles et des grands médias.

 

Cependant, au risque de vous choquer, certaines de ces réactions peuvent être contre-productives, car par leur multiplication et aussi par les propos excessifs de certaines personnes se posant en avant-garde du combat contre l’antisémitisme – pensons entre autres à l’ineffable BHL –, cela contribue à cette banalisation.

 

D’autre part, et c’est sans doute cela le plus inquiétant, il y a une tendance au sein de la classe dirigeante à élargir la définition de l’antisémitisme en y assimilant l’antisionisme.

 

 

 

C’est en réalité confondre l’opposition à une doctrine politique avec la haine des Juifs.

 

Le sionisme fondé à la fin du XIXe siècle par le journaliste juif autrichien Théodore Herzl qui s’inscrivait dans le principe des nationalités à l’européenne de cette époque, visait à fonder un Etat juif en Palestine. Certes, l’idée de la création de cet Etat était entre autres motivée par les graves manifestations d’antisémitisme qui sévissaient d’abord par les pogroms en Europe centrale et en Russie, mais aussi en France lors de l’affaire Dreyfus. Mais, l’essentiel de la pensée sioniste était de fonder une nation assurant l’autodétermination du peuple juif.

 

L’antisémitisme est la manifestation violente d’une haine à l’égard des Juifs où qu’ils se trouvent. Il a une double origine.

 

  • Religieuse : « le peuple déicide » qui devait être châtié ;

 

  • Politique : la légende – on dirait aujourd’hui « fake news » - d’un complot cherchant à assurer la domination du monde par les Juifs grâce à leur finance avec la complicité des francs-maçons.

 

Ces fantasmes sont toujours vivaces aujourd’hui. Ils s’expriment moins qu’auparavant, suite aux lois qui punissent sévèrement les actes et propos racistes et antisémites, mais il reste encore des auteurs et des polémistes qui entretiennent cette « idéologie ». On songe entre autres au français Soral et aux négationnistes comme Faurisson.

 

D’autre part, on le voit avec la crise des « gilets jaunes », il y eut plusieurs manifestations d’antisémitisme et certains antisémites se cachent derrière l’antisionisme pour distiller leur haine. Celles-ci furent matées mais aussi montées en épingle par le président Macron afin de discréditer le mouvement des « gilets jaunes » et aussi de faire adopter une loi réprimant avec plus de sévérité l’antisémitisme auquel on assimilera l’antisionisme.

 

Tout cela n’est pas innocent.

 

Une dangereuse définition

 

En 1998, fut fondée sous l’impulsion de l’Etat d’Israël, une Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA International Holocaust Remembrance Alliance). Cette alliance intergouvernementale regroupe 31 Etats membres dont la Belgique et est présidée cette année par le Grand-Duché du Luxembourg et le sera en 2020 par l’Allemagne. Elle a concocté une définition de l’antisémitisme qu’elle voudrait voir adoptée par tous les Etats membres. Elle fut d’ailleurs adoptée en 2017 par le Parlement européen. Lors du tout récent dîner du CRIF (le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France qui est l’association quasi officielle des Juifs français, bien que pas mal d’entre eux ne s’y reconnaissent pas), Macron a déclaré qu’il y adhérait pour l’élaboration de son projet de loi.

 

Quelle est cette définition ?

 

« L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs, qui peut s’exprimer par la haine envers les Juifs. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme sont dirigées contre des personnes juives ou non-juives et/ou leur propriété, contre les institutions de la communauté juive ou les lieux religieux ».

 

Tout juriste digne de ce nom dira qu’une définition aussi imprécise est un « nid à procès » et ne peut que générer des litiges. En effet, que signifie l’expression « une certaine perception de Juifs » ?

 

Voici l’analyse qu’en fait l’UJFP, l’Union des Juifs Français pour la Paix.

 

Impossible de savoir ce que signifie « une certaine perception » mais il est évident que cette « définition » peu précise - heureusement non contraignante - englobe plus que les actes de racisme tels que ceux qui ont explosé en France ces derniers jours et qui tombent en effet sous le coup de la loi.

 

Apparemment, cette définition de l’antisémitisme ne contient aucune mention à l’antisionisme. Cependant, il en est tut autrement si on lit les exemples explicatifs de cette définition qui, sans le nommer, assimile l’antisionisme à un acte raciste.

 

Sur le site de l’IHRA, on précise en effet que l’antisémitisme peut être : « Nier le droit à l’autodétermination du peuple juif, par exemple en déclarant que l’existence de l’État d’Israël est un projet raciste. ». (2)

Observons que nier le droit à l’autodétermination du peuple palestinien n’est pas du racisme. Nous avons donc affaire ici à du racisme à géométrie variable !

 

En plus, depuis le 18 juillet 2018, la Knesset, le Parlement israélien, a adopté la loi dite de l’Etat nation qui donne la prééminence aux Juifs du monde entier sur les citoyens non juifs habitant l’Etat d’Israël depuis plusieurs générations.

 

En décrétant qu’Israël est l’« Etat-nation du peuple juif », l’actuel gouvernement israélien a consacré le régime d’apartheid qu’il impose aux Palestiniens, préparant l’annexion des territoires occupés et colonisés, ruinant ainsi toute perspective de coexistence pacifique de deux Etats. Et cela est dénoncé par de nombreux politologues, historiens, philosophes, journalistes, démocrates juifs du monde entier.

 

Macron n’a rien compris.

 

 

Macron, comme dit Dominique Vidal, fit un beau discours malheureusement entaché par sa dernière phrase.

Macron, comme dit Dominique Vidal, fit un beau discours malheureusement entaché par sa dernière phrase.

 

 

 

« L’antisionisme est la forme réinventée de l’antisémitisme », proclame le président Macron à la fin de son discours. Il n’a  manifestement pas tirer les leçons de l’histoire et ne comprend rien au droit international. Il montre simplement que la propagande israélienne a fait son effet en France. Mais aussi en Grande-Bretagne où a été particulièrement ciblé Jeremy Corbyn, leader du parti travailliste, très critique à l’égard des crimes commis par les forces israéliennes d’occupation de la Palestine. Tout récemment, plusieurs membres de son parti ont démissionné pour ce motif apparent, fragilisant d’autant plus un parti progressiste en pleine tempête du Brexit… Et il y eut auparavant des attaques contre Corbyn à l’occasion de la venue du cinéaste Ken Loach venu recevoir son titre de docteur honoris causa à l’ULB. Heureusement, le recteur de cette Université – Yvon Englert qui est Juif – a courageusement résisté aux pressions des milieux sionistes extrémistes et Ken Loach reçut son titre.

 

 

 

Le Docteur Yvon Englert, actuel Recteur de l’Université Libre de Bruxelles a eu le courage de résister aux terribles pressions des milieux sionistes.

Le Docteur Yvon Englert, actuel Recteur de l’Université Libre de Bruxelles a eu le courage de résister aux terribles pressions des milieux sionistes.

 

 

 

Cette guerre de propagande fait rage au moment où la campagne mondiale BDS (Boycott - Désinvestissements – Sanctions), lancée à l’appel des diverses associations, syndicats, ONG palestiniens, gagne chaque jour des points, pour laquelle j’ai un avis nuancé.

 

Il s’agit d’une riposte citoyenne face aux compromissions et complicités de gouvernements et de milieux d’affaires avec un Etat qui commet sans cesse des crimes contre l’humanité par son occupation meurtrière de la Palestine. De plus, Israël menace la paix mondiale en s’alliant avec les Etats-Unis et l’Arabie saoudite contre l’Iran devenu le symbole de l’ennemi à détruire par la force. Cela n’empêche pas l’Union européenne d’entretenir d’étroites relations économiques et politiques avec Israël, malgré les violations permanentes des droits humains, les destructions systématiques des infrastructures payées par l’Europe pour aider la population palestinienne privée de tout.

 

Les critiques anti-israéliennes augmentent dans le monde entier. L’oppression sanglante vécue par les Palestiniens alimente les indignations majoritairement non violentes des défenseurs des droits humains. L’obstination des gouvernements occidentaux à garantir une impunité totale à Israël provoque malheureusement des actions violentes à caractère politique mais aussi antisémites, fermement condamnées par tous les démocrates y compris antisionistes. Cette impunité est la pire menace qui plane sur les Juifs car elle alimente la colère et parfois la haine. C’est bien ce que l‘on a constaté avec le terrorisme placé sous le drapeau noir de Daesh et les crimes inexcusables qui ont été perpétrés. Aussi inexcusables que les massacres de populations civiles sous les bombes israéliennes à Gaza.

 

Même en Belgique

 

 

 

Caricatures antisémite sur un char au dernier carnaval d'Alost... qui fait partie du patrimoine immatériel de l'UNESCO ! Même en Belgique !

Caricatures antisémite sur un char au dernier carnaval d'Alost... qui fait partie du patrimoine immatériel de l'UNESCO ! Même en Belgique !

 

 

 

Les dénonciations pacifiques du colonialisme sioniste, basées sur le droit international et les résolutions des Nations Unies, ne peuvent en aucun cas être confondues avec les actes antisémites odieux qui se produisent dans des pays comme la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Autriche ou la Pologne qui n’ont pas encore accompli leur travail mémoriel sur la complicité de leurs dirigeants et d’une partie de leurs populations avec le génocide des Juifs lors de la deuxième guerre mondiale.  Ces actes traduisent aussi l’incommensurable bêtise de gens frustrés par de multiples raisons. Là aussi, aucune excuse n’est possible. Mais les inégalités qui s’accentuent dans notre système néolibéral mondialisé ne feront qu’exacerber ces réactions bêtes et brutales qui doivent être réprimées comme l’autorisent les lois sur le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie.

 

Frantz Fanon dans « Peau Noire Masques Blancs » déclarait : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l'oreille, on parle de vous. » Car toute forme de racisme doit être combattue, partout dans le monde. A nos portes, pour commencer.

 

Cela n’est pas terminé !

 

Et je laisserai la conclusion à l’historien israélien Shlomo Sand auteur du remarquable ouvrage « Comment le peuple juif a été inventé ? » (Fayard, 2008).

 

« Tout d’abord, le sionisme n’est pas le judaïsme, contre lequel il constitue même une révolte radicale. Tout au long des siècles, les juifs pieux ont nourri une profonde ferveur envers leur terre sainte, plus particulièrement pour Jérusalem, mais ils s’en sont tenus au précepte talmudique qui leur intimait de ne pas y émigrer collectivement, avant la venue du Messie. En effet, la terre n’appartient pas aux juifs mais à Dieu. Dieu a donné et Dieu a repris, et lorsqu’il le voudra, il enverra le Messie pour restituer. Quand le sionisme est apparu, il a enlevé de son siège le « Tout Puissant », pour lui substituer le sujet humain actif.

 

 

Chacun de nous peut se prononcer sur le point de savoir si le projet de créer un Etat juif exclusif sur un morceau de territoire ultra-majoritairement peuplé d’Arabes, est une idée morale. En 1917, la Palestine comptait 700.000 musulmans et chrétiens arabes et environ 60.000 juifs dont la moitié étaient opposés au sionisme. Jusqu’alors, les masses du peuple yiddish, voulant fuir les pogroms de l’empire Russe, avaient préféré émigrer vers le continent américain, que deux millions atteignirent effectivement, échappant ainsi aux persécutions nazies (et à celles du régime de Vichy).

 

 

 

En 1948, il y avait en Palestine : 650 000 juifs et 1,3 million de musulmans et chrétiens arabes dont 700.000 devinrent des réfugiés : c’est sur ces bases démographiques qu’est né l’Etat d’Israël. Malgré cela, et dans le contexte de l’extermination des juifs d’Europe, nombre d’antisionistes sont parvenus à la conclusion que si l’on ne veut pas créer de nouvelles tragédies, il convient de considérer l’Etat d’Israël comme un fait accompli irréversible. Un enfant né d’un viol a bien le droit de vivre, mais que se passe-t-il si cet enfant marche sur les traces de son père ?

 

 

Et vint l’année 1967 : depuis lors Israël règne sur 5,5 millions de Palestiniens, privés de droits civiques, politiques et sociaux. Ils sont assujettis par Israël à un contrôle militaire : pour une partie d’entre eux, dans une sorte de « réserve d’Indiens » en Cisjordanie, tandis que d’autres sont enfermés dans un « réserve de barbelés » à Gaza (70% de ceux-ci sont des réfugiés ou des descendants de réfugiés). Israël, qui ne cesse de proclamer son désir de paix, considère les territoires conquis en 1967 comme faisant intégralement partie de « la terre d’Israël », et s’y comporte selon son bon vouloir : jusqu’à présent, 600 000 colons israéliens juifs y ont été installés… et cela n’est pas terminé ! »

 

 

 


Pierre Verhas 

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9 février 2019 6 09 /02 /février /2019 22:55

 

 

Une erreur s’est glissée dans l’article publié le 11 janvier dernier par « Uranopole » sur le centenaire de la mort de Rosa Luxemburg. En réalité, elle fut assassinée en même temps que Karl Liebknecht le 15 janvier 1919 et non le 11.

 

C’est le 11 janvier que Karl Liebknecht co-dirigeant avec Rosa Luxemburg de la Ligue spartakiste, proclama la République socialiste de Berlin déclenchant ainsi une répression sauvage sous la direction du ministre social-démocrate Noske qui commandita également la liquidation des deux dirigeants du mouvement spartakiste.

 

 

 

Une des dernières photos de Rosa Luxemburg lors d'un meeting des Spartakistes. Elle savait allier l'élégance et la rigueur révolutionnaire.

Une des dernières photos de Rosa Luxemburg lors d'un meeting des Spartakistes. Elle savait allier l'élégance et la rigueur révolutionnaire.

 

 

 

Le 14 janvier, Rosa Luxemburg publia son dernier article : « L’ordre règne à Berlin » paru dans « Die Rote Fahne ». S’inspirant de la célèbre déclaration du ministre français Sebastiani qui proclama fièrement en 1831 « L’ordre règne à Varsovie », elle écrit :

 

« « L'ordre règne à Berlin », proclame avec des cris de triomphe la presse bourgeoise, tout comme les Ebert et les Noske, tout comme les officiers des « troupes victorieuses » que la racaille petite-bourgeoise accueille dans les rues de Berlin en agitant des mouchoirs et en criant : « Hourrah ! » Devant l'histoire mondiale, la gloire et l'honneur des armes allemandes sont saufs. Les lamentables vaincus des Flandres et de l'Argonne ont rétabli leur renommée en remportant une victoire éclatante... sur les 300 « Spartakistes » du Vorwärts. »

 

 

Eh oui ! L’ordre selon la presse bourgeoise, c’est la répression sanglante de la révolte des travailleurs berlinois militant chez les « Spartakistes ».

 

Et Rosa ajoute :

 

« Qui n'évoquerait l'ivresse de la meute des partisans de « l'ordre », la bacchanale de la bourgeoisie parisienne dansant sur les cadavres des combattants de la Commune, cette bourgeoisie qui venait de capituler lâchement devant les Prussiens et de livrer la capitale à l'ennemi extérieur après avoir levé le pied ? Mais quand il s'est agi d'affronter les prolétaires parisiens affamés et mal armés, d'affronter leurs femmes sans défense et leurs enfants, ah comme le courage viril des fils de bourgeois, de cette « jeunesse dorée », comme le courage des officiers a éclaté Comme la bravoure de ces fils de Mars qui avaient cané devant l'ennemi extérieur s'est donné libre cours dans ces atrocités bestiales, commises sur des hommes sans défense, des blessés et des prisonniers !

 

 

« L'ordre règne à Varsovie », « l'ordre règne à Paris », « l'ordre règne à Berlin ». Tous les demi-siècles, les gardiens de « l'ordre » lancent ainsi dans un des foyers de la lutte mondiale leurs bulletins de victoire. Et ces « vainqueurs » qui exultent ne s'aperçoivent pas qu'un « ordre », qui a besoin d'être maintenu périodiquement par de sanglantes hécatombes, va inéluctablement à sa perte. »

 

Ces propos de Rosa Luxemburg sont d’une brûlante actualité. C’est une constante dans l’histoire sociale : les mouvements sociaux radicaux d’une certaine ampleur ont tous fait l’objet de répressions sanglantes. La bourgeoisie use de la dernière des violences lorsqu’elle se sent en danger. Après Rosa Luxemburg, il n’y eut plus de grands soulèvements populaires dans le monde industrialisé, mais une nouvelle forme d’oppression a vu le jour : le fascisme.

 

 

Bien qu’on assimile – à tort, parce que cela brouille l’analyse – le « fascisme » italien mussolinien à tous les mouvements extrémistes nationalistes et racistes qui sévissent depuis sa disparition en 1945, il y a une constante : c’est le maintien et la défense musclée de la classe bourgeoise lorsque celle-ci se sent menacée. Et cela se produit, comme l’écrit Rosa Luxemburg, « tous les demi-siècles ».

 

 

Les événements actuels en France – toutes proportions gardées – ne peuvent être assimilés à ces répressions sanglantes comme celles de la Commune de Paris de 1871, de Berlin en 1919, de Madrid en 1939, encore moins au fascisme, mais ils en prennent la direction. La répression violente et systématique des manifestations des gilets jaunes semble être une première étape vers l’installation d’un pouvoir « fort » ayant pour objectif d’appliquer envers et contre tous une politique répondant aux seuls intérêts de la bourgeoisie.

 

 

 

 

Des éléments armés en civil assistent les forces de l'ordre lors des manifestations des gilets jaunes. La violence est le mot d'ordre numéro un du "maintien" de l'ordre.

Des éléments armés en civil assistent les forces de l'ordre lors des manifestations des gilets jaunes. La violence est le mot d'ordre numéro un du "maintien" de l'ordre.

 

 

 

La loi « anticasseurs » - s’inspirant d’un vieux projet de loi datant de Pompidou après les événements de mai 68 – qui vient d’être votée en première lecture à l’Assemblée nationale française dans la foulée de la contestation des gilets jaunes, constitue une étape vers la concrétisation de ce pouvoir. Que contient-elle ?

 

 

La principale disposition est de permettre aux préfets de département d’interdire administrativement à un citoyen de manifester. L’objectif immédiat est bien entendu de « neutraliser » les meneurs des gilets jaunes afin de désorganiser les manifestations du samedi.

 

 

Cela implique en outre la constitution d’un fichier accessible aux services de police et de douanes où sont enregistrés les noms et coordonnées de personnes n’ayant jamais eu affaire à la Justice.

 

 

Ce projet de loi provoque des protestations au centre et à droite. Ainsi, le député centriste de la Marne, Charles de Courson, connu pour être un néolibéral pur jus déclare au « Point » qui n’a pas hésité à comparer ce projet aux lois de Vichy déclenchant la colère du député LREM Jean-Michel Fauvergue, ancien super-flic, patron du RAID :

 

 

 

Le député centriste, néolibéral pur jus, Charles de Courson s'insurge contre le projet de loi anti-casseurs qu'il assimile aux lois de Vichy !

Le député centriste, néolibéral pur jus, Charles de Courson s'insurge contre le projet de loi anti-casseurs qu'il assimile aux lois de Vichy !

 

 

 

« On déshabille l'autorité judiciaire pour combler les manquements de l'exécutif dans le maintien de l'ordre, déclare de Courson. Nous touchons donc à l'état de droit, et c'est proprement inacceptable ! Nous transformons le préfet en juge, mais ce n'est pas à lui de dire si telle ou telle personne peut ou ne peut pas manifester sur la seule base du soupçon. Le préfet pourrait ainsi définir des périmètres de sécurité d'une manifestation tout seul dans son coin, sous l'autorité et l'aval du ministère de l'Intérieur et sans que la justice ne soit consultée. Ce ne sont pas eux les défenseurs des libertés publiques, mais la justice ! C'est cela l'état de notre droit. Elle est là mon attaque fondamentale. Si j'ai poussé le trait en évoquant le gouvernement de Vichy, ce n'est pas innocent.

 

 

La dernière fois que l'on a transféré les pouvoirs de l'autorité judiciaire à l'autorité administrative, c'était sous Vichy. Ceux qui étaient suspectés d'être résistants étaient internés. Attention, ils n'étaient pas condamnés, mais seulement internés sur, là encore, la seule base du soupçon. Je ne compare pas Christophe Castaner à Pierre Pucheu (le ministre de l'Intérieur du gouvernement de Vichy, NDLR), mais je lui dis : « Votre temps passera monsieur le ministre, peut-être plus vite que vous ne le croyez d'ailleurs, et d'autres vous remplaceront. Qui vous dit qu'il n'y aura pas des velléités autoritaires chez vos successeurs qui joueront de cette loi pour mater l'opposition ? » Tous les gouvernements en difficultés se laissent séduire par la tentation autoritaire, y compris celui-ci.

 

 

[Et] il se laisse séduire. Cette loi le prouve. Ils tombent dans la facilité des gens qui, en difficulté, tentent de vous expliquer que s'ils ont mal géré les manifestations des Gilets jaunes, c'est qu'ils n'avaient pas les outils juridiques nécessaires. C'est entièrement faux. Christophe Castaner avait avant cette loi tous les outils juridiques disponibles pour sécuriser les manifestations. » 

 

 

 

Cependant – et peu de juristes le font remarquer – si, comme le dit Charles de Courson, on déshabille l’autorité judiciaire en France pour combler les manquements de l’exécutif, dans plusieurs pays de l’Union européenne, dont la Belgique, la tendance est de renforcer les pouvoirs juridictionnels de l’exécutif au détriment du pouvoir judiciaire et pas seulement « pour combler les manquements de l’exécutif », surtout pour instaurer un régime autoritaire seul à même de faire passer les « réformes » ultralibérales en muselant les oppositions.

 

 

Ainsi, la séparation des pouvoirs s’étiole peu à peu et on ôte de plus en plus de moyens matériels à la Justice.  Ce n’est pas un hasard si ce genre de mesure est prise à peu près en même temps dans plusieurs Etats membres de l’Union européenne. Le pouvoir de la bourgeoisie productiviste et financière se renforce au détriment des peuples, comme l’a fait remarquer Rosa Luxemburg, il y a un siècle, juste avant son assassinat par des fanatiques de l’ « ordre » qu’on appellera « nouveau »  deux décennies après.

 

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

PS. « Uranopole » a été muet pendant un mois suite à des problèmes de santé de son rédacteur, aujourd’hui résolus… Toutes mes excuses à nos lecteurs.

 

 

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11 janvier 2019 5 11 /01 /janvier /2019 18:05

 

 

 

Anne Vanesse, militante de gauche et féministe bruxelloise, échevine (maire adjoint) honoraire à la commune de Saint-Gilles-lez-Bruxelles a eu l’excellente idée de nous rappeler à la mémoire de la grande militante que fut Rosa Luxemburg née d’une famille juive dans la petite ville polonaise Zamosch en 1870. À cette époque, la Pologne était occupée par la Russie.

 

Dans son ouvrage de plus de 200 pages intitulé Rosa Luxemburg et les Socialistes belges, Anne Vanesse nous décrit d’abord le parcours personnel et politique de Rosa Luxemburg jusqu’à son assassinat à Berlin le 11 janvier 1919 sous les coups de crosse des Corps Francs allemands, troupes de choc du ministre social-démocrate Noske et ancêtres des SS hitlériens. Il est en effet intéressant, surtout au jour du centenaire de son assassinat, de connaître la biographie de Rosa Luxemburg qui est relativement ignorée aujourd’hui.

 

 

 

Rosa Luxemburg : femme rigoureuse, généreuse, lucide et sans concessions

Rosa Luxemburg : femme rigoureuse, généreuse, lucide et sans concessions

 

 

 

La seconde partie du livre est consacrée à la polémique entre Rosa Luxemburg et les Socialistes belges dont Emile Vandervelde, le « patron » du Parti Ouvrier de Belgique (POB) ancêtre de l’actuel PS et aussi l’Anversois Camille Huysmans, le chef des Socialistes en Flandre.

 

Rosa Luxemburg déconcerte parce qu’elle a gardé la même ligne toute sa vie. Elle ne concevait pas le socialisme sans la démocratie et surtout sans les libertés fondamentales, tout en prônant la révolution parce qu’elle estimait que le réformisme n’avait aucune efficacité contre le capitalisme.

 

Rosa commença ses études au « Heder », école de la communauté juive en vue d’y apprendre les textes talmudiques.

 

« La théologie est surtout pour l’esprit un dressage et l’on a souvent dit que l’enseignement des facultés de théologie a été une des causes premières de la primauté scientifique de l’Allemagne. De la même manière, les discussions talmudiques ont été une sorte de gymnastique cérébrale dont les effets se retrouveront dans l’œuvre de Rosa Luxemburg. »

 

Pour qu’elle puisse suivre des études secondaires, ses parents déménagèrent à Varsovie. Au lycée, Rosa Luxemburg rencontra des condisciples qui la mirent au fait des idées socialistes et progressistes. Elle se passionna pour la cause de l’indépendance de la Pologne. Elle adhéra au cercle « Prolétariat » qui comprenait des progressistes de toutes tendances : des sociaux-démocrates allemands et russes, des anarchistes. Elle s’engagea dans la lutte anticapitaliste. À la fin de ses études secondaires, Rosa fut la plus brillante à son examen de sortie, mais elle ne reçut pas la médaille d’or qu’elle méritait à cause de son manque de « patriotisme », c’est-à-dire sa non adhésion au régime tsariste.

 

Humiliée, Rosa Luxemburg décida de militer dans les cercles révolutionnaires, mais elle était repérée par la police tsariste. Pour assurer sa sécurité, sa famille l’envoya en Suisse, à Zurich, où elle milita encore plus intensément. Elle s’inscrivit à l’Université, étudia la biologie et se passionna pour les théories de Darwin. Elle rencontra en 1890 le célèbre révolutionnaire de l’époque Léo Jogichès lui aussi juif polonais. Suite à ses rencontres avec Jogichès et d’autres révolutionnaires, Rosa décida une autre orientation d’études. Elle s’inscrivit en économie et en philosophie du droit. Rosa et Léo militèrent ensemble et formèrent un cercle avec des étudiants polonais.

 

 

 

Léo Jogichès fut un militant déterminé et eut jusqu'au bout une amitié fidèle et tumultueuse avec Rosa Luxemburg.

Léo Jogichès fut un militant déterminé et eut jusqu'au bout une amitié fidèle et tumultueuse avec Rosa Luxemburg.

 

 

 

Grâce à Jogichès, elle prit conscience de l’importance fondamentale du marxisme. Ils fondèrent ensemble une maison d’édition pour publier les œuvres de Marx et de Kautsky. Ils n’adhérèrent pas au PPS – le parti socialiste polonais – qui était avant tout indépendantiste. Rosa et Léo étaient profondément internationaliste et fondèrent le SDKP (le parti social-démocrate du royaume de Pologne qui s’allia avec les Lituaniens) qui, cependant, eut difficile à se faire reconnaître par l’Internationale. En 1895, elle publia son premier ouvrage : La Pologne indépendante et la Cause ouvrière. Le PPS l’attaqua violemment avec même des propos antisémites. Rosa était en effet partisane de l’autodétermination de toutes les nations et combattait le nationalisme du PPS qui inquiétait aussi les Socialistes allemands du SPD.

 

En 1897, Rosa Luxemburg obtint son doctorat en sciences politiques et partit aussitôt pour Berlin. Pour acquérir la nationalité allemande, elle fit un mariage blanc immédiatement dissous. Elle put ainsi rentrer au SPD en mai 1898 et fut envoyée en Silésie pour faire la propagande auprès des ouvriers allemands de langue polonaise.

 

Très vite, elle se rend compte de l’évolution bureaucratique du SPD. Elle combattit en effet la politique réformiste de compromis du dirigeant socialiste Edouard Bernstein, réformisme appliqué en France par Millerand au gouvernement Waldeck Rousseau : « Pour lui [Bernstein], à l’inverse de Marx, il voyait l’objectif du mouvement ouvrier non pas dans la prise du pouvoir mais dans la réalisation des réformes. »

 

Ce débat – réforme révolution – secoue encore aujourd’hui le mouvement socialiste. Rosa Luxemburg y prit part en première ligne en publiant son ouvrage Réforme sociale et Révolution. Lénine et Kautsky y participaient aussi. Rosa poussa son analyse très loin. Elle démolit le réformisme qui voulait transformer le capitalisme par l’intermédiaire du syndicat et des coopératives avec l’aide de l’état bourgeois. Pour elle, le réformisme résultait de l’influence des éléments bourgeois qui avaient adhéré à la social-démocratie.

 

 

 

 

 

Rosa Luxemburg fut à la fois amie et adversaire de Vladimir Illitch Lénine.

Rosa Luxemburg fut à la fois amie et adversaire de Vladimir Illitch Lénine.

 

 

N'oublions pas que la cogestion dans les entreprises avait été fondée par Bismarck qui ne voulait pas voir une Commune de Paris éclater en Allemagne. Ainsi, par l’intermédiaire des syndicats, la classe ouvrière était représentée dans les caisses d’assurance sociale financées conjointement par les entreprises, l’Etat et les syndicats. Cette cogestion n’existait pas à l’époque en dehors de l’Allemagne. Aussi, les syndicats étaient bien plus radicaux. Mais, en Belgique, à la fondation du Parti Ouvrier Belge – ancêtre de l’actuel PS – les syndicats furent affiliés au Parti et ainsi placés sous son contrôle. Ce n’est qu’après la Seconde guerre mondiale que le syndicat socialiste FGTB prit son indépendance à l’égard du Parti socialiste.

 

Pour en revenir à Rosa Luxemburg, celle-ci s’opposa farouchement à l’entrée des socialistes dans un gouvernement bourgeois, car elle n’amène que « la corruption et la perturbation ». Dans bien des cas, cette analyse était malheureusement juste. Malgré sa radicalité, ou plutôt à cause d’elle, grâce aux vieux dirigeants du SPD, Wilhelm Liebknecht, August Bebel et Karl Kautsky, Rosa grimpa rapidement les échelons dans la direction de l’aile gauche du parti.

 

Ses relations avec Léo Jogichès se tendirent, car il refusait obstinément de la rejoindre à Berlin. Après avoir sillonné l’Allemagne et l’Europe, elle fut arrêtée en 1904 pour avoir insulté Guillaume II. En prison, elle écrivit beaucoup et à sa sortie, Rosa Luxemburg publia un article sur les sociaux-démocrates russes. « Rosa prouva qu’on ne pouvait identifier le socialisme scientifique à une seule personne, fut-elle Lénine ». Ce fut bien entendu le début d’une longue controverse avec le chef communiste russe, mais ils ne se séparèrent pas. Bien au contraire, Rosa Luxemburg appréciait la personnalité du dirigeant des sociaux-démocrates de Russie.

 

L’année 1905 fut une année charnière pour Rosa Luxemburg. Le 22 janvier, les troupes tsaristes tirèrent sur les ouvriers à Saint Pétersbourg. Rosa rompit avec Léo Jogichès. Fin 1905, elle se rendit à Varsovie. Le petit parti SKPD avait grandi et constituait une menace pour le pouvoir. Rosa Luxemburg fut arrêtée, ainsi que Jogichès et elle fut libérée en juin 1906. Le 31 juillet, elle quitta définitivement Varsovie et rejoignit Berlin après avoir effectué un séjour en Finlande.

 

Rosa Luxemburg critiqua fortement Lénine pour son « mécanicisme insurrectionnel » au Congrès de l’Internationale socialiste à Londres. De plus, au sein du SPD, la droite reprenait du poil de la bête suite à la défaite électorale de 1908 qui fut attribuée aux radicaux. En réalité, c’était le nationalisme allemand se renforçait.

 

Cependant, elle fut avec Lénine dans résolution contre la guerre et le militarisme au sein de la IIe Internationale. En 1910, des grèves se déclenchent un peu partout en Allemagne pour la réforme électorale. Rosa Luxemburg fut très active et participa à de nombreux meetings à travers tout le pays. Le SPD se montra timoré en cette affaire, car il était question d’instaurer une république. Il refusa de s’engager dans cette voie et cherchait une alliance avec les éléments « progressistes » des partis bourgeois. Rosa fit cette analyse :

 

« Lorsqu’on croit que les masses ne peuvent être achetées qu’avec des pourboires, on finit par perdre la conscience des masses et le respect de ses adversaires : on ne gagne rien mais on perd tout. »

 

Ce fut la rupture avec Karl Kautsky et August Bebel. Elle fit l’objet d’attaques antisémites et sur sa vie privée. Elle refusa toujours d’y répondre. En juillet 1911, il y eut un grave incident en Méditerranée entre la France et l’Allemagne. Le secrétaire du Bureau de l’Internationale, le Belge Camille Huysmans demanda aux partis socialistes concernés de réagir. Le SPD ne le fit que mollement, ce qui fut un nouveau motif de querelle entre sa direction et Rosa Luxemburg.

 

Elle publia un important ouvrage théorique « Anticritique » qui complète l’analyse de Marx sur l’accumulation capitaliste. Certains voient en Rosa la continuatrice de son œuvre, mais d’autres hurlèrent à la trahison ! Elle répliqua :

 

« C’est le privilège éternel des épigones que de transformer les hypothèses fructueuses du maître en dogmes rigides et de se bercer de consolations rassurantes là où un esprit créateur éprouve des doutes féconds. »

 

En 1912, il y eut des élections qui furent un triomphe pour le SPD. Au second tour, il conclut des accords avec des partis de droite. Cela le paralysa. Mais la centaine de députés socialistes se montrèrent fiers de leurs mandats et tentèrent de peser sur la direction du parti, ce qui fit sourire Rosa Luxemburg.

 

En septembre 1913, dans un meeting, elle incita les ouvriers allemands à ne pas prendre les armes contre les ouvriers d’autres pays. Elle fut condamnée pour incitation à la désobéissance civile, mais n’alla pas en prison. Sa popularité auprès des ouvriers en sortit renforcée, alors qu’elle était isolée au sein du SPD. Mais, elle était toujours poursuivie par la Justice allemande. En juin 1914, le lendemain de l’assassinat de l’archiduc d’Autriche à Sarajevo, commença son procès en appel. Il fut retardé suite aux événements, ce qui permit à Rosa Luxemburg d’assister à la réunion de l’Internationale socialiste à Bruxelles où Jaurès fit un discours remarqué.

 

La guerre était imminente et les seules personnalités à appréhender l’imminence du danger étaient Jean Jaurès et Rosa Luxemburg. Les socialistes ayant des conceptions ouvrières internationalistes étaient isolés. Le 29 juillet 1914, il y eut à Bruxelles un grand meeting de l’Internationale où Jean Jaurès prononça son dernier grand discours appelant à la paix. Rosa était désemparée et c’est Camille Huysmans qui la prit sous son aile et la conduisit au train pour Berlin. Ils ne se revirent jamais et Jean Jaurès allait être assassiné. À son retour à Berlin, la guerre était déclarée. Le groupe socialiste vote les crédits de guerre. Le courant internationaliste était vaincu. L’Internationale socialiste était morte.

 

Robert Falony dans son dernier ouvrage 1914 – 2014 La véritable histoire du siècle en Belgique et dans le Monde, Editions Jourdan, Paris 2014, écrivit :

 

« C’est donc ce jeu automatique des alliances, bloc contre bloc, qui produit la catastrophe. La guerre débute le 28 juillet, la capitale serbe est aussitôt bombardée. La mobilisation russe mal justiciable malgré l’immensité du pays, précède de peu celle de l’Allemagne. Le tsar Nicolas et le kaiser Guillaume sont deux fantoches manipulés par les cercles nationalistes. L’invasion de la Belgique le 4 août lève les dernières hésitations britanniques ; l’Allemagne a rompu le précaire équilibre des forces et menace la suprématie navale de l’Angleterre.

 

Ainsi, début août, les masses sont plongées dans la guerre. (…) Plus stupéfiant est l’effondrement de l’Internationale socialiste. En ce sens, l’assassinat de Jaurès est la mort de l’Internationale, mais une mort glorieuse pour lui. »

 

En Allemagne, Rosa Luxemburg est isolée au sein du SPD. En septembre 1914, Karl Liebnecht, Franz Mehring, Rosa Luxemburg et Clara Zetkin envoient une déclaration aux journaux socialistes des pays neutres : la Suède, l’Italie et la Suisse où ils prennent clairement leur distance avec la direction du SPD. Le parti a tenté d’exclure Karl Liebknecht qui fut le seul député socialiste à ne pas voter les crédits de guerre. Mais celui-ci était très populaire auprès de la classe ouvrière et on n’excluait pas si aisément le fils du fondateur du SPD !

 

 

 

Les portraits de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg sont brandis par les membres de la Ligue Spartakiste.

Les portraits de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg sont brandis par les membres de la Ligue Spartakiste.

 

 

L’opposition s’organisa et prit le nom de Spartakusbund. Jogichès en prit la direction. Le mouvement spartakiste était né. Le 18 février 1915, Rosa Luxemburg est arrêtée et transférée à la prison des femmes à la Barnimstrasse. De sa prison, elle entretint une correspondance avec ce qu’elle appelait ses camarades de combat : Mathilde Jacob, Luise Kautsky, Martha Rosenbaum, etc. Mais elle refusa toujours de créer un mouvement de femmes.

 

Elle fit plus encore. Elle rédigea une déclaration vigoureuse contre la guerre et le militarisme « La crise de la social-démocratie » signée « Junius » qu’elle parvint à faire clandestinement sortir de prison. C’est devenu la Brochure de Junius. Rosa Luxemburg épuisée et malade fut libérée en février 1916. Pendant ce temps, Karl Liebknecht fut très actif et organisa plusieurs rassemblements contre la guerre. En août, Rosa fut à nouveau arrêtée et après avoir été mise au cachot fut transférée à Wronki en Pologne annexée. Sa détention y fut bien plus confortable. Elle apprend qu’elle est expulsée du SPD comme Liebknecht et Kautsky. En juillet 1917, elle fut transférée à Breslau.

 

Elle apprit bien sûr le déclenchement de la Révolution russe. Cependant, elle s’est montrée très critique sur son déroulement. La dissolution par les Bolchéviks de l’Assemblée constituante lui était insupportable.

 

Robert Falony analyse ainsi ces événements :

 

« Sur cette question, Rosa Luxemburg est catégorique, et opposée à Lénine et à Trotski : « La liberté réservée aux seuls partisans du gouvernements, aux seuls membres d’un parti, aussi nombreux soient-ils, ce n’est pas la liberté. La liberté c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement. »

 

Et elle argumente, de façon tout à fait prophétique : « Mais, en étouffant la vie politique dans tout le pays, il est fatal que la vie dans les soviets eux-mêmes soit de plus en plus paralysée. »

 

Ajoutons que la révolution soviétique s’acheva dans le sang en 1921 à Kronstadt sous les balles des soldats commandés par Trotski. Dans la Quatrième Internationale fondée bien après par le même Trotski, en parlant de Rosa Luxemburg, on évoquait ses « erreurs » …

 

Entre temps, la guerre s’achevait avec une Allemagne exsangue. En octobre 1918, un gouvernement dirigé par le prince Max de Bade se constitue qui compte deux ministres du SPD, Ebert et Scheidemann. Karl Liebknecht est libéré. Le 8 novembre, c’est au tour d’une Rosa Luxemburg épuisée à retrouver la liberté. Immédiatement, elle exige l’abdication de Guillaume II. Le 9 novembre, Ebert devient chancelier du Reich et c’est l’affrontement entre l’aile droite et l’aile gauche du SPD. Très vite, ce fut une rupture violente. Ebert constituait des milices composées de soldats et de sous-officiers de l’armée allemande en pleine déliquescence. Ces milices ont été à l’origine des SA et des SS nazis.

 

Liebknecht et Rosa Luxemburg étaient en danger. Cela ne les empêcha pas de continuer la lutte contre Ebert. Et l’aile gauche du SPD constitua les premiers éléments du parti communiste. Rosa était opposée à sa création, mais elle dut s’incliner à son corps défendant. Léo Jogichès était en l’occurrence plus radical que Rosa Luxemburg. Il écrivit :

 

« La Ligue Spartakiste ne prendra jamais le pouvoir que par la volonté claire et sans équivoque de la grande majorité de la classe prolétarienne dans l’ensemble de l’Allemagne. Elle ne le prendra que si ces masses approuvent consciemment ses vues, les buts et les méthodes de lutte de la Ligue Spartakiste. »

 

Cela n’eut guère d’effet. Rosa et Karl Liebknecht avaient de profondes divergences.  Ce dernier ayant constitué une « coordination » avec des Spartakistes et des Socialistes indépendants jugea que ce n’était pas le moment de déclencher une révolution. Le 5 janvier 1919, les masses étaient à Berlin. Les tensions entre les Spartakistes et les Socialistes étaient à leur comble. Rosa, épuisée, accepta la scission avec le SPD. Les ouvriers descendent dans les rues et occupent plusieurs immeubles dont celui du Vorwärts. Liebknecht approuve cette insurrection. Le 11 janvier, la répression fut terrible. Ce fut un bain de sang

 

Ce même jour, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont enlevés par des Corps francs et assassinés.

 

Le jeune poète Bertolt Brecht rédigea ces vers :

 

Rosa-la-Rouge aussi a disparu

Le lieu où repose le corps est inconnu

Elle avait dit aux pauvres la vérité

Et pour cela, les riches l’ont exécutées.

 

 

 

Anne Vanesse, infatigable militante et aussi historienne

Anne Vanesse, infatigable militante et aussi historienne

 

 

 

Nous devons remercier Anne Vanesse de nous avoir rappelé la mémoire de Rosa Luxemburg qui œuvra toute sa vie pour une société juste et libre, par l’épanouissement de la classe ouvrière. Rosa Luxemburg a-t-elle eu des successeurs ? Malheureusement, non jusqu’à présent, car le stalinisme qu’elle avait prédit a flétri le socialisme et les compromissions de la social-démocratie avec le capitalisme ont décrédibilisé cette pensée d’épanouissement et de libération.

 

Pourtant, nous devons relire l’œuvre de Rosa Luxemburg car elle nous apprend ce que devrait être le véritable socialisme. C’est la recommandation que nous donne Anne Vanesse.

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

La partie relative aux relations de Rosa Luxemburg et du Parti Ouvrier Belge fera l'objet d’une autre recension qui s’inscrira dans le cadre d’une analyse sur l’évolution du socialisme en Belgique.

 

 

Il y a cent ans, Rosa la Rouge, la plus grande figure du Socialisme a été assassinée !

Anne Vanesse

Rosa Luxemburg et les Socialistes Belges

Editions Cimarron, 1190 Bruxelles, 2018

ISBN 928-90-8244465-3-1

Prix non communiqué

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10 janvier 2019 4 10 /01 /janvier /2019 16:45

 

 

La violence inéluctable

 

Le mouvement des gilets jaunes en France se radicalise. Jean-François Kahn va jusqu’à le comparer au poujadisme des années 1950. Les heurts avec les forces de l’ordre sont de plus en plus violents de part et d’autre. Des hommes politiques pas toujours avisés se permettent des déclarations aussi idiotes que provocatrices. Préconiser l’usage des armes à feu relève d’une coupable irresponsabilité. Les flashballs qui mutilent gravement ne suffisent-ils pas à M. Luc Ferry ?

 

 

 

Luc Ferry ancien ministre de Jacques Chirac, philosophe de droite a montré combien les "élites" sont au bord de la panique.

Luc Ferry ancien ministre de Jacques Chirac, philosophe de droite a montré combien les "élites" sont au bord de la panique.

 

 

 

Pendant ce temps-là, personne ne se penche sur les causes profondes de ce mouvement qui prend de plus en plus l’allure d’un soulèvement. Et personne n’a le courage intellectuel d’en analyser les causes profondes.

 

Le premier coupable en est Emmanuel Macron qui, dans un premier discours télévisé, le 15 décembre dernier, semblait lâcher du lest alors que ce n’était que poudre aux yeux : il faisait payer par le contribuable français une petite part de l’adaptation du pouvoir d’achat que réclament les gilets jaunes. Ses vœux télévisés de fin d’année sont d’un autre ton : il offre un « débat national » dont on ne connaît pas l’ordre du jour et annonce une politique répressive accrue. Tout cela ne fait qu’accroître une tension déjà exacerbée.

 

 

 

Emmanuel Macron n'arrête pas de se planter dans la crise des gilets jaunes.

Emmanuel Macron n'arrête pas de se planter dans la crise des gilets jaunes.

 

 

 

Et c’est le cas. Edouard Philippe annonce après le premier Conseil des ministres de janvier 2019 un train de mesures législatives renforçant l’arsenal répressif. L’affaire du boxeur prend des proportions invraisemblables. Les médias en font pratiquement un criminel de haut vol ! Cela pourrait cependant se retourner contre eux. Le mouvement des gilets jaunes ne s’essouffle pas, il se radicalise et c’est la porte ouverte à tous les dangers tant que le pouvoir agira ainsi.

 

Notre ami Bernard Gensane reproduit sur son blog (http://bernard-gensane.over-blog.com) un article de Marion Beauvalet paru dans le site « Le Vent se lève ». Elle écrit :

 

« La presse nationale et régionale est unanime : en Une des scènes de chaos, pleines de flammes et de gaz lacrymogène. Les comptes-rendus qu’on trouve à l’intérieur sont du même ordre : la description d’une escalade de violence semaine après semaine, destinée à provoquer une inquiétude irrationnelle des lecteurs. Cette présentation des événements justifie par là-même les incessants appels au calme de la part des journalistes et des éditorialistes qui se sont mués en spécialistes des mouvements sociaux en quelques jours – ceux-là même qui s’accordaient tous à dire avant le 17 novembre que le mouvement des Gilets Jaunes allait mourir dans l’œuf.

 

Quitte à évoquer les violences des manifestants, on aurait pu s’attendre à un traitement égal concernant les violences policières. Qu’à cela ne tienne ! Lundi 17 décembre, Amnesty International publiait un rapport déplorant un « recours excessif à la force par des policiers ». Ce rapport n’a que très peu été repris dans les médias. Acrimed a dénombré trois brèves à son propos le jour même et trois le lendemain. LCI a ainsi réussi le coup de maître qui est celui de monter une séquence de violence policière avec un bandeau où l’on pouvait lire « comment la police a gagné en efficacité ». Les images et les témoignages faisant état d’un déchaînement de violences policières ne manquent pourtant pas – elle a causé, rappelons-le, un mort, un coma et de nombreuses mutilations. Mais la remise en cause des forces de l’ordre battrait en brèche la stratégie médiatique déployée»

 

 

L'ancien boxeur Christophe Dettinger va payer pour tous les autres. Si le régime en fait un "martyr", il risque de le payer.

L'ancien boxeur Christophe Dettinger va payer pour tous les autres. Si le régime en fait un "martyr", il risque de le payer.

 

 

 

Laetitia Monsacré, journaliste d’expérience, ancienne correspondante de guerre, ancienne présentatrice à France 5, blogueuse sur « Mediapart » et actuellement co-directrice de la version française du New Yorker marque son indignation sur la couverture des manifestations des gilets jaunes par les médias français. Elle n’use pas de la langue de bois ! Elle a déclaré à « Sputnik News » :

« Il n'y a eu aucun retour du ministère de l'Intérieur sur toutes les bavures qui ont été commises. Alors il y avait deux boxeurs ce week-end : il y en avait, un est en garde à vue et il risque sept ans en prison, et il y a un autre et il a eu la Légion d'honneur et pour l'instant un signalement administratif auprès des GPM, même pas pénal.

 

Alors on se demande jusqu'à quand il va falloir des vidéos et jusqu'à quand LCI, BF Merde TV — parce tous nos confrères on l'appelle comme ça, CNews que j'ai vu samedi en train de filmer une petite poubelle pour essayer de montrer que la rive gauche était en train de brûler, TF1 — ça c'est même pas la peine, de toute façon on sait qu'ils sont pourris depuis longtemps et même le service public, France Inter, je me rappelle une chronique écœurante de Sophie Aram le 24 décembre, Gilets jaunes magiques,où elle était en train de dire que vous étiez homophobes, racistes, antisémites et qu'avec un gilet jaune on pouvait tout se permettre…

 

 

Quand ça va s'arrêter ? J’ai honte de mes confrères, j'ai honte de ce que j'appelle la grande manipulation. (…) Parce qu'aujourd'hui on n'informe plus, (…) on fait de la fabrique d'opinion. »

 

 

 

Laetitia Monsacré, une journaliste d'expérience, n'a pas sa langue dans sa poche pour dénoncer la gigantesque opération de manipulation de l'opinion.

Laetitia Monsacré, une journaliste d'expérience, n'a pas sa langue dans sa poche pour dénoncer la gigantesque opération de manipulation de l'opinion.

 

 

 

Même au sein des forces de l’ordre, il y a des appels au calme. Ainsi, un ancien officier supérieur de la Gendarmerie nationale tente de remettre les montres à l’heure sur les réseaux sociaux :

« Ayant servi 35 ans la France sous l’uniforme de la Gendarmerie Nationale dont de nombreuses années à la tête d’unités d’intervention, je sais combien il peut être difficile de concilier le respect des directives étatiques données et l’accomplissement de la mission sans qu’il y ait de débordements.


Néanmoins, je tiens à rappeler un adage important : 
Force doit toujours rester à la Loi mais sans violences inutiles…
Donner des coups de pied et coups de matraques à des seniors sans défense, les gazer à bout touchant aux diffuseurs lacrymogènes, les frapper au sol, ce n’est pas digne de représentants de la Loi.


Les CRS et les gendarmes mobiles doivent garder leur force et leur dynamisme pour affronter les casseurs de tout bord qui eux sont équipés pour en découdre, et les casseurs de ces derniers jours doivent être mis hors d’état de nuire sans aucune mansuétude..
Actuellement, c’est le peuple de France qui est dans la rue (regardez bien les visages des gilets jaunes…) ce n’est pas de la racaille, ce ne sont pas des hors-la-loi
Ce sont des gens qui demandent simplement à vivre de leur travail..
ils payent leurs impôts, ils payent leurs PV, ils payent leurs taxes. 
Ce ne sont pas des assistés du système…
Alors j’en appelle aux chefs d’unité : 


Rappelez vos hommes à la déontologie du maintien de l’ordre.


Ne frappez pas ceux d’en bas qui vous respectent pour satisfaire ceux d’en haut qui vous méprisent. »

 

Manifestement, cet appel n’est pas entendu.

 

Mais pourquoi le gouvernement français a-t-il opté pour cette fuite en avant ? Il ne s’en cache pas : pour réaliser les « réformes » coûte que coûte. Il n’est pas question de changer un iota à la politique ultralibérale entamée depuis le début du quinquennat de Macron. Il ne reviendra pas sur la suppression de l’ISF et ne prendra aucune mesure sérieuse pour lutter contre la pauvreté et assurer au travail un pouvoir d’achat décent.

 

Alors, la violence est devenue inéluctable. L’excessive répression ne pourra mener qu’à l’escalade. La haine s’installe et cela, c’est le plus grave. Alors, M. Ferry, les armes à feu risquent de se retourner contre ceux qui ont la folie d’en recommander l’usage.

 

P.V.

 

 

Le candidat Reynders

 

 

Le ministre belge des Affaires et étrangères et depuis peu de la Défense, le libéral Didier Reynders, vient de poser sa candidature à la présidence du Conseil de l’Europe. Reynders, ancien ministre des Finances pendant près de dix ans est venu de Liège pour s’installer à Uccle – une commune huppée de la Région Bruxelloise – où il s’est fait élire conseiller communal avec l’ambition non cachée d’en devenir le bourgmestre. Ensuite, il a eu l’ambition de prendre en main la Région après les prochaines élections régionales. Après le bide des élections communales, le très arrogant Didier se serait bien vu Premier ministre après les élections de mai prochain. Mais ses chances s’amenuisent.

 

 

 

Didier Reynders va-t-il quitter ses "amis" libéraux bruxellois ?

Didier Reynders va-t-il quitter ses "amis" libéraux bruxellois ?

 

 

 

Mais, voilà, le poste de Président du Conseil de l’Europe est vacant. Et Reynders y verrait bien là un couronnement de carrière bien remplie au service des banques, des grandes multinationales et… de lui-même.

 

Cela ne plaît pas très fort à ses amis libéraux qui, après la dégelée électorale d’octobre dernier, perdent un leader. Mais notre Didier n’en a que faire ! Sa carrière avant tout !

 

Cependant, notre petit doigt nous dit que son poste à Strasbourg n’est pas encore « in the pocket ». Reynders n’a pas que des amis là-bas !

 

À force d’être candidat à tout, on risque de n’être nommé à rien…

 

P.V.

 

 

Proximus : l’échec de la privatisation larvée

 

 

L’opérateur belge de Telecom Proximus, ex-Belgacom, ex-RTT annonce la suppression de 1.900 emplois, soit un sixième du personnel. Proximus est l’opérateur de référence en Belgique, les deux autres étant Telenet et Orange.

 

 

 

 

Le siège de Proximus à Bruxelles vit un séisme.

Le siège de Proximus à Bruxelles vit un séisme.

 

 

 

Cette annonce s’est faite mardi 8 janvier dans la plus grande confusion. C’est la presse qui a révélé l’affaire, alors que le personnel, via les organisations syndicales, ignorait tout. Le gouvernement minoritaire de Charles Michel a joué les étonnés et a convoqué la CEO de Proximus, Dominique Leroy mercredi 9 janvier. Le chiffre de 1.900 départs a été confirmé avec à la clé une embauche de 1.250 travailleurs dans le cadre de l’introduction au digital. Il y a aujourd’hui quelque 13.391 équivalents temps plein chez Proximus. En 1996, au moment de la privatisation, il y avait 25.000 travailleurs occupés chez Belgacom. Donc, le nombre de travailleurs n’a cessé de baisser depuis.

 

 

 

Dominique Leroy, CEO de Proximus, accompagnée de Stefaan De Clercq,  président du CA, sort des bureaux du Premier ministre Charles Michel. Une réunion pour la forme ?

Dominique Leroy, CEO de Proximus, accompagnée de Stefaan De Clercq, président du CA, sort des bureaux du Premier ministre Charles Michel. Une réunion pour la forme ?

 

 

 

Remontons l’histoire. C’est en 1996, alors que le socialiste Di Rupo était ministre des communications qu’il fut procédé à une privatisation partielle de Belgacom (l’ancien nom de Proximus). L’Etat reste cependant majoritaire à quelque 52 % dans le capital de l’entreprise, mais les statuts ne lui donnent aucun pouvoir de décision sur le management. Aujourd’hui, les mêmes socialistes réclament une gestion publique ! Leur sempiternel double langage !

 

Dominique Leroy, la CEO nommée par les mêmes socialistes dirige l’entreprise de manière indépendante et évite de rendre des comptes à l’actionnaire principal, l’Etat. C’est ainsi qu’elle a pris la décision d’augmenter en catimini les prix lors de la suppression du roaming par la Commission européenne et c’est elle qui est à l’origine de la mesure brutale de suppression de 1.900 emplois. Ici, le gouvernement joue les étonnés en prétendant qu’il n’a pas été informé. Ce n’est pas crédible. Les dirigeants de Proximus n’ont certainement pas pris cette décision sans en informer le gouvernement, ou du moins le ministre de tutelle.

 

Cependant, on peut reprocher au gouvernement Michel tout d’abord qu’il ne s’est guère préoccupé de la gestion de Proximus, de ses projets, de l’évolution du marché et des technologies en la matière. C’est bien dans la philosophie libérale : la direction d’une entreprise relève du privé. Cependant, nos excellences oublient qu’ils sont actionnaires majoritaires et que leur devoir est de se préoccuper de la vie de l’opérateur de Télécom.

 

Deuxièmement, le vice-premier ministre libéral flamand, Alexander De Croo, un fanatique des privatisations et de la concurrence, souhaite qu’un quatrième opérateur s’installe en Belgique pour favoriser la concurrence et faire baisser les prix – il y a belle lurette qu’on sait que la mise en concurrence ne joue en rien sur les prix à la consommation ! Il a négocié avec Free du milliardaire français Xavier Niel qui n’est pas chaud pour s’installer sur le marché belge. Cela a donné un prétexte à Dominique Leroy : un quatrième opérateur oblige à compresser les coûts chez Proximus alors que l’on sait que personne n’est intéressé, le marché belge étant déjà saturé.

 

Dominique Leroy évoque aussi la numérisation qui va entraîner inéluctablement des pertes d’emplois. Bref, on sent très bien une volonté arrêtée de dégraisser l’entreprise.

 

Une fois de plus, c’est inacceptable pour une entreprise saine, largement bénéficiaire et première sur le marché. Comme le dit le député PTB Raoul Hedebouw : « La technologie ne doit pas servir à supprimer des emplois ! ».

 

Pour Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB : "La technologie ne doit pas servir à supprimer des emplois !"

Pour Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB : "La technologie ne doit pas servir à supprimer des emplois !"

 

 

 

Mais dans notre monde, où la seule priorité est la compression des coûts et la distribution des bénéfices aux actionnaires sous forme de dividendes, voir les choses autrement est impossible.

 

L’entreprise, si elle veut s’épanouir et contribuer au progrès technique et à la justice sociale, doit impérativement se débarrasser de l’économie financière. C’est une priorité absolue si on veut éviter la catastrophe.

 

 

Pierre Verhas

 


 

 

 

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1 janvier 2019 2 01 /01 /janvier /2019 10:58

 

 

 

Ces derniers temps, on cite souvent cette parole d’Antonio Gramsci parue dans ses Cahiers de prison :

 

« La crise consiste justement dans le fait que l'ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés. »

 

Les bouleversements géopolitiques et sociaux éclairent cet aphorisme. Nous vivons un changement fondamental où les rapports de force aussi bien mondiaux que locaux sont en plein bouleversement, sans que l’on sache vers quelle direction on s’oriente. Ce moment charnière est, comme l’histoire l’a démontré à plusieurs reprises, source de dangers majeurs.

 

 

 

Antonio Gramsci (1891-1937), écrivain, thoricien et militant communiste italien mort dans les geôles de Mussolini fut un des esprits les plus lucides du début du XXe siècle.

Antonio Gramsci (1891-1937), écrivain, thoricien et militant communiste italien mort dans les geôles de Mussolini fut un des esprits les plus lucides du début du XXe siècle.

 

 

 

La « pax occidentala » - appelons-la ainsi – qui s’est mise en place après la chute de l’Union Soviétique en 1991 a montré ses limites. Une Union européenne s’élargissant à marche forcée dans le seul intérêt du marché, devenue la gardienne des dogmes de l’économie de marché ultralibérale, des Etats-Unis sûrs de leur puissance menant une guerre « tous azimuts » contre « le terrorisme » tentent  en vain d’assurer leur dominion sur le monde et particulièrement au Moyen-Orient avec ses sources d’énergie.

 

Aujourd’hui, surtout depuis l’élection de Donald Trump, les Etats-Unis reculent. S’ils restent largement la première puissance militaire, leur zone d’influence se rétrécit. Le retrait des troupes US en Syrie et en Afghanistan sont les signes d’un changement géostratégique de première importance. Fini le « multilatéralisme » qui était en réalité un unilatéralisme tous azimuts. Le milliardaire new-yorkais applique ses promesses. Il veut faire des USA une grande puissance qui compte dans le monde, mais qui n’en est plus le gendarme, tout comme il a sérieusement écorné le traité de libre-échange transpacifique et enterré le traité transatlantique.

 

 

 

Donald Trump a incontestablement bouleversé la donne géopolitique.

Donald Trump a incontestablement bouleversé la donne géopolitique.

 

 

 

L’Union européenne s’est systématiquement alignée sur le néo conservatisme américain via l’OTAN. Lors de la guerre de Yougoslavie, au lieu d’afficher une attitude de neutralité qui lui aurait donné une autorité, l’UE a pris parti tout débord par la reconnaissance sous la pression de l’Allemagne de la Croatie et de la Slovénie suite à la partition de la Yougoslavie. Dès lors, elle choisissait un camp et les troupes européennes déployées sur place que ce soit sous le drapeau de l’ONU ou de l’OTAN ne purent conduire une mission de paix efficace. La tragédie de Srebrenica l’a montré ! Que vont faire des éléments des armées européennes en Afghanistan ou en Irak ? L’Europe n’a aucun intérêt à s’intégrer dans la politique US dans la région.

 

De même, dans les relations avec la Russie, l’Union européenne, quelles que soient les erreurs commises par Poutine, l’excessive réaction hostile des Européens ne fait qu’accroître des tensions déjà à leur paroxysme. Le droit est un prétexte, car ce qu’il se passe ne sert pas les intérêts de l’Europe. Et puis, observons qu’on est très sévère sur les atteintes aux droits humains en Russie et on ferme les yeux sur les abominations qui se déroulent en Arabie Saoudite. Les sanctions contre la Russie ne font qu’accroître les tensions, durcir le régime oligarchique actuel et déforcer l’Europe.

 

Or, la carte géopolitique est en plein bouleversement. La Chine commence à s’affirmer comme une puissance redoutable et de grande ampleur. Xi Jin Ping est le vrai successeur de Mao Ze Dong. L’excellent reportage d’Arte diffusé ce mois de décembre le montre (environ 1h 30, mais cela vaut la peine) :

 

 

 

Ce reportage montre un aspect fascinant et méconnu de la Chine de Xi Jin Ping, le véritable successeur de Mao Ze Dong.

 

 

 

Avec la nouvelle route de la soie, le pays des Mandarins s’est solidement installé dans le commerce mondial. Et, en même temps, Pékin devient une puissance militaire avec laquelle il faudra compter dans un proche avenir.

 

La Russie l’a compris et… certains pays de l’Union européenne aussi. La Russie s’est rapprochée de la Chine et deux pays de l’UE, le Portugal et la Grèce, entretiennent des relations privilégiées avec le régime chinois. Pourquoi ? Parce que la Chine les a aidés à sortir du marasme pendant que la Troïka européenne imposait des mesures d’austérité drastique à ces deux pays. Il faut ajouter à cela les pays du groupe de Visegrad et quelques Etats européens non membres de l’Union. Il est incontestable que cela va créer de profondes divisions en son sein qui s’ajouteront aux conséquences du Brexit.

 

Il est donc évident que face à la domination capitaliste occidentale, s’élabore un nouveau bloc rival de ce qu’on peut appeler le bloc atlantique (les Etats-Unis et l’Union européenne) qui ne réussit pas à s’imposer dans sa périphérie (Amérique latine et Pacifique pour les USA et Moyen-Orient pour l’UE et les USA).

 

Bref, le « nouvel ordre mondial » voulu par les forces du marché a du plomb dans l’aile. Et, même l’économie de marché montre des signes de faiblesse.

 

L’économie de marché a connu elle aussi de profondes mutations après la chute du Mur de Berlin. La marchandisation de la société occidentale a été poussée à son paroxysme. Toute activité, toute ressource exploitable, tout bien, y compris ceux produits par la nature, jusqu’au corps humain sont transformés en marchandise. Les relations entre les êtres humains sont réduites aux lois du marché. L’homme est considéré comme l’homo oeconomicus dont le rôle se limite à entretenir des relations purement rationnelles basées sur son intérêt. Il n’est plus qu’un producteur-consommateur.

 

 

Observons au passage que tous les systèmes totalitaires sont basés sur une vision réductrice de l’être humain. Le nazisme concevait l’homme sur la base de son appartenance raciale. Le communisme sur son appartenance de classe, le capitalisme sur son apport économique.

 

Le capitalisme totalitaire ? Comment ? On a toujours associé le capitalisme à la démocratie ! Il ne peut y avoir de démocratie sans capitalisme, dit-on ; mais, il peut y avoir du capitalisme sans démocratie. Les exemples sont nombreux : l’Espagne franquiste, le Portugal de Salazar, plus tard, le Chili de Pinochet et l’Argentine de Videla.

 

 

 

Augusto Pinochet, le putschiste assassin de la démocratie chilienne convenait parfaitement aux grands "prêtres" du néolibéralisme, Friedrich Haye et Milton Friedman.

Augusto Pinochet, le putschiste assassin de la démocratie chilienne convenait parfaitement aux grands "prêtres" du néolibéralisme, Friedrich Haye et Milton Friedman.

 

 

 

Aujourd’hui, ce qu’on appelle la démocratie se réduit telle une peau de chagrin. Les contrepouvoirs institutionnels (Justice, organismes de contrôle étatiques, comme la Cour des comptes, le Conseil d’Etat, etc.) comme les corps intermédiaires (syndicats, groupes de pressions, etc.) voient leur influence diminuée. La séparation des pouvoirs n’est plus qu’un leurre. Partout, les budgets de la Justice sont rognés au point qu’elle n’est plus à même d’exercer son office. Des situations rocambolesques où des Palais de Justice insalubres et menaçant de s’effondrer doivent être évacués. Plus grave, des prisons sont dans un tel état de délabrement que les détenus y vivent dans des conditions indignes. La concertation sociale qui était le pilier de la démocratie économique est devenue une fiction. Toutes les « réformes » sont décidées d’avance et il n’est tenu aucun compte des objections et propositions des interlocuteurs sociaux. Enfin, le vrai pouvoir de décision – le Conseil européen et la Commission – n’est soumis à quasi aucun contrôle démocratique. Les pouvoirs du Parlement européen sont très limités. Cet organe sert simplement de caisse de résonance à des politiciens en mal de notoriété. Il faut cependant noter que quelques députés y font des efforts considérables pour rectifier le tir et y parviennent quelquefois.

 

 

Mais les solutions proposées pour remédier à ce déficit démocratique ne sont guère convaincantes. Le RIC (référendum d’initiative citoyenne) revendiqué par les gilets jaunes, le tirage au sort à la place d’élections, la proportionnelle là où il y a scrutin majoritaire ressemblent plus à des gadgets qu’à de réelles solutions. Ce n’est ni une réforme du scrutin, ni une réforme institutionnelle qui apporteront une solution. Ce sera un changement fondamental dans le rapport de forces entre les classes sociales. Et cela, nul ne sait comment il se produira, car il a commencé.

 

 

 

Les gilets jaunes se heurtent aux forces du pouvoir. Une révolte encore confuse mais qui en perdurant se structurera.

Les gilets jaunes se heurtent aux forces du pouvoir. Une révolte encore confuse mais qui en perdurant se structurera.

 

 

 

Et l’émergence de ce qu’on appelle le capitalisme numérique est un élément essentiel d’un durcissement de l’autoritarisme. Les technologies numériques permettent le contrôle de tous à tout moment, en tout lieu. Elles contrôlent le travailleur pendant la durée totale de ses prestations, mais est capable de le surveiller pendant ses loisirs. Le Big Data est une arme puissante et redoutable et aucune loi protectrice de la vie privée ne pourra le « réguler ». On saura tout du travailleur : ses goûts, ses penchants, ses opinions via les réseaux sociaux – Facebook exerce un contrôle sur tous ses usagers et même censure ceux qui sortent des normes « facebookiennes »  - et transmet ces données à ses clients.

 

Le transfert massif du travail vers le capital est un des critères fondamentaux de l’ultralibéralisme. Il a pris de telles proportions ces dernières années que les économistes libéraux ont inventé la théorie du ruissellement pour les justifier.

 

Cette tarte à la crème signifie que les « cadeaux » faits aux entreprises ont en définitive des effets positifs sur tous. On n’est pas loin de la parabole de la « main invisible » d’Adam Smith ! La réalité a repris le dessus. Il y eut d’abord « Occupy Wall street » avec son slogan sur les « 99 % » et puis, le mouvement populaire des gilets jaunes qui, pour la première fois depuis longtemps, ébranle le pouvoir en place.

 

Wikileaks fonctionne toujours malgré le calvaire que vit Julien Assange, son fondateur. L’agence alternative vient de publier des échanges de mails entre des hauts fonctionnaires de Bercy, le ministère français des finances et de l’économie. Il ressort de ces messages que la taxe carbone qui est un des déclencheurs de la révolte des gilets jaunes a été en réalité décidée pour compenser la baisse des cotisations sociales au profit des employeurs français. Autrement dit, on fait payer par le contribuable français les cadeaux aux entreprises, sans qu’ils en aient été informés.

 

 

 

Wikileas fonctionne toujours et n'oublions pas en cette nouvelle année le sort de Julian Assange embastillé à l'ambassade d'Equateur à Londres.

Wikileas fonctionne toujours et n'oublions pas en cette nouvelle année le sort de Julian Assange embastillé à l'ambassade d'Equateur à Londres.

 

 

 

La fin des corps intermédiaires ? Le premier critère du mouvement des gilets jaunes est l’absence de toute structure en son sein. Seuls les réseaux sociaux sont leur moyen de coordination. Cela déconcerte tout le monde. Tout d’abord le pouvoir qui n’arrive pas à savoir par quel bout prendre ce mouvement, ce qui explique sans doute la violence de la répression policière et judiciaire. Ensuite, les organisations syndicales tentent en vain de prendre en marche ce train venu de nulle part. Jacques Sapir explique :

 

« Ce qui est plus exceptionnel dans ce mouvement est sa grande méfiance, voire son opposition de principe à ces corps intermédiaires. Elle reflète naturellement tant les échecs passés des syndicats, que le fait que de nombreuses personnes de ce mouvement n’ont jamais été syndiquées de leur vie. Au-delà, cependant, il y a un immense désir d’auto-organisation dans ce mouvement mais aussi de démocratie directe. »  

 

Il y a longtemps que les mobilisations syndicales vont d’échecs en échecs. En France, la très forte mobilisation contre la loi travail à la fin du quinquennat de François Hollande s’est soldée par un fiasco. En Belgique, les  « promenades » syndicales plus ou moins massives au centre de Bruxelles et dans les principales villes wallonnes n’ont eu aucun effet, sinon les sempiternelles jérémiades de la FEB (le MEDEF belge) sur les pertes pour les entreprises engendrées par ces journées d’action.

 

Aujourd’hui, on sent que la nature de la contestation change. Elle ne passe plus par les organisations syndicales et professionnelles et les mouvements politiques. Il y a à l’égard de ces structures une grave crise de confiance.

 

C’est cela le point nouveau et fondamental du mouvement qui s’est déclenché face auquel le pouvoir semble désemparé et dont la suite est plus qu’incertaine. Mais, il y a une certitude : rien ne sera plus comme avant.

 

Un autre aspect, c’est l’environnement. Le productivisme effréné imposé par le capitalisme actuel engendre des catastrophes naturelles et de graves dysfonctionnements sur le plan de la santé publique. La déforestation massive de l’Amazonie et de l’Indonésie est source de dérèglements climatiques dont on ne mesure pas les conséquences futures.

 

Beaucoup d’écologistes pensent que la solution est possible dans le système actuel. Or, qui engendre et depuis qu’il existe ces bouleversements environnementaux sinon le capitalisme avec sa course folle à la croissance, au profit maximum au détriment des priorités humaines ?

 

Sur le site « le Grand Soir », Emmanuel Watelet du site Investig’action a fait la critique des deux films « qu’il fallait voir » l’année dernière : « Demain » et « Après-demain ». Il écrit :

 

 

 

Le film très en vogue "demain" : le réformisme soft qui donne l'illusion de bouleverser le monde et qui ne change rien du tout !

Le film très en vogue "demain" : le réformisme soft qui donne l'illusion de bouleverser le monde et qui ne change rien du tout !

 

 

 

« Cette idée a un nom : le réformisme. La pensée réformiste est la conviction selon laquelle un monde meilleur est possible pourvu que l’on adopte les réformes nécessaires. Elle s’appuie sur l’idée que les défauts du capitalisme peuvent être jugulés en adoptant de nouveaux comportements et en votant de nouvelles lois. Aller au travail en train ou à vélo, consommer bio ou échanger des services sont autant de nouveaux comportements lesquels, agrégés les uns aux autres, produiraient l’inéluctable effet de remplacer le système capitaliste corrompu par un capitalisme « sain ». Dans ce nouveau système, la croissance est garantie par l’énergie verte exigée par les électeurs, de même que les excès de la finance et de la spéculation sont régulés par des hommes politiques courageux. Ainsi, le changement vient des (petites) gens et, par contagion, investit l’ensemble de la société. Merveilleux. »

 

 

Et, lucide, il ajoute :

 

 

« Le problème d’une telle vision est qu’elle occulte complètement l’acteur le plus important de la société capitaliste : le capitaliste lui-même ! »

 

 

La cause de tout, c’est le capitalisme. C’est lui qu’il faut combattre. Paul Jorion a publié il y a deux ans un ouvrage intitulé « Se débarrasser du capitalisme, une question de survie ». C’est exactement ce qu’il faut faire. C’est la tâche de la génération actuelle et de celle à venir. Et terminons cette réflexion de début d’année par ces mots Du sénateur du Vermont Bernie Sanders :

 

 

« Il n'y aura pas de véritable progrès social dans ce pays si nous n'avons pas le courage de nous attaquer à Wall Street, aux compagnies d'assurance, aux compagnies pharmaceutiques, au complexe militaro-industriel, à l'industrie des combustibles fossiles, à l'industrie carcérale et à toutes les autres forces cupides. »

 

Cela vaut pour les Etats-Unis et pour le reste du monde. Nous vivons vraiment une époque charnière qui s’accentuera cette année-ci et les suivantes ;

 

 

Bonne année 2019 !

 

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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21 décembre 2018 5 21 /12 /décembre /2018 21:30

 

Le programme d’Uranopole est quelque peu bouleversé suite à une actualité qui se précipite un peu partout : le départ imminent de Trump provoquant un nouveau bouleversement au Proche Orient, l’échec des négociations sur le Brexit, la crise politique en Belgique. Nous avons promis une analyse approfondie sur le mouvement des gilets jaunes qui tout en s’essoufflant quelque peu en France, s’étend dans une grande partie de l’Europe. 

 

Nous reproduisons ici un article du philosophe belge Michel Weber à l’intitulé quelque peu curieux. Il joint le mouvement de gilets jaunes en France à un rôle éventuel de la Russie et à la fin de l’ère pétrolière. Laissons au lecteur d’Uranopole le soin de le lire. Il sera suivi de notre réplique où nous nous référons à l’analyse de Pierre Khafka parue dans Mediapart.

 

 

 

Les gilets jaunes aux Champs Elysée. Les GJ tentent d'approcher le pouvoir lors de leurs cinq "Actes" alors que les syndicats se contentent de la classique promenade Bastille Nation.

Les gilets jaunes aux Champs Elysée. Les GJ tentent d'approcher le pouvoir lors de leurs cinq "Actes" alors que les syndicats se contentent de la classique promenade Bastille Nation.

 

 

 

Les « Gilets jaunes », la Russie, et le début de la fin (du pétrole)

 

Michel WEBER

 

« La pensée bourgeoise dit toujours au Peuple : “Croyez-moi sur parole ; ce que je vous annonce est vrai. Tous les penseurs que je nourris ont travaillé pour vous. Vous n’êtes pas en état de repenser toutes leurs difficultés, de repasser par leurs chemins, mais vous pouvez croire les résultats de ces hommes désintéressés et purs. De ces hommes marqués d’un grand signe, ces hommes qui détiennent à l’écart des hommes du commun pour qui ils travaillent, les secrets de la vérité et de la justice. (*) »

 

À bien y regarder, point n’est besoin de longues discussions pour baliser un phénomène social dont les enjeux ne sont que trop évidents. Ne suffirait-il pas, en effet, de considérer que la démocratie est le mode de gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple, pour jeter un peu de lumière blafarde sur ce qui se trame dans notre souterrain ? Analytiquement, on peut bien sûr reposer les questions qui fâchent. Elles portent sur la nature du début et de la fin, et sur le modus operandi qui est censé mener de l’un à l’autre.

 

Primo, de quand date ce début ? Est-il le fruit d’une longue gestation, ou constitue-t-il un événement aussi récent qu’erratique ? En clair : le vase déborderait-il, ou pas ?

 

Si les premières actions qui peuvent se rattacher univoquement aux « gilets jaunes » datent de novembre 2018, la détérioration des conditions de vie de la population, en général, et le rejet chronique du vote référendaire, en particulier, sont, de fait, niés depuis toujours par les politiques. Rappelons toutefois, à l’intention des distraits, que nous sommes officiellement en crise depuis 1968. Il y a eu, certes, des phases de rémission apparente, mais le prolétariat et la (petite) bourgeoisie sont, depuis le début des années septante, victimes d’une baisse constante de leur niveau de vie. Un seul indicateur suffira pour le montrer : le taux de chômage structurel dont on bidouille les paramètres afin de le conserver, bon an, mal an, autour des dix pour cent.

 

C’est la cause immédiate qu’il faut questionner. Est-elle unique ou plurielle ? On s’accordera facilement sur le facteur déclencheur : la taxation du prix des carburants, et la chute du pouvoir d’achat des biens de première nécessité. Que veut-elle dire au juste ? Parler de goutte qui fait déborder le vase et, en passant, stigmatiser l’inconscience consumériste et écologiste des foules bêlantes, permet d’étouffer le feu de l’indignation par la couverture opinative de rigueur, pas de comprendre la situation. Précisons donc.

 

L’impératif climatique, et, accessoirement, écologique, est plus qu’à la mode. Libéralisé, il se formule très simplement en économie politique : que pouvons-nous nous permettre de changer pour que rien ne change ? Comme toujours, on taxe afin de réformer, coûte que coûte, les habitudes de la population, sans questionner celles des industries, et surtout sans impacter les conditions de possibilité de leur compétitivité internationale et de leurs profits offshore, et, c’est quasiment subsidiaire, afin de financer l’incurie des décideurs politiques eux-mêmes.

 

Il faut, sans en avoir l’air, bien sûr, prendre en compte la réalité du pic pétrolier. Dire que le socle énergétique sur lequel se fonde la société de consommation est en train de s’effondrer sous le poids, justement, de 200 ans de gaspillage organisé pour les masses et de vampirisation des ressources par l’oligarchie, équivaudrait à demander la mise en chantier d’énormes travaux structurels, ce que les intéressés ont bien du mal à concevoir. Comment empêcher une insurrection sans donner du lest ? Comment donner du lest sans raboter les dividendes ? Comment les raboter sans perdre la face et renier l’idéologie néolibérale ?

 

L’utilisation de nouvelles techniques de prospection et de forage, l’arrivée sur le marché, grâce à toute une série d’incitants politiques, des pétroles non conventionnels, et l’accélération de la fonte des calottes polaires, a apparemment fait reculer l’échéance pétrolière d’une vingtaine d’année, mais l’avertissement de King Hubbert (1956), actualisé par Colin Campbell et Jean Laherrère (1998), n’a rien perdu de son actualité, que du contraire. Il suffit de se livrer à une lecture plus fine pour le comprendre.

 

Premièrement, situer le « pic pétrolier », par exemple en 2005, n’équivaut pas à annoncer la pénurie généralisée pour 2006 et la guerre civile pour 2007 — mais bien, pour ceux qui en ont les moyens, à anticiper des turbulences économiques de grande amplitude en nommant le moment où la production mondiale de pétrole conventionnel commence à décliner irrémédiablement. Deuxièmement, ce pic ne concerne que le pétrole conventionnel, c’est-à-dire celui qui a fait la fortune des pays fondateurs de l’OPEC. Les pétroles non-conventionnels, qui ont des densités énergétiques moindres et des taux de retour énergétique (EROEI) faibles (les schistes et les sables bitumineux) ou négatifs (les agrocarburants), offrent un double effet-tampon : géopolitique, en donnant brièvement à certains l’illusion d’une autonomie retrouvée, et économique, en assurant temporairement l’approvisionnement des consommateurs à un prix raisonné, mais pas nécessairement raisonnable. Troisièmement, le pic pétrolier conventionnel ne va pas affecter, au même moment, et de la même manière tous les produits issus de l’industrie pétro-chimique, à commencer par le gaz, l’essence, le kérosène, le gazole, le fioul domestique, le fioul lourd, le coke, l’asphalte, et les lubrifiants (cités dans l’ordre de leur densité énergétique croissante). Dans le cas qui nous occupe, taxer le diesel en prétextant un motif écologique universellement accepté et, paraît-il, politiquement neutre, a simplement pour but de gérer la pénurie imminente de ce type de carburant, le diesel, qui ne peut être produit que difficilement de manière non conventionnelle, et qui devra être impérativement réservé à l’avenir au transport de marchandises (terrestre, mais aussi maritime et, finalement, aérien) et aux militaires (qui sont très friands des combustibles énergétiquement denses).

 

Secundo, de quelle fin parlons-nous ? D’abord, nous venons de le voir, de la fin du consumérisme, c’est-à-dire du tout au marché. Ensuite, c’est inéluctable, de la fin de la démocratie telle que nous l’entendons aujourd’hui. Dans un monde aussi orwellien que le nôtre, il ne sera pas difficile de recycler la « démocratie » en même temps que ses produits pétrochimiques, mais parler de « démocratie de marché » deviendra encore plus euphémique que d’habitude. Enfin, on ne peut exclure, a priori, que la phase la plus aigüe de ce processus révolutionnaire se fasse au détriment de l’oligarchie, et que la représentativité de carnaval qui est la règle depuis trop longtemps cède la place à une démocratie directe ou participative. Après tout, un long chemin a été parcouru entre le référendum du Kosovo (de septembre et octobre 1991), qui a été légalisé par la communauté internationale, et celui de la Crimée (de mars 2014), qui n’a pas reçu son assentiment. Et personne n’a, semble-t-il, oublié le refus irlandais du traité de Nice (2008), et celui des Français et des Hollandais de la Constitution européenne (2005).

 

Tertio, il faut se demander si le modus operandi des indisciplinés, et plus précisément leur dépendance aux réseaux sociaux, ne permettrait pas d’anticiper leur destin collectif. La référence à 1789 et à son emblématique guillotine peut donner à penser que certains, au moins, ne s’en laisseront plus compter. (Notons toutefois que la photo de l’installation d’une guillotine toute de jaune vêtue, place du Palais Royal, accompagnée de la mention « quand les Français veulent rappeler à ceux au pouvoir qu’ils sont leurs représentants et non leur maîtres, ils ont quelques symboles puissants » est une aimable plaisanterie photoshopée.) Mais qu’est-il possible en pratique ?

 

Selon les médias du monde libre, à commencer par la BBC, la question serait : avons-nous affaire à une vraie machination russe, ou à une fausse génération spontanée ? En effet, on ne le sait pas assez, « Cambridge Analytica » a son à siège social à Nijni Novgorod, et les « gilets jaunes » disposent tous d’un compte sur le réseau social « VKontakte » (ou « VK », en abrégé), qui leur permet de co-créer leurs « actes » contestataires en temps réel. Ceci n’est pas sans conséquences sur l’indépendance du mouvement. Deux hypothèses doivent, en effet, être envisagées afin d’évaluer concrètement les possibles. A minima, les administrateurs du réseau VK laissent faire ; a maxima, ils pilotent le mouvement en modulant les fils d’actualité qui occasionnent les mobilisations (le printemps du crabe arriverait donc cette année avant le solstice d’hivers). S’ils laissent faire, on peut se demander pour combien de temps encore ? Et à quelles sombres tractations avec l’« État profond » russe les autorités françaises vont-elles devoir se résoudre pour que chacun retourne enfin dans ses pénates, et que la République soit sauve, à défaut d’être saine ? S’ils pilotent, ne fût-ce que d’une manière minimaliste, la question n’en est que plus douloureuse encore. Dans les deux cas, est-il raisonnable de penser qu’un tel réseau social reste longtemps sans essayer, directement ou indirectement, de tirer profit de la situation ?

 

En fin de compte, c’est peut-être l’archaïsme actuel de la réponse du pouvoir qui est frappante (ceci dit sans mauvais jeux de mots) : organiser la désinformation à l’aide de médias dont l’incrédibilité est devenue pire que celle de la Pravda soviétique, favoriser la montée de la violence en manipulant les manifestants par infiltration de vrais-faux casseurs, et laisser la bride sur le coup aux forces de l’ordre, équipées de matériel militaire et sommées de s’en servir. Manifester, cela veut maintenant dire risquer la mutilation. Certains soupçonnent même que l’utilisation d’armes chimiques — par les « gilets jaunes » — serait imminente. Tout ceci nous rappelle quelque chose, mais quoi ?

 

Michel Weber

 

Philosophe ; a publié récemment Pouvoir, sexe et climat. Biopolitique et création littéraire chez G. R. R. Martin, Avion, Éditions du Cénacle de France, 2017 & Contre le totalitarisme transhumaniste : les enseignements philosophiques du sens commun, Limoges, FYP éditions, 2018 ; voir https://chromatika.academia.edu/MichelWeber. Il contribue également au journal Kairoshttp://www.kairospresse.be/.

(*) Paul Nizan, Les Chiens de garde [1932]. Nouvelle édition, Paris, François Maspero, 1965, p. 89.

URL de cet article 34271 
https://www.legrandsoir.info/les-gilets-jaunes-la-russie-et-le-debut-de-la-fin-du-petrole.html

 

 

 

La grande journaliste Florence Aubenas a effectué une enquête approfondie sur les gilets jaunes. Elle répond sans fard aux questions de Léa Salamé sur France Inter par une analyse fine et sans détours.

 

 

 

Il y a à boire et à manger dans ce qu’écrit Michel Weber. Quand il pose au départ la question de la démocratie et de sa nature, il a raison. Et cette question est liée à la crise économique dont il situe le départ en 1968. Il est vrai que les secousses de l’année 68 un peu partout en Europe aussi bien à l’Est qu’à l’Ouest du rideau de fer, mais aussi et surtout dès 1967 aux Etats-Unis empêtrés dans la guerre du Vietnam ont marqué le grand bouleversement des équilibres géopolitiques mais aussi sociaux et économiques de l’après Seconde guerre mondiale.

 

 

Cette crise, comme l’écrit Weber, a provoqué une longue et continue baisse du niveau de vie de la classe ouvrière et des classes moyennes accompagnée de l’installation d’un pouvoir élitaire qui contrôle la démocratie représentative qui finit par n’être qu’holographique, car les mots n’ont plus leur sens : « démocratie » ou pouvoir du peuple par le peuple est un non-sens, « représentative » n’a aucune signification, car on sait très bien qui sera d’avance élu et qui sera censé diriger, d’autant plus que le véritable pouvoir de décision se situe loin des hémicycles parlementaires et des salles de réunion des conseils des ministres.

 

Néanmoins, notre philosophe ne se penche pas sur la question de la démocratie directe qui revient à l’ordre du jour avec la revendication par les gilets jaunes du RIC – le Référendum d’Initiative Citoyenne – basée sur le modèle suisse. Pierre Khalfa, co-président de la Fondation Copernic et membre du Conseil d’ATTAC a fait une excellente analyse de la question de la démocratie représentative en remontant aux origines :

 

 

« Ce refus de la démocratie représentative a des racines profondes. Historiquement au XVIIIe siècle, « le gouvernement représentatif » s’est mis en place pour empêcher la participation des classes populaires aux décisions du gouvernement. Aux XIXeet XXesiècles, la fin du suffrage censitaire et l’instauration du suffrage universel [6], arrachés de haute lutte, semblent transformer la nature du lien représentatif. La mise en place progressive d’un État social vient conforter le système dont la démocratisation s’accompagne de conquêtes sociales importantes. Le gouvernement représentatif se mue en démocratie représentative qui s’articule en quatre éléments : le suffrage universel, l’existence de droits fondamentaux et de droits sociaux, l’existence de contre-pouvoirs puissants, un espace public qui permet la confrontation des points de vue. »

 

Mais :

 

« Ces quatre éléments sont aujourd’hui remis en cause. La montée de l’abstention, surtout dans les classes populaires, fait apparaître ce que certains ont pu appeler un « cens caché ». Les droits fondamentaux et les droits sociaux sont attaqués de toutes parts. Les contre-pouvoirs traditionnels sont très affaiblis. Les partis politiques de gauche et les syndicats connaissent une crise profonde : non seulement, l’imaginaire émancipateur sur lequel ils s’appuyaient a disparu, mais ils ont été incapables de bloquer la vague néolibérale et leur mode de fonctionnement vertical et hiérarchique entre en contradiction avec les aspirations des individus à l’autonomie. L’espace public était traditionnellement un espace où la plupart des individus étaient des spectateurs et où s’affrontaient des personnes reconnues comme qualifiées (expert.es, responsables politiques ou syndicaux, journalistes). L’arrivée d’internet a totalement changé la donne pour le meilleur (démocratisation des possibilités de production et diffusion de l’information et du commentaire), et pour le pire (règne de la rumeur, force des visions complotistes qui n’ont pas épargné le mouvement actuel, apparition aujourd’hui de la « post-vérité »).

 

La transformation du gouvernement représentatif en démocratie représentative n’a donc pas modifié la nature profonde du système. Nous vivons dans une oligarchie élective libérale : oligarchie, car nous sommes gouvernés par un petit nombre d’individus au service des plus riches ; élective, car nous sommes appelés régulièrement à choisir par notre vote ces individus ; libérale, car nous avons historiquement arraché un certain nombre de droits, que les classes dirigeantes essaient d’ailleurs en permanence de remettre en cause. »

 

Justement, on peut regretter le paragraphe « complotiste » du texte de Weber : reprendre la thèse des médias anglo-saxons qui veut que la Russie soit derrière la contestation des gilets jaunes ne semble pas tenir la route. Les gilets jaunes utilisent le réseau social russe VKontact qui est beaucoup moins sophistiqué que Facebook qui se livre de plus en plus à la censure. Est-ce pour cela que « l’Etat profond » russe manipule les GJ ? C’est un pas que nous ne franchirions pas. D’ailleurs, l’ancien ambassadeur français en Russie Claude Blanchemaison balaye d'un revers de la main et déclare à Sputnik News après la grande conférence de presse de fin d’année de Vladimir Poutine:

 

 

«Je n'y crois pas, tout simplement. Je ne suis pas de ceux qui se rangent parmi les complotistes. Les thèses complotistes me paraissent toujours être des solutions de facilité pour éviter de chercher la véritable explication.»

 

D'autant plus que, d'après le diplomate, ces thèses insultent l'intelligence des Français. Il ajoute:

 

«C'est mépriser profondément la population française que de penser qu'elle peut être manipulée de l'extérieur par des services russes ou américains.»

 

Le mouvement des gilets jaunes est tout à fait inédit. C’est cela qui a désarçonné le pouvoir officiel. Khafka ajoute :

 

 

« Ils ont d’abord amené un démenti pratique au populisme de gauche pour qui « il faut construire le peuple ». Ils se sont construits eux-mêmes et n’ont pas eu besoin d’un leader charismatique pour cela. L’auto-organisation, favorisée par les réseaux sociaux, a permis non seulement l’organisation d’actions concrètes à l’échelle locale et nationale, mais aussi une discussion collective sur les revendications. Le refus de tout représentant, même provisoire, celui de tout porte-parole, de toute délégation a donné au mouvement ce caractère non contrôlable qui a paniqué le pouvoir. Cette auto-organisation a été une des forces principales du mouvement. »

 

C’est en cela que les corps intermédiaires et spécialement les organisations syndicales se trouvent marginalisés. Alors que les revendications des GJ sont de leur ressort, les syndicats ne les ont pas exprimées et font du suivisme. En plus, on constate que les grandes mobilisations syndicales contre la loi travail, par exemple, n’ont donné aucun résultat, alors que le mouvement des gilets jaunes vient d’obtenir en partie satisfaction sur l’aspect financier de ses revendications dans la précipitation et la confusion d’un pouvoir aux abois.

 

Tout cela est loin d’être terminé. Aussi, nous partageons la conclusion provisoire de Pierre Khafka :

 

« Mouvement hétérogène, les gilets jaunes n’ont pas manqué de conflits internes. La presse s’est faite l’écho de conflits entre groupes occupant des ronds-points différents et divisés sur ce qu’il fallait faire et défendre. Rien que de plus normal dans un mouvement social. La présence active de l’extrême droite n’a pas réussi à marquer, pour le moment, en profondeur le mouvement qui est resté sur le terrain social et démocratique. Des incidents racistes et homophobes ont eu lieu, mais ils sont restés limités. La question des migrant.es que le RN voulait mettre au centre du mouvement est restée marginale même si les formulations les concernant dans la liste des 42 revendications des gilets jaunes sont pour le moins problématiques. Les visions complotistes autour du pacte mondial sur les migrations de l’ONU, massivement reprises sur internet et par certaines figures en vue des gilets jaunes, n’ont pas eu de prise réelle sur le mouvement, de même que les accusations délirantes portées contre le gouvernement à propos de l’attentat terroriste de Strasbourg.

 

Mais cela pose la question de savoir comment un tel mouvement peut arriver à débattre en son sein et à construire des consensus. Ainsi l’élaboration et l’adoption des 42 revendications apparues comme étant celles du mouvement est entourée d’un certain mystère… De même, le refus de toute délégation amène les médias à faire leur propre choix et à sélectionner celles et ceux qu’ils estiment être « des bons clients », créant donc, de fait, des porte-paroles. Ce mouvement a posé des problèmes fondamentaux qui ne sont donc pas résolus. Son avenir reste imprévisible et plusieurs possibles cohabitent : un rebond des mobilisations sociales ? Un mouvement syndical reprenant l’initiative, une alternative à gauche revigorée, l’extrême droite tirant les marrons du feu… à moins que cela ne débouche sur un mouvement cinq étoiles à la française comme certains gilets jaunes l’ont déjà annoncé avec l’intention de présenter une liste aux élections européennes ? A l’heure où ces lignes sont écrites tout est possible, même le pire. »

 

Wait and see.

 

A suivre, donc.

 

 

Pierre Verhas

 

 

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8 décembre 2018 6 08 /12 /décembre /2018 10:17

 

 

 

Le phénomène des gilets jaunes qui a débuté il y a un peu plus de deux mois prend une ampleur telle que les autorités et l’establishment s’en inquiètent au point de prendre peur.

 

On a commencé par minimiser ce mouvement Au départ, il s’agissait d’automobilistes et de livreurs râlant sur les nouvelles taxes dites de « transition écologique ». On pensait à du poujadisme et à une contestation antifiscale. Et, en effet, à ses débuts, c’était l’image que donnaient les gilets jaunes. Mais, très vite, il fallut admettre qu’il s’agissait de quelque-chose d’une grande ampleur. De protestation contre quelques nouvelles taxes, les gilets jaunes se transformèrent en un mouvement de contestation globale de la société. Les élites sont pointées du doigt. On a évoqué la France périphérique contre celle des métropoles mondialisées, le peuple contre le pouvoir, le président Macron est devenu le symbole de tout ce que combattent les gilets jaunes.

 

Très vite aussi, les réactions du pouvoir furent d’accuser les gilets jaunes de groupement d’extrémistes de droite et de gauche – on dit aujourd’hui « ultradroite » ou « ultragauche » les mettant dans le même sac – où une populace raciste et fascisante se livre à des déprédations graves des édifices et des équipements publics. BHL se transforma, comme il en a l’habitude, en Fouquier-Tinville de l’establishment afin de fustiger ces gilets jaunes animés par la haine et le racisme. Mais son indignation bien orchestrée tombe à plat.

 

Cependant, au-delà de la propagande d’un pouvoir en pleine déliquescence, et de certains aspects déplaisants, le phénomène des gilets jaunes est d’une tout autre nature. Eric Toussaint résume ce processus en quelques lignes :

 

« Comme lors du processus révolutionnaire de 1789, on voit émerger une dynamique d’élaboration collective et spontanée de cahiers de doléances, cela passe par des revendications et des propositions qui fusent via les « réseaux sociaux » et qui font l’objet de discussion entre des gens qui hier ne se connaissaient pas et qui aujourd’hui se retrouvent à faire des piquets pour bloquer ou filtrer la circulation automobile sur les routes et devant les ports, les dépôts industriels, les « tours des finances ». Ils veulent se faire entendre et ils en discutent. Pour beaucoup, c’est la première fois de leur vie qu’ils se mettent à faire de la politique « sur le terrain », à apprendre comment s’autoorganiser, à affronter la répression, à se rendre compte que les grands médias et les gouvernants pratiquent la désinformation.

 

 

Certaines manifestations prennent des formes violentes, exactement comme lors des grandes explosions sociales qui marquent l’histoire de l’humanité. »

 

La question des gilets jaunes mérite donc une analyse critique approfondie. Nous allons tenter de la soumettre aux lecteurs d’« Uranopole » en quelques articles dont les premiers paraîtront dans le courant de la semaine prochaine.

 

En guise de mise en bouche, prenons trois aspects :

 

La répression excessive du mouvement s’étant étendu aux lycéens et aux personnels paramédicaux des hôpitaux – ambulanciers et infirmières – conduit à des dérives odieuses comme celles auxquelles on a assisté avec les lycéens de Mantes-la-Jolie.

 

 

 

Des lycéens de Mantes-la-Jolie ont été parqués par la police comme des prisonniers de guerre ou des terroristes !

Des lycéens de Mantes-la-Jolie ont été parqués par la police comme des prisonniers de guerre ou des terroristes !

Comparaison n'est pas raison, mais le traitement odieux fait à ces lycéens ne rappelle-t-il rien ? (images des prisonniers faits par les Einzatsgruppen nazis en 1942)

Comparaison n'est pas raison, mais le traitement odieux fait à ces lycéens ne rappelle-t-il rien ? (images des prisonniers faits par les Einzatsgruppen nazis en 1942)

 

 

 

Les gilets jaunes se transforment peu à peu en un mouvement de résistance qui s’inscrit dans la durée. Ils ont même leur chant inspiré du chant des Partisans de Joseph Kessel.

 

 

 

 

 

 

La profonde injustice que cause le capitalisme financier n’est pas dénoncé qu’en Europe. Il y a une dizaine d’années, le sénateur Bernie Sanders l’a analysée dans un discours devant le Sénat étatsunien. Ses propos n’ont pris aucune ride et en remplaçant les mots « Etats-Unis » par « Europe », son analyse s’applique parfaitement à nos régions. Ecoutez et regardez ce discours (sous-titré en français)

 

 

 

 

 

 

A bientôt,

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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4 décembre 2018 2 04 /12 /décembre /2018 09:47

 

 

 

 

Leur passé décrit dans la bible est toujours bien présent.

 

Nous publions ici les impressions de Madame Henriette Wéry, une connaissance de mon épouse, qui vient d’effectuer un voyage en Palestine, plus précisément de Nazareth dans le Nord d’Israël et dans l’ensemble de la Cisjordanie.

 

Ce document est intéressant en ce sens que ce voyage a suscité une prise de conscience de la part d’une personne qui était peu au fait de la situation tragique de cette région du monde.

 

D’éducation chrétienne, Madame Wéry évoque les souvenirs de son enfance imprégnée de catéchisme et d’images de la Palestine du temps du Christ. Si cette terre reste marquée par cette période de l’histoire, elle est souillée par la violence et l’injustice et figée par l’incertitude de l’avenir.

 

Voici donc les conclusions qu’elle tire de ce voyage en ce pays où le passé et le présent sont intimement liés et où, heureusement, il y a des hommes et des femmes déterminés à vivre dans la dignité en dépit d’une implacable oppression.

 

Pierre Verhas

 

 

  

Première nuit à Nazareth, calme et tranquille toute dédiée au culte de la vierge Marie.

 

Magnifique basilique décorée de statues ou de dessins de Marie envoyés par le monde entier.

 

Cette journée nous a également fait découvrir le lac de Tibériade, un nom mythique qui nous a peut-être replongé dans le catéchisme de notre enfance.

 

Les découvertes se poursuivent, Naplouse, la vivante, avec ses souks d’un autre âge dans lesquels nous nous sommes promenés. Ramallah, centre névralgique de Cisjordanie ; en fin de journée, nous nous arrêtons quelques instants pour découvrir le « mausolée » disproportionné de Yasser Arafat.

 

Nous voici à Bethléem pour passer plusieurs nuits, son centre où il fait bon musarder dans ses ruelles tranquilles. Visite de la basilique de la Nativité ou nous faisons une longue file pour voir l’emplacement supposé de la grotte. Ce ne fut pas une mince affaire, coincés entre les américains et les russes, les petits belges ont dû se défendre pour garder leur place, mais le peuple de la Gaule a triomphé, l’adversaire ne passa pas, nous avions notre stratégie.

 

Hébron l’ancienne, la triste, la blessée, abrite la tombe des Patriarches qui n’ont su la protéger.

 

Une journée dans la « campagne » nous a fait le plus grand bien, en route pour Jéricho, mais d’abord un arrêt pour apercevoir le Jourdain ou de nombreux pèlerins se faisaient baptiser…surprenant !

 

 

Une journée pleine de surprises, une montée en téléphérique à Jéricho (à défaut de muraille) avant de rejoindre la mer morte. Mer qui n’a rien de morte aux alentours, je dirais même une foire commerciale à ciel ouvert, même les bords de la mer sont difficilement accessibles. Heureusement nous avons terminé cette journée par quelques instants dans le paisible Wadi Qelt qui offrait des paysages dignes des grandes productions hollywoodiennes.

 

 Et pour finir la belle Jérusalem, qui m’a impressionnée, majestueuse à l’abri de ses imposants remparts ; des portes aux noms d’Orient qui nous invitent à découvrir une palette de quartiers où vivent dans une relative harmonie des arméniens, des juifs, des chrétiens, des musulmans. Ses ruelles paisibles qui nous ont fait oublier, le temps de les découvrir, les checks point et l’armée omniprésente. Son mythique mur des lamentations qui comme un aimant nous invite à le toucher ; le Mont des Oliviers, le jardin de Gethsémani…toute notre histoire !

 

 

Une ville où il ferait bon vivre si….

 

 

Ce voyage fut aussi le témoin de rencontres inoubliables avec des hommes et des femmes humains et positifs qui nous ont émus et ont essayés de nous faire comprendre la complexité de ces territoires et de ces peuples.  

 

 

Nous avons saisi leur détermination à surmonter les obstacles en valorisant leurs jeunesses au travers de mille projets : la danse, les chants, la culture et de l’humanisme pour vivre dignement. Nous avons facilement imaginé les ombres de ces palestiniens s’exprimant par des dessins griffonnés sur les murs.

 

Une Cisjordanie qui nous a accueillis avec chaleur et générosité.

Nous avons fait un beau voyage dans le temps et la réalité actuelle, une vingtaine de « copains en ribote » mais disciplinés, un guide sérieux et érudit, un chauffeur jovial et résolvant tous les obstacles ! Et surtout une accompagnatrice aux petits soins. Merci.

 

                                                      

Henriette Wéry

   

 

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30 novembre 2018 5 30 /11 /novembre /2018 18:24

 

 

 

L’Europe se disloque. En adoptant le dernier volet de l’interminable Brexit, les dirigeants de l’Union européenne ont donné le signal de son démantèlement à moyen terme. Déjà, les pays d’Europe centrale se rassemblent hors des institutions européennes. Le groupe de Visegrad constitué de la Pologne, de la Tchéquie, de la Slovaquie et de la Hongrie qui était en sommeil, s’est réveillé en mars 2017 suite à la crise migratoire. Ce groupe d’Etats refuse l’accord de Dublin et les quotas de migrants imposés par la Commission européenne. L’Autriche et l’Italie prennent leurs distances avec l’UE également pour les questions migratoires, mais aussi pour des raisons économiques. Le fameux couple franco-allemand n’est plus qu’un souvenir. Bref, le délitement s’accentue. Et ce n’est pas réjouissant !

 

Cette crise est avant tout une crise des valeurs. Au moment où l’on commémore le septantième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, les valeurs qu’elle proclame sont remises en cause, notamment par la question des migrants, mais aussi par la poussée communautariste et également par le durcissement des politiques répressives à l’égard des mouvements de contestations économiques et sociaux ainsi que le renforcement de l’exécutif au détriment des deux autres pouvoirs. 

 

 

 

Eleanor Roosevelt tenant la version espagnole de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

Eleanor Roosevelt tenant la version espagnole de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

 

 

 

 

Un autre aspect de cette crise de l’Union européenne est tout simplement son existence dans le monde. On se souvient de la célèbre parole du secrétaire d’Etat de Nixon et puis de Ford, Henri Kissinger : « L’Europe, quel numéro de téléphone ? » On pourrait dire aujourd’hui : « L’Europe, quelle adresse courriel ? », car elle est quasi inexistante en matière de haute technologie. Elle ne fait pas le poids devant les GAFAM (Google, Appel, Facebook, Amazon et Microsoft), ces gigantesques entreprises qui pèsent bien plus que des Etats.

 

 

Et cela ne date pas d’hier. L’Obs de la semaine du 22 novembre a publié des extraits des conversations qui eurent lieu entre janvier 1993 et décembre 1999 entre le président russe Boris Eltsine et le président US William Clinton.

 

 

À la fin de son mandat en 1999, Eltsine qui sait que Poutine va lui succéder, demande à Clinton que la Russie remplace les Etats-Unis pour protéger l’Europe ! Pourquoi ? Parce que la Russie est « à moitié européenne » … Aussi ahurissante que soit cette proposition, elle prouve une chose : dans l’esprit des deux chefs d’Etat, l’Europe n’existe pas. C’est une entité territoriale abstraite dont il faut s’assurer le contrôle.

 

 

 

William Clinton ne fit aucune concession à Boris Eltsine sur l'expansion de l'OTAN.

William Clinton ne fit aucune concession à Boris Eltsine sur l'expansion de l'OTAN.

 

 

 

D’ailleurs, leurs discussions ont toujours porté sur le « théâtre » européen. Ainsi, en 1995, au Kremlin, Eltsine s’inquiète de l’élargissement de l’OTAN en Europe : « … si vous le faites, je n’y verrai qu’une humiliation de la Russie. Comment crois-tu que nous prenions cela alors que le Pacte de Varsovie a été aboli ? Ce serait une nouvelle forme d’encerclement si un bloc militaire, survivance de la guerre froide, s’étendait jusqu’à la frontière de la Russie. »

 

 

En réalité, Eltsine ne voulait pas que l’on reconstitue les blocs. Il faut reconnaître que ses craintes étaient justifiées puisque les troupes de l’OTAN manœuvrent aujourd’hui en Estonie à proximité de la frontière russe. Clinton eut beau répondre que « la Russie ne représente pas une menace pour les pays de l’OTAN », le président russe de l’époque n’est pas rassuré d’autant plus que l’Américain veut accroître la présence de l’OTAN en Europe en l’ouvrant à d’autres pays – sous-entendu les pays d’Europe centrale. Et Clinton propose un marché : l’élargissement de l’OTAN contre une place pour la Russie au G7.

 

 

Eltsine supplie Clinton de retarder cette expansion invoquant les prochaines élections en Russie et aux USA. Clinton reste intraitable.

 

 

Malgré cela, lors d’une entrevue suivante, Eltsine demande à Clinton de s’engager à ne pas étendre l’OTAN aux anciennes républiques soviétiques comme l’Ukraine. Là aussi, le président US reste intraitable.

 

 

Résultats : l’Ukraine tout en n’entrant pas dans l’OTAN fut prête à signer un accord de libre-échange avec l’Union européenne qui aurait eu de sérieuses conséquences économiques en Russie, notamment dans le cadre de l’exportation du gaz naturel russe. Cela déclencha le conflit que l’on sait. L’Ukraine est dirigée par un président milliardaire qu’on pourrait comparer à l’Américain Trump et les nazis y font la loi.

 

 

On sait ce qu’il en est aujourd’hui : la Russie a été exclue du G7 suite à la crise en Crimée et l’OTAN est à la frontière russe. De nouvelles escarmouches ont eu lieu entre la Russie et l’Ukraine sur la Mer d’Azov. La tension est donc à son comble.

 

 

Les dirigeants de l’Organisation militaire de l’Alliance atlantique ne cessent de proclamer que la Russie représente un danger pour l’Europe alors que jamais – même à l’époque communiste – ce pays n’a exprimé la moindre velléité agressive à l’égard de l’Europe occidentale. Cela n’a pas empêché le chef de l'armée britannique a mis en garde samedi 24 novembre le Royaume-Uni contre la menace posée par la Russie, « bien plus grande » que celles posées par certains groupes djihadistes comme l'État islamique.

 

« La Russie aujourd'hui représente indiscutablement une menace bien plus grande pour notre sécurité nationale que les menaces extrémistes islamistes que représentent Al-Qaïda et le groupe État islamique », a déclaré le général Mark Cerleton-Smith, chef de l'état-major interarmes, dans un entretien au quotidien The Telegraph.

 

 

Mark Cerleton Smith, chef d'Etat-major de l'armée britannique : un atlantiste convaincu.

Mark Cerleton Smith, chef d'Etat-major de l'armée britannique : un atlantiste convaincu.

 

 

 

Cette déclaration intervient après une visite en Estonie, où des troupes britanniques sont déployées dans le cadre d'un programme de l'Otan, à quelques 150 kilomètres de la frontière russe.

 

 

« La Russie a montré qu'elle était prête à utiliser la force militaire pour défendre et développer ses propres intérêts nationaux", a-t-il ajouté. "Les Russes cherchent à exploiter la vulnérabilité et la faiblesse partout où ils la détectent ». Dans sa déclaration, le chef d’état-major britannique visait en fait l’idée d’une armée européenne voulue par le président français Macron.

 

 

Il a déclaré qu'il « ne soutiendrait aucune initiative qui diluerait l'efficacité de l'Otan » Et il a ajouté que « L'Otan représente le centre de gravité de la sécurité européenne ». Il est donc clair que le Brexit a renforcé l’atlantisme de la Grande Bretagne.

 

En lançant une proposition qui ne manque pas d’intérêt, mais qui vient beaucoup trop tôt, le président français n’a fait que jeter de l’eau au moulin de ceux qui veulent à tout prix une vassalisation de l’Europe aux Etats-Unis d’Amérique.

 

 

Résultat : les blocs que Eltsine ne voulait pas revoir sont bien reconstitués aujourd’hui avec tous les risques de graves tensions que cela comporte, le renforcement du complexe militaro-industriel US – l’affaire de l’achat des F35 par la Belgique en est une preuve – et malgré tout un risque de guerre.

 

 

Beau gâchis !

 

 

Pierre Verhas

 

 

 

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18 novembre 2018 7 18 /11 /novembre /2018 17:54

 

 

 

À force de crier au populisme…

 

… on finit par le trouver ! Le mouvement des gilets jaunes en France et même en Belgique s’est montré bien plus important que prévu par les autorités.

 

Cette mobilisation, c’était de l’inconnu : nulle structure ne se trouve derrière, ni syndicats, ni partis politiques, ni mouvements. Cela débuta par un appel sur les réseaux sociaux qui s’est répandu comme une trainée de poudre.

 

Durant la semaine, à la lecture de la presse et à l’écoute des débats télévisés codés comme le « C à voir » de France 5, on sentait une crainte. Ces Messieurs dames n’aiment pas l’imprévu. Cela les inquiète. Même le président Macron s’est permis quelques commentaires, comme sa fameuse « autocritique » qui dissimulait mal son inquiétude.

 

 

 

La mobilisation des gilets jaunes déconcerte le pouvoir.

La mobilisation des gilets jaunes déconcerte le pouvoir.

 

 

 

Certes, ces gilets jaunes ne sont guère sympathiques. C’est typiquement un mouvement antifiscal qui ne propose rien sinon supprimer une taxe sur le diesel et… pourquoi pas ? supprimer toutes les taxes ! Tout cela a un relent poujadiste et pourrait profiter à l’extrême-droite qui, jusqu’à présent, s’est montrée relativement discrète en l’occurrence.

 

Mais, il y a plus important. Les gilets jaunes, c’est la révolte de la France périphérique. Celle des campagnes et des banlieues éloignées, des laissés pour compte de la « démocratie libérale ». C’est une France qui ne s’exprime pas, la France qui n’a pas accès aux médias et, donc, qu’on oublie. Et cela est très mauvais signe. Depuis les Jacqueries au Moyen-âge, en passant par la Fronde sous Louis XIII, la contre-révolution pétainiste, jusqu’au poujadisme de l’après-guerre et aux « bonnets rouges » bretons sous la présidence de Hollande, ces mouvements incontrôlés par le pouvoir républicain ont généré des courants politiques extrémistes. Si ce mouvement des gilets jaunes s’implante, c’est ce qu’il risque d’arriver. Ce serait alors le triomphe de « l’illibéralisme » d’Orban.

 

Cependant, on ne peut suivre les critiques de ce mouvement de la part de personnages du « système » comme Daniel Cohn Bendit et Raphaël Glucksmann. « La réaction des Gilets jaunes face à la hausse des prix de l'énergie, même si je comprends certains problèmes qu'elle pose, est une erreur de fond, car à ce rythme-là on n'affrontera jamais la dette écologique. Il n'y aura jamais de moment opportun pour s'y attaquer ! » disent-ils en substance. Disons en passant qu’aujourd’hui, on considère le diesel comme bien plus polluant que l’essence, alors qu’il y a une décennie, on prétendait l’inverse !

 

 

 

Daniel Cohn Bendit devait ajouter son grain de sel.

Daniel Cohn Bendit devait ajouter son grain de sel.

 

 

 

De plus, ces Messieurs oublient un élément essentiel : les gilets jaunes sont issus des classes moyennes appauvries par la politique néolibérale de blocage des salaires et de « cadeaux » aux riches et aux entreprises.

 

Enfin, leur argument ne tient pas la route. La taxe sur le diesel n’est pas une recette attribuée. En effet, le fruit de cette taxe va directement dans les caisses de l’Etat et non à un compte qui serait consacré à une politique écologique. Alors, la fameuse « empreinte écologique » ainsi conçue n’est qu’un impôt supplémentaire !

 

La réalité est tout autre. La plupart de ces « gilets jaunes » habitent la lointaine banlieue des grandes villes contraints de les quitter avec un prix du logement inabordable. En outre, ils sont obligés pour se rendre à leur travail d’utiliser leur automobile personnelle, le plus souvent une voiture diesel parce que moins chère. On a supprimé bon nombre de lignes de chemin de fer et de points d’arrêt de sorte que les transports publics ne constituent plus une alternative au transport privé. Ils ont subi la précarisation du travail par la loi El Khomri, c’est-à-dire des CDD et des jobs précaires, la plupart d’entre eux travaillent au SMIC, voire moins.

 

La politique ultralibérale de transfert du travail vers le capital, de démantèlement des services publics et l’augmentation constante des impôts et taxes ont pour conséquence de ne plus permettre d’assurer l’essentiel pour le monde du travail et en particulier, pour les classes moyennes à faibles revenus.

 

Et il est vrai, comme l’écrit notre ami de Lyon, Bernard Gensane :

 

« Des gilets jaunes manifestent pour la première fois de leur vie. S'ils s'étaient bougés contre la privatisation de l'université, contre la réforme des retraites, contre la loi El Khomri, contre la privatisation de la SNCF, contre le bradage des aéroports français aux Chinois, contre la privatisation des barrages, contre la sélection à l'entrée de l'université, j'en passe et des pires, nous n'en serions pas là. »

 

Bien sûr, mais n’est-ce pas dû à une gauche divisée dont une partie se trouvait dans la rue et une autre au milieu des lambris du pouvoir ?

 

Le mouvement du 17 novembre a eu une grande ampleur, quoiqu’en disent les médias qui ont tout fait pour le minimiser et les propos de certaines personnalités comme l’ineffable BHL qui a affirmé que « 283.000 gilets jaunes, c’est un échec ! ». Pour un premier essai, c’est un curieux échec ! Il faut également tenir compte des violences qui étaient inévitables avec un mouvement inorganisé et une répression de forces de l’ordre de plus en plus brutale.

 

 

 

Un échec pour M. Bernard-Henri Lévy...

Un échec pour M. Bernard-Henri Lévy...

 

 

 

Tout est donc en place pour un affrontement majeur entre le pouvoir et les classes moyennes. Un gouvernement obstiné dans sa politique, la tentation d’un pouvoir fort face à une révolte qui monte et que personne ne contrôle. C’est la porte ouverte à l’aventure !

 

Il est plus que temps à gauche de se réveiller ! Cela pourrait être une question de survie.

 

P.V.

La crucifixion de Julian Assange - Ce qui arrive à
Assange devrait terrifier la presse (Truth Dig)
Une trahison de la liberté de la presse
« Ceci n’est pas un exercice. C’est une urgence. La vie de mon fils, le journaliste Julian Assange, est en danger imminent et grave. Je vous remercie tous d’entendre l’appel d’une mère qui vous demande de l’aider à le sauver. »
Ainsi s’est exprimée la mère du journaliste et fondateur de Wikileaks Julian Assange dans un appel vidéo pour dénoncer le sort qui lui est réservé et qui peut le conduire à une lente agonie au bout de laquelle, ce sera inéluctablement une mort solitaire dans la souffrance. La vidéo complète de son appel quasi désespéré est accessible ci-dessous dans le corps de l’article.
Nous reproduisons ici un article du journaliste Chris Hedges paru sur le site le « Grand Soir » le 13 novembre. Chris Hedges est un journaliste reporter américain. Ancien correspondant de guerre, il est reconnu pour son analyse de la politique américaine ainsi que de celle du Moyen-Orient. Il a publié plusieurs livres, dont le plus connu est « La guerre est une force qui nous octroie du sens » (War Is a Force That Gives Us Meaning) (2002). Il se penche ici sur le sort de Julian Assange et voit dans le traitement inadmissible qu’il subit « une trahison de la liberté de la presse ».
On a reproché à Julian Assange d’avoir outrepassé ses droits de journaliste. Hedges, fort de son expérience et de son éthique, affirme qu’il aurait agi comme lui !
Rappelons que Julian Assange alors poursuivi par la Justice suédoise pour une sordide histoire de relations sexuelles « non protégées », vivant à Londres à l’époque, s’est réfugié à l’ambassade d’Equateur afin d’échapper aux autorités britanniques qui l’auraient extradé vers la Suède avec le risque que celle-ci ne l’extrade également vers les Etats-Unis où il risquait la peine capitale pour espionnage suite aux révélations sur les crimes de l’armée US en Irak et en Afghanistan.
À l’époque, l’Equateur était dirigé par le président Rafaele Corréa qui lui a octroyé la nationalité équatorienne. Cependant, les Britanniques ont refusé qu’Assange sorte de l’ambassade pour se rendre à l’aéroport. Cela fait donc six ans qu’il vit enfermé dans ce petit bâtiment sans pouvoir sortir.
Entre temps, les choses ont changé. Corréa a été renversé par le droitier Lenin Moreno. Depuis, la situation de Julian Assange s’est gravement détériorée. Il est enfermé et ne peut communiquer avec l’extérieur. Sa santé s’est considérablement détériorée et il risque même de mourir dans cet exil quasi carcéral !
La presse ne s’en émeut guère. Seul, dans le monde francophone, le site alternatif le « Grand Soir » se mobilise. Pourtant, comme l’écrit Chris Hedges : « Le silence sur le traitement d’Assange n’est pas seulement une trahison à son égard, mais une trahison de la liberté de la presse elle-même. Nous paierons cher cette complicité. »

Et il conclut : « Assange est seul. Chaque jour qui passe lui est plus difficile. C’est le but recherché. C’est à nous de protester. Nous sommes son dernier espoir, et le dernier espoir, je le crains, pour une presse libre. »

 

Cet avertissement doit être entendu et vite !

Voici.
P.V.

Le silence sur le traitement d’Assange n’est pas seulement une trahison à son égard, mais une trahison de la liberté de la presse elle-même. Nous paierons cher cette complicité.

 

L’asile de Julian Assange à l’ambassade d’Equateur à Londres s’est transformé en une petite boutique des horreurs. Au cours des sept derniers mois, il a été largement coupé de toute communication avec le monde extérieur. Sa nationalité équatorienne, qui lui a été accordée en tant que demandeur d’asile, est en cours de révocation. Sa santé s’est détériorée. On lui refuse l’accès à soins médicaux appropriés [à l’extérieur de l’ambassade - NdT]. Ses efforts pour obtenir réparation ont été paralysés par les « règles du bâillon » [« gag rules » - Une règle de bâillon est une règle qui limite ou interdit la discussion, la considération ou la discussion d’un sujet particulier par les membres d’un organe législatif ou exécutif. - NdT], y compris les ordres équatoriens lui interdisant de rendre publiques ses conditions de vie à l’intérieur de l’ambassade dans sa lutte contre la révocation de sa citoyenneté équatorienne.

 

 

 

 

L'ambassade de l'Equateur à Londres gardée en permanence par la police britannique se transforme en une geôle pour Julian Assange.

L'ambassade de l'Equateur à Londres gardée en permanence par la police britannique se transforme en une geôle pour Julian Assange.

 

 

 

Assange : « Un problème hérité »

 

 

Le Premier ministre australien Scott Morrison a refusé d’intercéder en faveur d’Assange, un citoyen australien, même si le nouveau gouvernement équatorien, dirigé par Lenín Moreno - qui appelle Assange un « problème hérité » et un obstacle à de meilleures relations avec Washington - rend la vie du fondateur de Wikileaks dans cette ambassade insupportable. Presque tous les jours, l’ambassade impose des conditions plus dures à Assange, notamment en lui faisant payer ses frais médicaux, en lui imposant des règles obscures sur la façon dont il doit prendre soin de son chat et en lui demandant d’effectuer diverses tâches ménagères dégradantes.

Les Équatoriens, réticents à expulser Assange après lui avoir accordé l’asile politique et la citoyenneté, ont l’intention de rendre son existence si pénible qu’il accepterait de quitter l’ambassade pour être arrêté par les Britanniques et extradé vers les États-Unis. L’ancien président de l’Equateur, Rafaele Correa, dont le gouvernement a accordé l’asile politique à l’éditeur, qualifie les conditions de vie actuelles d’Assange de "torture".

 

 

 

Rafaele Corréa n'est plus d'aucun secours pour Julian Assange. Lui-même cherche à s'exiler.

Rafaele Corréa n'est plus d'aucun secours pour Julian Assange. Lui-même cherche à s'exiler.

 

 

 

Sa mère, Christine Assange, a lancé un récent appel vidéo :

 

 

 

 

 

 

Assange était loué et courtisé par certains des plus grands médias du monde, dont le New York Times et le Guardian, pour les informations qu’il possédait. Mais une fois que ses documents sur les crimes de guerre commis par les États-Unis, en grande partie fournis par Chelsea Manning, ont été publiés par ces médias, il fut mis à l’écart et diabolisé. Un document du Pentagone qui a fait l’objet d’une fuite et préparé par la Cyber Counterintelligence Assessments Branch (Direction du contre-espionnage cybernétique) du 8 mars 2008 a révélé une campagne de propagande visant à discréditer Wikileaks et Assange. Le document dit que la campagne de diffamation doit chercher à détruire le « sentiment de confiance » qui est le « centre de gravité » de Wikileaks et à salir la réputation d’Assange. Cela a largement fonctionné. Assange est particulièrement vilipendé pour avoir publié 70 000 courriels piratés appartenant au Comité national démocrate (DNC) et à de hauts responsables démocrates. Les démocrates et l’ancien directeur du FBI, James Comey, affirment que les courriels ont été copiés des comptes de John Podesta, chef de campagne de la candidate démocrate Hillary Clinton, par des pirates du gouvernement russe. Comey a dit que les messages ont probablement été transmis à Wikileaks par un intermédiaire. Assange a dit que les e-mails n’avaient pas été fournis par des « acteurs étatiques ».

 

Le Parti démocrate, qui cherche à imputer sa défaite électorale à l’" ingérence " russe plutôt qu’à la grotesque inégalité des revenus, à la trahison de la classe ouvrière, à la perte des libertés civiles, à la désindustrialisation et au coup d’Etat des entreprises que le parti a aidé à orchestrer, accuse Assange d’être un traître, bien qu’il ne soit pas un citoyen américain. Ni un espion. Et à ma connaissance, aucune loi ne lui interdit de publier les secrets du gouvernement US. Il n’a commis aucun crime. Aujourd’hui, les articles parus dans les journaux qui publiaient autrefois des articles de WikilLeaks mettent l’accent sur son comportement prétendument négligeant - ce qui n’était pas évident lors de mes visites - et sur le fait qu’il est, selon les mots du Guardian, "un invité indésirable" à l’ambassade. La question vitale des droits d’un éditeur et d’une presse libre a cédé la place à la calomnie contre la personne.

 

Assange a obtenu l’asile à l’ambassade en 2012 afin d’éviter l’extradition vers la Suède pour répondre à des questions sur des accusations d’infractions sexuelles qui ont finalement été abandonnées. Assange craignait qu’une fois détenu par les Suédois, il soit extradé vers les États-Unis [un accord d’extradition entre la Suède et les Etats-Unis autorise l’extradition d’une personne comme simple « témoin » - NdT]. Le gouvernement britannique a déclaré que, bien qu’il ne soit plus recherché pour interrogatoire en Suède, Assange sera arrêté et emprisonné s’il quitte l’ambassade pour avoir violé les conditions de sa libération sous caution.

 

 

Assange sur une « liste de cibles d’une chasse à l’homme »

 

 

Wikileaks et Assange ont fait plus pour dénoncer les sombres machinations et crimes de l’Empire américain que toute autre organisation de presse. Assange, en plus de dénoncer les atrocités et les crimes commis par l’armée américaine dans nos guerres sans fin et de révéler les rouages internes de la campagne Clinton, a rendu publics les outils de piratage utilisés par la CIA et la NSA, leurs programmes de surveillance et leur ingérence dans les élections étrangères, notamment les élections françaises. Il a révélé le complot contre le chef du Parti travailliste britannique Jeremy Corbyn par des députés travaillistes au Parlement. Et WikiLeaks s’est rapidement mobilisé pour sauver Edward Snowden, qui a exposé la surveillance totale du public américain par le gouvernement, de l’extradition vers les États-Unis en l’aidant à fuir Hong Kong pour Moscou. Les fuites de Snowden ont également révélé, de façon inquiétante, qu’Assange était sur une « liste de cibles d’une chasse à l’homme » américaine.

 

 

Un précédent juridique dangereux… Nous paierons cher cette complicité !

 

 

Ce qui arrive à Assange devrait terrifier la presse. Et pourtant, son sort se heurte à l’indifférence et au mépris sarcastique. Une fois expulsé de l’ambassade, il sera jugé aux États-Unis pour ce qu’il a publié. Cela créera un précédent juridique nouveau et dangereux que l’administration Trump et les futures administrations utiliseront contre d’autres éditeurs, y compris ceux qui font partie de la mafia qui tentent de lyncher Assange. Le silence sur le traitement d’Assange n’est pas seulement une trahison à son égard, mais une trahison de la liberté de la presse elle-même. Nous paierons cher cette complicité.

 

Même si ce sont les Russes qui ont fourni les courriels de Podesta à Assange, il a eu raison de les publier. C’est ce que j’aurais fait. Ces courriers ont révélé les pratiques de l’appareil politique Clinton qu’elle et les dirigeants démocrates cherchaient à cacher. Au cours des deux décennies où j’ai travaillé en tant que correspondant à l’étranger, des organisations et des gouvernements m’ont régulièrement divulgué des documents volés. Ma seule préoccupation était de savoir si les documents étaient authentiques ou non. S’ils étaient authentiques, je les publiais. Parmi ceux qui m’en ont transmis, il y avait les rebelles du Front de Libération Nationale Farabundo Marti (FMLN) ; l’armée salvadorienne, qui m’a un jour donné des documents du FMLN ensanglantés trouvés après une embuscade, le gouvernement sandiniste du Nicaragua ; le Mossad, le service de renseignement israélien ; le FBI ; la CIA ; le groupe rebelle du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ; l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ; le service de renseignement français, la Direction générale de la sécurité extérieure, ou DGSE ; et le gouvernement serbe de Slobodan Milosevic, qui a ensuite été jugé comme un criminel de guerre.

 

 

« Vous pouvez dire oui, mais dans ce cas vous ne pouvez pas vous qualifier de journaliste ! »

 

 

Nous avons appris par les courriels publiés par WikiLeaks que la Fondation Clinton a reçu des millions de dollars de l’Arabie saoudite et du Qatar, deux des principaux bailleurs de fonds de l’État islamique. En tant que secrétaire d’État, Hillary Clinton a remboursé ses donateurs en approuvant la vente de 80 milliards de dollars d’armes à l’Arabie saoudite, ce qui a permis au royaume de mener une guerre dévastatrice au Yémen qui a déclenché une crise humanitaire, notamment une grave pénurie alimentaire et une épidémie de choléra, et fait près de 60 000 morts. Nous avons appris que Clinton avait touché 675 000 $ pour une conférence chez Goldman Sachs, une somme si énorme qu’elle ne peut être qualifiée que comme un pot-de-vin. Nous avons appris que Mme Clinton avait dit aux élites financières, lors de ses entretiens lucratifs, qu’elle voulait " l’ouverture du commerce et des frontières " et qu’elle croyait que les dirigeants de Wall Street étaient les mieux placés pour gérer l’économie, une déclaration qui allait directement à l’encontre de ses promesses électorales. Nous avons appris que la campagne Clinton avait pour but d’influencer les primaires républicaines pour s’assurer que Donald Trump était le candidat républicain. Nous avons appris que Mme Clinton avait obtenu à l’avance les questions posées lors du débat pendant les primaires. Nous avons appris, parce que 1 700 des 33 000 courriels provenaient d’Hillary Clinton, qu’elle était l’architecte principale de la guerre en Libye. Nous avons appris qu’elle croyait que le renversement de Moammar Kadhafi lui permettrait d’améliorer ses chances en tant que candidate à la présidence. La guerre qu’elle a voulue a plongé la Libye dans le chaos, vu la montée au pouvoir des djihadistes radicaux dans ce qui est aujourd’hui un État en déliquescence, déclenché un exode massif de migrants vers l’Europe, vu les stocks d’armes libyens saisis par des milices rebelles et des radicaux islamiques dans toute la région, et fait 40 000 morts. Cette information aurait-elle dû rester cachée ? Vous pouvez dire oui, mais dans ce cas vous ne pouvez pas vous qualifier de journaliste.

 

Le dernier espoir pour une presse libre

 

 

« Ils sont en train de piéger mon fils pour avoir une excuse pour le livrer aux États-Unis, où il fera l’objet d’un simulacre de procès", a averti Christine Assange. "Au cours des huit dernières années, il n’a pas eu accès à un processus juridique approprié. A chaque étape, c’est l’injustice qui a prévalu, avec un énorme déni de justice. Il n’y a aucune raison de penser qu’il en sera autrement à l’avenir. Le grand jury américain qui produit le mandat d’extradition se tient en secret, a quatre procureurs mais pas de défense ni de juge.

 

Le traité d’extradition entre le Royaume-Uni et les États-Unis permet au Royaume-Uni d’extrader Julian vers les États-Unis sans qu’il y ait de preuve prima facie. Une fois aux États-Unis, la National Defense Authorization Act permet la détention illimitée sans procès. Julian risque d’être emprisonné à Guantánamo Bay et torturé, d’être condamné à 45 ans de prison de haute sécurité, ou la peine de mort. »

 

Assange est seul. Chaque jour qui passe lui est plus difficile. C’est le but recherché. C’est à nous de protester. Nous sommes son dernier espoir, et le dernier espoir, je le crains, pour une presse libre.

 

 

Chris Hedges

 

https://www.truthdig.com/articles/crucifying-julian-assange/

URL de cet article 34082


https://www.legrandsoir.info/la-crucifixion-de-julian-assange-ce-qui-arrive-a-assange-devrait-terrifier-la-presse-truth-dig.html

 

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